Flèche d'une case kanak © Delphotostock - stock.adobe.com.jpg
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Art kanak traditionnel

Les modes d’expression qui dominent les origines de la culture kanak sont la sculpture et les pétroglyphes. Loin d’être réservée à une époque ancestrale, la pratique de la gravure sur roche s’est poursuivie jusqu’à récemment.

La sculpture traditionnelle est étroitement liée à la case. Sur les chambranles des portes, comme sur la flèche des maisons, apparaissent des symboles protecteurs finement travaillés. Ces sculptures monumentales revêtent une fonction protectrice. Leur vocabulaire fait appel à la représentation des ancêtres, ou à l’appartenance à un clan. Le bois, matériau privilégié, est repris pour confectionner des statues plus modestes, qui peuvent aussi être en pierre. Toutes les œuvres sont stylisées, qu’elles représentent le corps humain, un visage au nez surdimensionné ou empruntent leurs motifs au bestiaire.

Le masque sculpté est en revanche destiné aux cérémonies funéraires. Celles-ci étant réservées aux chefs, le masque devient par extension un symbole du pouvoir. Les caractéristiques esthétiques du visage rappellent les ornementations des poteaux et les chambranles sculptés.

Mentionnons la tradition du bambou gravé, porteuse de l’identité kanak. Cet art prend naissance au XVIIIe siècle dans la région de Canala. Le bambou est dans un premier temps orné de simples motifs géométriques. Plus tard, au contact des Européens, des scènes sont élaborées. Gravées, elles sont carbonisées pour les incruster dans le bambou. Les Anciens archivaient par ce biais les grands moments de l’histoire de la tribu. Les voyageurs emportaient quant à eux un bambou gravé pour se protéger dans leur aventure. Du fait de la colonisation, la technique est abandonnée de force en 1917.

Tous ces aspects de la culture néo-calédonienne sont à découvrir à l’incontournable Centre culturel Tjibaou.

Apports européens

Dans les dernières décennies du XIXe siècle, une vie littéraire et artistique prend naissance en Nouvelle-Calédonie. Il faut chercher l’origine de ce développement au bagne. En effet, les condamnés forment une fanfare qui joue en public, écrivent des poèmes ou s’adonnent aux arts plastiques. Les bagnards exposent leurs créations : un certain Alexandre Bertrand dévoile ses sculptures en terre cuite, Julien Devicque réalise des lithographies des paysages de l’île. La fabrication d’objets artistiques donne lieu à une industrie clandestine. La « camelote » propose à la vente des coquillages gravés, dont ceux de Jean-Baptiste Gilet et Joseph Muller seront remarqués, ou encore des objets en os ou en noix de coco. Emile Girault réalise des dessins méticuleux de la vie au pénitencier qui constituent de précieux documentaires.

Louis Alfred Fellière et Adrien Marion peignent des scènes naïves, à l’huile sur des panneaux de bois ou des feuilles cartonnées. Si le manque de technique est visible dans leur production, quelques-uns d’entre eux font preuve de savoir-faire. Certains détenus sont des graveurs hors pair ayant basculé dans le faux-monnayage. Ils maîtrisent donc parfaitement les codes académiques et la reproduction de chefs-d’œuvre classiques.

Durant un siècle, l’art arrive en Nouvelle-Calédonie par l’intermédiaire des détenus.

Peinture néo-calédonienne

Ce sera la génération suivante, celle des descendants des colons jettera les bases d’un art néo-calédonien.

En 1904, la « Société artistique calédonienne » est fondée dans le but de promouvoir la création locale. S’il est vrai qu’elle soutient les beaux-arts, l’association tend à lisser la production en privilégiant un certain académisme. Il convient de saluer l’ingéniosité des artistes d’alors, qui ne disposent que d’un matériel limité. Pour pallier l’absence de toile, ils se tournent vers des panneaux de bois, de dimensions réduites. En l’absence d’école, ils sont tous autodidactes.

Dans ce contexte, le genre du paysage a les faveurs des artistes, séduits par la beauté naturelle des îles. De fait, les sujets sont majoritairement coloniaux, et laissent de côté la vie des tribus, le quotidien des Kanaks.

Mascart, père et fils

Les populations autochtones ne feront leur apparition dans les tableaux qu’à la période de l’entre-deux-guerres, sous le pinceau de Paul et Roland Mascart.

Le douanier Paul Mascart, né en 1874 à Rouen, participe en France métropolitaine à des expositions collectives. Puis il est nommé à Nouméa entre 1929 et 1935. Il réalise durant ce séjour de nombreuses huiles et aquarelles, qui seront exposées sur place puis à son retour, à l’occasion de l’exposition internationale de Paris. Le Musée du Quai Branly à Paris conserve plusieurs de ses paysages, dont Rade de Nouméa.

Mascart documente le quotidien et la population kanak, comme on le voit dans Case kanak. Dans ses paysages, son style impressionniste évolue vers un modernisme plus radical. Ses portraits sont quant à eux des instantanés d’une grande profondeur, toujours pris sur le vif. La démarche de Mascart, qui vit en immersion dans les tribus, mérite le terme d’ethnographique.

Son fils Roland Mascart (1909-1988), également peintre, est aussi photographe. L’un et l’autre sont qualifiés de « peintres de la lumière calédonienne ». Par son style, son regard sur la population indigène et sur la nature, il marche sur les pas de son père. Cependant, il évolue vers une peinture fauve. De fréquentes expositions lui sont dédiées sur l’archipel comme en métropole. Une rétrospective de son travail s’est déroulée en 1975 au Musée de Nouvelle-Calédonie. Ce lieu, consacré à l’héritage mélanésien, se concentre sur la culture kanak à partir des années 1930.

Peinture

A leur suite, de nombreux plasticiens défendent le patrimoine du Caillou. Citons Marcel Pétron (1927-1998), artiste-peintre, auteur du blason de la ville de Nouméa.

André Deschamps (1909-1980) peint dès les années 1930 des portraits de Kanaks, et plus ponctuellement, des panoramas de Nouméa et des natures mortes. Très tôt, le magistrat Eric Rau sélectionne plusieurs de ses créations et celles des Mascart pour assembler son ouvrage Institutions et coutumes canaques. Pendant la guerre, Deschamps est envoyé en France où il restera enseigner le dessin et la peinture à Tarbes. La nostalgie lui inspire sans doute deux tableaux de grandes dimensions, qu’il réalise dans les années 1950. L’une représente une danse collective kanak, dans des tonalités colorées. L’autre, une scène nocturne dans la brousse, est éclairée par un feu de camp qui répand une lumière exceptionnelle sur les personnages et la végétation. Colons et kanaks écoutent un conteur central.

Renouveau de l’art kanak

L’année 1986 est celle de l’officialisation, à la faveur de l’exposition d’art kanak contemporain : « Art Kanak ».

Les techniques et les symboliques de la sculpture traditionnelle se retrouvent dans la production contemporaine, mais adaptées aux préoccupations de la société actuelle. Un inventaire a recensé en 1990 une centaine d’artistes kanaks.

Certains contemporains, par ailleurs peintres, se sont spécialisés dans l’art du bambou gravé comme Gérard Bretty (1947-2007), Micheline Néporon, Paula Boi Gony, Kofié Lopez Itréma, Stéphanie Wamytan, Yvette Bouquet.

Professionnalisation

Quatre femmes kanak sont considérées comme des pionnières : Paula Boi-Gony (née en 1963), Yvette Bouquet (née en 1955), Micheline Néporon (née en 1955) et Denise Tiavouane (née en 1962). Au mépris du système patriarcal, elles sont parvenues à opérer une percée rapide dans le milieu de l’art contemporain, et ce bien au-delà des frontières.

Elles font leurs premiers pas sur la scène artistique dans les années 1980. Soit peu de temps après Mélanésia 2000, le premier festival des arts mélanésiens, qui s’est déroulé en 1975. C’est donc au cœur de la renaissance culturelle qu’elles intègrent l’Académie de la peinture de Nouméa. Là, elles reçoivent les enseignements de Jean-Pierre Le Bars. L’une d’elles, Micheline Néporon poursuit ses études à Bordeaux, les autres se familiarisant sur place avec des cultures étrangères.

A leurs débuts, elles réalisent exclusivement des scènes figuratives. Paysages, légendes et scènes du quotidien sont retranscrits au dessin ou en peinture. Elles sont à l’origine de la renaissance de la technique du bambou gravé, à l’initiative de Paula Boi-Gony. Loin de renouer avec des thématiques ancestrales, elles développent des questions actuelles comme celle de l’identité. La politique tient une place croissante dans leur démarche, qui s’oriente vers un militantisme féministe. En 2017, Denise Tiavouane organise l’exposition « Totems » avec Juliette Pita et Réapi Blyde. En 2018, l’exposition « Femmes » réunit autour de son travail Juliette Pita et Paula Boi.

En outre, elles participent à la reconnaissance du statut d’artiste en Nouvelle-Calédonie. Depuis 2012, ce combat est relayé par la Case des artistes.

Art contemporain

L’ADCK - Centre culturel Tjibaou a accueilli un fonds d’art contemporain inestimable : le FACKO ou Fonds d’Art Contemporain Kanak et Océanien. Un millier d’œuvres couvrent toute la diversité de la créativité mélanésienne. Peinture, photographie, sculpture, art vidéo et installations attestent d’un renouvellement permanent des inspirations.

Le Festival des Arts du Pays regroupe artisans, plasticiens, arts vivants et vidéo. La sculpture sur bois ne perd pas de son dynamisme. Calixte Ourignat, originaire de la tribu de Borendi à Thio, perpétue les thèmes de la tradition kanak. Marie-Jeanne Nemba et Alexandre M’Boueri réalisent des tableaux de sable ; Mériba Kare, après une formation à Melbourne, s’est spécialisée dans la photographie.

Parmi les lieux dédiés, la galerie Arte Bello à Nouméa rassemble sur 320 m² un espace d'exposition temporaire, une collection permanente et un atelier. Plusieurs centres culturels disposent d’une salle d’exposition dont le Centre culturel de Voh, le centre culturel de Dumbéa et son Studio 56. Haut lieu de la création, les artistes viennent de toute la Nouvelle-Calédonie pour monter des spectacles et présenter les œuvres les plus originales !