Découvrez Porto Rico : Beaux-Arts (Peinture / Sculpture / Street Art / Photo)

Cinq siècles de brassage culturel se traduisent à Porto Rico par un patrimoine foisonnant. Traditions espagnoles, américaines et africaines sont venues enrichir les racines taïnos. Convoité par tous les empires, l’archipel caribéen est demeuré une colonie espagnole jusqu’en 1898. L’empreinte européenne, en particulier le baroque espagnol, a longtemps guidé le pinceau des peintres portoricains. Désormais, on chuchote que la créativité est la grande force des habitants des îles. De fait, l’art est partout présent. Pour le plus grand bonheur des visiteurs, les arts offrent une approche multifacette d’une culture encore trop méconnue. Ponce, qualifiée de ville des musées, réserve des collections d’art international et local. San Juan donne rendez-vous au design et à l’art contemporain d’Amérique latine. Une riche histoire à découvrir dans des collections entourées de jardins paradisiaques. Que demander de plus ?

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Débuts de la peinture

Le premier peintre portoricain notable se nomme José Campeche y Jordán (1751-1809). Né et décédé à San Juan, ce peintre de style rococo a recours à une palette inspirée des paysages de son île natale. Son père, un esclave affranchi, restaurait des statues religieuses. A sa suite, José Campeche apprend la technique artistique dans l’atelier de Luis Paret y Alcazár, peintre de cour espagnol du baroque tardif.  

Campeche s’illustre dans la peinture religieuse. Cependant, les portraits de personnages éminents de la haute société, qui apprécie fort son talent, font sa notoriété. Même si, avouons-le, ses modèles manquent un peu de souplesse, il demeure un peintre rococo reconnu, d’où le nombre d’écoles et de rues qui portent son nom.

Art et histoire

Malgré les événements marquants qui ont jalonné le XIXe siècle comme le Grito de Larès, la révolution pour l’Indépendance de 1868, l’abolition de l’esclavage en 1873 ou l’Autonomie accordée par l’Espagne en 1897, la peinture d’histoire est quasi absente de la culture porto-ricaine. De rares exceptions méritent d’être mentionnées.   

L’artiste barcelonais Manuel Cuyas Agullo, actif à Porto Rico dans la deuxième moitié du XIXe siècle, peint Le Débarquement des Américains à Ponce, le 27 juillet 1898.

Pour sa part, Manuel E. Jordan (1853-1919) signe une Escena de la Guerra Hispanoamericana (1898). Cependant, la scène de bataille navale semble être un prétexte pour s’adonner à la peinture de paysage. Ce genre, ainsi que les natures mortes et les portraits, était alors prisé, peut-être en raison de la beauté des îles. Manuel Jordan peint aussi le charme des villages et de la côte, comme on peut le découvrir dans ses huiles sur bois conservées au Museo de Arte de Puerto Rico ou encore dans Desde la Muralla visible à l’Instituto de Cultura Puertorriqueña. Peintre et musicien, il est le disciple le plus brillant de Francisco Oller. Seul peintre d’Amérique latine à avoir contribué de manière significative à l’émergence de l’impressionnisme, Oller (1833-1917) le sensibilise aux jeux de lumière et aux couleurs des Tropiques.

Dans le petit groupe de peintres qui succèdent à Campeche, Ramón Atiles y Pérez s’exerce en recopiant ses œuvres. Acclamé en tant que miniaturiste, il se fait connaître pour ses portraits d’un intense réalisme.

Modernisme

Une vague d’artistes séjourne en Europe. Très jeune, le peintre José R. Oliver, né à Arecibo en 1901, quitte son île natale pour l’Espagne, en famille. A Barcelone, il étudie la chimie et les arts plastiques. A 35 ans, il revient à Porto Rico, où il ouvre un atelier d’art avec Oscar Colon Delgado. Il se consacre alors à la peinture jusqu’en 1955, date à laquelle il est nommé directeur de l’école d’art de San Juan. Il occupe ce poste jusqu’en 1975. Oliver réalise de nombreuses fresques. Il peint aussi bien des scènes historiques que des paysages dans un style géométrique qui n’est pas sans évoquer le cubisme. Les sujets sont fragmentés, réorganisés par plans superposés agencés de manière dramatique. Son style graphique est un subtil jeu d’équilibre. Oliver a notamment exposé au Museo de Arte e Historia de Arecibo en 2015 et a intégré la collection permanente du Museo de Arte de Ponce. Ce musée, ouvert en 1965, rassemble près de cinq mille œuvres, peintures, sculptures, photographies entre autres. C’est l’une des plus intéressantes collections d’art contemporain de toutes les Caraïbes.

Avant-garde

Artiste féministe, Zilia Sánchez est en avance sur son temps. Née en 1926 à La Havane (Cuba), Zilia choisit de s’installer à Porto Rico dès les années 1970. A son arrivée, elle réalise des peintures murales pour les habitations et les bâtiments publics de la capitale. Elle insiste sur son homosexualité qui, pour elle, définit son travail. Les titres de ses expositions sont évocateurs : en 2000 Heroic/Erotic a lieu au Museo de las Américas à San José, Heróicas Eróticas en Nueva York (2014)...

Dans sa jeunesse, Sánchez séjourne à New York. Là, elle côtoie les minimalistes Donald Judd, Frank Stella et Carl Andre. Durant cette période, elle commence à réaliser des œuvres en relief, des formes abstraites qui émergent d’une toile. Elle ajoute bien vite la touche de sensualité qui la rend si reconnaissable. Son œuvre a été saluée à la Biennale de Venise en 2017.

L’univers de Villamil

Rafael Villamil (né en 1934) grandit à Santurce. En autodidacte, il pratique le dessin et la peinture. Il s’établit en tant qu’architecte à Philadelphie en 1963. Il entretient toutefois une relation complexe au continent américain. Ses modèles sont les peintres réalistes mexicains comme Siqueiros et Orozco ; il admire aussi les introspectifs Magritte et Chirico. Cette qualité se ressent dans ses œuvres, qui allient peinture, collage, et crayons de couleur. L’exposition itinérante « Paradise has no memory » a présenté en 2019 ses grands formats, des explosions de couleur truffées de détails énigmatiques.

Arnaldo Roche Rabell

Un des représentants majeurs du néo-expressionisme, Roche Dabell est un enfant de San Juan. Sa technique repose sur une superposition d’épaisseurs de couleurs vives, recouverte de noir puis grattée à la spatule.  Les images texturées se révèlent ainsi en produisant un effet spectaculaire. Si la politique et l’identité nationale comptent parmi ses thèmes de prédilection, le geste même de peindre est primordial pour lui. Né en 1956, il étudie l’architecture à Porto Rico, puis intègre l’Art Institute de Chicago. Dès lors, il se consacre exclusivement à la peinture jusqu’à ce que la maladie l’emporte en 2018.

Ses œuvres font partie des collections les plus prestigieuses du monde comme le Miami Museum of Art, le Museo de Arte Contemporáneo (MAC) à San Juan, et le Met de New York.

Street-art

L’art de rue est célébré durant le festival Santurce Es Ley, à San Juan. Dans ce quartier autrefois délaissé, d’immenses fresques attestent d’une maîtrise ahurissante. Restons là à arpenter Santurce, qui reprend vie grâce à l’art urbain. Sur un long mur à l’angle de la Calle Cerra et de la Calle Aurora, Christophe Colomb débarque sur un océan de cadavres. Il s’agit de l’une des premières œuvres d’art public porteuse d’un message politique. Depuis sa réalisation par le collectif El Basta en 2014, les prises de position se multiplient. A découvrir le long de Cerra… et un peu partout !

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