Découvrez les Açores : Les enjeux actuels

L’unité des Açores est une réalité complexe ; son histoire récente montre qu’il est impossible d’imaginer une unique capitale politique pour gouverner l’ensemble de l’archipel compte tenu de la spécificité de chaque île. Côté économie, les choses ne sont pas simples non plus… Leur rôle d’escale obligatoire ayant pratiquement disparu depuis l’avènement des vols transatlantiques, les Açores ont perdu une bonne part de leurs richesses et les compensations accordées par les États-Unis et la France après la réduction de leur présence militaire ne suffisent pas à leur redonner la splendeur passée. L’archipel faisait partie des sept régions les plus défavorisées de l’Union jusqu’à l’entrée des pays d’Europe de l’Est en mai 2004. L’économie repose aujourd’hui principalement sur l’agriculture, la pêche et bien évidemment sur le tourisme. C’est l’une des priorités du gouvernement. Mais combien de temps l'archipel restera-t-il préservé ?

Des pouvoirs politiques divisés

Le gouvernement régional, l'organe exécutif, siège à Ponta Delgada, sur l’île de São Miguel (l’île la plus importante, avec 75 % de l’économie et 54 % de la population). Il est dirigé par un président élu (en fait, il est le numéro un du parti qui remporte le plus de voix aux élections législatives), accompagné de neuf secrétaires ayant chacun un domaine d’étude : finances, administration publique, travail, affaires sociales, tourisme, transports, etc. Ces secrétaires ont leurs bureaux à São Miguel, à Faial et à Terceira. L'assemblée régionale, détentrice du pouvoir législatif, se tient à Horta, sur l’île de Faial. Elle est composée de 57 députés élus tous les quatre ans, au prorata de la population de chaque île. La Cour suprême, haute chambre du pouvoir judiciaire, siège à Angra do Heroísmo, sur l'île de Terceira. Par ailleurs, un ministre de la République portugaise est chargé de représenter les intérêts du continent dans l’archipel et de l’aviser des volontés des Açoriens. Il réside à Angra do Heroísmo, sur l’île de Terceira.

Un fonctionnement pourtant bien rodé

La dispersion des autorités politiques assure un équilibre plutôt efficace ; l’important étant de satisfaire les petites vanités de chacun, parfois légitimes, et surtout de donner l’impression qu’aucune partie de l’archipel n’est mise à l’écart. En ce qui concerne le fonctionnement de ces institutions, le gouvernement régional est responsable devant l’Assemblée régionale, qui élit cinq députés au Parlement de Lisbonne. L’archipel est autonome en ce qui concerne l’économie, par exemple, mais l’éducation, la santé, l’armée, la police ou la justice relèvent du gouvernement national de Lisbonne. Localement, chaque île est divisée en plusieurs concelhos, ou districts ; il en existe six par exemple à São Miguel, et seulement un sur une île plus petite comme Corvo. Les partis politiques aux Açores sont les mêmes que les partis nationaux portugais, avec des sensibilités locales légèrement différentes. José Manuel Bolieiro, le président actuel de la région autonome des Açores, est membre du PSD.

Une économie fragile

Recentrée autour de l’agriculture et de la pêche – et de plus en plus du tourisme – l’économie açorienne tente le pari d’un développement harmonieux et respectueux d’une nature somptueuse qui reste la principale richesse des îles. L’administration, directement ou via Lisbonne, ou les aides européennes, distribuent une bonne part des revenus des habitants et, si l’on n’y est en général pas pauvre, le luxe est rarement présent aux Açores. Les Açores, tout comme Madère, sont considérées comme des régions ultrapériphériques, un terme consacré juridiquement par le traité d’Amsterdam et qui recouvre des spécificités géographiques, climatiques et socio-économiques au sein de l’Union européenne. Les fonds sont débloqués conjointement par l’État portugais et l’Union européenne et visent à l’amélioration des infrastructures, à la promotion des secteurs productifs générateurs d’emplois et au développement des ressources humaines.

Des subventions bien présentes…

Pour la période 2007-2013, le Portugal a reçu de l’Union européenne 21,5 milliards d’euros pour sa politique d’aide et de développement aux régions. Les Açores ont perçu environ 960 millions d’euros pour l’ensemble de la période. En juillet 2014, la Commission européenne a signé un nouvel accord de partenariat avec le Portugal pour la période 2014-2020, toujours dans le but de soutenir ses régions ultrapériphériques. 21,46 milliards d’euros sont ainsi octroyés au pays dans le cadre de la « mobilisation des Fonds structurels et d’investissement de l’UE ». Des fonds supplémentaires seront destinés au développement rural, au secteur maritime et de la pêche. Un changement notable dans la gestion des fonds est à souligner : les gouvernements locaux devront désormais gérer près de 40 % des fonds, contre 25 % dans le programme précédent. Parallèlement, pour améliorer la situation économique de l’archipel, des concessions ont été acceptées par le gouvernement national : la TVA y est de 5 %, 10 % ou 18 % suivant les secteurs (6 %, 13 % et 23 % sur le continent). Les personnes privées et les entreprises bénéficient de remises d’impôt ; une zone franche a été instituée à Santa Maria…

… et une réussite impressionnante

Sous le regard tout d'abord critique puis incrédule, voire irrité de la Commission européenne, les résultats obtenus par le Portugal font pâlir d'envie bon nombre de dirigeants politiques de l'Europe du Nord, encore englués dans leur politique de libéralisme à tous crins. En un peu plus de deux ans, le Portugal passe du statut « mauvais élève de l'Europe » à celui de « Premier de la classe ». L’investissement visant à améliorer la qualité de vie des habitants est massif. Construction de routes pour désenclaver les zones de l’intérieur, création ou amélioration de centres de santé, adduction d’eau et développement d’un réseau d’égouts font partie des nécessités élémentaires dans certaines régions de l’archipel. On a aussi construit de nouveaux aéroports – aujourd'hui, chaque île en possède un –, on en a agrandi d’autres, toujours dans l’idée d’ouvrir l’archipel vers l’extérieur. Un effort est également consacré à l’éducation. Les Açores sont désormais dotées de plusieurs universités et l’on construit un peu partout ou bien on agrandit écoles et lycées. L’université des Açores est d’ailleurs mondialement connue pour son département d’océanographie et de pêche.

Les secteurs qui rapportent

L’agriculture (notamment l’élevage), la pêche et les industries agroalimentaires (produits lactés, conserves, boissons, tabac) sont, sans surprise, les trois secteurs qui se taillent la part du lion sur l'archipel. La modernisation des installations et l’amélioration de la qualité sont les deux priorités majeures. Reste toutefois à sauvegarder l’équilibre précaire d’une économie rurale qui a toujours vécu en petites dimensions, et où le métier de pêcheur ou d’agriculteur impliquait la préservation d’une nature généreuse grâce à un rythme d’exploitation modéré. Les fonds marins se soucient malheureusement assez peu des quotas européens et la chaîne qui va de la barque du pêcheur à la table du consommateur devra trouver dans sa nécessaire modernisation une façon de ne pas détruire un jeu complexe de marchés locaux qui permet aujourd’hui de maintenir vivants les petits villages.

Le tourisme a le vent en poupe

Le développement du tourisme est l’une des priorités du gouvernement régional. Il n'y a pas encore l’urbanisation sauvage comme autour de Funchal à Madère – pourvu que cela dure ! –, mais Ponta Delgada a beaucoup changé ces dernières années. Une marina moderne y a été construite, offrant aux touristes restaurants et boutiques de standing, et de nombreux hôtels ont vu le jour. A l’intérieur des terres, des structures dites de « tourisme rural » sont en pleine expansion et se prêtent particulièrement bien au cadre et à l'atmosphère de l'archipel. Pour accueillir davantage de visiteurs, on a augmenté le nombre de vols inter-îles, encouragé les voyages en bateau, et le gouvernement a décidé depuis peu d'ouvrir ses lignes aériennes à la concurrence ; des liaisons low-cost relient désormais les Açores au continent. De grands projets immobiliers ont également été lancés afin de séduire les investisseurs. Mais à trop vite vouloir progresser, l'archipel pourrait bientôt, malgré lui, se trouver face à une problématique touristique inévitable : s'il constitue aujourd'hui un véritable paradis pour les voyageurs en mal d'authenticité et pour les randonneurs en quête d'une nature sauvage et luxuriante, la hausse souhaitée de l'afflux touristique ne risque-t-elle pas, à terme, de menacer l'esprit des Açores ?

Les enjeux actuels

Les Açores souffrent avant tout d'une grande dépendance économique envers la métropole portugaise et l'Union européenne. Au lendemain de la grave crise que ces derniers ont traversée, cette dépendance reste entière. Cependant, il paraît difficile dans l'immédiat d'envisager une économie plus affranchie : la position insulaire, la faiblesse démographique et l'orientation agricole et maritime ne peuvent guère faire place à une diversification rapide. On peut néanmoins rappeler que l'archipel est capable d'une relative autarcie en raison de l'importance de ces mêmes secteurs. Le tourisme, en pleine mutation, est l'enjeu majeur de ces prochaines années. A l’heure actuelle, les Açores ne sont pas encore envahies par le tourisme de masse. Mais depuis mars 2015, le tourisme açorien a reçu un sacré coup de fouet grâce à l'ouverture des liaisons aériennes à la concurrence. Dès le mois d'avril, l'aéroport de Ponta Delgada enregistrait une hausse de fréquentation des passagers de plus de 33 %. Un bouleversement qui a immédiatement questionné la possibilité d'un tourisme écologique durable. Manifestation concrète de l'inquiétude grandissante des Açoriens face à la politique menée par le gouvernement des Açores, c'est une coalition menée par le parti de l'opposition, le PSD, qui a remporté les élections régionales du 25 octobre 2020, mettant ainsi fin à presque 30 ans de gouvernance du PS aux Açores.

L’importance de préserver la nature

Personne aux Açores ne veut que l’archipel ne ressemble un jour aux Canaries, ni même à Madère, dont la politique d’investissement touristique est largement critiquée. On veut préserver le côté naturel de l’archipel, sa beauté sauvage ; l’idée est d'attirer des touristes aisés et amoureux de la nature. Calme et harmonie, voilà un credo qui convient parfaitement aux investisseurs et aux professionnels du tourisme local. A l’heure actuelle, l’objectif est de limiter à 15 000 le nombre de lits dans l’archipel (contre 35 000 à peu près pour Madère). Autre challenge, séduire les touristes en hiver ! A cette période de l’année, on ne croise presque aucun visiteur. Il est possible que la météo soit peu estivale malgré des températures plutôt douces, mais il est très probable aussi qu’au milieu de journées un peu sombres, vite écoulées dans les très beaux musées ou dans un petit bistrot, de soudaines éclaircies fassent leur apparition. Se défaire de ce tourisme inégal fait partie des enjeux touristiques de l’archipel.

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