Premières œuvres
L’art açorien s’est forgé une identité à une date relativement récente. Les premières formes d’expression artistique restent religieuses et longtemps liées aux premières populations. L’art flamand domine durant de longues décennies, et cela sous deux formes. Pour la plupart, les œuvres sont directement importées des ateliers d’Anvers, Bruxelles ou Malines pour orner les édifices religieux. Les œuvres flamandes importées les plus célèbres sont la statue de Notre-Dame des Miracles, de l’église de Vila Nova do Corvo et la Descente de croix de l’église d’Altares à Terceira. En second lieu, les Açoriens commencent à copier ou à s’inspirer des artistes flamands. L’influence flamande se fait clairement sentir dans le triptyque de saint André, qui orne l’église de Nossa Senhora da Estrela, sur l’île de São Miguel, et dans le Triptyque de l’Adoration des mages, conservé au musée d’Angra.
L’art religieux s’expose au musée d’art sacré de Velas, développé grâce aux acquisitions du Père Manuel Garcia Silveira. Situé dans les annexes de l'église Matriz de Velas, il donne à voir de précieux instruments liturgiques, des images sacrées, des sculptures et des photographies, allant du XVIe au XXe siècle.
Baroque
Le baroque, arrivé plus tard que dans le reste de l’Europe, se développe dans les Açores avec une extravagance enrichie par les artisanats prisés sur les îles. L’intérieur des édifices religieux érigés aux XVIIe et XVIIIe siècles fait preuve d’une exubérance décorative inouïe aussi bien dans la sculpture, la peinture, le mobilier, l’orfèvrerie que la céramique. Mais ce qui caractérise l’art açorien est le travail des boiseries et l’association à l’art des azulejos qui connaît son apogée durant cette période.
L’un des plus somptueux exemples d’art religieux açorien se trouve dans l’église de Santa Barbara, bâtie au bord de l’océan, face au Pico. Sa première partie remonte à la fin du XVe, soit le début de la colonisation de l’île de São Jorge. Classée monument national, elle renferme des azulejos qui retracent la vie de la sainte patronne de l’église. Saint Georges, le Saint-Esprit et sainte Barbara se retrouvent dans les ornements du splendide plafond en bois de cèdre. Les pilastres, les entablements, la statuaire et les panneaux d’azulejos composent une richesse décorative sans pareil.
Autre modèle du genre, le retable doré et les azulejos baroques représentant la Passion du Christ d’Antonio de Oliveira Bernardes, au Couvent de Nossa Senhora da Esperança. Fondé au XVIe siècle au Ponta Delgada, il abrite le Christ des Miracles qui fait accourir les pèlerins lors de la fête de Santo Cristo. De nombreux émigrants reviennent à cette occasion et se joignent aux pèlerins durant la procession en l’honneur du saint protecteur.
Les trois nefs de l’église Saint-François de Horta bénéficient également de riches ornements baroques. Des panneaux d’azulejos du XVIIIe siècle ornent le chœur embelli de splendides dorures. Toutes les îles recèlent des joyaux baroques. Sur Terceira, Angra do Heroísmo, dont le centre historique est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, possède des œuvres remarquables. Pour la période baroque, le Couvent de São Gonçalo et son « église en or » sont parés de superbes boiseries sculptées et dorées. Le Musée d’Angra do Heroísmo, installé dans un couvent franciscain depuis 1949, propose une exposition permanente en quatre parties, parmi lesquelles des œuvres açoriennes et des peintures sur bois des XVIe et XVIIe siècles. Les Açores sont racontées à travers un rassemblement hétéroclite d’œuvres et d’objets : jouets, instruments de musique, appareils photo, dessins et gravures, pièces de monnaie, instruments nautiques, art militaire, arts décoratifs s’unissent aux éléments architecturaux, aux sculptures et tableaux pour dresser un portrait de la culture açorienne.
Outre le musée, le couvent abrite l’église de São Francisco, connue sous le nom d’église de Nossa Senhora da Guia, remarquable exemple de l’architecture religieuse du XVIIIe siècle. Ses sculptures, ses statues et ses panneaux d’azulejos constituent un cadre exceptionnel.
XIXe siècle, les premiers peintres
La bourgeoisie enrichie par le commence d’oranges fait appel à des artistes locaux pour embellir les habitations et réaliser des portraits de famille. Le musée Carlos Machado, qui combine art moderne local et art sacré, présente des portraits de facture açorienne. Du XIXe siècle, des scènes de genre colorées et des bustes classiques de personnalités locales côtoient des portraits d’un réalisme social puissant tels que L’Estropié de Duarte Faria e Maria. La collection possède également des œuvres contemporaines, dont de l’art conceptuel comme Iles Emaladas, de Tomaz Vieira qui interroge la notion d’appartenance à une île.
Dans tout le Portugal, les trois dernières décennies du XIXe siècle représentent une période de changements esthétiques alors que la nation tente de redéfinir une culture et une identité portugaise, phénomène d’autant plus complexe dans les îles. En Europe, l’art italien perd de son attrait et l’influence française se renforce. De nombreux artistes açoriens partent étudier à Paris et entrent en contact avec les nouvelles tendances : l’école de Barbizon et l’art de Courbet, Daubigny, Degas et Manet. Ainsi, les peintres s’attachent à un rendu réaliste de leur environnement, sans essayer d’immortaliser ou d’accentuer ses charmes. Les gens du quotidien sont érigés en modèles. António da Silva Porto, João Marques de Oliveira, Henrique Pousão, José Julio de Sousa Pinto et Artur Loureiro (qui part travailler en Australie de 1884 à 1904) sont les premiers à adopter cette nouvelle ligne artistique.
Quelques artistes du XXe siècle
Le sculpteur Canto da Maia (1890-1981) est considéré comme la figure de proue du modernisme portugais. Marqué par une extrême sensibilité, il se partage entre les Açores, Lisbonne et Paris. A partir des années 1930, il reçoit des commandes de la commission nationale, dans le cadre des programmes de l'Estado Novo, et réalise des sculptures à grande échelle. Il revient s’installer aux Açores en 1953, dans sa ville natale. Le Musée Machado consacre une salle d’exposition permanente dès 1976 à ses sculptures empreintes de grâce.
Domingos Rebelo (1891-1975) est probablement le peintre le plus emblématique des Açores. Marqué par son éducation religieuse, il montre dès l’enfance des facilités pour le dessin et la peinture. Bien que les démarches picturales de Cézanne et de Matisse le marquent durant sa formation à Paris, son art reste fortement connecté aux Açores. Il dépeint comme personne les traditions de son peuple, le monde rural, ses danses et ses festivités. Sa série Os Emigrantes fait partie intégrante de l’imagerie açorienne. En dépit de ses nombreux voyages et de sa carrière à Lisbonne, Domingos Rebelo a toujours gardé un pied aux Açores.
José Nuno Monteiro da Câmara Pereira, né sur l’île Santa Maria (1937-2018) mena en parallèle une carrière d’enseignant. Artiste multifacette, il est l'un des artistes plastiques portugais majeurs des années 1970 et 1980 et a bénéficié de nombreuses expositions individuelles que ce soit en peinture, installation, vidéo, sculpture ou encore céramique. Suite à son retour aux Açores en 1994, il s’investit dans des projets publics. Il réalise notamment une œuvre monumentale pour la Pousada de Angra do Heroísmo, sa ville de résidence. Dans l’idée de relier l’archipel à la scène internationale, il anima l'Oficina d'Angra et le Centre Résidentiel pour Artistes.
De nos jours
De nombreuses initiatives attestent du dynamisme de la scène artistique açorienne, qui reste attachée à l’environnement et à ses traditions. Le festival Walk & Talk connaît son point d’orgue tous les mois de juillet. Des graffeurs du monde entier sont alors invités à Ponta Delgada pour réaliser des performances à travers la ville. Les œuvres sont ensuite conservées sur les murs et le mobilier urbain. Les Açores ont leur maître du street art en la personne de Pantónio, né en 1975. Il est reconnu sur la scène internationale pour les fresques qu’il réalise à travers le monde. Il a laissé en France la plus grande peinture murale d’Europe, des poissons remontant les 66 mètres de hauteur de la tour Sienne, dans le 13e arrondissement de Paris. Son style se distingue par ses lignes simples et fluides, et une prédominance de bleu et de noir.
Ponta Delgada dispose depuis 2001 d’un centre culturel établi dans une maison du XVIIe siècle. La galerie d’art du Centro Municipal de Cultura de Ponta Delgada abrite des expositions temporaires mélangeant toutes les disciplines.
Les passionnés ne repartiront pas sans avoir admiré la surprenante bâtisse du Centre d’art contemporain Arquipélago, une ancienne fabrique d’alcool et de tabac. Ce lieu transdisciplinaire soutient la culture émergente avec ferveur.
La Galerie Costa, dirigée par l’association d’artistes locaux MiratecArts, est à l’initiative d’un projet qui conjugue à merveille nature et culture. Un parcours jalonné d’une douzaine d’œuvres d’art exposées aux quatre vents est proposé à travers les vignes, le long d’un sentier d’un kilomètre sur l’île de Pico. La scène alternative se donne rendez-vous à Arco 8, bar doublé d’une galerie d’art et d’une scène musicale. Pour satisfaire les yeux, les oreilles et les papilles à Ponta Delgada.
L’art photographique s’impose timidement aux Açores. Signalons le travail empli de sensibilité de Pepe Bix, primé aux quatre coins du monde pour ses portraits de pêcheurs, « nos derniers héros ». Le photographe, né aux Açores en 1984 dans l’île de Santa Maria, a voyagé jusqu’à Terre-Neuve pour documenter le monde par le biais de son objectif. Ce n’est pas anodin si son compatriote, le photographe Francisco Salgueiro, a également choisi de devenir un artiste itinérant, et a consacré une série émouvante aux gens du cirque.