Madériens au marché de Funchal © 3quarks - iStockphoto.com.jpg

Une population d'origine européenne

Au XIVe siècle, les tout premiers colons venus des régions du sud du Portugal - Algarve et Alentejo principalement - débarquent sur l’archipel et s'installent le long des cours d’eau. Cette toute première vague de colonisation va profondément marquer l’agriculture, mais aussi l'organisation urbanistique de l'île : aujourd’hui encore, l’exploitation agricole typique de Madère est organisée autour de l'unité que représente la maison familiale, empêchant tout regroupement trop important d'habitations. Si, à l’époque impériale, la politique coloniale du Portugal était celle du métissage avec les indigènes des terres colonisées, Madère étant vierge d’habitants, la grande majorité des Portugais que l'on rencontre de nos jours sur l'archipel sont très peu voire pas métissés, et parlent, à quelques nuances près, un portugais continental. Certes, quelques métissages avec des descendants d'esclaves africains – qui furent amenés vers le milieu du XVe siècle pour travailler dans les champs de canne à sucre – eurent lieu, mais de manière quasi anecdotique. Les esclaves africains de Madère furent donc assez rapidement emmenés vers le Nouveau Monde, emportant avec eux la richesse de leur culture. Attirés par des rumeurs de ports, ce sont ensuite des travailleurs espagnols et italiens, essentiellement venus des régions pauvres de leurs pays d'origine, qui rejoignent l'île, suivis dès la fin du XVe siècle par Bourguignons et Flamands. Au siècle suivant, exclus d'Espagne par les rois catholiques, juifs et Arabes viennent se réfugier dans l'île, puis c'est au tour des Anglais de poser leurs bagages à Madère vers la fin du XVIIe siècle. C'est donc essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, une population européenne à grande majorité portugaise qui constitue le tissu démographique de Madère.

L’émigration : en quête d’une vie meilleure

Bien que l'évolution de Madère ait dépendu de l'immigration, elle a également été – et continue d'être – sujette au mouvement inverse. A plusieurs reprises au cours de son histoire, des vagues d'émigration ont été nécessaires à la survie de la population îlienne. Surpeuplée, les sols de Madère n'ont pas toujours été en mesure de nourrir tous ses habitants, si bien que nombre d'entre eux ont pris la mer vers les côtes africaines ou brésiliennes pour chercher une vie meilleure. Alors que certains de ces voyageurs reviennent fortunés, poussant ceux qui sont restés sur l'île à tenter eux aussi l'aventure, le gouvernement madérien, en proie à un manque de travailleurs, décide au XIXe siècle de rendre l'émigration légalement plus difficile. A partir des années 1950, la pauvreté, la très forte densité, l’appel de main-d’œuvre vers les pays industrialisés, le régime politique portugais autoritaire et les guerres coloniales (de 1961 à 1974) ont favorisé une émigration massive qui a duré pendant plus d'une vingtaine d’années ; l’eldorado avait alors pour noms, dans un ordre décroissant : Afrique du Sud (on y dénombre toujours plus de 300 000 ressortissants madériens), Venezuela (200 000 émigrés), Etats-Unis (Hawaï notamment), Europe et Australie. Certains sont revenus victorieux, ayant réalisé le rêve qu'ils portaient en s'en allant. Mais s’ils ont construit de somptueuses maisons, ils ont souvent eu du mal à se réadapter à ce petit vase clos au climat insulaire alourdi par les difficultés économiques. La plupart se sont de fait définitivement installés dans leur pays d’adoption, si bien que l’on dit qu’il y a plus de Madériens à l’étranger qu’à Madère.

Un danger endigué

Au cours des années 1990 toutefois, l'île s’est considérablement développée, tant et si bien qu'elle ne présente plus aujourd'hui son visage d'antan. D'une part, sa population a, comme dans le reste de l'Europe continentale, tendance à se faire vieillissante, et d'autre part, les subventions européennes ont joué un rôle majeur dans l’évolution de l’économie madérienne. Ces deux paramètres ont tendance à endiguer l'émigration. Quant à l’immigration, elle demeure plutôt restreinte, la politique du gouvernement de Madère étant assez protectionniste en la matière. Toutefois, depuis la mort de Chavez, mais bien plus encore depuis la crise sociétale que traverse le Venezuela depuis 2018, on constate un retour significatif, quoique difficile à quantifier, de Madériens émigrés. Le gouvernement de Madère estimait fin novembre 2018 à environ 6 000 le nombre de ces Vénézuéliens descendants de Portugais à avoir fait le voyage inverse, fuyant la précarité, vers la terre de leurs aïeux.

Langue

La quasi-totalité de la population madérienne communique en portugais, la langue officielle. Toutefois, les Madériens parlent également une variante régionale du portugais, le madérien. Ainsi, le dialecto madeirense (dialecte madérien) est une variété de dialecte insulaire dérivant de dialectes méridionaux du Portugal, notamment de l'Algarve. Il se distingue du portugais standard par des spécificités phonétiques, grammaticales et lexicales. Il existe d’ailleurs un Dicionário de Regionalismos da Madeira (Dictionnaire des régionalismes de Madère) comportant quelques centaines de mots, attestant de ces différences. Cependant, avec la présence prédominante des médias portugais dans l'archipel et l'amélioration des niveaux d'instruction, les spécialistes constatent qu’une partie des particularités de la variété locale du portugais s’estompe peu à peu… Parallèlement à cette langue dominante, les communautés immigrantes provenant d’une centaine de nations parlent un grand nombre de langues. Les Britanniques se distinguent des autres, car certains interviennent notablement dans l’économie de Madère (tourisme, vin, affaires…) entraînant, par conséquent, une situation très favorable pour la langue anglaise sur l'île de Madère et celle de Porto Santo. Sans compter qu’une grande majorité des vacanciers et acteurs du monde du tourisme se comprennent grâce à la langue de Shakespeare.