Dans les rues de Belgrade © Prometheus72 - Shutterstock.com.jpg

La Serbie en chiffres

La Serbie compte 6,9 millions d’habitants (excluant les 2 millions au Kosovo), un chiffre en chute libre depuis deux décennies sous l’effet des guerres civiles et des troubles économiques. De manière générale, cette tendance continue à mesure que la population vieillit et que les nationaux migrent vers des pâtures plus vertes. La population active compte 3,16 millions d’individus en 2020, 800 000 de moins que l’année précédente. Grâce à un programme d’école obligatoire, la Serbie n’a rien à envier à l'Europe de l’Ouest. À 98 %, le taux d'alphabétisation est élevé dans le pays et près de 70 % de la population a poursuivi ses études dans le supérieur. Dans cette nation traditionnellement très rurale, la majorité vit aujourd’hui en ville (à 56,7 %), cependant, la densité d’habitation est plutôt faible, à 90,23 habitants/km², ce qui indique que les campagnes sont très isolées et sauvages. Enfin, tout ce beau monde se regroupe en communautés bien marquées et le pays reconnaît sur son territoire vingt-six minorités nationales. Le groupe des Serbes constitue à lui seul 83,32 % de la population.

Une mosaïque de peuples

Le modèle politique serbe (et dans tous les Balkans) repose sur de fortes identités communautaires. Alors qu’en Europe de l’Ouest, les États-nations mettent en avant le concept de citoyenneté assimilant leurs minorités, ce principe n’a jamais vraiment fonctionné dans les entités multiethniques qui ont dominé les Balkans (de l’ennemi ottoman au modèle austro-hongrois et yougoslave). Ainsi, l’ethnicité revêt la plus haute importance dans les divisions territoriales. Aussi récemment qu’en 2006, la Constitution serbe précise que la Serbie est le pays des Serbes et, ensuite, de tous ceux qui y vivent.

Les Serbes font partie de la famille des Slaves du Sud, arrivés de la frontière entre la Pologne et l'Allemagne actuelle et installés dans les Balkans (plus spécifiquement d'abord au Kosovo) au VIe siècle.

Aujourd’hui, les minorités sont représentées à tous les niveaux politiques et des outils juridiques garantissent leurs droits. Les Hongrois de Voïvodine en sont l’exemple. Dans les villes et villages où ils forment la majorité, ils apprennent le hongrois à l’école, dans les administrations et juridictions, tous les documents sont également en hongrois, au Parlement provincial de Novi Sad, les députés participent aux débats dans leur langue régionale et les échanges qui sont relayés par des médias hongrois, etc. Pour autant, ces mécanismes ne s’appliquent guère aux autres communautés moins nombreuses et moins influentes, ce qui continue de créer des tensions. Ainsi, par exemple, les Bosniaques du Sandžak réclament la reconnaissance de la langue bosniaque.

Qui sont les Slaves ?

Les Serbes appartiennent à la grande famille des peuples slaves, qui s’étend de la Pologne à l’ouest à l’océan Pacifique dans l’extrême Est sibérien. Les Slaves constituent ainsi la plus large communauté ethnolinguistique d'Europe (c'est-à-dire, des peuples qui partagent les mêmes racines linguistiques) et la plus large population d’origine indo-européenne du continent, entre 300 et 350 millions d’individus. Les Slaves ont une histoire commune et se considèrent souvent comme des peuples cousins ou même frères, mais plutôt au sein de groupes distincts. On différencie ainsi les Slaves occidentaux, principalement les Polonais, Tchèques, Slovaques  des Slaves orientaux, Ukrainiens, Russes, Biélorusses, des Slaves du Sud, Croates, Serbes, Monténégrins, Slovènes, Bosniens, Bulgares, Macédoniens… Au total, les Slaves constituent treize États-nations et forment des communautés minoritaires dans une demi-douzaine d’autres pays adjacents.

Dans cette généalogie slave, les Serbes ont une place un peu particulière. Ils viennent de la Serbie blanche, aujourd'hui la Lusace habitée par les Sorabes, aux frontières allemandes et polonaises. Serbie blanche signifiant « Serbie de l’Ouest », il y aurait eu une seconde Serbie originelle, quelque part en Europe de l’Est. La Serbie actuelle est donc la troisième du nom. Dans cette constellation d’identités slaves, la figure écrasante est celle de la Russie, qui se considère comme le protecteur naturel (et aussi à l’occasion le seul État légitime) de tous les Slaves. Ce point de vue historique et politique a provoqué de nombreuses crises, notamment l’assassinat de l’héritier du trône François-Ferdinand en 1914 et l’occupation soviétique de l’Est européen en 1945. Cela explique pourquoi les Slaves sont souvent mal reçus quand ils expriment leur fierté patriotique (ce qu’ils font assez volontiers).

Il y a d’ailleurs peu de raisons de vouloir réunir ces peuples slaves, très différents. À l’origine une confédération indo-européenne venue des plaines ukrainiennes (et encore, on n’en trouve que peu de traces), ils se sont vite divisés en tribus distinctes avec leurs propres coutumes, religions, alphabets, tandis que leurs langues divergent rapidement sous l’influence de leurs voisins. Ainsi, par exemple les Polonais sont des Slaves catholiques à l’alphabet latin et avec un slave latinisé, quand les Russes, des Slaves orthodoxes, écrivent en cyrillique et empruntent au grec et aux langues asiatiques.

Les Serbes dans le monde

Les frontières de la Serbie ont très souvent évolué au cours de son histoire tumultueuse. C’est vrai pour l'ensemble des Balkans. Aucun pays de la région n’est ethniquement « pur » et les frontières géographiques ne suivent pas forcément les frontières avec les populations. Dans le cas serbe, on estime que les « Serbes de la région », vivant dans les États limitrophes, comptent pour 2 millions de personnes, soit près d’un tiers de la population vivant en Serbie ! De ces 2 millions de Serbes ethniques en ex-Yougoslavie, un peu moins de 100 000 ont été déplacés par la guerre et se sont réfugiés en Serbie. Ils sont familièrement appelés les « réfugiés » ou izbleglica. Mais ce qui préoccupe réellement les gouvernements, c’est le reste de la diaspora serbe, dont les nationaux ont quitté leur patrie littéralement par millions au cours de ces dernières décennies. Le pays possède même un secrétariat d'État de la diaspora sous la houlette du ministère des Affaires étrangères (l’actuel secrétaire est d’ailleurs le Français Arnaud Gouillon, connu pour son adhésion aux groupuscules d’extrême droite en France). La diaspora apporte des sommes considérables à l’économie nationale via les liens familiaux et commerciaux qui sont maintenus avec leur pays d’origine. On estime que les 4 millions de Serbes de la diaspora ont réinjecté près de 2,5 milliards de dollars dans l’économie en 2005 (à l’époque, 10 % du PIB). De ces 4 millions d’exilés serbes, environ 1 million se trouvent aux États-Unis, 500 000 en Allemagne, 300 000 en Autriche, 250 000 au Canada et 120 000 en France. En tout, si l’on additionne les Serbes vivant dans le reste des Balkans et les Serbes de la diaspora, on arrive à un résultat supérieur à 6 millions d’individus. C’est l’équivalent de la population de la Serbie qui vit à l'extérieur de ses frontières. La Serbie est donc une nation de déracinés à la manière du Liban ou de l’Arménie.

Immigration en Serbie

Avec tout ce qui a été dit auparavant, il est surprenant d’apprendre que la Serbie est aussi, malgré elle, un pays d'accueil majeur pour les migrants.

Environ 500 000 migrants habitent sur le territoire, soit environ 5 % de la population, principalement des voisins de l’ex-Yougoslavie fuyant des violences ou à la recherche de meilleures opportunités économiques.

La position géographique de la Serbie, au carrefour des Balkans, la place aussi au centre de la fameuse route des Balkans, un des points d’entrée principaux des migrants en route de la Méditerranée vers l’Union européenne. Pendant l’année 2015, au plus fort de la crise migratoire, près de 650 000 migrants et réfugiés sont passés à travers la Serbie. Ces flux sont beaucoup trop importants à gérer pour un pays de la taille de la Serbie, même si la volonté politique était présente. Or, les migrants ne sont pas les bienvenus dans le pays. Alors que l’on se remet encore difficilement des conflits qui ont secoué la région à la génération précédente et que les 100 000 réfugiés serbes ainsi que les 200 000 déplacés au sein du pays vivent parfois toujours dans des résidences communes « temporaires », il n’y a aucune politique d’intégration ou d'accueil prévue pour les migrants. Bien sûr, les migrants eux-mêmes ne sont pas très intéressés de s’installer en Serbie et ne font que passer (même si les demandes d’asile ont été multipliées par dix à partir des années 2012-2013) : leur objectif est l’Allemagne. Toutefois, la Serbie, candidate officielle à l’UE depuis 2012, coopère volontiers (du moins sur le papier) avec la politique d’asile européenne. Le pays est devenu une « zone tampon » comme la Turquie, où les migrants refoulés par les gardes-frontières européens ou retenus par les autorités serbes vivent dans des conditions misérables au sein de véritables « jungles » de tentes sans eau courante, électricité et souvent sans nourriture.

La langue serbe

La langue parlée appartient à la branche méridionale des langues slaves. Elle est issue du slavon d’église, une langue littéraire parlée par les Serbes et les Croates pendant longtemps et codifiée au XIe siècle. Ce vieux slavon, accessible à une minorité de lettrés, a été réformé au XIXe siècle par Vuk Karadžić. Ce grammairien originaire de Choumadie centrale a simplifié la langue selon le principe « écris comme tu parles » : la conséquence est que l’orthographe serbe est claire car elle suit la phonétique exacte des mots. Tout ce qui se prononce s’écrit et tout ce qui est écrit doit se prononcer. Cette règle ne comporte aucune exception. Cette réforme a facilité, au moment où l’État serbe était en train de se former, la vulgarisation de la culture serbe et la diffusion des idées politiques, aussi bien en Serbie que dans les Empires austro-hongrois et ottoman qui comptaient encore de fortes minorités serbes à la veille de la Première Guerre mondiale.

L’autre particularité de cette langue est sa très grande richesse lexicale et syntaxique, du fait de son utilisation dans des régions de cultures différentes.

En effet, les Serbes de Bosnie et les Monténégrins parlent le jekavien, alors qu’en Serbie on parle l’ékavien. La différence consiste en l’ajout quasi systématique de la lettre « J » dans la plupart des mots pour le jekavien. Outre cette différence, la langue serbe comporte des mots d’origine turque, qu’elle a assimilée au cours des siècles. C’est ce qui la distingue du croate, par ailleurs quasi identique. Du temps de la Yougoslavie, la langue se nommait serbo-croate, une appellation évidemment complètement oubliée maintenant, pour des raisons politiques.

Ces particularités linguistiques expliquent une certaine différence culturelle entre les Serbes orientaux et occidentaux. On reconnaît donc immédiatement la région d’origine de son interlocuteur.

Enfin, il faut savoir que les Serbes utilisent les alphabets cyrillique et latin avec la même facilité.

Cette question est devenue également un enjeu politique dans les années 1990, période où s’est opéré parfois un retour appuyé au cyrillique. Aujourd’hui, les médias et les milieux économiques utilisent un peu plus l’alphabet latin, tout comme l’ensemble de la société.

Dans le but de préserver la particularité de l’alphabet, ses géniteurs ont toutefois précisé dans la nouvelle Constitution que l’alphabet cyrillique était le seul officiel. Ainsi, l’administration utilise exclusivement le cyrillique.