Une société multireligieuse
Selon le dernier Eurobaromètre publié par la Commission européenne en décembre 2018, la tendance s’est néanmoins inversée ces dix dernières années, en raison de la montée des valeurs conservatrices, surtout côté flamand. Cette poussée réactionnaire s’est également traduite dans les votes. Ainsi les chrétiens sont passés de 52,5 % de la population en 2008 à 62,8 % aujourd’hui. Les catholiques constituent la presque exclusive majorité (57,1 % de la population belge), tandis que les protestants ne sont que 2,3 % et les orthodoxes 0,6 %. Seuls 5 % des Belges (notamment Flamands) sont pratiquants et vont à l’église régulièrement contre 12 % dans les années 2000.
Les personnes non religieuses forment le second groupe (29,3 % de la population), plutôt dans la partie wallonne du pays. Les agnostiques (qui ne croient ni à l’existence ni à la non-existence de Dieu) sont largement majoritaires dans ce groupe en constituant 1/5e de la population belge (20,2 %) devant les athées (qui croient fermement à la non-existence de Dieu) qui sont 9,1 %.
Les musulmans, le troisième groupe, ne seraient que 6,8 %, soit 780 000 habitants, dont près d’un tiers à Bruxelles-Capitale (280 000 habitants), représentant 24 % de la population. La commune de Molenbeek qui concentre 40 % de musulmans, dont la moitié serait marocaine, a notamment accueilli des travailleurs ouvriers marocains immigrés venus de Tanger, Tetouan et du Rif, principalement dans les années 1950 et 1960. En Wallonie, ils représentent 4,9 % de la population (soit 175 000 personnes), un taux à peu près similaire à celui de Flandres à 5,1 %, plus peuplée (environ 330 000 musulmans sur la région).
Les autres religions ne concernent que 1,1 % de la population, dont très peu de juifs (0,3 %), quelques bouddhistes et hindouistes.
La répression des protestants du XVIe au XVIIIe siècle
Si la religion chrétienne protestante est quasiment inexistante aujourd’hui, elle a été très importante dans l’histoire du pays. Le protestantisme belge est né suite à la publication des 95 thèses de Martin Luther en 1517, particulièrement à Tournai et à Liège où il s’implante bien. Les moines du couvent augustin d’Anvers se convertissent, tout comme le moine Jean Castellan à Tournai, ville où sera introduite la Réforme. Ils y seront majoritaires dès la seconde moitié du XVIe siècle, ce qui lui vaudra le surnom de « Genève du Nord ». Dès 1540, Tournai est considérée comme le fief des réformés calvinistes, suivie par Anvers et Gand dans les années 1560.
Dans les années 1560, en plein pic de la Réforme belge, les protestants étaient près de 300 000 en Belgique, soit environ 20 % de la population à l’époque ! Principalement dans le comté de Flandres (Bruges, Gand, Ypres) et le duché du Brabant (Anvers, Bréda, Bruxelles, Lierre), bien sûr à Tournai et Liège, mais aussi à Mons, Enghien, Limbourg, Eupen, dans le pays d’Outremeuse et le Marquisat de Franchimont. La répression sanglante des protestants par la couronne de Castille provoquera le soulèvement du pays en 1567. Les tensions s’apaisent le 23 janvier 1579, lorsque le comté de Flandre, le duché de Brabant et Tournai ratifient l’Union d’Utrecht qui consacre la liberté religieuse. Entre 1577 et 1585, Tournai, Bruxelles, Gand, Bruges, Ypres, Anvers, Ostende, Malines se dotent, sous l’influence des réformés, d’un gouvernement républicain.
Mais la reconquête espagnole du sud des Pays-Bas pendant la guerre de 80 ans a raison des protestants, qui doivent soit se convertir, soit fuir. Le Nord des Pays-Bas, majoritairement calviniste, devient indépendant après des années de conflit, tandis que le Sud, qui correspond aux contours de la Belgique actuelle, reste par la force des armes et dans le sang, sous la tutelle des Habsbourg d’Espagne, avec pour religion d’État le catholicisme. Des villes, comme Tournai et Anvers, sont dépeuplées à leur chute dans les années 1585, connaissant un exode massif de leurs habitants protestants. De violentes persécutions commencent et ne s’arrêteront quasiment jamais, poussant la quasi-totalité des protestants à fuir jusqu’au XVIIIe siècle. Ils s’installent principalement dans les principautés allemandes protestantes du Palatinat et du Brandebourg, mais aussi en Angleterre, dans les Provinces unies, en Suède et vers le Nouveau Monde, principalement l’Afrique du Sud dans le sillage des Hollandais. D’importantes colonies belges réformées, wallonnes ou flamandes sont créées à Londres, Francfort, Hanau, Magdebourg et Wesel, contribuant à l’essor de ces régions car à l’époque, la Belgique est prospère. À partir de 1620, entre 5 000 et 10 000 Wallons émigrent en Suède, dont le fondateur de l’industrie de l’acier dans le pays, l’industriel liégeois Louis de Geer. Des « Églises sous la croix », clandestines, subsistent cependant. Ce n’est qu’en 1781 que la « liberté de conscience » est accordée par un édit de tolérance de l’empereur d’Autriche Joseph II. À la création du Royaume uni des Pays-Bas en 1815, le roi protestant Guillaume Ier réorganise les Églises, mais la plupart ont déjà fui depuis bien longtemps les terres belges.
Processions, ducasses et carnavals
De nombreuses fêtes processionnaires ponctuent le calendrier belge. On peut citer l’Assomption, avec la célébration du 15 Août en Outremeuse à Liège (procession de la Vierge noire et ses festivités folkloriques), et la procession du Saint Sang à Bruges, portant un reliquaire des gouttes de sang du Christ dont un morceau de terre, rapporté de Jérusalem par Thierry d’Alsace au temps des Croisades, est imbibé. Côté Carnaval, celui de Binche et son défilé de Gilles est le plus connu et le plus ancien (classé à l’Unesco), mais on peut citer les carnavals de Malmedy et Stavelot près de Liège, celui de la Grosse Biesse en Marche-en-Famenne et celui des Ours d’Andenne près de Namur et ceux de Bruges et d’Alost en Flandre. Les ducasses (qui viennent de « dédicaces ») étaient à l’origine des processions en l’honneur des patrons de chaque ville. Les géants et dragons processionnels présents dans les carnavals, braderies, kermesses et ducasses auraient des origines médiévales enracinées dans la culture populaire et la tradition. Ils sont inscrits au Patrimoine immatériel de l’UNESCO. Chaque géant a son histoire : ils naissent, sont baptisés, se marient et ont des enfants comme les humains.
Croyances populaires
De l’Antiquité au XIXe siècle, la religion, les légendes, les superstitions et même des rituels païens imprégnaient fortement les mentalités. Quand le paganisme céda à la religion chrétienne, l’Église rejeta ce qui n’était pas conforme à ses dogmes. Elle ne supprima pas tout d’un coup les fêtes ancestrales mais elle en sanctifia le but, en les appliquant aux fêtes chrétiennes qui tombaient sur un temps peu éloigné, créant un syncrétisme religieux. On peut citer la légende du cheval Bayard, resté dans les mémoires, les écrits, les carnavals et les dessins d’époque.
La légende de Bayard
Depuis le Moyen Âge, du XIIe au XIXe siècle, le cheval Bayard est une légende importante de Belgique, fantastique et merveilleuse, souvent mentionnée dans les fameuses chansons de gestes, surtout dans l’Ardenne, à Liège et Dinant. Son existence remonterait soit à un mythe franc (la monture reptilienne du géant Gargantua), soit à celui d’un cheval-fée chevauché par la déesse gauloise et romaine Épona dans la mythologie celtique. Des processions et cortèges folkloriques le mettent en scène parmi les géants du Nord, à la Ducasse d’Ath et l’ommegang de Termonde. On peut encore voir aujourd’hui une gravure de la tentative de noyade de Bayard par Charlemagne, sur le pont des Arches à Liège. Le cheval Bayard est aussi représenté par des statues à Gand et Termonde.
On raconte que Bayard, fils d’un dragon et d’une serpente, était un cheval-fée libéré d’une île volcanique par l’enchanteur Maugis, probablement dans les îles siciliennes de Lipari. Aymon de Dordonne vient présenter ses quatre fils à Charlemagne, et celui-ci, fort impressionné par l’aîné Renaud, lui donne cette monture merveilleuse. Mais ce dernier, sur un coup de colère, tue le neveu du roi après une partie d’échecs. C’est alors qu’il prend la fuite, sur le dos de Bayard, avec ses trois frères. Réfugiés en Ardennes dans la forêt, pourchassés par l’armée de Charlemagne, ils tentent de revenir chez leur mère à Dordonne mais ils sont chassés par leur père en colère, toujours vassal de l’Empereur.
Par la suite, Renaud se rend à Paris pour narguer Charlemagne. Il déguise Bayard en cheval boiteux pour gagner une course mais il est rapidement reconnu par un étrier, qu’il tue d’un coup de sabot mortel. Ils prennent la poudre d’escampette vers le sud jusqu’à Montauban, où ils sont rattrapés par l’armée de Charlemagne. Réduits à la famine pendant le siège de la ville, ils sont obligés de tuer toutes leurs montures afin de se nourrir, sauf Bayard. Ils réussissent finalement à s’enfuir par un souterrain et sont sauvés par le sang de Bayard, qui les réanime et leur donne des forces. Charlemagne veut alors signer la paix et, en gage, demande à ce que Renaud parte en pèlerinage en Palestine et qu’il lui livre Bayard, ce dernier l’ayant toujours aidé à se sortir de situations désespérées. Renaud accepte, et Bayard est alors coulé au fond du fleuve avec une meule autour du cou, sur demande de Charlemagne. Selon la légende, il parvient à s’échapper et continue de hanter la forêt ardennaise, en restant bien éloigné des humains. On dit qu’il aurait rejoint l’ermitage de l’enchanteur Maugis où l’on peut entendre son hennissement à chaque solstice d’été.