Symphonie hivernale arctique au Groenland - Episode 1/8

Ce que je m'apprête à te raconter, lecteur, est le récit de mon voyage, un voyage bien particulier. N'as-tu jamais rêvé d'aller quelque part, du plus profond de ton coeur, et pensé que le temps était désormais venu pour toi de réaliser ce précieux rêve ? Comme si un lieu t'appelait, te murmurait des mots doux auxquels tu ne pouvais tout simplement pas résister ? Des mots qui te donneraient le vertige, qui toucheraient ton coeur et ton âme, des mots qui t'apporteraient une lumière intérieure et dessineraient sur tes lèvres un sourire éternel ? Ce lieu est Kalaallit Nunaat et je voudrais que tu me suives. A partir de maintenant, oublie tout : le passé, le présent et le futur. Que  ton corps tout entier se laisse aller à cette balade magique pendant que ton esprit demeure libre. Méfie-toi, le Groenland est puissant. Peut-être entendras-tu également ces mots si spéciaux...

Quand on entend ce genre d'appel, difficile de penser à un meilleur point de départ que Copenhague ? N'est-ce pas le pays de la petite sirène ? J'accroche ma ceinture, retiens ma respiration... Va, mon avion, emmène-moi vers cette île, je suis prête maintenant ! Mon coeur se soulève au moment où l'avion décolle mais ce n'est pas à cause de l'altitude. Juste la joie, une joie si pure...

Finalement, te voilà, Kangerlussuaq... Désormais, je peux voir tes paysages hivernaux depuis mon hublot. Tout ce blanc. Partout. Montagnes, lacs, fjords recouverts de neige et de glace. Quel monochrome laiteux magnifique ! Tu as l'air si vaste, si libre, si serein ! Atterrissage... Mon coeur ne veut pas se synchroniser avec le mouvement de l'avion cette fois-ci. Il est toujours sur son petit nuage et ne veut pas redescendre. Sainte lévitation. J'attrape mon sac à dos et suis prête à sortir. Je veux ressentir ton froid mordant, Kangerlussuaq. La porte s'ouvre, je suis sur le point de toucher le sol groenlandais... Des larmes aux yeux. Non, le froid n'en est pas la cause. Le bonheur en est la raison. Je descends les marches. J'ai l'impression d'être une astronaute, le lieu est surréaliste. Quelques bâtiments colorés et la nature sauvage tout autour. Sentiment de liberté. Le froid chatouille et gèle les poils de mon nez. La météo est joueuse ici. Nous allons être amis, je le sens.

Le groupe et moi sommes conduits à Old Camp où nous allons passer deux nuits. Nous laissons nos bagages dans nos chambres et nous asseyons autour de la table de la cuisine. Nous faisons connaissance. Le guide, Adam, est là. Il nous demande d'où nous venons et pourquoi nous sommes là. La situation m'évoque une scène de réunion d'alcooliques anonymes comme on peut en voir au cinéma. Quand vient mon tour, j'ai envie de plaisanter et de dire " Bonjour, je m'appelle Émilie et je suis alcoolique depuis deux ans maintenant " mais ne connaissant pas assez les gens ici, je n'ose pas tenter la blague. A la place, je dis simplement la vérité : " Je suis Émilie et j'ai 34 ans. Venir au Groenland est mon rêve absolu. Bien sûr pour ses sublimes paysages mais aussi et surtout pour son peuple extraordinaire. Ce n'est pas que je voulais venir ici, c'était bien plus fort que cela, je ressentais le besoin de venir et de venir maintenant. " J'écoute tout le monde avec beaucoup d'attention.  Leurs récits sont de véritables diamants. Nous sommes tous ici pour les mêmes raisons : réaliser un rêve. Ouah ! Une énergie extraordinaire circule entre nous. C'est palpable. Chaque histoire est émouvante et différente. Certains sont en quête d'aurores boréales, d'autres rêvent de venir ici depuis leur enfance, etc. Je réalise que je ne suis pas la seule à avoir entendu l'appel. Je suis profondément touchée par un couple qui nous explique la raison de leur présence. Ils avaient planifié leur venue, c'était leur plus grand rêve mais le mari fut alors atteint d'un cancer. Après avoir gagné la bataille contre la maladie, ils se sont dit qu'il s'agissait du bon moment. Mais on peut déceler dans leurs paroles une urgence, une victoire, un cri de liberté déchirant, une ode incroyable à la vie ! Je ne peux m'empêcher d'avoir les yeux embrumés de larmes. Lorsque des personnes sont réunies par le rêve, c'est un sentiment unique, l'un des plus grands trésors au monde ! Je n'ai jamais entendu ni expérimenté quelque chose de semblable auparavant lors de mes voyages. Greenland is bigger than life ! Je le savais déjà mais le fait de le vivre me procure une sensation exquise.

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