Découvrez le Groenland : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

Outre l’aventure et les paysages sauvages, on vient au Groenland chercher le silence. Ou le bruit de la nature. D’ailleurs, le son du pays est si singulier que le musicien Romain de La Haye (Molécule) s’y est rendu pour enregistrer le craquement de la banquise, le bruit du vent, la faune... et a composé avec cette « matière sonore ». Mais passé le son de l’Arctique, il y a énormément à écouter au Groenland. Et, bien que le pays manque – hormis à Nuuk dernière capitale avant le pôle nord – de lieux de diffusion pour s’y confronter, la création locale se débusque sans difficulté. Excentré géographiquement, le Groenland veut vivre sur le même rythme culturel que le reste du monde. Et si sa culture est perméable aux influences étrangères, celles-ci viennent toujours épouser les fondamentaux du Groenland (la langue, les instruments locaux, etc.). Fière de son héritage, la jeune création maintient l’identité nationale vivante.

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La musique classique

« Il n’y a pas de tradition de musique classique au Groenland, mais elle en a donné le goût à ses compatriotes ». « Elle » c’est Ida Heinrich, première chanteuse lyrique de l’histoire du Groenland, décédée en 2019. Ces quelques mots, prononcés en hommage par le chef d’orchestre Per Rosing, résument à eux seuls la situation du classique sur place. Sans tradition, le genre se résume à quelques noms dont celui d’Ida Heinrich, immense vedette locale, fut sans doute le plus illustre. Impossible par ailleurs de passer à côté de Jonathan Petersen au Groenland. Auteur de l'hymne national en 1916 – Nunarput utoqqarsuanngoravit (« Notre pays, qui deviendra si vieux ») –, il est tout bonnement le compositeur le plus célèbre du pays. Ironie du sort, ce sont souvent des compositeurs étrangers qui ont popularisé les thèmes groenlandais dans la musique classique. C’est le cas du Danois Poul Rovsing Olsen ou du Britannique Adrian Vernon Fish. Ce dernier, explorateur spécialiste du Groenland, propose un répertoire composé d’une cinquantaine d’œuvres – dont plusieurs symphonies – inspirées par les reliefs, paysages de glace et musiques du pays.

Pour écouter de la musique classique sur scène au Groenland, il faut se rendre au Centre culturel Taseralik. Ce magnifique édifice ouvert depuis 2008 est situé dans la partie orientale de Sisimiut, sur la rive du lac Nalunnguarfik. Son espace de 1 400 m² accueille souvent des troupes de théâtre ainsi que des concerts allant de la musique classique à la musique folk. Taseralik héberge aussi un café, un cinéma et une salle de conférence (250 sièges). L’endroit est aussi une bonne option pour une expo d’art contemporain groenlandais.

Les musiques inuites et traditionnelles

Plus qu’un simple instrument, le qilaat est un symbole. Témoin de l’ère précédant la colonisation danoise, ce tambour fabriqué en peau de phoque tendue est utilisé dans les « danses du tambour », seule musique véritablement indigène au Groenland. Tradition jadis en déclin, ces danses connaissent une renaissance depuis plusieurs années, car considérées comme un élément clé dans l’établissement d’une identité nationale. Bien qu'il y ait beaucoup de musiques folkloriques uniquement vocales, réciproquement il n'y a pas de tradition inuite purement instrumentale. Toute chanson est accompagnée de chant ou de danse. Et côté chant, le Piseq en est une forme particulièrement spécifique au Groenland. Interprété pour raconter des histoires, jouer à des jeux et taquiner ou charmer les autres, il sert à commenter la vie quotidienne. Techniquement, beaucoup de chansons n’emploient que quelques mots réels, entrecoupés de syllabes répétées. Les sons proches des cris ou des chants des animaux donnaient lieu à de véritables duels de chant, où les vocalises lancinantes de l’assemblée allaient parfois jusqu’à la transe. Originellement un jeu, le katajjaq est devenu une des formes musicales les plus connues. Ce chant de gorge apparaît lors d’un duel vocal entre deux femmes se faisant face et permettait, à l’origine, de désamorcer pacifiquement les tensions au sein du groupe.

Traditionnellement, la musique et la danse ont une fonction sociale chez les Inuits du Groenland. Les tambours et les chants étaient, par exemple, utilisés par le chaman (angakoq) pour convoquer les esprits. L'idée d'écouter de la musique simplement pour en écouter est un phénomène récent dans la société groenlandaise, apparu avec l’import de genres étrangers comme la pop ou le folk. Le tourisme au Groenland se développant, il est de plus en plus fréquent d’entendre des musiques inuites lors de célébrations, au hasard d’une visite ou d’une balade. Autrement, quelques groupes de musiques traditionnelles sont parfois programmés au Katuaq, le Centre culturel de Nuuk. Ouvert en 1997, ce magnifique endroit dont l’architecture est signée du Danois Schmidt Hammer Lassen propose d’expérimenter la culture groenlandaise via des expositions, des concerts, du théâtre, de la danse, du cinéma et beaucoup de conférences. Un incontournable de la capitale réservant d’excellentes surprises. À noter, le Nuuk Nordic Culture Festival présente non seulement des acteurs contemporains de la culture groenlandaise, mais aussi des moyens d'expression traditionnels comme des danses de masques ou de tambours magiques. L’événement est bisannuel, prochain rendez-vous en octobre 2025.

La danse

Traditionnellement, les danses étaient vouées au spirituel comme la « danse du tambour » ou la « danse du masque » (Uaajeerneq). Le dos courbé, les yeux levés, le danseur bougeait au rythme d’un tambour dont il frappait le cadre avec une baguette, parfois accompagné par les vocalises lancinantes de l’assemblée jusqu’à la transe. Quelquefois le danseur portait un masque sculpté en bois ou se peignait le visage avec de la suie, un bâton en bois (ou en os) dans la bouche pour déformer encore plus ses expressions faciales. Les couleurs avaient une symbolique précise : le noir pour l’inconnu et la magie, le rouge pour la vie, l’amour et le tempérament puis le blanc pour la pureté et les ancêtres. Certaines danses devaient régler des conflits de manière pacifique entre deux personnes. Au-delà du facteur social, cette danse permettait aux enfants de se familiariser avec le sentiment de peur. Cette pratique s’est progressivement perdue (surtout à l’ouest) avec l’arrivée des premiers missionnaires qui associaient alors le tambour au diable. En cas de désobéissance, les instruments étaient saisis et brûlés. Cette danse devint alors une forme de résistance souterraine contre les nouvelles autorités. Malgré une tentative de transmission, cette pratique disparut rapidement jusqu’à devenir un souvenir pour une bonne partie des Groenlandais dès la deuxième moitié du XXe siècle. Une résurgence de cet art est apparue sous la forme d’une pratique artistique, voire folklorique, notamment face à l’émergence d’un tourisme friand de découvrir ces traditions ancestrales. Ce patrimoine culturel est également revalorisé lors d’événements importants à l’instar de la fête nationale le 21 juin. On peut aussi en voir de temps en temps au Théâtre national du Groenland à Nuuk. L’endroit, un des plus dynamiques du pays, accueille aussi de la musique (du jazz souvent), des formes plus contemporaines de danse, des lectures et du théâtre, avec notamment des représentations de Silamiuk, la seule compagnie professionnelle du pays.

La musique populaire

À l’exception des musiques inuites, toutes les esthétiques groenlandaises sont influencées par des styles étrangers. Depuis l’arrivée des Danois, les Groenlandais ont adopté de nouveaux genres, comme la polka, réadaptée à la sauce locale. Cette polka groenlandaise appelée kalatuut a engendré de nombreuses chansons populaires ainsi que des virtuoses comme le joueur d’accordéon Louis Andreasen. Bien qu’apport étranger, cette polka groenlandaise est devenue absolument traditionnelle au fil du temps. Il existe aussi un style musical appelé vaigat qui s’apparente à la musique country et même une sorte de musique traditionnelle hawaïenne, incarnée par Pele Møller. Les hymnes et les chants religieux du type choral se sont profondément implantés au Groenland où persiste une forte spiritualité. Pour vérifier cela, il suffit d’aller faire un tour à la messe le dimanche, un moment saisissant. Si le plus simple pour en écouter est encore d’allumer la radio, quelques endroits programment sporadiquement de la musique populaire en live comme Kristine Mut. Ce bar, le plus vieux de Nuuk, est un pur moment de Groenland avec musique live plusieurs fois par semaine.

Le rock groenlandais

L’introduction de la radio et des vinyles de rock'n'roll après la Seconde Guerre mondiale a apporté une variété de genres inspirant bon nombre de musiciens locaux. Dès lors, le rock est devenu l’esthétique reine. La scène locale est d’ailleurs si conséquente qu’elle est mise en avant tous les ans, en août, lors du Nipiaa Rock Festival à Aasiaat. Le rock, au Groenland, c’est une histoire qui dure depuis 1973. Cette année là, ULO, aujourd’hui le plus grand label du pays, produisit le premier album du groupe Sume. Un succès énorme puisque l’album fut acheté par environ 20 % de la population ! Icône du rock groenlandais, Sume va poser les bases du genre en chantant en kalaallisut (qui plus est des textes contestataires) et en utilisant le tambour traditionnel. Ils ont ouvert la porte à de nombreux groupes dont Siissisoq (du heavy metal longtemps numéro un des ventes), The Maxies, Qarsoq, Angu, Small Time Giants ou le groupe le plus populaire aujourd’hui dans le pays : Nanook. Pour découvrir plus amplement le genre et la scène locale, il est toujours bon de se rendre à la boutique du label Atlantic Music. Située à Nuuk, on peut y acheter des disques (voire des instruments) et être bien conseillé.

La pop, le hip-hop, l’électro

Dans les années 1980, le Groenland est devenu, comme le reste du monde, plus perméable à l’influence culturelle américaine. Le hip-hop a ainsi eu une influence majeure à cette période sur la production locale. Le genre a même enfanté un groupe culte au Groenland : Nuuk Posse. Les membres étant tous issus de la communauté inuite, il n’est pas rare d’entendre des textes en kalaallisut, la langue officielle du Groenland. Une bonne occasion d’apprécier sa musicalité. Nuuk Posse a ouvert la voie à d’autres groupes de rap comme Prussic, Peand-El et Tombola aux paroles plus provocatrices et contestataires que leurs aînés. Portée par les grands labels locaux que sont Sermit, Ulo ou Atlantic Music à Nuuk, la scène de musique actuelle est particulièrement fournie au Groenland. Pionnier du genre, Rasmus Lyberth a offert une scène folk au pays et, fort d’un succès international, a fait goûter au reste du monde le songwritting local. Depuis, les scènes pop et folk ne désemplissent pas, balisées par les succès de Simon Lynge (premier Groenlandais à jouer à Glastonbury), Julie Berthelsen (très diffusée en télé et radio au Danemark) ou Nive Nielsen (aussi actrice dans des productions anglaises et américaines).

Il n’y a pas meilleur endroit que l’Arctic Sounds Festival pour découvrir la jeune scène groenlandaise. Tous les ans à Sisimiut, le rendez-vous célèbre la musique du monde arctique dans son ensemble (Nunavut, Canada du Nord, etc.). De plus en plus populaire, le festival valorise très bien la diversité des talents du Grand Nord via la musique et d’autres formes d’art. Autre événement de plus en plus populaire, l’Akisuanerit Festival condense un beau panaché d’artistes groenlandais avec souvent une ou deux têtes d’affiche danoises en bonus.

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