Découvrez le Groenland : Gastronomie

S’étendant sur quelque 2,1 millions de km², soit quatre fois la France, le Groenland est la plus grande île du monde. Territoire glacé allant de Kaffeklubben, à la lisière du Pôle Nord, jusqu’aux eaux tumultueuses de l’Atlantique, inutile de dire que la rudesse du climat a fortement forgé l’alimentation des Groenlandais, Inuits et Européens. Les produits locaux surprenants comme la viande de baleine, de phoque ou d’ours blanc, mais aussi poissons et gibiers, se mêlent aujourd'hui à des ingrédients provenant de l’étranger. Le Groenland importe beaucoup d’aliments du Danemark, mais également de ses lointains voisins comme le Canada, les USA, la Norvège ou la Grande-Bretagne. Le court été permet de cultiver dans l’extrême sud du pays, souvent sous serre, quelques fruits et légumes, alors que ci et là on récolte quelques baies sauvages et des champignons qui agrémentent une des cuisines les plus uniques au monde.

Aux pays des bêtes sauvages

Au Groenland, les papilles du voyageur ont de fortes chances d’être bousculées, surtout s’il est question de viande. Autrefois, les Inuits se sustentaient essentiellement des produits de la chasse et de la pêche : mammifères terrestres, mammifères marins, oiseaux, poissons, crustacés ou mollusques qu’ils mangeaient crus. Cette particularité leur a longtemps valu le surnom parfois considéré comme péjoratif d’eskimo, littéralement les « mangeurs de viande crue » en langue algonquienne. Cette terre gelée ne leur permettait pas, en effet, de manger des produits récoltés au sol ou de faire cuire aisément leurs aliments, souvent faute de bois.

Parmi les viandes (neqi) communément consommées, on retrouve bien sûr le phoque (puisi). Pour les Groenlandais, c'est l’aliment qui donne des forces, sa viande étant évidemment très grasse comme la plupart des animaux de la banquise. Petit must : si vous goûtez à un phoque congelé, découpez et avalez un petit bout de foie avec une fine lamelle de gras. Inutile de mâcher, ça fond en bouche. Cela peut certes paraître très inhabituel, voire un peu rance, mais ça reste un aliment de base des Inuits qui procure au corps énormément d’énergie. La baleine (arfeq) possède une chair saignante, filandreuse et très tendre. La viande se cuisine en steak et se rapproche d'une excellente viande savoureuse comme nous les aimons en Europe. De la baleine grillée avec des oignons revenus et des pommes de terre, un régal ! La peau, un peu élastique, est très appréciée des Groenlandais qui l'appellent mattak et la mangent crue ou parfois en salade. Le morse (aaveq) est connu pour sa viande très forte.

L'ours polaire (nanoq) est peu consommé puisqu'il s'agit d'une espèce menacée avec un quota de chasse très strict. Cette viande, très rare, a la réputation d'être délicieuse. Le narval (qilalugaq qenertoq), tout comme la baleine, est un mets très raffiné et recherché. Considéré comme un plat de luxe, il peut être réservé pour les occasions spéciales, mais aussi un bon repas. Le prix est d'ailleurs monté jusqu'à 520 DKK (70 €) le kilo en 2021. Vous en trouverez au marché des chasseurs. Le renne (tuttu) et le bœuf musqué (umimmak) se rapprochent plus de nos goûts européens. Ces animaux se trouvent surtout dans le sud. Le mouton (sava) est le seul animal importé dont on ait réussi l'élevage au Groenland. Il paraît que ce serait les meilleurs au monde.

Même si le Groenland ne possède pas exactement le même gibier ailé qu’en Europe, les oiseaux (timmissat) sauvages restent appréciés des locaux. On chasse les eiders (des canards marins dont on utilise le duvet pour fourrer des vêtements), les lagopèdes (des sortes de perdrix dont le plumage devient blanc en hiver), les guillemots ou encore les mergules (sorte d’oiseaux de mer) dont la saveur se rapproche de notre volaille européenne. Certaines espèces de mouettes sont également chassées parfois.

Avant de continuer, petit rappel pour ceux qui sont horrifiés que l'on puisse manger de la baleine, de l’ours ou du phoque que l’on considère comme des symboles de la protection environnementale : les locaux vous expliqueront qu'il est préférable à l'heure du réchauffement climatique de manger ce qui se trouve près de chez soi, pêché ou chassé de façon très contrôlée selon des quotas permettant un renouvellement des espèces, plutôt que d'importer des produits du bout du monde élevés de façon industrielle, comme du bétail nourri de soja cultivé sur des restes de forêts tropicales. D’autant plus dans une région du monde où il n’y a aucune autre ressource alimentaire disponible et où manger de la viande de cétacé n’est pas un luxe, mais un moyen de survie. Il est important de rappeler que si seuls les Groenlandais chassaient les baleines, elles ne seraient certainement pas en voie de disparition aujourd'hui.

Ingrédients et mode de vie

Néanmoins, on observe également des ingrédients un peu plus classiques ou en tout cas moins perturbants pour le non-initié. Les myrtilles, les airelles, les mûres ou encore les fruits de la camarine noire – une plante rampante produisant des baies bleu sombre – sont récoltés à l'automne, garnissent souvent les gâteaux et autres desserts. Des compotes de fruits accompagnent également les plats de viande alors que certaines algues sont conservées comme réserve alimentaire pour l’hiver. Les champignons (bolets, agarics, russules) sont très appréciés tout comme les salades sauvages (oseille, pissenlits, orpin rose, épilobe), les fleurs (campanule, pirole) et les graines comestibles qui abondent en été. Il s'avère bien plus facile d’en trouver maintenant dans les magasins, mais malheureusement toujours à un prix exorbitant. Les légumes et les fruits cultivés sont rares, mais le changement climatique a légèrement prolongé leur saison de croissance. Les agriculteurs groenlandais ont donc expérimenté de nouvelles cultures, telles que le brocoli, les pommes de terre, les oignons ou même les fraises.

On consomme également de nombreux poissons (aalisakkat). Le choix est vaste entre flétan, morue, saumon, capelan, sébaste, omble chevalier, etc. Cru, bouilli, en papillote, grillé au feu de bois, fumé, voire séché l’été. Toutes les possibilités de la cuisine européenne sont envisageables pour cette multitude de poissons aux goûts incomparables. Le flétan cru et la truite servie en bouillie sont très prisés. Le Groenland regorge aussi de fruits de mer (uillut) gavés de plancton, en particulier de crevettes succulentes qui sont devenues une des industries les plus importantes du pays. On y trouve aussi des moules, des Saint-Jacques, des crabes des neiges et des oursins qui ont un goût très prononcé.

Les Groenlandais mangent trois fois par jour à un rythme similaire aux pays nordiques et anglo-saxons : un petit déjeuner copieux, une pause déjeuner courte autour de 12h et un dîner classique vers 18h, sauf pour les restaurants qui ferment plus tard vers 21h. Si le repas typique demeure toujours à base de protéines, de gras et de féculents, il est à noter que les maladies cardio-vasculaires sont rares au Groenland puisque le phoque, la baleine et le poisson sont riches en acides gras insaturés en oméga 3.

Vous remarquerez assez vite sur place le prix élevé des aliments, surtout à l’est du pays où les importations sont plus rares à raison de 2 à 3 fois par an, l’hiver empêchant les bateaux de circuler. De nos jours, la nourriture internationale s'avère de plus en plus courante : dans toutes les villes, vous pourrez trouver de la nourriture importée de pays étrangers, dont des légumes, des fruits et des laitages, hors de prix. Toutefois, même si l’alimentation des Groenlandais a bien changé, ces derniers restent très friands de nourriture traditionnelle. À ne pas manquer, le festival alimentaire Igasa dédié à la gastronomie groenlandaise et à ses acteurs (agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, chefs) qui a lieu en août.

Les restaurants sont généralement peu nombreux, voire absents dans certaines villes, et chers. On retrouve éventuellement de petites échoppes avec frites, hamburgers, saucisses. À la capitale, on peut trouver de la nourriture également thaïe, japonaise, italienne ou encore américaine.

Les classiques de la cuisine groenlandaise

Bien que le Groenland ne possède pas une diversité de recettes comparable à bien des pays au climat plus clément, il compte toutefois quelques spécialités, certaines appétissantes, d’autres qui laissent sans doute les touristes plus divisés. Parmi les plats les plus communs impossible de rater le suaasat, le plat national. Cette fameuse soupe faite à partir de viande de phoque bouillie, accompagnée d'oignons et de riz, ressemble à un pot-au-feu très concentré ayant un arrière-goût de poisson. Pour une première expérience en matière de viande de phoque, évitez de manger l'œil très convoité comme friandise et optez plutôt pour les côtes ou des parties maigres cuisinées en steaks ou en brochettes. Le phoque surprend par son apparence de viande et son goût de poisson.

Le misiraq est une spécialité de graisse animale (phoque ou béluga) qu’on laisse fermenter pendant plusieurs semaines, libérant une soi-disant odeur de fromage. La fermentation et le séchage sont deux techniques largement utilisées par les Inuits pour travailler et conserver des viandes très denses aux saveurs puissantes qui ont besoin d’être faisandées avant de pouvoir être dégustées. On retrouve ainsi l’igunaq, une méthode de préparation de la viande, en particulier de morse et d'autres mammifères marins où la viande et la graisse des animaux capturés en été sont enfouies dans le sol, fermentent ensuite en automne et se congèlent en hiver, prêtes à être consommées l'année suivante. L’igunaq est considéré comme un mets délicat et il est très précieux. La consommation a diminué au fil des ans, une gamme plus vaste de produits alimentaires étant devenue disponible dans les régions arctiques. Ce n’est pas non plus sans risque – une production inadéquate peut entraîner la maladie et la mort par botulisme. C’est aussi le risque encouru en dégustant probablement la spécialité groenlandaise la plus bizarre : le kiviaq. Il se compose d’oiseaux (généralement des mergules nains) non vidés – conservant donc leurs plumes et leurs viscères – mis à macérer dans une peau de phoque cousue pendant plusieurs mois. Une fois prêt, il faut alors ôter la peau et les plumes puis les manger crus. Une technique consiste à leur arracher la tête pour sucer le jus de l’animal produit par la putréfaction. Certains décrivent la consistance comme pâteuse et douceâtre agrémentée d’un arrière-goût de noisette. Quoi qu’il en soit, il s’adresse uniquement aux plus aventureux. Ce plat est surtout mangé au nord, dans la région de Thulé, durant l’hiver, où il est d’ailleurs devenu aujourd'hui extrêmement rare. On peut comprendre pourquoi.

Mais bien sûr on retrouve également des produits plus classiques. Parmi les pains (qaqortuliaq) et les pâtisseries (kaagit), on peut citer le kalaallit kaagiat, une sorte de gâteau brioché aux raisins secs parfumé à la cardamome. La boisson chaude la plus appréciée est de loin le café, partagé et bu toute la journée, notamment lors des kaffemik (« fête du café »). Quant à l’alcool, il existe une marque de bière locale appelée Kayak produite dans le sud du pays à Narsaq. Une microbrasserie à Nuuk du nom de Godthaab Bryghus produit également sa propre bière locale appelée Immiaq et comportant différents goûts et arômes à base par exemple de thym arctique, de camarine et ainsi de suite (Nittaalaq, Umìmak, Greenlandic Stout, etc.). Il va sans dire que les marques danoises classiques (Carlsberg et Tuborg) sont omniprésentes. Afin de réduire les problèmes d’alcoolisme, les horaires de vente d'alcool sont contrôlés (pas de vente après 18h), voire il est même totalement interdit au nord du pays en plus d’être massivement taxé. Certaines bières à moins de 1 % circulent aussi dans le pays afin de réduire les effets. Quoi qu’il en soit, il semble important de préciser ici que ce fléau a bien diminué depuis quelques années grâce à de grandes campagnes de prévention.

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