Le système éducatif

Le Groenland affiche un taux d'alphabétisation de 100 %. Paradoxalement, le niveau d’éducation au Groenland est réputé être faible comparé aux autres pays nordiques voisins. Il est toutefois à noter une nette amélioration au cours des dernières années. L’école est gratuite et obligatoire de 6 à 16 ans. Le système éducatif se calque sur le modèle danois : il n’y a pas de distinction entre école primaire et école secondaire, mais ce qu’ils appellent folkeskole (école de 6 à 15 ans) puis gymnasium (lycée de 15 à 18 ans). Les lycées existent seulement dans les plus grandes villes comme Aasiaat, Sisimiut, Qaqortoq et Nuuk. Les élèves doivent alors quitter très tôt le domicile familial, supportés par le gouvernement qui leur alloue un budget mensuel pour vivre sur place (logement, courses…) ainsi que le remboursement des transports pour rentrer deux fois par an chez eux (vacances de Noël et d’été). Très vite indépendants, les jeunes peuvent rencontrer un échec scolaire à ce moment-là en raison de l'isolement, mais aussi de l’enseignement souvent professé en danois (certains le parlent mal et il manque encore de Groenlandais assez formés pour enseigner). Il y a environ 1 200 enseignants pour 11 000 élèves.

Concernant l’enseignement supérieur, les jeunes peuvent ensuite poursuivre à l’université de Nuuk (créée en 1983) pour les matières plus générales (beaux-arts, commerce, sciences humaines, etc.) ou les écoles spécialisées à Sisimiut plus récentes (école d’ingénieur, centre de technologie de l’Arctique, école de langues étrangères). Les formations supérieures dans les métiers du journalisme, du médical et de l’enseignement se trouvent également à la capitale. Pour les autres disciplines, il faut aller au Danemark où plus de 2 800 étudiants groenlandais suivent leur scolarité grâce à des bourses. L’université d’Aarhus au Danemark est la plus courue pour les futurs cadres groenlandais. Il est à noter également l’apparition récente d’une école des guides et d’agriculture dans le sud du pays, ainsi qu’une école à Qaqortoq pour travailler dans le tourisme et devenir guide. Il existe aussi la formation du Food College Greenland à Nasard pour devenir chef, et mettre en avant la délicieuse gastronomie groenlandaise.

Les mœurs des Groenlandais

Dans le passé, la sexualité dans la tradition inuite ne représentait pas un tabou comme en Occident. De nos jours, une majorité de Groenlandais en conservent quelques traits dans leurs comportements. Ils semblent assez libres et ouverts et leurs premiers rapports sexuels se passent généralement tôt. Il n’existe pas de prostitution organisée au Groenland. Durant les dernières décennies, le taux d’infections sexuellement transmissibles (IST) comme la gonorrhée, la chlamydia et la syphilis ont augmenté au Groenland, en particulier chez les jeunes entre 15 et 29 ans. Le sida n’y existe quasiment pas, bien qu'un premier cas de HIV ait été détecté pour la première fois en 2016. Depuis plusieurs années, le taux d’avortement au Groenland est presque aussi élevé – environ 900 comptabilisés entre 2006 et 2013 – que le taux de natalité ; les grossesses non désirées demeurent donc un grand problème public. Une récente étude appelée The SexInuk Project incite à développer l’éducation sexuelle de manière plus intensive (dont la connaissance et l’usage des moyens de contraception) en vue de changer les mentalités. En termes de couple, la société accepte mieux les relations multiples et il n'est pas rare pour les filles de prendre les devants, ce qui pourra surprendre plus d’un Européen. Toutefois, une fois en couple, la fidélité est généralement de rigueur, loin des stéréotypes souvent fantasmés d'échanges de partenaires, une tradition inuite révolue qui répondait à différents besoins (consanguinité, rite chamanique, éloignement du chasseur accompagné d'une femme, esprit collectif de « partage »…). Si les Groenlandais mettent du temps à se marier, ils se fiancent par contre assez vite.

En ce qui concerne les relations aux autres, ils sont plutôt respectueux et timides, voire introvertis. On évite les conflits, un comportement issu des temps anciens où il fallait préserver l'harmonie du groupe, en occultant les critiques et en esquivant les affrontements directs. Les comptes se règlent souvent de manière pacifique et la majorité des rares agressions se font sous l'emprise de l'alcool. Il est de bon ton d’écouter les autres parler et de ne pas se couper la parole. Bon à savoir, les Groenlandais (surtout les enfants) communiquent beaucoup avec les expressions du visage : un haussement de sourcil signifie « oui » tandis qu’une absence de réaction ou le fait de froncer les sourcils signifie « non ». Fixer un homme trop longtemps dans les yeux peut être pris pour un acte provocant, prenez garde !

Un taux d’alcoolisme en baisse

En termes de vie nocturne, les Groenlandais aiment faire la fête et ne tiennent pas très bien l’alcool, phénomène parfois expliqué pour des raisons purement génétiques. Beaucoup de gens ne boivent pas par conscience des méfaits de la boisson, et les fêtes familiales se font souvent sans alcool. Il est d’ailleurs interdit d’en acheter au nord d’Upernavik et après 18h dans les magasins sur l'ensemble du territoire. La baisse de l'alcoolisme, qui était davantage de nature festive qu'une habitude quotidienne, s'explique par l'imposition d'une taxe sur les alcools ainsi qu'une forte campagne de sensibilisation menée à l'école depuis quelques années. Il y a moins d’alcooliques au Groenland qu’au Danemark ou en France, vous les remarquez juste plus vite en raison de la petitesse des villages ou de l'effet désinhibiteur de l'alcool. Étonnamment, il y a une consommation de cannabis relativement importante dans les grandes villes.

Un pays accueillant pour les LGBT+

De manière générale, l’homosexualité est largement acceptée dans la société groenlandaise. Le pays a rendu le mariage homosexuel possible le 26 mai 2015 après avoir déjà permis les unions civiles dès 1996. Cette loi ouvre également la possibilité d’adoption pour les couples issus de ces unions, ce qui fait du Groenland l’un des territoires les plus avancés sur les droits liés aux mariages homosexuels. À noter ici que l'adoption a toujours été une pratique répandue au Groenland, ce qui favoriserait donc l'ampleur de ce phénomène. Ceci s’expliquerait également en partie par le fait qu’il y ait plus d’homosexualité féminine et, par conséquent, de femmes mères suite à une première union. Fait exceptionnel, cette loi a été adoptée sans heurts particuliers, notamment lors des débats parlementaires. Elle a été votée à l’unanimité par l’Inatsisartut à 27 voix contre 0 ! De surcroît, fait encore plus étonnant, les couples peuvent se marier à l’église (luthérienne danoise). La loi a en effet été préparée en étroite collaboration avec l’évêque luthérienne du Groenland, Sofie Petersen. Le fait que le chef de l’Église du Groenland soit une femme est une autre preuve de la très grande ouverture d’esprit du pays. Depuis 2010, une gay pride a lieu à Nuuk tous les ans au mois de juin avec chars, musique, projections et autres animations joyeuses. La figure emblématique du mouvement est Nuka Bisgaard dit Nuuka la diva (nom de scène), célèbre drag-queen de Nuuk qui a notamment joué dans le film Eskimo Diva (2015). Sans oublier la jeune écrivaine Niviaq Korneliussen révélée en 2014 par son roman Homo Sapienne (traduit en français) qui raconte comment cinq jeunes cherchent leur voie à travers leur liberté sexuelle, dont le coming-out lesbien du personnage Fia. À noter aussi le projet photo Gay Greenland qui a pour ambition de donner plus de visibilité à la communauté gay parfois stigmatisée.

Structure sociale

Le taux de chômage au Groenland est de 9,1 % (estimation 2015). Ce chiffre peut varier selon la saison et les conditions météo. Il peut monter bien plus haut par exemple en hiver dans certains endroits où il est difficile de pêcher. Même s’il n’y a pas de réelle pauvreté, la population se fracture toutefois en deux parties distinctes. D’un côté, les citadins de la capitale et des plus grandes villes, de plus en plus nombreux. De l’autre, les personnes qui vivent dans les villages. Les mentalités et les rôles sociaux divergent fortement. En dépit d’un exode rural, les habitants des villes n’oublient pas pour autant leurs racines. Il perdure en effet un lien fort qui relie tous les Groenlandais, notamment par des origines familiales communes, mais aussi par des traditions que chacun partage. La société groenlandaise est toujours fortement liée par tout un réseau de solidarité hérité des familles inuites qui devaient s’unir pour survivre. Le rassemblement de plusieurs familles en groupe de chasse constituait le deuxième niveau de l’organisation sociale. Les groupes pratiquaient un partage des biens tant pour la nourriture, le savoir-faire, que l’espace d’habitation toujours très réduit. Aujourd’hui, l'individualisme bouleverse toutes ces notions d’entraide avec notamment l’apparition de différences sociales, certes peu marquées comme chez nous, mais bien présentes. L’argent est devenu une valeur recherchée et on voit l'apparition d'inégalités plus fortes.

Protection sociale

Le Groenland garantit un niveau de vie convenable à l'ensemble de sa population. Le modèle scandinave de l'aide sociale a quelque peu été transformé. Le montant des allocations est plus variable qu’au Danemark, mais les Groenlandais s’appuient traditionnellement beaucoup sur leur famille en cas de chômage. Il n’existe pas d’allocation chômage au Groenland et l’État ne verse qu’une faible allocation à ceux qui sont vraiment en situation difficile. De manière générale, il y a de grandes différences de salaire entre les personnes. Et souvent, dans les petits villages, le revenu relativement faible est compensé par la chasse et la pêche. Lorsqu'un Groenlandais part pêcher, il peut alors gagner largement plus de 1 000 DKK dans une journée. Les semaines sont de 40 heures et les congés payés de 5 semaines par an. L'équivalent du SMIC sur place est de 85 DKK de l'heure, soit 8,74 €. L’accès aux soins (consultation et médicaments) est gratuit et il n’existe pas de médecins privés. Prendre rendez-vous à Nuuk peut relever du parcours du combattant avec parfois des mois d’attente pour voir un spécialiste ! Toutefois, la capitale abrite un grand hôpital avec tous les départements nécessaires. Et si un malade ne peut être traité sur place, un transfert gratuit peut s’opérer vers Copenhague (ou Reykjavík si l'on se trouve à l’est). Dans tous les villages, il y a au moins une infirmière ou un responsable de santé qui a été formé à la médecine d’urgence et qui, le cas échéant, peut organiser l’évacuation vers de plus grandes villes. Les pharmacies n’existent pas comme nous les connaissons, elles se trouvent dans les dispensaires ou les hôpitaux.

Égalité hommes-femmes

La société inuite a toujours accordé une plus grande valeur aux garçons (les futurs chasseurs sur lesquels dépendait la survie de tous), mais ces attitudes se sont fortement amoindries dans la société contemporaine groenlandaise où la femme détient un fort libre droit de penser et d’agir, notamment vis-à-vis de sa sexualité. Autrefois, les filles apprenaient l'éducation des enfants, le traitement des peaux, la couture également indispensable à la survie de la famille pendant l’hiver. La jeune femme s’affirmait alors dans la gestion du foyer. Avec l’arrivée des colons danois et l’accès pour tous au système scolaire, un changement s’est progressivement opéré. Au point que les femmes atteignent de nos jours un niveau de scolarité bien plus élevé que celui des hommes qui ont longtemps été confinés dans les activités traditionnelles. Grâce également aux gardes d’enfants, ces dernières se sont peu à peu intégrées au marché du travail jusqu’à occuper aujourd’hui 45 % des emplois. Même si elles occupent majoritairement des postes dans le secteur public, les emplois typiquement masculins s’ouvrent peu à peu à elles, notamment dans le secteur de la pêche. Certaines sont ainsi récemment devenues capitaines, pilotes d’avion ou encore chasseuses professionnelles. Elles sont beaucoup aussi à créer des entreprises et occupent par exemple tous les commerces situés dans la rue principale d’Ilulissat ! D’un point de vue politique, le droit de vote a été accordé aux femmes en 1948 et elles occupent de nos jours un nombre croissant de sièges au parlement. Le gouvernement comptait aussi 4 femmes ministres (sur 9), dont la ministre des Finances, la ministre de la Pêche, de la Chasse et de l’Agriculture, la ministre de la Santé et la ministre de la Famille, de la Culture, de l’Église et de l’Égalité des sexes. Aleqa Hammond est devenue le symbole de cette intégration lors de son élection en 2013 en tant que Premier ministre. Ce bilan positif est toutefois terni par une disparité salariale avec les hommes, peu de postes de direction, ainsi que l'existence de cas de viols, d’attouchements ou d’incestes. Après 2018, ce sont 12 femmes qui occupent des sièges à l’Inatsisartut.

Les écoles sensibilisent de plus en plus les jeunes à ces violences qui tendent à s'amenuiser avec le temps. Les femmes font généralement leur premier enfant relativement tôt, vers 18-20 ans, et donnent naissance à environ 2 enfants au cours de leur vie. Les mères célibataires peuvent toutefois continuer leurs études si elles le désirent grâce à l’entraide familiale et des aides de l’État. Le divorce est légal depuis 1955, et de plus en plus de couples se séparent. Fait inquiétant, des chercheurs du EDGE (Centre for Equality, Diversity and Gender) à l’université d’Aalborg au Danemark ont démontré la migration de beaucoup de femmes (instruites) vers l’étranger qui ne reviennent plus. Les principales raisons sont le coût et la qualité de la vie, le manque de logements ou de places en crèche, la mixité des familles qui vont vivre au Danemark, mais aussi les déficiences du système éducatif et l’absence de postes qualifiés pour elles.

Famille et habitat

La notion de famille au Groenland est bien plus étendue que la nôtre. Vous trouverez souvent sous cette appellation des cousins éloignés, des amis proches, voire même des personnes adoptées. Il n’est pas rare non plus de voir certaines familles prendre en charge une personne âgée qui se retrouve seule. Les Groenlandais restent en outre très attachés à leurs ancêtres. Les enfants portent ainsi souvent le nom d’un membre disparu. Encore aujourd’hui, dans les villages, les familles vivent de manière très rapprochée avec un grand sens de la solidarité. Les enfants sont traités avec une grande douceur et beaucoup de patience, ils sont très vite indépendants et peuvent jouer dans la rue jusqu’à des heures très tardives. Réprimander les enfants n’est pas chose courante, l’imitation et l’expérimentation constituant la meilleure méthode d’apprentissage. Les Inuits considéraient la générosité – que l’on récompensait –, la douceur et la gentillesse comme d’excellents traits de caractère. On ne peut cependant cacher qu'un certain nombre de familles ont vécu des traumatismes qui se répercutent sur les enfants sous forme de négligence, de maltraitance ou d'abus sexuels. En 2019, près d’une personne sur trois est victime d’abus sexuels durant son enfance…

Un taux de suicide inquiétant

Depuis les années 1970, le Groenland affiche des taux de suicide inquiétants. En 2013, il présentait un taux de suicide trois fois supérieur à celui du Danemark et, en 2014, il avait l'un des plus hauts taux de suicide au monde. En 2015, celui-ci s’élevait à 82,8 pour 100 000 personnes, contre 13,4 aux États-Unis (six fois plus). La plupart des victimes sont des adolescents, plus de la moitié des garçons âgés de 15 à 19 ans. De plus, d’après une étude publiée en mars 2015 par l’Institut national de santé publique, près de 20 % de la population aurait déjà pensé à se suicider. On pourrait supposer que les longues périodes de nuits hivernales auxquelles est confronté le pays seraient le facteur principal de la dépression ambiante... Pourtant, une des hypothèses majeures pour expliquer ce phénomène serait la durée d’exposition au soleil en été, ce qui aurait pour effet de causer un dérèglement hormonal au niveau de la production de sérotonine. La sérotonine est un neurotransmetteur qui participe à la régulation de l’humeur et du sommeil et, par conséquent, provoque un état d’anxiété et un sentiment d’irritabilité. La journaliste Rebecca Heesher explique que ce phénomène aurait plutôt pour raison une coupure culturelle comparable à la situation des natifs amérindiens canadiens Attawapiskat, également durement touchés par ce phénomène.

Une forte crise identitaire apparaît au sein de ces communautés en raison du grand fossé entre la culture traditionnelle et les nouvelles cultures. Les liens familiaux se sont affaiblis, l’alcool et les maltraitances sont progressivement apparus dans les foyers. Les jeunes se sentent perdus et démunis, coupés des autres générations et à la recherche de leur propre identité. En outre, certains chercheurs rapportent que les victimes ont recours à des méthodes plutôt violentes qui laissent peu de chance de survie. En 2013, 9 hommes et 7 femmes sur 10 se tuaient par pendaison ou par coup de fusil. Ces deux techniques, additionnées à celle de se jeter dans le vide, seraient à l'origine de 95 % des suicides au Groenland. Face à ce phénomène de grande ampleur, pouvant rapidement devenir une réaction en chaîne chez les jeunes entre 15 et 24 ans, le Groenland a décidé d'adopter un plan stratégique national de prévention contre le suicide.