Produits typiques et mode de vie
Tant sur le plan linguistique, culturel, économique, que gastronomique, l'île d'Elbe peut être subdivisée en trois territoires distincts : la région centrale de Portoferraio, le versant oriental et celui occidental. Au centre tout d'abord, les plats à base de produits de la mer sont légion : "la meilleure viande, c'est le poisson" comme dit un dicton elbois. Citons le calmar aux blettes, le polpo all'elbana, la morue aux pois chiches, le risotto à l'encre de seiche... Les spécialités de la région orientale se caractérisent, quant à elles, par des plats nécessitant une préparation longue, à l'image du stocafisso alla riese (soupe de poisson d'origine ibéro-mauresque accompagnée d'anchois, oignons, tomates, basilic, olives noires, pignons et câpres), ou du gurguglione. Tandis qu'à l'ouest, la partie occidentale se distingue par ses hautes collines aux versants recouverts de châtaigneraies, notamment sur le versant montagneux de Marciana. Il est donc tout naturel de retrouver des plats à base de châtaignes, comme le castagnaccio (gâteau traditionnel à la farine de châtaigne), les beignets à la châtaigne, et les châtaignes cuites aromatisées aux graines de fenouil sauvage.
Métissage culinaire. Du XIIIe au XVIe siècle, les invasions sarrasines furent fréquentes. Cette empreinte orientale se retrouve dans certaines spécialités de la région qui comprennent des pignons, des amandes ou encore des raisins secs. Notamment dans le dessert emblématique de l'île d'Elbe, la schiaccia briaca, qui comporte des ingrédients typiques de la cuisine du Moyen-Orient. À l'époque, ce dessert était moins sucré qu'aujourd'hui, sans levure ni œuf, ce qui en faisait une provision parfaitement adaptée pour les marins.
Au XVIe siècle, la domination espagnole influence la cuisine locale en introduisant de nouveaux aliments comme les tomates, les poivrons, les pommes de terre venus du Nouveau Monde, sans oublier la morue, pêchée dans l'Atlantique nord. Ce métissage culinaire donne, entre autres, naissance à deux plats encore présents et souvent proposés dans les restaurants, la sburita (soupe à base de morue, ail, huile d'olive et pain rassis) et le gurguglione (ragoût de légumes, similaire à la ratatouille provençale).
Patrimoine culinaire fragilisé. Le tourisme peut occasionner des effets collatéraux socioculturels, à l'image de la perte d'identité culinaire. Ce fut malheureusement le cas pour l'île d'Elbe, suite au boom touristique des années 1970. Pour proposer des plats susceptibles de plaire au plus grand nombre, les habitudes alimentaires insulaires se sont standardisées. Une logique dévoreuse de diversité... Mais cela est sans compter sur la "résistance gastronomique" qui s'est engagée depuis quelques années sur l'île, notamment avec la création d'associations de développement rural, comme Elba Taste, qui s'illustre par la promotion des produits locaux et du terroir d'antan. De nouveaux horizons touristiques donc, liés à la valorisation de l'identité culinaire si typique de l'île d'Elbe !
L'île produit d'ailleurs une huile extra vierge (olio extravergine di oliva dell'Elba) labellisée IGP d'excellente qualité. L'air salé de l'Elbe donne une saveur et un parfum particuliers aux olives. Parmi les nombreux légumes régionaux on ne manquera pas de citer le chou palmier Nero di Toscana avec ses longues feuilles frisées et son goût légèrement amer.
Dans l'archipel comme dans le reste de l'Italie, un repas complet respecte un protocole précis : antipasti, primo piatto (pâtes), secondo piatto (viande ou poisson) et contorni (accompagnement, généralement légumes) et dolci (desserts). Comme le reste des Méditerranéens, les Italiens mangent tardivement. On prend le déjeuner vers 13h-14h et le dîner se prend très rarement avant 20h. Dans les restaurants, on ajoute à la note un coperto, une sorte de pourboire qui comprend le service et le pain. L'eau est toujours payante (mais jamais très chère), et des bouteilles vous seront proposées d'emblée.
Les basiques de la cuisine de l'île d'Elbe
Le terroir de l'île d'Elbe est tout montagneux et inégal. Difficile de rivaliser avec la Toscane voisine ! Mais l'île peut toutefois se vanter d'atouts gastronomiques indéniables, qui intéresseront gourmets et gourmands.
Tout d'abord, les eaux poissonneuses qui entourent l'île d'Elbe offrent aux insulaires une profusion de poissons comme le thon, la bonite, le maquereau, la sardine ou les anchois, sans oublier les araignées de mer et bien sûr l'indétrônable poulpe. Toutefois on n'oubliera pas les légumes avec le succulent gurguglione, une sorte de ratatouille locale, que l'on sert aussi bien chaude en accompagnement que froide sur une tranche de pain grillée et frottée d'ail en guise d'antipasto.
Symbole de la ville de Livourne et de sa région – dont l'île d'Elbe fait partie – le cacciucco est un ragoût contenant une multitude de produits de la mer comme la seiche, le poulpe, le congre, les moules, etc., longuement mijotés dans une sauce tomate pimentée au vin blanc. Pour l'anecdote, le cacciucco était très apprécié par Napoléon lors de son séjour insulaire ! Autre classique, le stoccafisso alla riese est un ragoût de morue (stoccafisso, de l'anglais stockfish) aux influences ibéro-mauresques garni de tomates, anchois, oignons, basilic, olives noires, pignons et câpres. Les sardines ou les anchois farcis (sardine/acciughe ripiene) sont garnis d'un mélange de chapelure, d'ail et de persil. Citons également les spaghetti alla margherita (appellation locale de l'araignée de mer) qui sont servis avec une sauce délicate à base de chair d'araignée de mer, tomate, vin blanc, ail et piment.
Qu'il soit cuisiné alla cacciatora (à la mode chasseur), bouilli, mijoté ou en salade, sur l'île d'Elbe, le poulpe est dans tous ses états ! Intimidant et peu attrayant, le poulpe offre pourtant une chair à la saveur délicate. Jusqu'à la fin des années 1980, il n'était pas rare de croiser des vendeurs, armés d'une marmite et de petites fourchettes, qui vendaient les tentacules de poulpe, accompagnées d'un verre d'Aleatico. Tous les habitants et les mineurs se retrouvaient sur les places des villages, après la journée de travail. Une coutume, pour beaucoup malheureusement disparue. L'une des recettes phares de l'île est le polpo all'elbana, le poulpe mijotant longuement avec des pommes de terre et des herbes. Sinon le simplissime polpo lesso est simplement bouilli, coupé en morceaux et arrosé d'un filet d'huile d'olive.
Desserts et boissons
Parmi les douceurs elboises les plus fameuses, la schiaccia di Pasqua est née en Toscane dans la seconde moitié du XIXe siècle. Brioche emblématique de la période de Pâques, la schiaccia nécessite une préparation assez longue. Cette brioche est connue pour sa saveur unique mêlant liqueur de menthe, anis et zeste d'orange. La schiaccia briaca, par contre, est plutôt confectionnée pour les fêtes de fin d'année. Elle contient des raisins secs et des pignons de pin, ainsi que du vin et bien sûr de l'Alchermes, une liqueur sucrée parfumée à la cannelle, à la muscade, à la vanille et aux clous de girofle, lui donnant sa couleur rouge.
Autre spécialité locale, la schiacciunta se présente sous la forme d'un grand biscuit croquant parfumé au zeste de citron, préparé durant les mois les plus froids de l'année. Pour cette recette, on n'utilise pas de beurre mais du saindoux. La sportella est une sorte de pain à l'anis en forme de couronne dont les extrémités se superposent et dont il était d'usage pour les fiancés de se les échanger à Pâques. Sur les versants des montagnes de l'île poussent de nombreux châtaigniers et il est donc tout naturel de retrouver sur les tables le rustique castagnaccio, un gâteau à la farine de châtaigne, garni de pignons et de fruits secs. Enfin, les imbollite sont des pâtisseries très anciennes, semblables à des scones assez compacts à la figue.
Le miel (miele) de l'Elbe est considéré comme l'un des meilleurs du pays et le drapeau de l'île – conçu par Napoléon lui-même – est même marqué de trois abeilles. Il peut être de châtaignier, d'eucalyptus mais aussi d'essences plus rares comme le romarin, le chardon, la bruyère, la lavande et l'arbousier.
Côté vin, l'île peut se vanter de produire de précieux vins DOC, dénomination d'origine contrôlée obtenue en 1967 : Elba rosato (rosé), Elba bianco (blanc) et Elba rosso (rouge). On s'arrêtera sur deux cépages moins connus mais très prometteurs : l'Ansonica et le Vermentino. Mais le plus célèbre reste l'Aleatico, d'appellation contrôlée et garantie DOCG, la plus haute consécration des vins en Italie. Rare, ce cépage rouge, le préféré de Napoléon, est un vin liquoreux, qui présente des arômes similaires au muscat. Sélectionnés et ramassés à maturité très avancée, les raisins sont exposés au soleil pendant six à dix jours avant d'être vinifiés classiquement.