Aux origines
L’histoire de la région des Lacs italiens est fascinante… et millénaire ! Le parc de gravures rupestres du Valcamonica est sans doute l’un des plus impressionnants sites préhistoriques de la région. Il regroupe près de 150 000 pétroglyphes datant pour la plupart de 8000 av. J.-C. et témoignant d’un savoir-faire extrêmement élaboré. Ingéniosité et savoir-faire que l’on retrouve au sud du lac d’Orta et à Castellaro Lagusello près du lac de Garde, sur les sites dits palafittiques comprenant des vestiges d’habitat néolithique conçu sur pilotis pour s’adapter à cette région lacustre. Des sites aujourd’hui classés au patrimoine mondial de l’Unesco. S’ils sont moins nombreux que dans d’autres parties d’Italie, les vestiges antiques de la région n’en sont pas moins impressionnants. A Vérone, vous découvrirez ainsi le 3e plus grand amphithéâtre romain du monde encore sur pied ! Voyez la polychromie rose et blanche de ses arcades et le marbre étincelant de ses gradins. Briscia, le parc archéologique de la Brescia romaine, est aussi un immanquable avec son temple capitolin aux belles colonnes corinthiennes et les vestiges de son théâtre. Lorsque vous emprunterez la Via Gombito et les Vie Lupo et San Lorenzo à Bergame, vous marcherez sur les decumanus et cardo romains, artères principales des plans en damier antiques. Milan, ancienne prospère Mediolanum, a également conservé cet ordonnancement géométrique. Pragmatiques, les Romains n’en étaient pas moins grands amateurs de luxe comme en témoignent les vestiges des somptueuses villas que se faisaient construire les élites. La Villa de Desenzano de Garda abrite parmi les plus belles mosaïques polychromes de la région, de même que les vestiges d’étonnants thermes semi-circulaires. Mais la plus célèbre des villas romaines est bien sûr celle que l’on a baptisée les Grottes de Catulle, non loin de Sirmione. Ces « grottes » sont en réalité les ruines d’une villa aux dimensions impressionnantes (167 x 105 m) et dont les murs et arcades pouvaient atteindre une hauteur de 3 étages. La tradition des villas des Lacs était née !
Trésors médiévaux
Tout commence avec les trésors paléochrétiens, marqués tant par la Rome antique - beaucoup de ces édifices ont été construits sur d’anciennes basiliques civiles ou d’anciens temples - que par Byzance, notamment dans l’usage des coupoles et des fresques. L’église San Lorenzo Maggiore de Milan est l’une des plus grandes églises à plan circulaire de l’Empire romain d’Occident. Remarquez comment les 16 colonnes d’un temple antique ont été réutilisées pour édifier son portique monumental. Ne manquez pas non plus sa Chapelle Sant’Aquilino et ses mosaïques du IVe siècle. Une splendeur décorative que l’on retrouve dans la chapelle San Vittore in Ciel d’Oro de la basilique Sant’Ambrogio de Milan avec ses mosaïques sur fond d’or et d’azur datées du Ve siècle. Le Duomo Vecchio de Brescia est un autre superbe exemple de ce syncrétisme. L’église originelle date du VIe siècle et abrite les fragments de mosaïques ayant appartenu… à des thermes antiques ! A ces influences romaines et byzantines s’ajoute l’influence des très germaniques Lombards, comme le montre le groupe monastique de San Salvatore et Santa Giulia (VIIe-IXe siècles) aux riches colonnes et chapiteaux sculptés. Désireux d’imposer leur hégémonie, les Lombards ont érigé de nombreuses tours et fortifications. Le site archéologique de Sibrium, près de Castelseprio, abrite ainsi les vestiges d’un castrum ou emplacement fortifié lombard. Le monastère de Torba était lui-même à l’origine une tour de garde avancée protégeant le castrum. Entre hégémonie lombarde et puissance des ordres monastiques, une architecture romano-lombarde s’est progressivement développée. Cette dernière se reconnaît à l’emploi de la bande lombarde (bandes verticales de faible saillie reliées entre elles par de petites arcatures aveugles), de motifs géométriques ou en zigzags, ainsi que de motifs floraux ou empruntés aux croyances païennes et chrétiennes. Plan à nefs multiples et à plusieurs absides caractérisent les églises romano-lombardes qui peuvent être de brique ou de pierre. C’est autour de Côme que s’est particulièrement développée cette architecture, portée par le savoir-faire de ceux que l’on a appelés les Maîtres de Côme. Parmi leurs chefs-d’œuvre, notons : la basilique Sant’Abbondio de Côme avec ses motifs géométriques sculptés en façade ; la basilique San Giacomo à Bellagio avec ses trois absides richement décorées ; ou bien encore l’abbaye San Nicolo di Piona qui possède un superbe cloître à la belle polychromie de brique et pierre locale. Ce roman lombard est également indissociable de deux éléments qui marquent les paysages de la région : les baptistères, de plan centré et isolés, à l’image du baptistère de Lenno ; et les campaniles, clochers à la silhouette élancée et, eux aussi, isolés. La basilique de Sant’Eustorgio à Milan peut s’enorgueillir d’avoir le plus haut campanile lombard de la ville. Au roman lombard succède le gothique dont le plus célèbre représentant est le Duomo de Milan. La blancheur de son marbre et la finesse de ses décors qui rappellent de la dentelle sont les symboles d’un gothique ornementé et foisonnant. Le Moyen Age voit aussi l’avènement des cités-Etats qui vont se doter de puissantes fortifications. C’est ainsi qu’apparaissent les rocca ou forteresses dominant les villes elles-mêmes protégées par d’imposants systèmes de remparts. Parmi les plus beaux représentants de cette architecture militaire, notons : le château de Sirmione dont la hauteur des enceintes croît à mesure que l’on s’approche du donjon central ; les châteaux de Bellinzone ; ou bien encore la Rocca Scaligera qui domine la superbe ville fortifiée de Lazise. Au Moyen Age, toutes les artères de la cité convergent vers son élément central : la piazza. Bordée d’arcades et de portiques, elle abrite également les édifices du pouvoir. Parmi eux, le broletto et le palazzo della ragione, les nouveaux palais municipaux. Ces derniers se caractérisent par un rez-de-chaussée à arcades surmonté d’un étage. Ne manquez pas les Brolettos de Côme et Brescia et le Palazzo della Ragione de Bergame. Et pour goûter au charme pittoresque d’une authentique bourgade médiévale, c’est à Orta San Giulio qu’il faudra vous rendre.
Renaissance et baroque
La Renaissance est tout entière fondée sur une vision idéalisée du monde. Rien d’étonnant donc à ce que cette période coïncide avec le développement des jardins à l’italienne qui se déploient autour des villas et palais. Haies symétriques, labyrinthes à la précision toute géométrique et fontaines et sculptures aux lignes rappelant la rigueur antique, l’homme ordonne la nature dans des jardins qui se font les pendants d’une architecture aux lignes pures et harmonieuses. Parmi les très belles villas du XVIe siècle, notons la Villa d’Este et le somptueux Palais Giusti de Vérone. Un souci d’ordonnancement que l’on retrouve dans les nouvelles créations urbanistiques de l’époque, à l’image de la magnifique Piazza Vecchia de Bergame ou de la Piazza Ducale de Vigevano à laquelle travailla un certain… Léonard de Vinci. Le grand maître de la Renaissance contribua aussi à l’amélioration technique des canaux de Milan, et au renforcement des fortifications du château des Sforza. Bramante, autre maître de la Renaissance, marqua la région de son empreinte. Ce dernier a réalisé l’harmonieux cloître et la tribune de l’église Santa Maria delle Grazie avec son imposant dôme à 16 pans. On lui doit également l’incroyable chœur en trompe-l’œil de la chapelle Santa Maria Presso San Satiro, ainsi réalisé pour donner de la perspective dans un espace restreint. Opérant une élégante transition entre Renaissance et baroque, les Sacri Monti sont les joyaux de la région des Lacs. Ces parcours de dévotion, aménagés sur une montagne, sont composés d’une série de chapelles représentant chacune une étape de la vie de Jésus ou du saint célébré. Ces monts sacrés étaient aussi des remparts de la foi chrétienne face à la Suisse protestante toute proche. L’un des plus beaux est le Sacro Monte d’Orta avec ses superbes chapelles blanches aux toits de lauze, typiques de la région. Certaines chapelles portent la marque d’un baroque très théâtral qui va trouver son apogée dans la somptueuse Isola Bella, île-palais des Borromées, à l’harmonieuse et élégante démesure. Ne manquez pas : la salle du trône avec ses pilastres de marbre rouge et ses voûtes décorées de stucs, et les étonnantes « grottes » en rez-de-chaussée décorées de mosaïques mêlant tuf, stuc, coquillages et pierres brillantes. Les jardins aussi participent à cette splendeur baroque : voyez ces étagements en 10 terrasses qui donnent à l’ensemble des allures de pyramide végétale. Inoubliable !
Lignes classiques et renouveau urbain
Après le foisonnant baroque, le XVIIIe siècle se tourne vers les lignes sobres et harmonieuses du classicisme. Un choix en partie dû aux Autrichiens qui contrôlent alors le Duché de Milan. C’est d’ailleurs à Marie-Thérèse d’Autriche que l’on doit la construction d’un des plus célèbres théâtres du monde : la Scala de Milan, œuvre de l’architecte Giuseppe Piermarini. C’est à l'un de ses collaborateurs que l’on doit également l’étonnante Villa Reale souvent surnommée le petit Versailles de Milan. Les villas aussi se font classiques, à l’image de la très belle Villa Serbelloni et de la somptueuse Villa Olmo avec ses jardins qui associent aux très rigoureux jardins à l’italienne les fantasques jardins à l’anglaise imitant la nature. C’est également à cette époque qu’apparaissent les grandes serres à citronniers, culture phare de la région, de même que les cascine, grands complexes agricoles composés de la demeure du propriétaire, des habitations des employés, des étables et de la laiterie où sont préparés les fromages. Cascina vient du latin caseus signifiant fromage ! Le XIXe siècle sera, lui, le siècle des villas. Prisés des élites, les rivages des lacs voient apparaître de somptueuses demeures néoclassiques. La Villa Erba de Cernobbio, demeure des Visconti, et la Rotonda à Inverigo en sont les belles représentantes. Avec l’apparition du chemin de fer, de nombreux villages se transforment en véritables cités de villégiature se dotant de belles promenades ou lungomare donnant sur les lacs. Mais le XIXe siècle est aussi une période de renouveau urbain, pour Milan notamment. La ville se développe à grand renfort de percement de nouvelles artères. La ville se dote également de nombreux espaces verts à l’image de son cimetière-jardin monumental dont les tombeaux rivalisent d’originalité et d’extravagance. Alors que les styles néo sont toujours très en vogue, surtout le néoclassique et le néogothique que l’on emploie dans de nombreuses restaurations dont celle du château des Sforza ou dans l’édification d’usine, telle la centrale hydroélectrique de Trezzo sull’Adda, la ville voit aussi apparaître les premiers exemples d’une architecture mêlant prouesse d’ingénierie et modernité formelle. La Galerie Victor Emmanuel II, avec sa verrière haute de 47 m, en est le plus bel exemple.
Effervescence moderne et contemporaine
Le tournant du XXe siècle va être marqué par le style Liberty, nom donné à l’Art nouveau en Italie. A Milan, la Bibliothèque Venezia, à la façade riche de volutes, motifs floraux et rubans stylisés, témoigne de cette nouvelle liberté formelle. Les villas aussi succombent à la mode Liberty. La plus célèbre d’entre elles est la Villa Bernasconi avec ses céramiques, vitraux et décors en fer forgé. A ces courbes voluptueuses succèderont les lignes plus sobres et géométriques de l’Art déco, comme le montre bien la Villa Necchi-Campiglia de Milan. C’est également à cette période que débute la carrière de Gio Ponti. Ses premières réalisations sont un étonnant mélange de styles, à l’image de la maison réalisée Via Randaccio qui mêle éléments Art déco, baroques et classiques ou de la Casa Borletti dont il a pensé tous les détails, y compris les décors en mosaïques et céramiques. Ce foisonnement stylistique va ensuite faire place à une sobriété géométrique que l’on retrouve dans le building Montecatini tout en marbre gris bleu. En parallèle, la région voit apparaître de nombreux exemples d’architecture fasciste. Des bâtiments administratifs sortent de terre et écrasent de leur monumentalité classique des piazzas nouvellement construites. C’est le cas sur la Piazza Monte Grappa de Varèse avec sa Torre Civica, énorme beffroi, dont la base possède un arengario (ce terme, qui désignait autrefois des palais municipaux, est réintroduit par les fascistes qui apprécient le concept de ces édifices publics possédant un balcon d’où ils peuvent haranguer la foule), ou bien sur la Piazza della Vittoria de Brescia bordée d’édifices à portiques et colonnes de marbre. A Milan, le Palais de l’Arengario, composé de deux édifices parfaitement symétriques, et la Gare Centrale sont également deux grandes réalisations de l’ère fasciste. Mais l’un des plus étonnants témoins de cette période est la Casa del Fascio à Côme. Œuvre de Giuseppe Terragni, elle fait harmonieusement dialoguer emprunts aux canons classiques et lignes rationalistes. Après-guerre, les plus grands architectes italiens vont venir apposer leur marque dans la région. A Milan, Gio Ponti, en collaboration avec Pier-Luigi Nervi, imagine la Tour Pirelli, le premier gratte-ciel de la ville ; tandis qu’Aldo Rossi imagine une architecture qui adapte les canons traditionnels aux exigences contemporaines, comme le montre son Hôtel Duca. A Vérone, Carlo Scarpa repense le Castel Vecchio en faisant dialoguer les époques. Et dans le Tessin, Mario Botta déploie son architecture monumentale tout en subtilité et contrastes, comme le montre le Casino à 12 étages de Camione d’Italia. Ces grands noms de l’architecture ont ouvert la voie aux starchitects d’aujourd’hui. A Milan, ne manquez pas : la Fondation Prada installée dans une ancienne distillerie réhabilitée par Rem Koolhaas ; le MUDEC imaginé par David Chipperfield sur le site d’anciennes usines sidérurgiques ; l’étonnant Bosco Verticale de Stefano Boeri avec ses 27 étages entièrement végétalisés ; et bien sûr la Piazza Tre Torri, ainsi baptisée car s’y déploient dans une danse étonnante trois gratte-ciel imaginés par Zaha Hadid, Arata Isozaki et Daniel Libeskind. Une vitalité créatrice que l’on retrouve dans le Quadrilatero d’Oro rassemblant les plus grandes enseignes de mode et de design, car Milan est aussi une des capitales mondiales du design. Vous avez tant à voir !