Le massif de Troodos © bensliman hassan - Shutterstock.Com .jpg
La Plage d'Aphrodite à Paphos © prescott09 - iStockphoto.com.jpg
Cap Apostolos Andreas © Solianova Margarita - Shutterstock.com.jpg

Une île entre trois continents

Dominée par le massif du Troodos et baignée par les eaux de la Méditerranée orientale, Chypre a pour plus proche voisin la Turquie, située 69 km au nord du cap Kormakitis. C’est par là qu’arrive le pipeline alimentant le nord de l’île en eau. Une ressource abondante dans le sud, mais mal répartie.      

Généralités. Chypre est une île de 9 251 km² qui appartient géographiquement à l’Asie occidentale. Elle est située dans le bassin Levantin, la partie orientale de la Méditerranée, 69 km au sud de la Turquie, 104 km à l’ouest de la Syrie, 380 km au nord de l’Égypte et 804 km à l’est de la Grèce continentale. Il s’agit de la troisième plus grande île de Méditerranée après la Sicile (25 460 km²) et la Sardaigne (23 813 km²). De taille comparable à la Corse (8 681 km²) et à la Crète (8 261 km²), elle s’étend sur 240 km d’est en ouest et 100 km du nord au sud dans sa partie la plus large. Chypre compte environ 1,2 million d'habitants et affiche une densité de 96 habitants/km².

Côtes et frontières. L’île totalise 648 km de côtes. C’est un peu plus que la Normandie (603 km), mais nettement moins que la Corse (environ 1 000 km). La République de Chypre partage 156 km de frontières terrestres avec le Royaume-Uni qui possède sur l’île un territoire d’outre-mer, le Territoire des zones de souveraineté d’Akrotiri et de Dhekelia (lire ci-après). La même République possède aussi environ 1 500 km de frontières maritimes avec 7 pays : la Turquie (539 km), l’Égypte (303 km), le Liban (186 km), la Syrie (135 km), Israël (102 km), la Grèce (73 km) et le Royaume-Uni (20 km). La délimitation avec la Turquie fait l’objet d’un différend, notamment au sujet de l’exploitation de gaz au large de l’île depuis 1999.

Relief. Situé au centre de l’île, le massif du Troodos (prononcez « tro-dos ») est la plus importante chaîne montagneuse. Elle couvre 1 500 km² et s’élève jusqu’à 1 952 m d’altitude avec le mont Olympe comme point culminant de l’île où l’on trouve une petite station de ski. C’est le poumon vert et la grande réserve d’eau de Chypre. Le second massif est celui des monts Pentadactylos qui doit son nom grec à ses cinq pics évoquant « cinq doigts ». Culminant à 1 024 m d’altitude au mont Kyparissovouno, cette cordillère s’étend sur 160 km de longueur entre la baie de Morphou (à l’ouest) et la péninsule de Karpas (à l’est). Les deux massifs sont reliés par la petite plaine de Morphou (au nord-ouest) et surtout par la plaine de la Mésorée ou Mesoria (« entre les montagnes » en grec) qui est la principale zone agricole de l’île. Cette dernière s’étale sur 30 km de largeur et 100 km de longueur entre Nicosie (à l’ouest) et la baie de Famagouste (à l’est). D’un point de vue géologique, c’est le Troodos qui a donné naissance à l’île, mais c’est le Pentadactylos qui offre à Chypre sa forme distinctive en se prolongeant jusqu’au bout de la péninsule de Karpas. Ainsi cette longue avancée évoque le manche d’une guitare ou le rostre d’un espadon. On distingue en tout cinq « pointes » principales autour de l’île : le cap Apostolos Andreas (à l’extrémité de la péninsule de Karpas), le cap Kormakitis (au nord), le cap Greco (au sud-est), la petite péninsule d’Akrotiri (au sud) et la presqu’île de l’Akamas (à l’ouest).  

Cours d’eau. Si les sources sont nombreuses et l’eau est abondante dans le Troodos, l’île ne possède pas de fleuve permanent. Ainsi, le plus long fleuve, le Pedios, s’étire sur 96 km du Troodos à la baie de Famagouste via la plaine de la Mésorée, mais il est le plus souvent asséché en été. Cela est dû à l’intense déforestation de la plaine, dont les forêts furent longtemps utilisées pour fournir le charbon de bois nécessaire à la fusion du cuivre, principale richesse de Chypre pendant l’Antiquité. Il en résulte à la fois une faible fertilité des terres de la Mésorée et une profonde inégalité en termes d’accès à l’eau entre le nord et le sud de l’île.

Géologie. La formation de Chypre a commencé par une éruption volcanique sous-marine il y a 90 millions d’années à l’emplacement de l’actuel massif du Troodos. Pendant 10 millions d’années, des fissures se forment, des gaz s’échappent, des coulées de lave se répandent et les fissures sont comblées par d’énormes quantités de minéraux et de roches en fusion : c’est de là que proviennent les richesses du sous-sol chypriote avec le cuivre, mais aussi la serpentine, l’amiante, la terre d’ombre, la bentonite, la chromite… Puis, pendant 55 millions d’années, les choses se calment. Cette masse volcanique reste sous le niveau de la mer, se couvrant lentement de dépôts calcaires et de microorganismes. Enfin, il y a 25 millions d’années, les mouvements tectoniques commencent à faire s’élever le plancher sous-marin. Sur plusieurs millions d’années, des séismes et compressions propulsent la masse volcanique hors des eaux avec un gros bloc à environ 2 km au-dessus du niveau de la mer, ce qui correspond aujourd’hui au Troodos. Parallèlement, un autre massif commence à se former il y a environ 200 millions d’années : le Pentadactylos. Mais le mouvement est ici bien plus lent, il résulte de la collision entre la plaque africaine et la plaque eurasienne. À leur point de rencontre, une longue barre de sédiments (calcaire et marbre) se crée sur le plancher sous-marin. Elle finit par émerger au-dessus de la Méditerranée il y a 10 millions d’années. Enfin, l’espace entre les deux massifs est comblé par des dépôts de sédiments et d’alluvions qui donnent naissance à la plaine de la Mésorée il y a 2 millions d’années.

Une île divisée

Depuis 1964, Chypre est « temporairement » coupée en deux par la zone tampon de l’Onu : un no man’s land qui représente près de 4 % de la surface de l’île. De part et d’autre, Chypriotes grecs et turcs ont chacun leur République, l’une reconnue, l’autre autoproclamée. Sans oublier les Britanniques qui conservent ici un confetti de leur ancien Empire.

République de Chypre. Fondée à la fin de l’occupation britannique, en 1959, et membre de l’UE depuis 2004, c’est l’une des deux entités politiques de l’île reconnues par la communauté internationale. En théorie, elle exerce son autorité sur la totalité de l’île à l’exception du Territoire des zones de souveraineté d’Akrotiri et de Dhekelia, sous contrôle du Royaume-Uni. Ce qui représente 8 997 km², soit 97,26 % de la surface de l’île. Mais du fait de l’occupation turque et de l’existence d’une zone tampon, elle n’exerce son autorité directe que sur 5 296 km², dans la partie Sud, soit 57,24 % de la surface de l’île. En théorie, toujours, la République de Chypre compte environ 1 190 000 habitants. Dans les faits, environ 850 000 habitants, principalement des Chypriotes grecs, résident dans les territoires directement sous son autorité. Dans la partie sud de l’île, les principaux centres urbains de la République de Chypre sont, dans l’ordre, la moitié sud de Nicosie (la capitale), Limassol, Larnaka, Paphos et Agia Napa. On y trouve le massif du Troodos, la forêt de Paphos, une partie de la plaine de la Mésorée, la presqu’île de l’Akamas et le cap Greco.

Zone d’occupation turque. Elle s’étend au nord de l’île sur 3 355 km², soit près de 36 % du territoire. Elle est considérée par toutes les instances internationales (UE, Onu…) comme un territoire de la République de Chypre où cette dernière ne peut exercer son autorité du fait de l’occupation par la Turquie. Le territoire est organisé en tant que « République turque de Chypre du Nord », un État créé en 1983. Mais celui-ci n’est reconnu par aucune nation à l’exception de la Turquie. Une première séparation entre le nord et le sud de l’île avait eu lieu en 1963 et fut officialisée par la création d’une zone de démarcation par l’Onu en 1964. La séparation a pris sa forme actuelle avec l’invasion militaire turque de la partie nord de l’île en 1974. La zone d’occupation turque abrite environ 30 000 soldats turcs et 330 000 habitants, en majorité des Turcs et Chypriotes turcs. Les principaux centres urbains sont, dans l’ordre, la moitié nord de Nicosie (capitale non reconnue), Famagouste et Kyrenia. On y trouve le massif du Pentadactylos, une partie de la plaine de la Mésorée, la péninsule de Karpas et les plus belles plages de l’île.

Territoire des zones de souveraineté d’Akrotiri et de Dhekelia. Sous autorité britannique, cette entité s’étend sur 254 km², c’est-à-dire 2,74 % de la surface de l’île. Il s’agit d’un territoire d’outre-mer du Royaume-Uni, conservé après l’indépendance de la République de Chypre. Cette dernière reconnaît l’autorité de la Couronne britannique sur cette portion de l’île. Le Territoire des zones de souveraineté est constitué des bases militaires d’Akrotiri (123 km²), près de Limassol, et de Dhekelia (131 km²), entre Larnaka et Agia Napa. Le terme de « base » est surtout administratif, puisque les installations militaires n’occupent qu’une petite partie du territoire. Par ailleurs, la frontière n’est pas matérialisée avec la République de Chypre et 60 % du territoire est occupé par des propriétaires privés chypriotes grecs. Mais, dans la région de Dhekelia, le Territoire des zones de souveraineté jouxte à la fois la zone tampon de l’ONU et la zone d’occupation turque avec, ici, des contrôles exercés par les autorités britanniques. Le Territoire des zones de souveraineté compte environ 15 000 habitants, en majorité des Chypriotes grecs et des Britanniques, avec Episkopi (à Akrotiri) comme capitale et principale ville. Le seul site naturel important est la péninsule d’Akrotiri et son lac salé. 

Zone tampon de l’Onu. Créée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 4 mars 1964, elle s’étend sur 346 km², soit 3,74 % de la surface de l’île. Surnommée « ligne verte » ou « ligne Attila », elle sépare sur 183 km la partie sud de l’île de la zone d’occupation turque, au nord. Son tracé correspond aujourd’hui à l’avancée des troupes turques lors de l’invasion de la partie nord en 1974. Cette ligne n’est pas continue, puisqu’elle est coupée par le territoire britannique de Dhekelia et longe la poche sous occupation turque de Kokkina, isolée au nord-est de l’île. Large de 20 m dans sa partie la plus étroite, à Nicosie la zone tampon (buffer zone en anglais) atteint jusqu’à 7 km de largeur par endroits. Elle est sous le contrôle de l’ONU, qui maintient sur place environ 900 Casques bleus et policiers, principalement des Britanniques et des Argentins depuis 1974. Elle comprend des zones minées, des infrastructures abandonnées comme l’ancien aéroport international de Nicosie ou la ville fantôme de Varosha, mais aussi des champs exploités par des fermiers et six villages habités, dont celui de Pyla (près de Dhekelia), peuplé de Chypriotes grecs et de Chypriotes turcs. Ainsi, la zone tampon compte environ 10 000 habitants, principalement des Chypriotes grecs. Si elle n’abrite aucun site naturel important, c’est devenu un refuge pour les animaux sauvages.