Dans les rues de Nicosie © Constantin Iosif - Shutterstock.com.jpg
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Drapeau des territoires d’Akrotiri et Dhekelia © Iuri Silvestre - Shutterstock.com .jpg

La population de la partie Sud

Officiellement, la République de Chypre s’étend sur l’ensemble de l’île à l’exception des « confettis » britanniques d’Akrotiri et de Dhekelia. Dans les faits, à cause de l’occupation turque de la partie Nord, elle n’exerce son autorité que sur les habitants de la partie Sud.

Démographie. La partie Sud, c’est-à-dire les territoires sous administration directe de la République de Chypre, compte 876 000 habitants. Malgré un taux de fécondité faible (1,46 enfant par femme), la population est en hausse constante avec plus de 10 000 habitants supplémentaires chaque année. Ainsi, en 2004, lors de l’intégration à l’Union européenne, on ne comptait que 728 000 habitants. Cela représente une hausse de plus de 20 % en 15 ans. Ce dynamisme exceptionnel est dû à l’apport de l’immigration, dont les chiffres sont pourtant largement sous-évalués et ne prennent pas en compte l’arrivée massive de réfugiés depuis 2015. Il n’empêche, la démographie est l’enjeu majeur dans les négociations en vue d’une réunification de l’île : plus la partie Sud sera peuplée, plus elle pourra peser politiquement. L’autre élément marquant, c’est le poids des villes. Déjà, à elle seule, la partie sud de Nicosie (la capitale) compte 250 000 habitants avec son agglomération. Et le deuxième centre urbain, Limassol, affiche 190 000 habitants. C’est-à-dire que les deux premières villes rassemblent plus de la moitié de la population du territoire. Les agglomérations suivantes sont Larnaka avec 85 000 habitants, Paphos avec 63 000 habitants et Protaras-Agia Napa avec 40 000 habitants. Autant dire que le reste de la partie Sud est quasiment vide.  

Chypriotes grecs. Ils sont 690 000. Ils constituent le premier groupe ethnico-linguistique de l’île et représentent 79 % de la population de la partie Sud. Ils ont en commun de parler grec et d’être de religion ou de culture orthodoxe grecque. Souvent confondus avec les Grecs, les Chypriotes grecs ont pourtant une histoire distincte de la population actuelle de la Grèce. Il s’agit de lointains descendants des premiers habitants de l’île, arrivés il y a 10 000 ans, puis de colons phéniciens, égyptiens, assyriens et minoens qui ont été hellénisés au cours de l’Antiquité et auxquels sont venus s’ajouter des Grecs, et enfin, au Moyen Âge, des populations diverses de l’Empire byzantin et d’Europe occidentale (Francs, Vénitiens et Génois). Bien sûr, la proximité historique, culturelle, linguistique et religieuse avec les Grecs est évidente. Les deux peuples vénéraient les mêmes dieux durant l’Antiquité. Ils ont de la même manière adopté le christianisme, puis sont restés fidèles à l’orthodoxie. Enfin, ils ont été intégrés tous deux à l’Empire ottoman. Mais les Chypriotes grecs ont conservé certaines spécificités. Déjà, de par la position géographique de leur île, ils partagent des traits communs avec les autres peuples du Moyen-Orient. Et, à partir de 1878, l’ensemble de l’île a subi une grande influence de la puissance coloniale britannique. Les Chypriotes grecs ont aussi leur propre langue, le grec chypriote. Il s’agit d’une des nombreuses variantes du grec ancien, qui a évolué de manière isolée pour devenir un dialecte du grec moderne. Cet idiome a progressivement intégré une partie du vocabulaire des puissances colonisatrices, comme par exemple les mots français « cheminée » et « guerre » qui se disent tsiminia et guerra, et non tzaki et polemos comme en grec moderne. Le grec chypriote a aussi emprunté des expressions à la culture islamique, comme massala et inssala, dérivées des termes arabes Mashallah (« Dieu l’a voulu ») et Inch’Allah (« si Dieu le veut »), et qui sont employées au quotidien par les chrétiens de Chypre. Toutefois, à partir du XXe siècle, l’influence de la Grèce a été déterminante. Le grec moderne, parlé à Athènes, a été choisi comme langue officielle aux côtés du turc lors de l’indépendance en 1960. Et le grec s’est imposé dans les foyers par l’intermédiaire de la radio et de la télévision. Ainsi, le grec chypriote, qui était parlé par la majorité des Chypriotes grecs et turcs en 1974, n’est plus qu’un simple dialecte pratiqué par les habitants souvent âgés. 

Chypriotes turcs. Ils ne sont qu’environ 2 000 à vivre dans la partie Sud. Mais la République de Chypre met un point d’honneur à reconnaître comme ses citoyens tous les Chypriotes turcs, c’est-à-dire les habitants de langue et de culture turques nés à Chypre avant 1974 ou nés de parents chypriotes. En parallèle, elle exclut tous les autres habitants de la partie Nord, en particulier les « colons turcs » arrivés après l’invasion de 1974. L’Union européenne adopte la même attitude et considère comme citoyens européens tous les Chypriotes turcs, là encore en excluant les « colons turcs ». Plus de la moitié des 150 000 Chypriotes turcs de la partie Nord ont ainsi fait les démarches pour obtenir la citoyenneté de la République de Chypre et, par extension, celle de l’UE. Ainsi, en 2019, 81 000 Chypriotes turcs étaient inscrits sur les listes électorales de la partie Sud lors des élections européennes. Et sur les six eurodéputés chypriotes siégeant à Bruxelles et à Strasbourg, deux sont issus de la communauté chypriote turque de la partie Nord.

Maronites, Arméniens et Latins de Chypre. Ces trois vieux peuples de l’île représentent environ 7 000 habitants et moins de 1 % de la population de la partie Sud. La constitution de la République de Chypre les reconnaît en tant que « groupes religieux », mais les considère comme faisant partie de la « communauté chypriote grecque ». Il est vrai, chacune de ces trois minorités est très proche culturellement des Chypriotes grecs, mais chacune possède aussi son caractère propre. Les maronites de Chypre sont environ 3 600 dans la partie Sud, principalement à Nicosie. Ils sont de confession ou culture catholique et appartiennent à l’Église antiochienne syriaque maronite. Ils sont les descendants de maronites du Liban réfugiés à Chypre entre le VIIe et le XIIIe siècle. Ils parlent l’arabe libanais et le grec, utilisent l’araméen (« la langue du Christ ») à l’église et possèdent leur propre dialecte, l’arabe chypriote (aujourd’hui parlé par environ 200 personnes), un mélange de plusieurs langues arabes influencé par le grec chypriote du Moyen Âge. Avant la scission de 1974, ils étaient installés dans quatre villages du nord de l’île, mais seul celui de Kormakitis conserve aujourd’hui ses habitants maronites. Les Arméniens de Chypre sont environ 2 500, auxquels s’ajoutent un millier d’Arméniens non chypriotes. Ils sont les descendants d’Arméniens arrivés par vagues successives entre le VIe et le XXe siècle. Concentrés dans les centres urbains depuis le Moyen Âge, ils ont fui la partie Nord en 1974. Parlant grec et arménien, ils sont surtout orthodoxes, appartenant pour 90 % d’entre eux à l’Église apostolique arménienne. Enfin, les Latins de Chypre sont environ un millier. Catholiques romains de langue grecque, ils sont les descendants de colons français et italiens du Moyen Âge, mais aussi de marchands européens venus s’installer entre le XVIIe et le XXe siècle, ou encore de maronites et d’Arméniens catholiques assimilés aux Latins. Les trois minorités sont bien intégrées à la majorité chypriote grecque et profitent de certains avantages : financement d’écoles de langue arménienne, représentants spéciaux dans les instances politiques, etc.

Résidents étrangers. Selon les données officielles, environ 170 000 étrangers vivent dans la partie Sud, ce qui représente presque 20 % de la population. C’est considérable... mais c’est sans doute beaucoup plus. Ainsi, officiellement, les Russes ne sont que 9 000. Pourtant, il suffit de se balader à Limassol pour constater que cette communauté est nettement plus importante. Sans même parler des très nombreux touristes russes (environ 900 000 chaque année), les résidents permanents originaires de Russie seraient en fait sans doute davantage, autour de 100 000. Ce qui les attire ici, ce n’est pas que le soleil, mais la possibilité d’acquérir la nationalité chypriote (et donc européenne) en échange d’investissements. Il en va de même pour les Ukrainiens, officiellement estimés à 3 600, mais peut-être 20 000 ou 30 000 en réalité à vivre ici. Les Grecs constituent selon l’État la plus importante communauté étrangère, avec environ 35 000 personnes. C’est probablement un peu plus, puisque plusieurs milliers de jeunes Grecs sont venus tenter leur chance à Chypre depuis le début de la crise qui a secoué leur pays en 2009. Les Britanniques sont officiellement 30 000. Mais sans tenir compte ni des touristes (environ 1 million chaque année) ni du Territoire des bases souveraines d’Akrotiri et Dhekelia, les médias locaux estiment que 100 000 Britanniques résident dans la partie Sud. La plupart sont des retraités venant passer une partie ou toute l’année au soleil. Dans le reste du classement, les autres chiffres apparaissent à la fois plus stables et plus fiables. Il y a les ressortissants européens de Roumanie (25 000), de Bulgarie (20 000) et de Pologne (3 000) arrivés ici avant la crise financière de 2012-2013. En tant qu’ex-colonie britannique, Chypre a aussi attiré des citoyens de l’ancien Empire, originaires du Sri Lanka (8 000) et de l’Inde (3 000) depuis les années 1980. À la même période, il était aussi fréquent pour les riches familles chypriotes d’avoir une employée de maison asiatique. De ce fait, environ 20 000 Philippins et 8 000 Vietnamiens, principalement des femmes, se sont installés à Chypre. La proximité géographique explique quant à elle la présence d’une communauté d’environ 3 000 Syriens ayant fui la dictature des Assad à partir des années 1970. Enfin, les étrangers francophones seraient un peu plus de 2 000, dont 1 500 Français. 

Réfugiés. Depuis le début de la « crise des migrants » en 2015, Chypre est devenue l'un des points d’entrée secondaires des réfugiés d’Asie et d’Afrique dans l’UE. Les chiffres sont faibles comparés à ceux de l’Italie ou de la Grèce, mais ils sont énormes par rapport à la population locale et, surtout, ils sont en nette augmentation. Alors que 2 100 personnes avaient fait une demande d’asile auprès de la République de Chypre en 2015, ils étaient 7 000 en 2018 et près de 10 000 en 2019. La plupart viennent en bateau du Liban pour arriver dans la partie Nord de Chypre avant de passer la zone tampon. La République de Chypre n’a pas les moyens d’accueillir autant de personnes. Rapportées à la population, ces demandes d’asile représenteraient 700 000 personnes en plus tous les ans en France. Nicosie demande donc aux autres États membres de l’UE de prendre en charge 5 000 réfugiés chaque année, sans succès. Deux grands camps d’accueil ont été créés près de la capitale et dans le village de Kofinou, près de Larnaka. Mais les conditions de vie y sont dures, surtout avec la chaleur de l’été. L’intégration à la société chypriote s’avère elle aussi difficile, d’autant que le parti d’extrême droite ELAM (Front populaire national) surfe sur le thème de l’immigration, entrant pour la première fois au Parlement de la République de Chypre en 2016 avec deux députés (sur 56 sièges).

La population de la partie Nord

On est ici au cœur du « problème chypriote » avec trois obstacles à la réunification : la présence d’une armée d’occupation, la création d’un État sans existence légale et l’arrivée massive de colons étrangers. Au départ, tout cela a été fait pour protéger les Chypriotes turcs. Mais ces derniers sont aujourd’hui devenus minoritaires et souhaitent se défaire de la tutelle de la Turquie.

Démographie. Connaître la population exacte de la partie Nord s’avère compliqué, car les autorités locales ont tendance à surévaluer les chiffres. Cela pour deux raisons. D’abord, le poids de la population est un enjeu majeur dans les négociations en vue d’une éventuelle réunification. Ainsi, en 1975, la Turquie avait fixé comme objectif une population équivalente à celle de la partie Sud. Ensuite, l’autoproclamée « République turque de Chypre Nord » (RTCN) gonfle régulièrement ses statistiques afin de recevoir davantage d’aides financières de la Turquie. Aussi, des écarts très importants peuvent apparaître selon que ce soit la République de Chypre, la Turquie ou la RTCN qui fournisse les chiffres : cela peut aller de 260 000 habitants jusqu’à 700 000. Cependant, il y a les limites physiques de la géographie : la partie Nord ne représente que 36 % de la surface de l’île et elle n’a pas de ressources suffisantes en eau. D’ailleurs, l’idée d’une population ultra-nombreuse est contredite par une impression de vide dès que l’on sort des villes. Raisonnablement, en prenant en compte les estimations de l’Onu et celles de la presse locale, on peut donc évaluer la population de la partie Nord à environ 330 000 habitants. Ce qui est somme toute considérable, puisqu’à sa création, en 1983, la RTCN ne comptait que 155 000 habitants. Soit une augmentation de 113 % en moins de quarante ans ! Avec un taux de fertilité faible (1,6 enfant par femme), cet accroissement est dû, comme dans la partie Sud, à l’immigration, en particulier à l’arrivée massive de « colons turcs ». Enfin, comme dans le Sud, le poids des villes est important. La capitale non reconnue, Nicosie-Nord, concentre environ 83 000 habitants avec sa banlieue, soit un quart de la population du territoire. Sur la côte orientale, le deuxième pôle urbain est Famagouste avec environ 50 000 habitants. Et, sur la côte nord, l’agglomération de Kyrenia totaliserait 40 000 habitants.

Chypriotes turcs. Ils sont environ 150 000, soit 45 % de la population de la partie Nord. Ce sont les descendants des colons turcs arrivés après la conquête ottomane de Chypre en 1571. Ils parlent le turc moderne, mais aussi, pour les plus âgés, le grec et le grec chypriote. Et ils possèdent leur propre dialecte, le turc chypriote. Celui-ci se distingue du turc, notamment dans sa prononciation. Par exemple, « Chypre » se dit Gıprıs et non Kıbrıs comme en turc, et « pierre » se dit daş et non taş. Les Chypriotes turcs sont de confession ou culture musulmane, sunnites à 98 %. Mais pour cette communauté, la religion est surtout une affaire privée. Et la pratique de l’islam est souple, avec une large tolérance, des femmes se couvrant rarement la tête et une consommation de l’alcool admise. Il faut y voir l’influence britannique, mais surtout un attachement à la laïcité héritée d’Atatürk, le père de la Turquie moderne. Car malgré des particularismes, les similitudes avec le grand pays voisin demeurent importantes. D’une manière générale, les Chypriotes turcs considèrent la Turquie comme un protecteur et ont reçu avec soulagement les troupes de l’opération Attila en 1974. Toutefois, des tensions sont apparues ces dernières années. La communauté supporte de plus en plus mal la présence militaire et se montre distante à l’égard des « colons turcs ». Les Chypriotes turcs sont également très critiques envers le président turc Recep Erdoğan et accueillent à bras ouverts les opposants à son régime. De tous les habitants de l’île, ce sont aussi les plus fervents défenseurs d’une réunification de Chypre. Par pragmatisme, ils cumulent les nationalités, possédant pour certains jusqu’à quatre passeports : ceux de la RTCN, de la Turquie, de la République de Chypre et du Royaume-Uni. Enfin, même s’ils sont devenus minoritaires au sein de la partie Nord, ils conservent un poids politique. D’une part, ils représentent encore 70 % du corps électoral de la RTCN. D’autre part, ils peuvent voter en République de Chypre, notamment aux élections européennes.

Colons turcs. Appelés par les Chypriotes turcs les Türkiyeliler (« ceux de Turquie »), ils seraient aujourd’hui environ 180 000, soit un peu plus de la moitié de la population de la partie Nord. Dès 1975, Ankara a incité à venir s’installer ici des populations turcophones d’autres pays, en particulier de Turquie, mais aussi des Balkans et des ex-Républiques d’URSS. Arrivés avec d’autres coutumes, un niveau d’éducation faible et un islam plus conservateur, ils ont surtout été cantonnés à des emplois subalternes, notamment pour reprendre les exploitations agricoles abandonnées par les Chypriotes grecs en 1974. Leur position est peu enviable : ils sont en infraction avec la Convention de Genève qui interdit le repeuplement de territoires occupés, mais ils sont aussi pour la majorité d’entre eux privés de la « nationalité chypriote turque » (non reconnue) et du droit de vote local. Attachés à la « mère patrie » turque, ils sont considérés par les Chypriotes grecs et turcs comme difficilement « assimilables » et donc comme un des principaux freins dans le processus de réunification.

Chypriotes grecs et maronites de Chypre. Autrefois majoritaires dans la partie Nord, ils ne sont qu’environ un millier à être restés après l’invasion de 1974. On les trouve principalement dans deux villages : environ 300 maronites de Chypre à Kormakitis, près du cap du même nom, et environ 350 Chypriotes grecs à Rizokarpaso, dans la péninsule de Karpas. Isolées, mais pouvant désormais accéder sans problème à la partie Sud, les deux communautés sont néanmoins ravitaillées toutes les deux semaines par un convoi de l’Onu. Les maronites sont mieux tolérés par les autorités locales, tandis que les Chypriotes grecs sont privés du droit de vote aux élections de la RTCN.

Militaires et étudiants turcs, étrangers non-turcophones. Les statistiques ne prennent pas en compte ces catégories. L’armée turque maintient sur place environ 30 000 soldats. C’est la plus forte concentration militaire au monde par rapport à la population civile. On trouve aussi 40 000 étudiants, en majorité turcs, installés dans les rutilants campus d’annexes de grandes universités turques à Nicosie-Nord, à Famagouste, à Kyrenia et à Morphou. Enfin, il existe une population étrangère d’origine non-turcophone. D’une part, environ 15 000 Européens, en majorité britanniques, vivant ici tout ou une partie de l’année. D’autre part, une main-d’œuvre étrangère travaillant principalement dans le tourisme, le BTP et la prostitution. Il s’agit d’une population originaire d’Asie et d’Afrique que l’on peut estimer entre 30 000 à 50 000 personnes.

Les populations des zones britanniques et de la zone tampon

Deux choses que l’on oublie souvent concernant Chypre : d’une part, 2,74 % de l’île appartient toujours au Royaume-Uni, d’autre part, la « ligne verte » qui sépare le Sud et le Nord n’est pas complètement vide. Dans ces deux entités vivent 25 000 personnes soumises à des statuts bien particuliers.

Territoire des zones de souveraineté d’Akrotiri et Dhekelia. La vocation de ce territoire d’outre-mer du Royaume-Uni à Chypre est avant tout militaire, avec notamment, à Akrotiri, la dernière base aérienne britannique en Méditerranée. La moitié des 15 000 habitants sont des sujets de Sa Gracieuse Majesté : un effectif tournant de 3 000 soldats, du personnel civil et leurs familles. L’autre moitié de la population, ce sont des citoyens de la République de Chypre possédant ici des maisons, des champs ou des entreprises. En effet, seuls 20 % de la surface du territoire sont occupés par des installations militaires. Le ministère de la Défense britannique qui gère les zones de souveraineté d’Akrotiri (près de Limassol) et de Dhekelia (entre Larnaka et Agia Napa) a conclu toute une série d’accords avec la République de Chypre pour que cette présence « coloniale » soit la moins visible possible : des lois locales en partie calquées sur le droit chypriote, l’euro comme monnaie officielle, pas de poste-frontière, etc. Et pour n’irriter ni les Chypriotes grecs ni les Chypriotes turcs, 90 % des 300 policiers et douaniers du territoire sont recrutés au sein des deux communautés à parts égales.

Zone tampon de l’Onu. La ligne de démarcation sous contrôle des Nations unies coupe l’île entre le Nord et le Sud depuis 1964. La plupart des habitants qui s’y trouvaient ont fui en 1974, mais près de 10 000 personnes, en majorité des Chypriotes grecs, sont restées dans quatre villages. Le plus petit et le plus isolé, c’est Deneia, 27 km à l’est de Nicosie, qui compte 350 habitants. Les trois autres se trouvent au sud-est de la capitale, près de la zone de souveraineté britannique de Dhekelia. Il s’agit d’Athienou (5 000 habitants), Trouli (1 700) et Pyla (2 800). Ce dernier est le seul où la population est toujours mixte avec environ 2 000 Chypriotes grecs et 800 Chypriotes turcs. Si ces quatre villages sont sous administration directe de la République de Chypre, la loi est appliquée par l’UNFICYP, la Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre. Par ailleurs, les 900 Casques bleus et policiers de l’Onu résident, eux aussi, en partie dans la buffer zone (« zone tampon » en anglais), principalement à Nicosie, dans l’ancien aéroport international et au sein de l’ex-hôtel de luxe Ledra.

La diaspora chypriote

C’est simple, il y a plus de Chypriotes à l’étranger que d’habitants à Chypre. La diaspora serait de 1,3 million de personnes. Ce chiffre comprend les personnes nées à Chypre et celles ayant au moins un parent chypriote. Il intègre aussi toutes les composantes ethniques de l’île.

Chypriotes turcs. Ils sont les plus nombreux à l’étranger : environ 800 000 personnes. Un chiffre énorme comparé aux 150 000 Chypriotes turcs vivant aujourd’hui à Chypre. La plus importante communauté se trouve en Turquie avec 300 000 personnes arrivées principalement depuis le début des années 1950 pour fuir les affrontements interethniques. Par ailleurs, en dehors de la diaspora actuelle, la Turquie compterait aussi 300 000 descendants de Chypriotes musulmans ayant quitté l’île après le transfert du pouvoir de l’Empire ottoman à la Grande-Bretagne en 1878. Au Royaume-Uni ne sont comptabilisés que les individus nés à Chypre, soit 130 000 personnes. Mais avec la descendance, la communauté dépasse les 300 000 personnes, principalement à Londres. La troisième grande communauté est celle d’Australie : 40 000 personnes nées à Chypre et 120 000 personnes en tout avec la descendance. On trouve aussi des petits groupes au Canada (6 000), aux États-Unis (6 000) et en Allemagne (2 000). 

Chypriotes grecs. Ils sont environ 500 000 à vivre loin de leur île. Ils sont partis pour les mêmes raisons (pour fuir les conflits interethniques) et souvent aux mêmes endroits que leurs compatriotes chypriotes turcs. Certes, ils n’ont pas choisi la Turquie comme terre d’accueil, mais plutôt la Grèce, où la communauté chypriote grecque est aujourd’hui d’environ 70 000 personnes, principalement à Athènes. Mais, comme les Chypriotes turcs, on les retrouve au Royaume-Uni (environ 270 000 personnes), en Australie (environ 80 000), aux États-Unis (environ 30 000) et au Canada (25 000). Ils sont également environ 25 000 en Afrique du Sud et moins d’un millier en France. Dans tous ces pays, les Chypriotes grecs sont très proches de la diaspora de Grèce, avec de fréquents mariages mixtes. Toutefois, il faut noter qu’au Royaume-Uni, les Chypriotes grecs et turcs vivent souvent dans les mêmes quartiers. De par leur proximité culturelle, les deux communautés entretiennent des liens étroits, notamment au sein de clubs sportifs.

Minorités chypriotes. Les Arméniens, les maronites et les Latins de Chypre installés à l’étranger sont plus difficiles à comptabiliser. Tout d’abord, ces trois minorités sont considérées comme faisant partie de la « communauté chypriote grecque » par la République de Chypre. Ensuite, ils se sont généralement fondus au sein d’autres communautés dans leurs pays d’accueil. Ainsi, les quelque 3 000 Arméniens de Chypre qui ont quitté l’île depuis les années 1950 ont noué des liens étroits avec la diaspora arménienne, en particulier aux États-Unis. Quant aux quelques centaines de maronites et de Latins de Chypre exilés, ils sont, dans leur ensemble, restés très proches de la diaspora chypriote grecque.