La musique traditionnelle
Moult fois conquise, Malte porte dans sa musique les traces et influences de ses invasions. La popularité des fanfares – et leurs « clubs », encore présents dans chaque village – est par exemple un vestige du passage des Anglais au XIXe siècle.
Côté instruments, l’archipel compte quelques objets singuliers, comme il-flejguta, une flûte « siffleuse » traditionnellement utilisée par les bergers, le zaqq, une cornemuse fabriquée en peau de chèvre ou de veau, et des percussions typiques comme le tanbur, petit tambourin connaissant des variantes dans tout le Bassin méditerranéen, ou le zafzafa, un tambour à friction. Moins courant, le zummara existe aussi à Malte mais désigne ici une pipe en roseau terminée par une corne de bovin et non une clarinette double comme au Moyen-Orient.
S’ils sont tombés peu à peu en désuétude, ces instruments connaissent un revival depuis le début des années 2000 grâce au succès du groupe Etnika. À Malte, comme un peu partout ailleurs, la mondialisation a paradoxalement suscité une redécouverte des traditions locales. C’est dans ce mouvement que se crée le groupe en 2000, porté par l’ambition de valoriser les chants et instruments traditionnels en les mariant aux musiques du monde. Le succès est immédiat, chaque sortie atteint le haut des classements de vente et il ne se passe plus une seule grande manifestation sur le territoire où le groupe ne figure. Plus qu’un simple concert, chaque représentation d’Etnika est l’occasion de guider le public dans les traditions, les coutumes et le folklore maltais. Aussi, en multipliant les collaborations avec des chanteurs folkloriques, Etnika rend hommage à des artistes souvent oubliés.
Un genre folklorique qui n’a pas eu besoin d’Etnika pour survivre (bien que le groupe en joue beaucoup), c’est le ghana, prononcé « ana ». Cette tradition musicale voit des chanteurs se regrouper autour d’une guitare et chanter des strophes rimées pour se taquiner, se moquer ou se féliciter les uns les autres. Il s’agit avant tout d’une tradition orale, sans partition. Il existe trois types de ghana : les ghana spirtu pront sont les plus répandus, il s’agit d’improvisations, les ghana Bormliza chantés par deux personnes, et enfin les ghana tal-fatt, des ballades.
Si l'on peut encore en entendre dans des petits bars ici ou là, un des meilleurs moyens d’écouter du ghana est le GhanaFest, rendez-vous dédié qui se tient tous les ans au mois de mai à Floriana, dans les jardins botaniques d’Argotti. Une occasion unique de découvrir ce genre traditionnel ainsi que d’autres musiques folkloriques maltaises et méditerranéennes durant trois jours de fête. À noter que des fêtes religieuses comme l-Imnarja - une des plus importantes de l’île, célébrant saint Pierre et saint Paul – sont l’occasion de croiser de nombreuses expressions folkloriques maltaises.
Musique classique
Hormis le célèbre ténor Joseph Calleja et la soprano Miriam Gauci, Malte n’a pas offert au monde du classique de musiciens d’envergure internationale. L’archipel compte en revanche un très bon chef d’orchestre, Brian Schembri (1961), qui, en digne enfant du pays, a dirigé un temps l’Orchestre philharmonique de Malte. Formé à la Royal School of Music de Londres et au Conservatoire Tchaïkovski de Kiev, Schembri a fait ses premières armes aux côtés de Michel Plasson et d'Emmanuel Krivine à l’Orchestre national du Capitole de Toulouse avant de prendre les commandes de l’Orchestre Métropolitain de Lisbonne. En 2014, consécration, Brian Schembri est appelé à diriger l’ensemble le plus prestigieux de sa terre natale. Ce dernier, fondé en 1968, n’est vraiment devenu « l’Orchestre philharmonique de Malte » qu’en 2008, lorsqu’il prit l’ampleur d’un véritable orchestre symphonique, réunissant les meilleurs talents de l’archipel et du monde entier. Étoffant sa réputation au fil des ans, l'Orchestre philharmonique de Malte a convié des chefs d’orchestre, des solistes et des voix de premier plan comme Andrea Bocelli, José Carreras, Kate Aldrich Among, Guy Braunstein ou Alexei Volodin. Il est depuis 2019 sous la direction principale du chef arménien Sergey Smbatyan.
Emblème national de la musique classique, le MPO est naturellement un porte-voix pour les compositeurs maltais d’hier et d'aujourd’hui comme Girolamo Abos (1715- 1760), grand compositeur d’opéra qui connut le succès hors de ses frontières (notamment à Naples), Nicolas Isouard, dit Nicolò, (1773-1818), un Franco-Maltais qui fut l’un des grands noms de l’opéra-comique et qui reste célèbre pour Les Rendez-vous bourgeois (1807) ou son Cendrillon (1810), Carmelo Pace (1906-1993), auteur de quelques opéras remarquables basés sur le folklore maltais, ou encore Charles Camilleri (1931-2009), considéré comme le compositeur national.
Étant donné qu’il est le seul orchestre professionnel de Malte, le MPO redouble de dynamisme et donne en moyenne plus d’une représentation par semaine. Le meilleur moyen de le croiser est de se rendre au Théâtre Manoel, sa magnifique résidence. Datant du XVIIIe siècle, il est le troisième plus vieux théâtre d’Europe encore en activité et possède un charme époustouflant. Le lieu est sans surprise une des salles privilégiées pour assister au fameux Baroque Festival qui, depuis sa création en 2013, s’est forgé une réputation internationale grâce à sa programmation de haute tenue évoluant dans des lieux magnifiques. Autre excellent festival ayant lieu au Théâtre Manoel : l’International Spring Orchestra. Organisé par le jeune compositeur Karl Fiorini - un Maltais, francophone et parisien d’adoption –, le rendez-vous propose concerts, récitals et musique de chambre interprétés par des artistes locaux et de renommée internationale. Moins connu, plus éclectique, le Pjazza Teatru Rjal, l’autre grand théâtre de La Valette, programme aussi pas mal de choses intéressantes. C’est notamment ici qu’à lieu chaque année le Malta Arts Festival, une dizaine de jours avec concerts, opéra, théâtre, sculpture, photographie, arts visuels et vin (pour ne rien gâcher), offrant une belle place au classique. À noter que Gozo n’est pas en reste et propose également une bonne adresse aux mélomanes, l’Aurora Opéra House, un beau théâtre baroque qui accueille pièces et concerts (notamment de la très ancienne société philharmonique Leone) de novembre à mai.
La musique populaire
À Malte, on aime la variété et les popstars. Sans surprise, l’Eurovision est un rendez-vous très suivi depuis la première participation de l’île en 1971 et chaque chanteur ou chanteuse qui obtient un bon résultat dans le concours devient automatiquement une star sur place. C’est notamment le cas de Mary Siteri qui se place en troisième position en 1992 avec la chanson Little Child et se hisse au rang de diva dans le cœur des Maltais, ou de Chiara Siracusa, qui est systématiquement arrivée sur le podium lors de ses trois participations (1998, 2005 et 2009) et rencontre en conséquence un vif succès dans les charts du pays. Lors d’un séjour sur place, il y a de fortes chances que vos oreilles croisent l'une de ces voix à un moment ou à un autre.