Un catholicisme ancien et profondément ancré
C’est le naufrage de saint Paul sur la petite île portant son nom qui aurait constitué l’élément fondateur de l’introduction de la religion chrétienne sur l’île de Malte. Et cela il y a plus de 2 000 ans. Lorsqu’il fut gouverné par l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, l’archipel maltais a représenté une poche de résistance face à la progression de l’islam en Méditerranée et la victoire lors du grand siège aurait exalté la foi chrétienne des Maltais. Une foi qui durera jusqu’à l’indépendance en 1964. A cette date, la Constitution maltaise fait de la religion catholique romaine la religion officielle de Malte, donnant ainsi à l’Eglise le droit et le devoir de dispenser un enseignement religieux dans les écoles. Toutefois chaque citoyen, selon cette même constitution, se voit attribuer la liberté de culte, quelle que soit sa religion. Jusqu’en 1994, Malte n’aura pas de municipalités mais juste des paroisses dans lesquelles l’église est le lieu principal de rencontre et dont beauté et grandeur doivent traduire la prospérité, lui permettant de rivaliser avec les autres. Si de nos jours l’Église a théoriquement moins de prérogatives, la religion continue à peser fortement sur la vie quotidienne des Maltais : organisation des pratiques et des patronages, divorce jusqu'en 2011 et droit à l'avortement. Dans ce domaine, en juin 2023, Malte a adopté une loi autorisant l'avortement, mais très restrictive (en cas de danger vital pour la mère et de fœtus non viable). Dans les écoles, privées comme publiques, l’enseignement religieux est obligatoire et l’Église s’invite dans les débats de société comme la fécondation in vitro ou l’interdiction de l’avortement.
Le réseau de paroisses reste important : 313 églises pour 63 paroisses à Malte et 45 églises pour 15 paroisses à Gozo, avec souvent un saint primaire et un saint secondaire, donc plusieurs festas. Vous pourrez facilement visiter ces églises car de nombreuses associations maltaises y organisent des visites dans un souci de récupération du patrimoine. Selon les statistiques, 98 % des Maltais sont catholiques mais la situation évolue puisque aujourd’hui ce n’est plus que la moitié de la population qui se rend à la messe tous les dimanches. Compte tenu de l’écrasante majorité de catholiques, la présence des autres cultes est peu visible. Néanmoins, on peut signaler une petite communauté musulmane disposant d’une nouvelle mosquée à Paola. Les protestants se réunissent quant à eux dans la cathédrale anglicane Saint-Paul à La Valette.
Vierge Marie, Festas et Semaine sainte
Le réseau de paroisses est placé sous le patronage des saints, avec un culte tout particulier porté à la Vierge Marie. Sa popularité est extraordinaire et elle est vénérée dans tous les milieux et à tous les âges. Des semaines lui sont consacrées en août dans beaucoup de villages de Malte et de Gozo, où la population se réunit chaque soir sur la place principale. Certains récitent un chapelet, d’autres jettent un œil de la terrasse du café situé pas très loin… A l’heure du tee-shirt porteur de messages et de slogans, il n’est pas rare de voir de jeunes garçons branchés porter la Vierge Marie floquée sur du coton. L’autre saint particulièrement vénéré, c’est l’apôtre saint Paul mais la ferveur accompagne aussi les saints « secondaires » comme saint Publius, converti au catholicisme par saint Paul et premier évêque de Malte, et sainte Agathe, vierge et martyre. Cette ferveur s’exprime particulièrement au moment des festas. Instaurées à la fin du règne de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem pour distraire les paysans de leur travail, elles ne se sont vraiment répandues que vers la fin du XIXe siècle avec l’instauration des Band Clubs, clubs de fanfare. Elles se préparent de longues semaines à l’avance et les églises sont surchargées d’ornements pour l’occasion. Les trois premiers jours, triduum, sont consacrés à la prière. Les festas sont l’occasion de défilés de fanfares et de concerts sur la place du village, de feux d’artifice, le giggifogu, et de processions accompagnant le saint patron dans lesquelles se mêlent toutes les générations. Un nombre impressionnant de festas a lieu entre juin et septembre mais en fait elles débutent en février et s’étalent jusqu’en décembre. Si vous êtes à Gozo vers la mi-août, ne manquez pas d’assister à la festa de la Santa Maria à Victoria qui dure trois jours. C’est l’une des plus célèbres de Malte. Contrairement aux festas qui aujourd’hui ont plutôt pour but de renforcer le lien entre les habitants, la Semaine sainte célèbre la passion, la mort et la résurrection du Christ dans le sérieux et le recueillement. Elle débute le vendredi qui la précède par des processions accompagnant Notre-Dame de la Douleur. L’un des temps forts est bien sûr le Vendredi saint, fêté à Qormi, Zejtun, Rabat, Mosta, Naxxar, La Valette, Cospicua, Vittoriosa, Senglea, Zebbug, Ghaxaq, Luqa, Gharghur et Paola, par des reconstitutions historiques. Le dimanche de Pâques, des réjouissances marquent la résurrection du Christ. A Vittoriosa, Senglea, Cospicua ou Qormi, le matin est consacré aux processions dans la ville à l’occasion desquelles on porte une statue du Christ ressuscité. La procession est accompagnée d’une fanfare et les jeunes hommes qui portent la statue le font en courant. C’est à Vittoriosa que cette célébration revêt une importance particulière. Ce dimanche est aussi l’occasion de se retrouver en famille, de faire un bon repas et d’échanger des cadeaux. On confectionne des œufs de Pâques et la ménagère maltaise concocte une spécialité locale, la figolla : une pâte spéciale découpée pour prendre plusieurs formes : d’un agneau, d’une femme, d’un panier ou d’une croix à huit pointes. On assemble deux formes identiques en les collant et en les fourrant de massepain. Côté croyances et légendes, Malte se signale aussi par ses horloges doubles. Nombre d’églises possèdent deux horloges, une par clocher, suivant le plan classique des églises baroques. L’une donne l’heure véritable et l’autre un renseignement erroné, comme un partage du diable et du Bon Dieu, du bien et du mal, de la vérité et de l’erreur. La légende raconte que si les habitants savent laquelle est à la bonne heure, le diable qui veut les déranger et les tenter pendant la messe l’ignore et, perdu devant ces deux horloges contradictoires, finit par se tromper d’heure et abandonne ses proies.