La politique des trois pays
L’Estonie est une république parlementaire. Le président de la République, chef de l’État, est élu au premier tour de scrutin par le Riigikogu, le Parlement et, au second tour, si nécessaire, par un collège électoral. Son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois. Il dirige la défense nationale, proclame les lois votées au Riigikogu, désigne le Premier ministre et peut initier une révision de la Constitution. Pour l’anecdote, les élections de 2016 resteront parmi les plus longues dans l’histoire du pays. Pour la première fois depuis l’indépendance du pays, le président a été élu seulement au sixième tour ! Le problème du choix d’un candidat commun a finalement été résolu en automne par la désignation de Kersti Kaljulaid qui devient présidente de l’Estonie en octobre 2016. Des difficultés que son successeur, Alar Karis, n'a pas connues lors de son élection en 2021.
Le droit de vote est réservé aux citoyens de nationalité estonienne âgés d’au moins 18 ans et comme souvent en pointe de la technologie (Skype et Bolt sont nés en Estonie), les citoyens peuvent voter aux élections en ligne. Depuis l’indépendance de 1991 jusqu’en 2008 l’Estonie a récolté les fruits de sa nouvelle politique : la croissance économique était au rendez-vous, l’inflation était maîtrisée et le budget assaini. Les institutions financières internationales classaient les résultats de l’Estonie parmi les meilleurs d’Europe centrale et orientale, et en faisait le modèle du tigre balte par excellence. Comme en Lettonie, les relations avec la Russie restent ici dominées par la question des minorités russophones et la guerre en Ukraine.
Le régime actuel de la Lettonie est directement issu de la Constitution de 1918, remise en fonction depuis 1991. Il s’agit donc d’un régime parlementaire unicaméral ressemblant fortement à notre IIIe République. L’Assemblée unique (Saeima) compte cent députés qui élisent le président de la République. Il n’existe pas de représentation régionale ou locale au niveau central et la démocratie de proximité se réduit aux élections municipales. Un gouvernement de treize ministres est nommé et conduit par le Premier ministre. La Saeima et le président ont la possibilité de dissoudre le gouvernement par la procédure de « question de confiance » en particulier en matière budgétaire. Le président peut dissoudre la Saeima mais ses pouvoirs sont relativement limités à la diplomatie extérieure et à un droit de veto. Depuis le 8 juillet 2023, c’est le libéral-conservateur Edgars Rinkēvičs qui gouverne le pays.
La Lettonie mène une politique économique ultralibérale et souffre encore d’une importante corruption économico-politique. La population lettone semble généralement politiquement passive : il a fallu attendre 2004 et la nomination sans consultation de Mme Ūdre (porte-parole de la Saeima sous l’étiquette de l'Union des agriculteurs et écologistes, dont le parti aurait bénéficié de nombreux financements occultes) au poste de commissaire européen pour voir les premières manifestations ayant pour cible l’action du gouvernement. Un véritable choc s’est produit en janvier 2009 avec des émeutes sociales suivant une manifestation suivie par près de 10 000 personnes : conséquence directe de la crise sérieuse que traversait le pays et des difficultés pour bien des familles de vivre correctement après des années de crédit facile.
Les relations avec la Russie demeurent délicates en raison de l’importante population russe présente en Lettonie. Les intérêts russes contrôlant une assez grande part de la finance locale et ayant parfois un monopole d’approvisionnement (pétrole, gaz), l’humour letton résume la situation par la formule « La finance russe tient la politique lettone par la bourse ». Par ailleurs, la question du traitement des non-citoyens est régulièrement amplifiée – souvent à outrance – par la diplomatie russe comme moyen de pression afin d’obtenir une ouverture linguistique (et donc politique) russe en Europe. De nombreuses manifestations de rues en Lettonie ont été largement monopolisées par des actions « spontanées » dirigées et financées par Moscou (contre l’adhésion à l’OTAN, contre la réforme de l’éducation en langue lettone…).
Les relations entre la Russie et la Lettonie ont toujours été tendues. Pour Moscou, comme les deux autres pays baltes, la Lettonie faisait partie de sa zone d’influence. Avec l’adhésion à l’UE et à l’OTAN, le pays a réussi à diminuer l’impact de la Russie sur sa politique intérieure et extérieure au grand dam de son puissant voisin. Depuis la crise ukrainienne, le gouvernement letton exprime ouvertement son soutien à l’Ukraine et ne prend pas de gants en critiquant la politique hostile de Moscou vis-à-vis des anciennes républiques soviétiques.
La Lituanie est une démocratie parlementaire. Comme ses pays frères, son parlement, le Seimas, est monocaméral. Il se compose de 141 députés élus pour un mandat de quatre ans avec une particularité : 71 d'entre eux sont élus dans les circonscriptions locales et le reste est élu sur la base d'une liste bloquée de noms dans une circonscription nationale. Le président de la République est élu au suffrage universel pour cinq ans. Depuis le 12 juillet 2019, c’est Gitanas Nauséda qui gouverne le pays. Il a d'ailleurs été réélu pour un second mandat en mai 2024.
En août 2020, le gouvernement lituanien a recueilli l’opposante au président biélorusse Svetlana Tikhanovskaï comme réfugiée. Pour le chef de la diplomatie lituanienne, « tous ceux qui ont trouvé refuge en Lituanie peuvent se sentir en sécurité et ne seront pas rendus aux régimes [qui les poursuivent], que ce soit pour leur lutte pour la démocratie et la liberté d'expression ou pour leur croyance ». Les relations entre la Lituanie et la Russie, sont tout aussi tendues qu'avec les deux autres États baltes.
Côté économie
Durant la période soviétique, les républiques baltes étaient considérées par le reste de l’URSS comme prospères et privilégiées (installation d’usines de pointe, technologie avancée, meilleur niveau de vie). Vitrines soviétiques face au monde occidental, elles bénéficiaient d’une position stratégique et intermédiaire. Cependant, comme dans la totalité de l’Union soviétique, la vie y était difficile. En dépit de nettes améliorations apportées par l’effondrement de l’URSS (arrivée des produits occidentaux, fin des queues interminables devant les magasins d’État, liberté d’expression et de mouvement…), les premières années d’indépendance ont été difficiles. Dans les années 2000, les trois pays connaissent stabilité et croissance.
Avec l’intégration à l’Union européenne, l’afflux d’investissements étrangers et de fonds européens s’accélère et la région connaît une euphorie économique. Les salaires augmentent vite, bien qu’ils restent encore très inférieurs à la moyenne européenne. Les loyers s’envolent, les centres commerciaux poussent comme des champignons… La crise économique de 2008 a beaucoup frappé ces trois pays qui du fait de l’importance de leur secteur tertiaire ont subi frontalement les effets de celle-ci.
En corollaire : hausse des prix vertigineuse, apparition du chômage de masse et gel de projets immobiliers. Des émeutes ont même eu lieu en 2009 en Lettonie et Lituanie afin de protester contre la situation et la précarisation d’une partie de la population. Des politiques de forte austérité appliquées en 2010-2012 dans les trois pays ont permis de sortir de la crise et de connaître un nouvel essor du développement économique et social. Aujourd’hui, les pays baltes sont souvent appelés « tigres baltes » du fait d’une importante modernisation économique menée depuis leur indépendance. Néanmoins, la reprise post-Covid et les conséquences de l'invasion russe en Ukraine ont contribué au plus forts taux d'inflation des pays membres de l'Union européenne : en moyenne en 2022, 17,2% en Lettonie, 18,9% en Lituanie et 19,4% en Estonie (où les prix sont désormais quasi égaux à ceux de l'Europe occidentale). Inflation qui semblait se calmer en 2023, étant retombée en dessous des 10%.
L'un des grands projets de développement économique qui unit les trois pays est le chemin de fer Rail Baltica. Reliant d'ici quelques années Varsovie à Tallinn, et à terme Helsinki via un tunnel, il mettra fin à leur isolement du reste du réseau ferroviaire européen.
L’Estonie, un pays libéral
Après l’indépendance, l’Estonie a réussi à passer d’une économie administrée et centralisée à une économie de marché dynamique, libéralisée par des gouvernements successifs qui ont observé une stricte orthodoxie budgétaire, tout en menant à bien la modernisation du pays. L’Estonie a connu entre 2000 et 2007 une croissance annuelle moyenne supérieure à 8 %, soutenue principalement par l’importance des investissements étrangers et la hausse des salaires, et accompagnée par une forte réduction du chômage.
Très dépendant des investissements étrangers, le pays a été durement frappé par la récession en 2008-2009, qui a causé une diminution du salaire moyen de presque 5 %. Mais dès 2010, l’économie estonienne entame une nouvelle croissance. Cette tendance s’est poursuivie et intensifiée les années suivantes. Toutefois, la crise laisse dans son sillage un taux de chômage élevé ainsi qu’un tissu social assez fragilisé, notamment dans les régions russophones de l’est. L’émigration est en croissance pour des raisons économiques (médecins en Finlande et en Suède, experts informatiques aux États-Unis). Le pays, qui comptait 1,5 million d’habitants en 1995, en a perdu plus de 200 000. Le gouvernement estonien essaie de résoudre cette crise démographique à travers un programme visant à solliciter le retour des émigrés dans le pays, et à augmenter le taux de natalité.
Les différents secteurs économiques. La structure économique de l’Estonie est dominée par le secteur des services, en particulier le transport, le commerce et le tourisme. Si l’agriculture a considérablement décliné, l’industrie reste quant à elle diversifiée autour de quelques secteurs porteurs comme la sous-traitance électronique et des télécommunications ou les activités liées à l’exploitation du bois et des ressources naturelles.
Le secteur de pointe de l’économie estonienne est l’informatique. Ce sont les programmeurs estoniens qui ont développé Skype, ainsi que les systèmes de paiement par téléphone mobile, le vote par Internet, la carte d’identité électronique multifonctionnelle ; ils ont aussi déployé des efforts sur le plan de la cybersécurité.
Un des pays les plus libéraux au monde. Le secteur du tourisme représente près de 10 % du PIB estonien. Depuis mai 2004, en raison de l’intégration de l’Estonie au sein de l’UE, les statistiques sur le nombre de ressortissants étrangers traversant les frontières estoniennes ne sont plus disponibles. Cependant cet indicateur a été en constante augmentation. Le nombre de touristes ayant visité l’Estonie en 2023 a atteint 4 millions pour une population estonienne de 1,3 million d’habitants.
Les touristes en Estonie viennent principalement de Finlande (plus de la moitié) et jusqu'à récemment de Russie, mais aussi de Suède, d’Allemagne, d’Italie, de Lettonie et, de plus en plus grâce à l’arrivée des compagnies à bas prix, de Grande-Bretagne. Tallinn est la première destination touristique du pays. La plupart des touristes qui restent moins d’un jour en Estonie, principalement les Finlandais qui viennent, non pas pour visiter, mais pour acheter des produits vendus moins chers : bières et autres alcools, produits alimentaires, mais aussi produits de soin, de beauté, vêtements et biens d’équipement de la maison.
La Lettonie, entre stabilité et croissance
Il est bien loin le temps où la Lettonie, sortant de près de cinquante ans de communisme, voyait sa production chuter et connaissait l’hyperinflation. De 1999 jusqu’à 2007, la Lettonie connaît une croissance très soutenue du PIB avec une progression moyenne de plus de 8 %. Le niveau de vie letton rattrape celui de ses pairs européens. Mais le pays a été durement atteint par la crise financière et économique en 2008-2009 ; son PIB a chuté de 18 % en 2009. Les mesures d’austérité particulièrement rigides alors mises en œuvre ont provoqué une forte réduction de la masse salariale et des dépenses publiques. Le chômage reste une préoccupation majeure qui touche principalement les régions les moins développées et les populations non formées et non mobiles. Après trois années de récession, l’économie lettone a affiché en 2011 un des meilleurs taux de croissance de la zone euro. En dehors du bois qui représente 33 % de ses exportations, la Lettonie ne dispose pas de ressources naturelles ni d’équipements industriels. Son économie est peu diversifiée et les échanges avec l’Union européenne encore limités. Le pays est un passage incontournable pour le pétrole russe, ce qui est une source de revenus non négligeable pour la Lettonie, mais accroît sa dépendance envers son grand voisin russe avec lequel elle a bien du mal à trouver un équilibre politique. Comme mentionné plus haut, l'invasion russe de l'Ukraine a changé la donne.
Le secteur primaire. Le secteur primaire (agriculture, sylviculture et pêche) ne représente plus que 4,1 % du PIB letton, contre 20 % au début des années 1990. Cependant il reste important car il emploie encore aujourd’hui 11,6 % de la population active. Le secteur primaire joue un rôle essentiel dans la création des emplois ruraux et régionaux alors que le taux de chômage dans les campagnes lettones atteint parfois 25 %. Depuis l’indépendance le secteur de la pêche voit sa production décliner tout comme la production de viande.
Le secteur agricole, après l’indépendance, a dû faire face à une importante restructuration : les terres jusque-là collectives ont été privatisées et restituées aux anciens propriétaires ou à leurs héritiers. Les anciens kolkhozes soviétiques ont été démantelés, les machines et les terrains, qui étaient jusque-là en commun, partagés. Aujourd’hui le secteur agricole souffre de la faible taille des exploitations, de la baisse de la demande intérieure et du manque de compétitivité de la production locale face aux importations.
Les forêts couvrent 45 % du territoire en Lettonie. Les ressources forestières lettones demeurent une des principales richesses du pays. Avec le temps, les activités se sont diversifiées et la filière bois compte aujourd’hui un large spectre d’industries qui va des matières premières (exploitations forestières) aux produits finis (meubles par exemple) en passant par les productions intermédiaires (bois scié, contreplaqué, etc.).
L’industrie. Les industries les plus performantes sont l’industrie agroalimentaire, la transformation du bois, les technologies d’information et de communication et l’électronique, l’industrie mécanique et métallurgique, l’industrie textile et du prêt-à-porter et la chimie/pharmacie. Aujourd’hui, sur les friches industrielles des anciens conglomérats soviétiques, se développent des parcs industriels où fleurissent des activités de sous-traitance, notamment dans le secteur textile. La Lettonie est devenue une place de choix pour la délocalisation d’entreprises danoises, suédoises et allemandes.
Aujourd’hui l’industrie agroalimentaire est la branche la plus importante de l’industrie de transformation, qui emploie à l’heure actuelle la population active la plus nombreuse. Les secteurs les plus importants sont l’industrie laitière, la transformation de la viande, l’industrie du poisson, l’industrie de transformation céréalière et la production de boissons. La production locale occupe 60 % du marché, mais le développement rapide des grandes surfaces et l’évolution des modes de consommation liée à l’augmentation du niveau de vie poussent le consommateur à rechercher de nouveaux produits et à diversifier sa demande dans le secteur alimentaire.
Les services. En Lettonie, le secteur tertiaire est devenu, en l’espace de quelques années, prédominant loin devant l’industrie manufacturière ou le secteur primaire. Le secteur des services représentait, en 2017, 73,7 % du PIB national, signe, s’il en est besoin, que la Lettonie s’est rapidement réorientée vers une organisation de l’économie propre aux pays occidentaux. Les sous-secteurs qui apportent le plus sont le commerce (22,4 %), les transports, l’entreposage et les communications (13 %), l’immobilier (11 %) et l’administration publique (7 %). Le développement des services dépend surtout du secteur des communications et du transport, notamment du transit portuaire. Mais le poids de ces secteurs dans l’ensemble des services est appelé à décliner. La part des autres services – financiers et commerciaux notamment –, dynamisés par la concurrence des entreprises étrangères, est en forte expansion.
Le tourisme se développe à grande vitesse en Lettonie et le pays voit désormais sa capitale assaillie en été par les touristes scandinaves, anglais ou italiens. 8,3 millions de touristes ont visité la Lettonie en 2019, soit bien plus que ce que le pays compte d’habitants avant de tomber à 340.000 en 2021, année du Covid. Doucement mais sûrement, et le tourisme letton remonte la pente et les derniers chiffres mentionnaient plus de 2 millions de touristes en 2022 et plus d'un million de touristes en juillet 2023. Cependant le tourisme ne représente pour le moment que 4,8 % du PIB, car la majorité des touristes ne passe que quelques journées en Lettonie.
Les touristes baltes (Lituaniens et Estoniens) représentent la grande majorité de ce tourisme (58 %), essentiellement pour le transit et des raisons familiales, suivis par les Russes jusqu'à récemment, les Allemands et les Finlandais. Le gouvernement letton a annoncé un plan ambitieux de développement du tourisme, avec pour objectif de faire de la Lettonie une destination connue de tous en Europe occidentale, et différenciée des autres pays baltes. Ce programme a été couronné d’une campagne publicitaire sur le réseau international CNN, et appuyé par l’adhésion du pays à l’Organisation mondiale du tourisme (OMT).
Ressources nationales et enjeux énergétiques. En 2021, 42 % de l'électricité en Lettonie était produite par les énergies renouvelables (avec l'hydroélectricité comme principale source). Ces dernières ne suffisent cependant pas à couvrir la totalité de la demande énergétique locale. Le pétrole n’est pour le moment ni exploité ni raffiné sur le sol letton.
La raffinerie lituanienne Mazeikiai est le principal fournisseur du carburant (80-90 %) de Lettonie. Le pays est donc dépendant énergétiquement de ses voisins : l’approvisionnement en gaz était assuré à 70 % par la Russie jusqu'à l'interdiction de l'import de gaz dont la consommation a baissé de 30 %. La Norvège, les États-Unis et le Qatar ont remplacé la Russie dans l'approvisionnement de la Lettonie.
La Lituanie, le tigre de l’Est
En 2009, le pays connaît une crise économique sans précédent ; le PIB recule de 14,5 %. Pour faire face à la crise, le gouvernement lituanien a adopté à partir de 2009 des mesures draconiennes. Contrairement à son voisin letton, la Lituanie décide de ne pas faire appel au Fonds monétaire international et choisit la voie de l’austérité en diminuant drastiquement les dépenses du secteur public, notamment les salaires des fonctionnaires. Depuis 2011, le pays retrouve le chemin de la croissance (+ 5,9 %) grâce aux mesures de consolidation économique et budgétaire du gouvernement. L’économie lituanienne, forte d’une main-d’œuvre qualifiée et compétitive, d’exportations diversifiées (principalement vers la Russie, la Lettonie, l’Estonie, l’Allemagne, la Pologne et la Biélorussie) et d’une consommation privée dynamique, a su se redresser et enregistre parmi les meilleurs taux de croissance de l’Union européenne. Le pays a rejoint la zone euro le 1er janvier 2015.
Les difficultés de l’indépendance. Après la chute de l’Union soviétique, le pays a dû faire face à une crise liée à la réorganisation de son économie. Tout d’abord, un fossé s’est creusé entre ceux qui ont su saisir les opportunités économiques qu’offrait l’indépendance et les nouveaux pauvres qui survivaient grâce à de petits boulots.
La réintroduction de la monnaie nationale, mettant en avant la lutte contre l’hyperinflation, et la flambée des prix qui a suivi ont été impitoyables pour les petites gens. Ceux-ci n’avaient pas accès aux supermarchés à l’occidentale apparus après 1991 et vivaient dans les ensembles HLM soviétiques où ils s’entassaient à plusieurs familles.
Une transition difficile. Sur le plan économique, les Lituaniens ont dû aborder leur marche vers l’économie de marché dans des conditions bien difficiles. Il a fallu réformer, redéfinir un cadre de lois et de réglementations pour l’économie et le commerce afin de lutter contre la corruption sauvage et la mauvaise perception des impôts, s’adapter à la concurrence des prix internationaux, réorienter les échanges vers de nouveaux partenaires (autres que l’ex-URSS), recréer un environnement qui était peu propice aux affaires, restructurer le système bancaire.
Les privatisations visant à réduire l’ancien monopole d’État ont fait passer une partie du pouvoir entre les mains de nouveaux privilégiés, voire de la mafia qui, comme ailleurs, sévit dans la région. La jeune république indépendante a dû faire face aux problèmes des frontières, notamment avec la Biélorussie et la Russie. Il a fallu également recréer l’armée nationale avec les moyens et les effectifs existants (des conseillers américains ont rejoint l’armée lituanienne, des CRS français ont été envoyés), réinstaller des ambassades à l’étranger, leur trouver des locaux et accueillir celles des autres pays.
Espoirs et avenir. Après cinquante années de communisme, l’indépendance a ramené des perspectives ainsi que les possibilités que semble offrir l’économie de marché. Les exportations, qui avant étaient dirigées principalement vers la Russie, sont réorientées vers l’Union européenne qui devient le principal partenaire commercial de la Lituanie.
En outre, la Lituanie profite du fait que, pendant la période hivernale, son unique port, à Klaipėda, n’est pas pris par les glaces. La grande autoroute, la Via Baltica, joignant la Finlande à la Pologne en passant par les pays baltes, représente une source de développement pour la région.
La présence allemande à travers le tourisme et les investissements. Même si les Polonais ont dépassé les Allemands, ces derniers représentent toujours une bonne partie des touristes étrangers. Ils sont suivis par les Lettons qui ferment le trio de tête.
Les sources d’énergie : enjeux et craintes
La capitale estonienne a décidé à l’été 2020 de se lancer dans la mobilité verte. Résultat : de nouveaux bus au biométhane. Après un premier essai de quelques mois, la ville envisage de remplacer cent de ces vieux bus par ces nouveaux, avec comme objectif que tous les bus soient remplacés pour 2025. Dans la foulée, les villes estoniennes de Parnu et Tartu ont sauté elles aussi le pas vers la mobilité verte.
En Lituanie, on s’inquiète de la nouvelle centrale biélorusse, située à moins d’une cinquantaine de kilomètres de Vilnius. Première inquiétude, ce sont les eaux de la Neris – la rivière qui traverse Vilnius en aval – qui seront utilisées pour refroidir les réacteurs. Ensuite, la centrale est située sur une zone sismique, et enfin il y a déjà eu un accident en 2016 pendant la construction. En 2020, quelques jours après son inauguration, la centrale est déjà obligée de fermer à la suite d’une explosion de transformateurs électriques. Ce qui renforce encore plus les craintes lituaniennes… Atout lituanien : Klaipėda bénéficie d'un grand terminal de LNG bien connecté aux pays voisins.
En Lettonie, la fin de l’année 2020 marque l’achèvement de la construction d’une nouvelle ligne électrique à haute tension vers l’Estonie. Cette nouvelle ligne permet de s’accorder au réseau européen et d’enfin pouvoir s’émanciper du réseau (et donc la dépendance) russe. Une émancipation d'autant plus urgente depuis la guerre entre la Russie et l'Ukraine car la Lettonie importait 90 % de ses besoins en gaz naturel de Russie.
L'invasion russe a contraint les États baltes à revoir leurs choix en matière de mix énergétique et de politiques énergétiques. Les trois pays ont pris la décision en 2023 d'interdire l'importation de gaz naturel, d'électricité et de pétrole en provenance de Russie. Alors que l'Estonie ambitionne de produire l'intégralité de son électricité à partir de sources renouvelables d'ici 2030, la Lituanie vise le même objectif pour 2045. De son côté, la Lettonie projette de devenir neutre en carbone d'ici à 2050.
La mer Baltique : inquiétude écologique
C’est la plus jeune mer de la planète, puisqu’elle daterait d’il y a seulement 10 000 à 15 000 ans, à la suite des retraits de glaciers. Mais c’est aussi l’une des plus polluées au monde. Le phénomène d’eutrophisation y est notamment très élevé. Il s’agit de l’accumulation de nutriments, qui favorisent une prolifération des algues notamment, provoquant une raréfaction de l’oxygène dans la mer. Source de ce problème : principalement les déversements agricoles.
En conséquence, un projet européen a été mené en 2019 englobant le Danemark, la Suède, l’Estonie et la Lettonie. Des fermes de moules ont été installées pour qu’elles ingèrent des algues microscopiques, favorisant la filtration de l’eau.