Lituanie
L’histoire et la situation géographique de la Lituanie retardent l’émergence d’un art national. Longtemps influencée par la Pologne et la Russie, la culture lituanienne s’affirme officiellement en 1907, lors de la première exposition d’art lituanien. L’événement réunit des artistes déterminants dont le premier sculpteur lituanien, Petras Rimša (1881-1961), d’inspiration réaliste et patriotique. La première galerie d’art du pays ouvre en 1921 à Kaunas et sera renommée musée national d’Art MK Čiurlionis. Mikalojus Konstantinas Čiurlionis (1975-1911) est une des grandes figures artistiques de la Lituanie, qui faisait alors partie de l'empire russe. Peintre et compositeur, il livra près de 300 toiles dans un court laps de temps, empreintes d'onirisme et de symbolisme. Il est considéré comme un précurseur de l'art abstrait.
Adomas Varnas. L’identité culturelle naissante de la Lituanie est marquée par Adomas Varnas. Peintre, photographe, collectionneur et scénographe, il naît en 1879 et décède cent ans plus tard à Chicago. Après des études à l’étranger, il fonde en 1920 l’Union des artistes lituaniens. En 1944, il s’installe aux États-Unis où il poursuit une carrière prolifique. La première période de son œuvre se distingue par des portraits de style romantique. Après l’indépendance, il se tourne vers les recherches chromatiques et le paysage. Varnas reste fidèle à son style sans se laisser influencer par les courants qui ont traversé sa longue carrière. Cette tendance se retrouve dans tous les pays baltes.
Groupe Ars. Le dynamisme des années 1930 engendre le premier groupe d’avant-gardistes lituaniens : Ars. Ses membres, tous formés à Paris, se détournent du classicisme pour explorer des procédés plus expressifs, mais aussi pour proposer un renouveau de l’art populaire. Ars réunit les peintres Antanas Gudaitis, Antanas Samuolis, Juozas Mikėnas et Viktoras Vizgirda.
Leur influence perdure en Lituanie. Cependant, la Seconde Guerre mondiale, puis la longue occupation soviétique constituent une période répressive. Les thèmes et les genres sont imposés : l’histoire et les scènes domestiques ont la vedette. Il faut attendre le « dégel », après 1956, pour retrouver la liberté. Des lieux d’exposition et des mouvements artistiques voient le jour : le palais des Expositions d’art ouvre à Vilnius en 1967, renommé Centre d’art contemporain. En 1969, l’Association des photographes d’art est fondée et sera associée à une école qui continue de former des talents en photojournalisme et photographie d’art.
Années 1990. Le vrai tournant se produit à la fin des années 1980. On assiste soudain à une explosion d’anticonformisme. Une scène particulièrement riche et hétérogène s’exprime en toute liberté : peinture figurative, abstraite, naïve et autres cohabitent. Les premiers peintres abstraits lituaniens se nomment Kazimiera Zimblytė et Cukermanas.
Cukermanas, né en 1953, incarne le retour à l’esthétique non figurative. Ses toiles alternent entre monochromatisme et polychromie, à l’instar de l’artiste américain d’origine lettone Mark Rothko. Sa peinture retranscrit des mouvements rythmés, en jouant avec la matière et les reliefs de façon organique. Sa contemporaine Jurate Mykolaityte, née en 1954, étudie à l’Institut des beaux-arts de Vilnius. Exploratrice du monde visuel, elle s’attache à retranscrire le monde des rêves et de l’inconscient.
À Vilnius, la Galerie nationale ou Nacionalinė dailės galerija regroupe art moderne et contemporain.
Art contemporain. La rupture avec l’Union soviétique change la donne. Les initiatives artistiques se multiplient. En 1992, l’État ouvre le Centre d’art contemporain (CAC). En 1993, le Centre Soros pour l’art contemporain (SCCA, intégré ensuite à la Galerie nationale des arts) est créé à Vilnius par le philanthrope américain George Soros. Son influence est déterminante pour la nouvelle génération. Le financier soutient des projets d’art contemporain, et veille à les diffuser à l’échelle internationale. Parmi les nombreux mouvements qui animent la fin du XXe siècle, « post-Ars » se forme à Kaunas en 1989 autour du photographe Gintaras Zinkevičius. Leurs actions menées sur des sites industriels attirent l’attention sur des questions sociales et existentielles.
Parmi les autres groupes de Vilnius, Žalias lapas (Feuille verte), fondé en 1988, reprend les principes de l’arte povera, de Fluxus et de Joseph Beuys, les peintres de « 24 artistes », à tendance néo-expressionniste. La peinture continue d’avoir la faveur d’artistes comme Jonas Gasiūnas, l’un des plus influents de Lituanie.
L’année 2009 restera mémorable pour la Lituanie : Vilnius est élue capitale européenne de la culture et la première édition d’Art Vilnius, première foire internationale d’art des pays baltes a lieu. En 2023, c'était au tour de Kaunas d'avoir le titre de capitale européenne de la culture.
Estonie
Au tournant du XIXe siècle et du XXe, les artistes estoniens partent étudier à Saint-Pétersbourg, Düsseldorf, Munich, Paris ou Genève. Le jeune art estonien traverse plusieurs périodes : expressionnisme autour de 1915, postimpressionnisme dans les années 1930, puis réalisme socialiste forcé dans les années 1940 et 1950. À ces contraintes, la jeune génération oppose un pop art à l’américaine à la fin des années 1960. L’Amérique est alors perçue comme un idéal de liberté.
Le courant folklorique estonien est incarné par Kristjan Raud (1865-1943). Il peint en 1935 son tableau Sacrifice, qui cristallise la dévastation des pays baltes et l’avenir lumineux auquel ils aspirent. Attaché aux traditions, Raud reste imperméable aux innovations picturales européennes. Formé à Saint-Pétersbourg, en Allemagne et à Paris, il poursuit dans sa veine nationale qui séduit difficilement le marché étranger.
Avant-garde. Dans les années 1920, le Groupe des artistes estoniens rassemble Märt Laarmann, Arnold Akberg, Henrik Olvi, Jaan Vahtra et Eduard Ole. Tous marchent dans les pas des initiateurs des courants révolutionnaires occidentaux.
Entre 1918 et 1940, les grandes figures de l’art estonien se forment ou enseignent à l’École supérieure d’art Pallas, à Tartu : les peintres Konrad Mägi, Ado Vabbe et Nikolai Triik, le sculpteur Anton Starkopf et l’enfant chéri de l’Estonie, Eduard Wiiralt. Né en 1898, Wiiralt partage sa vie entre l’Estonie, l’Allemagne, la Suède et Paris. Ses œuvres fourmillent de détails expressionnistes, morbides ou grotesques. Pour réaliser sa gravure la plus connue, L’Enfer, il fait appel à des techniques anciennes. L’œuvre est conservée au musée d'art d'Estonie (ou Eesti Kunstimuuseum). Il décède à Paris en 1954.
Années 1960. Après la répression, l’art estonien retrouve de la vigueur dans les années 1960. Sous l’œil du KGB, naissent les groupes ANK’64 puis SOUP’69, marqué par le pop art. Ces artistes cherchent à varier les moyens d’expression. Leonhard Lapin, Andres Tolts, Ando Keskküla et Ülevi Eljand, ou Sirje Runge multiplient les expérimentations. L’un des artistes les plus influents de l’anticonformisme estonien est Ülo Sooster (1924-1970). Déporté en Sibérie, Sooster connaît les horreurs des camps de prisonniers. Libéré en 1956, il reste à Moscou où il exerce dans le cercle des artistes russes indépendants, réunis autour d’Ilya Kabakov.
Années 1990. Fait marquant, la hiérarchie des genres est bouleversée. La peinture n’est plus la voie royale. La photographie, les installations, les performances et la vidéo acquièrent leurs lettres de noblesse. Au musée de la Photographie de Tallin (fotomuuseum), cent cinquante ans d'histoire de la photographie estonienne sont retracées à travers des clichés et du matériel d’exception. L’année 1995 marque la naissance de la Biennale internationale de Saaremaa, première du genre sur le territoire.
XXIe siècle. Ouvert en 2006 à Tallinn, le KUMU (ou Kunsti Muuseum, musée d’Art) abrite l’art estonien sauvé des bombardements du 9 mars 1944. À la fois musée national et galerie d’art contemporain, il couvre le patrimoine local ainsi que l’actualité artistique. À quelques pas du KUMU, le palais et musée d’Art de Kadriorg présente la peinture, la sculpture et les arts appliqués d’Europe occidentale et de Russie du XVIe au XXe siècle. En 2024, Tartu sera la capitale européenne de la culture et cela impliquera non seulement la ville mais aussi toute la région dans de nombreuses manifestations artistiques.
Lettonie
Art folklorique. Les paysages de Vilhelms Purvitis (1872-1945) sont entrés dans l’imaginaire national. Ses représentations de la fonte des neiges et des inondations printanières le font même connaître à l’étranger. Fondateur de l’Académie lettone des arts de Rīga, il poursuit une carrière de commissaire d’exposition. Ses œuvres connaissent une destinée tragique, la plupart étant détruites lors de son exil. Une visite à l’Arsenāls-Fine Arts Museum de Rīga permet de découvrir l'art balte et letton des siècles passés.
Modernisme. Le Groupe des artistes de Rīga rassemble l’avant-garde lettone : Romans Suta et sa femme Alexandra Belcova, Oto Skulme et sa femme, la sculptrice Marta Skulme, Janis Liepins, Leo Svemps, Niklāvs Strunke ou encore Valdemārs Tone. Tournés vers le modernisme, ils expérimentent les diverses tendances esthétiques. Après l’annexion de la Lettonie en 1944, le réalisme socialisme musèle les arts. Pendant cinquante ans, le modernisme continue cependant d’exister dans des collections privées. Il faut attendre l’année 1984 pour qu’il sorte de l’ombre, lors de l’exposition légendaire « Daba. Vide. Cilvēks » (« Nature. Environnement. Individus »), organisée dans une église.
Les arts graphiques étaient moins censurées que la peinture dans les années 1970 et 1980. Les artistes épris de liberté devinrent de grands affichistes. Les lettons Ilmārs Blumbergs, Juris Dimiters, Laimonis Senbergs ou Gunārs Zemgals s’illustrent dans les plus grands concours internationaux.
De nos jours. Depuis 1988, le NOASS Art Center, dirigé par des artistes, rassemble tous les arts vivants. On a pu y admirer de grands noms de l’art comme Bill Viola. Certains artistes contemporains lettons s’exportent avec succès. Né en 1974, Sergejs Djomins devient le premier Letton à exposer à la galerie Saatchi de Londres.
En 2014, la Lettonie organise son premier Blank Canvas Street Art Festival. À cette occasion, les résidents de Rīga ont pu proposer leurs murs aux artistes invités. Malgré les normes imposées, la population a découvert un art méconnu dans cette région. Des lieux d’exposition ouvrent à la demande des professionnels de l’art. Dans la vieille ville, le Riga Art Space valorise les artistes établis et les talents de demain, tout comme le centre d'art contemporain Kim? ou le Zuzeum.