Étonnant Moyen Âge
Édifiées entre le XIe et le XIIIe siècle, les stavkirker, églises entièrement en bois, dont le nom signifie « églises sur poteaux », opèrent une fascinante transition entre les cultures pré-chrétiennes et le Moyen Âge roman. Héritières des savoir-faire et techniques vikings en matière d'architecture navale, elles mettent en lumière les étonnantes propriétés architectoniques et plastiques du bois. Les piliers aux allures de mâts, soutenant la toiture sur toute la hauteur de l'édifice, étaient placés sur les côtés ou dans les angles de la nef principale. Les nefs et le déambulatoire, espaces clés du plan basilical adopté par ces églises, possédaient généralement tous leurs propres toitures, créant, en extérieur, un foisonnant enchevêtrement de toits. Si les arcatures en plein-cintre et les puissantes colonnes aux chapiteaux sobrement sculptés sont une traduction de l'architecture romane, les motifs sculptés aux élégants entrelacs ciselés, serpents et autres dragons sont autant d'emprunts à la culture viking. Souvent entièrement recouvertes de bardeaux de bois, la plupart des stavkirker étaient enduites de goudron afin de protéger et préserver le bois. Sur les milliers d'églises construites, seules une vingtaine nous sont parvenues. L'une des plus anciennes est celle d'Urnes, dont le style aux riches éléments sculptés en a inspiré bien d'autres. Ne manquez pas non plus celle de Heddal, surnommée « la cathédrale des stavkirker », et dont les toits multiples donnent à l'ensemble des allures de pagode. La stavkirke de Hopperstad avec ses superbes faîtages en dentelle de bois et celle de Borgund avec ses impressionnantes têtes de dragons sont d'autres incontournables. En parallèle de ces merveilles de bois, le pays a vu naître de très belles églises et cathédrales de pierre. La cathédrale de Nidaros à Trondheim est le plus bel exemple de gothique en Norvège. Voyez son plan octogonal inspiré des grandes cathédrales anglaises, admirez ses puissantes tours, sa nef aérienne et la richesse ornementale de ses colonnes et chapiteaux.
Très religieux, le Moyen Âge fut aussi une période de grande prospérité commerciale. À Bergen, le quartier ancien de Bryggen témoigne de la puissance de la Ligue Hanséatique. Sa structure unique est faite d'unités urbaines composées de rangées de bâtiments de 2 à 3 étages, les gård, répartis le plus souvent sur les côtés de passages étroits faisant office de cours privées. Les maisons sont bâties en rondins de bois, tandis que les galeries sont constituées de colonnes et poutres habillées de panneaux de bois horizontaux. Les toits, portant fièrement les pignons sculptés et travaillés typiques des villes hanséatiques, sont, eux, en tuiles. Par mesure de sécurité, les cuisines, réserves et petits entrepôts de stockage étaient construits en pierre et placés à l'arrière. Isolé du reste de la ville par une barrière, le comptoir était plus que jamais soucieux de conserver les richesses et les secrets de la puissante Ligue Hanséatique !
XVIe-XVIIIe siècle
C’est à cette époque qu’apparaissent les grandes citadelles et forteresses de pierre. Précédés de douves et ponctués de portes et pont-levis, les puissants remparts de Fredrikstad abritent une ville à l’urbanisme clair et ordonné inspiré des canons de la Renaissance dont les rues quadrillées sont longées de superbes demeures en bois, d’entrepôts de pierre et de très belles églises aux proportions harmonieuses. Un siècle plus tard, non loin de là, à Halden, la forteresse de Fredriksten, de plan pentagonal, fut construite pour renforcer les défenses de la ville. À Kristiansand, la forteresse Christiansholm est un autre bel exemple de génie militaire. Voyez les épais murs de ses remparts et son puissant donjon circulaire. Ne manquez pas non plus la forteresse de Vardø et son plan en étoile. Après l’harmonie Renaissance, place au foisonnement baroque, surtout dans les édifices religieux. L’église de Kongsberg est sans doute l’un des plus beaux sanctuaires baroques du pays. Regardez bien chaque élément du décor, vous découvrirez alors que ce que vous preniez pour du marbre, n’est en fait que du bois peint ! Cette église témoigne également de l’organisation très hiérarchisée de la société de l’époque. En face du chœur, les loggias des riches et puissants dominent les travées de la nef destinées aux bourgeois, tandis que les plus pauvres sont relégués en hauteur dans des galeries à la visibilité réduite. Les puissants de l’époque se font également construire de très belles demeures. La Baronnie de Rosendal est un superbe manoir Renaissance dont les jardins et l’harmonieuse roseraie ne vous laisseront pas indifférents. Les jardins du Manoir de Damsgård sont, eux, un superbe exemple de jardins baroques avec leur foisonnement de sculptures et bassins. Le manoir lui-même est un chef-d’œuvre de rococo… en bois ! Tout comme la résidence royale de Stiftsgården à Trondheim. Røros, elle, est un fascinant exemple de cité minière fondée au XVIIe siècle et construite entièrement en bois. Sa planification urbaine traduit la hiérarchie régissant la mine. Les grandes maisons éloignées de la fonderie sont réservées à la direction. Vous remarquerez que depuis le cœur de la ville, la rue se rétrécit jusqu’à la maison du directeur, créant un effet d’optique qui en souligne l’importance. Une vaste demeure au confort bien éloigné de celui des petites constructions en rondins de bois et aux toits couverts de crassier (amoncellement de déchets de la mine) réservées aux mineurs. Et regardez bien le clocher de l’église: il porte l’emblème de la cité minière !
Du néoclassique à la modernité
Pour témoigner de leur prospérité, les grandes familles du XIXe se font construire de somptueuses demeures à la rigueur toute néoclassique. Frontons, corniches et colonnades peuplent les façades de manoirs aux couleurs pastel. La Manoir Jarlsberg en est un bel exemple. Le besoin de retrouver un lien avec l’histoire et le folklore du pays est une des caractéristiques du romantisme national qui se traduit, en architecture, par un retour en force des motifs médiévaux. L’église Saint-Olaf de Balestrand avec son enchevêtrement de toits à têtes de dragons est une ode aux stavkirker. Les cathédrales d’Oslo et de Kristiansand sont, elles, de très beaux exemples de néogothique. La brique est l’élément phare de l’époque, que l’on retrouve également sur le Parlement d’Oslo. Les grandes demeures bourgeoises n’échappent pas à cette mode éclectique. La Villa Breidablikk, à Stavanger, est un bel exemple de « style suisse », style historicisant ancré dans les traditions locales, et que les Norvégiens finirent par adapter à leur propre folklore, créant le « style dragon » combinant architecture vernaculaire en bois et motifs vikings. Ce style est très présent dans les stations touristiques alors en plein développement. Ålesund est, elle, un véritable manifeste de l’Art nouveau. Détruite par un gigantesque incendie en 1904, et reconstruite grâce aux crédits et matériaux expédiés par Guillaume II, la ville est le résultat d’une étonnante convergence entre les besoins d’une élite urbaine commerçante et les nouveautés formelles importées d’Allemagne et d’Angleterre par un groupe de jeunes architectes norvégiens. Ålesund va alors se parer de courbes et entrelacs de pierre, brique et fer forgé. Mais cet Art nouveau est encore fortement imprégné des traditions locales comme en témoignent les tourelles ornementales et les fers de lance des pignons et lucarnes rappelant la Norvège médiévale. Respect des conditions d’illumination, d’hygiène et de densité ; limitation de la hauteur des bâtiments et du nombre de cheminées, usage des matériaux raisonnés…, les règles imposées par les urbanistes permirent d’y garantir harmonie et homogénéité. Dans les années 1930, c’est au tour du fonctionnalisme de faire son apparition. Sobriété des lignes, volumes simples et géométriques, prédominance du béton, importance donnée à la lumière…, telles sont quelques-unes des grandes caractéristiques de ce style. La Villa Stenersen, dont la structure générale n’est pas sans rappeler les édifices sur pilotis de Le Corbusier, et la Villa Dammann, toutes deux à Oslo, sont les grandes représentantes de cette modernité architecturale. L’hôtel de ville d’Oslo opère, lui, une étonnante synthèse entre géométrie et sobriété moderniste et emprunts historicisants, ses tours et sa couleur ocre rappelant le gothique. En grande partie détruite par les Allemands, la Norvège d’après-guerre fait face aux défis de la reconstruction. Très vite, on abandonne les recherches formelles, au profit d’une architecture fonctionnelle, rapide et peu coûteuse à mettre en place. C’est la naissance des villes satellites à la périphérie des grandes villes, à l’image de Lambertseter à Oslo.
Architecture contemporaine
La grande figure de l’architecture norvégienne contemporaine est Sverre Fehn, qui se vit décerner le Prix Pritzker (le Nobel d’architecture) en 1997. Ce dernier a imaginé un modernisme poétique, dans des œuvres très graphiques mais résolument fonctionnalistes, mues par une étonnante dualité entre ombre et lumière. Parmi ses œuvres phares, notons : la Storhamarlåven à Hamar, grange du XVIe reconvertie en musée où verre et béton dialoguent avec les éléments originels en bois ; le musée national d’architecture d’Oslo où son modernisme répond aux lignes classiques du bâtiment du XIXe ; l’étonnante structure sur pilotis du musée d’art de Lillehammer ; et surtout l’incroyable musée des glaciers du Fjaerland, longue structure basse en béton gris blanc dont les murs latéraux obliques suivent la ligne des glaciers. Mêlant lui aussi modernité, tradition et respect du lieu, Jan Inge Hovig est célèbre pour avoir réalisé l’étonnante Cathédrale Arctique de Tromsø aux 11 arches triangulaires pointant vers le ciel. Aujourd’hui c’est Oslo qui se transforme sous les coups de crayon d’architectes novateurs. Le Musée National d’Oslo se place déjà comme le représentant des ambitions écologiques et durables de la ville avec son élégante alliance de pierre naturelle, ardoise, bois et béton. Autre bâtiment phare de la ville : l’Opéra, œuvre du grand cabinet norvégien Snøhetta. Ses lignes épurées dessinent un toit sur lequel on peut… marcher ! Parmi les autres immanquables de la ville : le Musée Astrup Fearnley dont Renzo Piano a imaginé le toit triangulaire supporté par d’étonnantes poutres d’acier et de bois ; et le quartier Bjørvika avec sa nouvelle bibliothèque dont les entailles en façade marquent les entrées, et bien sûr son ensemble baptisé Barcode, composé de 12 immeubles de tailles différentes séparés par d’étroites bandes de terrain et qui, au loin, ressemble à un code-barre ! Et cette vitalité créatrice s’étend au-delà d’Oslo. L’agence Snøhetta a doté le pays de certaines de ses plus belles structures. C’est à elle que l’on doit le superbe Musée Petter Dass littéralement incrusté dans la montagne ; l’incroyable belvédère vitré de Hjerkinn ; ou bien encore le Centre d’Observation des rennes de Dovre avec son enveloppe transparente et son intérieur en bois sculpté. L’agence conçoit également dans le Svalbard, The Arc, un igloo géant au milieu des étendues glacées. Et il y a encore bien d’autres trésors contemporains à découvrir comme The Twist, nouvel espace du Musée Kistefos dans le Hadeland. Imaginée par la célèbre agence danoise BIG, cette structure, d’une portée de 60 m, a été pensée comme un pont enjambant la rivière. Les étonnants refuges et auberges de montagne, les hôtels de glace et spectaculaires cabanes de verre et de bois, les belvédères des routes panoramiques (ne manquez pas les toilettes en forme de champignon de celui de Hardanger !)… il y a tant de choses à voir et d’autres encore à venir comme le Musée des Arts Nordiques à Kristiansand, ancien silo à grains réhabilité, qui ouvrira courant 2024 et surtout le Musée des Cétacés d’Andoya, baptisé The Whale, et dont le toit pavé servira de terrasse d’observation des baleines ! Ouverture prévue en 2026.
Habitat autochtone et richesse vernaculaire
Plus vieux peuple autochtone de Laponie, les Samis sont de grands éleveurs de rennes, et donc principalement nomades du fait des transhumances. La tente lavvu est d’ailleurs l’habitat privilégié lors de ces déplacements saisonniers. Elle est soutenue par un trépied de longues branches fourchues entrecroisées au sommet, sur lequel on vient assembler une dizaine de perches. Cette armature de bois est ensuite recouverte de peaux de rennes, ou aujourd’hui le plus souvent de toiles. Fiers de cet habitat traditionnel, les Samis le perpétuent aujourd’hui encore, comme en témoigne le Parlement sâme à Karasjok dont la structure en demi-cercle se termine à l’une des extrémités par une salle plénière en forme de lavvu. Les Samis ont également développé le goahti. Cette hutte, ronde ou conique, possède une armature faite de 4 poteaux de bois de bouleau courbé afin de former 2 arches. Tout l’assemblage se fait avec des chevilles de bois et sans aucun clou. Cette armature est ensuite recouverte d’écorces de bouleau maintenues par des couches de gazon, mousse ou tourbe. Le revêtement de ces huttes rappelle celui des maisons en bois traditionnelles dont les toits sont souvent couverts de carrés de tourbes sur lesquels pousse ensuite le gazon, permettant une parfaite isolation de la maison. Ces habitations étaient originellement réalisées en rondins de bois bruts empilés, puis ces derniers ont été travaillés à la hache et dotés d’entailles permettant de les emboîter les uns aux autres pour plus de stabilité. Ces maisons possèdent un plan simple rectangulaire et ne disposent généralement que d’une pièce principale. Les ouvertures sont limitées et étroites afin de préserver la chaleur. Originellement, les grandes fermes possédaient des toits en chaume ou recouverts d’écorces de bouleau et de gazon et leurs murs étaient en gazon, palissades ou treillis tissé de bandes de bois enduit de torchis. Parmi les autres richesses vernaculaires, vous découvrirez également de nombreuses maisons sur pilotis. A Longyearbyen, ces structures surélevées permettent d’éviter que les bâtiments chauffés ne fassent fondre le permafrost ! Dans les Lofoten, les rorbuer sont d’anciennes petites cabanes de pêcheurs sur pilotis, généralement peintes de couleurs vives, et aujourd’hui très prisées des vacanciers. La tradition, c’est aussi celle des maisons des petits villages portuaires peintes de couleurs vives pour protéger le bois, des chalets rustiques de montagnes, des maisons aux toits d’ardoise ou de tuiles colorées, des hytte ou cabanes en bois prisées des locaux… une richesse dont les nombreux musées en plein air se font les témoins. A ne pas manquer : le Musée des traditions populaires d’Oslo et le Musée de Maihaugen de Lillehammer. Et cette tradition du bois n’est pas prête de s’éteindre… avec la tour Mjøstarnet à Brumunddal, inaugurée en 2019, la Norvège peut s’enorgueillir de posséder, à ce jour, la plus haute tour en bois du monde… 85,4 m tout de même !