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De l’art sacré à l’art moderne

L’art pictural en Slovaquie a pendant longtemps été un domaine réservé au sacré, à l’image du célèbre autel de l’église Saint-Jacques réalisé par le maître Paul de Levoča (1480-1546), un bijou de la peinture gothique. Jusqu’au XIXe siècle, l’art sacré et les portraits sont ainsi les expressions les plus courantes.

La peinture slovaque se développe formellement dans le courant du XIXe siècle. L’une des figures les plus importantes de cette période est Ladislav Mednansky (1852-1919), représentatif de l’impressionnisme slovaque. Deux autres peintres de cette période, formés à l’Académie des beaux-arts de Prague, expriment la naissance du nationalisme slovaque dans les arts : il s’agit de Peter Michal Bohuň (1822-1879) et Jozef Božetech Klemens (1817-1883).

Au XXe siècle, il n’y a pas de courant artistique prédominant à proprement parler en Slovaquie. On retrouve dans les travaux des artistes slovaques les marques des grands courants occidentaux. On pense par exemple à Šimerová-Martinčeková (1905-2005), inspirée par le mouvement cubiste français, ou au surréaliste Imro Weiner-Kráľ (1901-1978). D’autres sont influencés par l’iconographie folklorique locale, réinterprétée à la lumière du modernisme, comme Ľudovít Fulla (1902-1980), dont on peut admirer les travaux à Ľudovít Fulla Gallery de Ružomberok, et Martin Benka (1888-1971). Ce dernier, surnommé « l’alchimiste de la beauté slovaque » par ses contemporains, est d’une influence capitale pour les artistes de son époque ainsi que pour les générations futures. Benka étudie auprès de l’artiste tchèque Alois Kalvoda, et hérite de son attachement au style Art nouveau et à l’impressionnisme. L’artiste explore les paysages locaux, dépeints avec des couleurs douces et mettant en valeur le travail paysan, ou bien des intérieurs traditionnels à l’atmosphère chaleureuse. Outre ses peintures et dessins, il se consacre à la musique, l’illustration, les timbres, les sgraffites, etc., laissant une marque importante dans la culture de son pays. Une autre figure de la peinture moderne slovaque est Koloman Sokol (1902-2003) qui ne connaît une reconnaissance internationale que dans les années 1980, avec son style inspiré par les expressionnistes allemands.

Sous le régime communiste, la création de la SNG, la Galerie nationale slovaque, permet de diffuser et d’acquérir des créations contemporaines et de contribuer au soutien à la création, bien que cela se limite aux œuvres validées par le gouvernement. Aujourd’hui, elle reste un des lieux incontournables pour les visiteurs passionnés d’art de passage à Bratislava, et on peut y admirer les travaux de la plupart des artistes cités précédemment. Un autre des endroits clés pour découvrir l’art moderne local est la galerie Nedbalka, qui offre un panorama unique de la peinture et de la sculpture slovaques, dans un magnifique écrin architectural (elle est souvent comparée au musée Guggenheim de New York).

La chute du bloc soviétique, un nouveau souffle pour l’art contemporain slovaque

Avec l’affaiblissement de l’influence soviétique au cours des années 1980 puis l’effondrement du bloc de l’Est, les arts se libéralisent et les années 1990 voient naître une explosion de nouvelles formes d’expression. Des médiums nouveaux comme la performance, l’installation ou l’art vidéo se popularisent en même temps que les discours politiques se délient. Bien que la scène artistique slovaque ne soit pas aussi attractive que celle de ses voisins autrichiens, polonais ou roumains, le pays s’affirme doucement, porté par une jeunesse dynamique et connectée aux centres culturels occidentaux. L’activité artistique se concentre à Bratislava, où les galeries, musées et centres d’art jouent un rôle important dans la promotion et la reconnaissance de ces artistes. On recommande le Kunsthalle Bratislava, la Zahorian & Van Espen Gallery et le Danubiana Meulensteen Art Museum, au sud de la ville. En dehors de la capitale, le Kunsthalle/Hala Umenia de Košice propose une très bonne programmation.

Nombre d’artistes slovaques contemporains sont passés par les bancs de l’Académie des beaux-arts de Bratislava, comme c’est le cas de Blažej Baláž, qui y est depuis devenu professeur. Né en 1958, cet artiste de renommée internationale est considéré comme l’un des pères de l’art contemporain slovaque et explore des médiums variés : peinture, performance, dessin, image imprimée, mail art, etc.  Son travail, souvent qualifié de « néo-conceptuel », est doté d’une forte dimension politique et explore des questions sociales ou environnementales. Il est particulièrement reconnu pour son usage singulier du texte comme médium. Plusieurs de ses œuvres comptent parmi la collection de la Galerie nationale slovaque.

Photographie slovaque et photographie tchèque, un dialogue en constant renouvellement

La photographie slovaque entretient des relations étroites avec la photographie tchèque, de nombreux photographes tchèques ayant enseigné en Slovaquie, et, inversement, de nombreux photographes slovaques vivant à Prague. Mais la photographie slovaque ne s’est pas pour autant développée dans l’ombre de photographie tchèque, elle possède des traits qui lui sont propres.

Longtemps sous la coupe des diktats esthétiques imposés par le régime soviétique, la photographie slovaque ne s’épanouit réellement qu’après la révolution de velours de 1989. Mais comme nous allons le voir, on compte au cours du XXe siècle plusieurs artistes ou groupes d’artistes dont le travail se distingue par une grande créativité face aux contraintes politiques auxquelles ils doivent faire face. Ainsi, parallèlement à une photographie officielle de propagande, une photographie documentaire sociale s’échappant des préjugés idéologiques se développe, s’attachant à mettre en valeur une réalité slovaque sublimée. La photographie témoigne des changements survenus dans la société slovaque, essentiellement rurale dans les années 1920 puis principalement industrielle à la fin des années 1990, et des impacts que cela a eu sur la vie quotidienne des habitants.

L’un des premiers grands photographes d’art slovaque est Milos Dohnany (1904-1944). Influencées par le modernisme classique, ses images aux angles dynamiques et aux contrastes nets composent des natures mortes à partir d’objets et matériaux industriels, paquets de cartes, verre moulé, carton ondulé, leur donnant ainsi un aspect presque abstrait.

Sous les restrictions politiques, les années 1950-1960 sont marquées par un retour à la mise en valeur d’une poésie quotidienne, avec des images illustrant les rues de Bratislava ou ses habitants, avec des portraits de passants, d’amoureux ou d’enfants. Les photographies de Jan Cifra (1929-1959), étonnantes de tendresse et de simplicité, sont représentatives de cette période. Elles montrent des musiciens luttant contre des tempêtes de neige ou regardant à travers une vitre de café embuée, des vieilles femmes discutant, des enfants dans un manège, etc. Martin Martincek s’attache quant à lui à illustrer la ruralité slovaque et la grande misère dans laquelle vivent ces populations. Cimetières, champs, villages brumeux, personnages usés par le travail, traditions mourantes sont autant de sujets sur lesquels l’artiste pose son regard pour les sublimer malgré le malheur ambiant.

La fin des années 1970 et les années 1980 sont une période explosive pour la photographie slovaque apolitique et expérimentale. La situation se renverse vis-à-vis de la photographie tchèque, alors que les artistes slovaques se rapprochent des tendances de l’avant-garde internationale et se frottent au conceptualisme, quand les Tchèques restent plus classiques, concentrés sur des thèmes sociaux. Certains parlent aujourd’hui d’une « nouvelle vague slovaque », représentée par des photographes comme Jano Pavlík, Rudo Prekop, Vasil Stanko, Tono Stano, Martin Štrba, Miro Švolík, Kamil Varga et Peter Župník ayant étudié à la célèbre Académie du film de Prague (FAMU), qui compte également une section dédiée à la photographie. Leur style n’est pas documentaire, comme c’est majoritairement le cas dans cette école, mais relève généralement de la mise en scène. Leur travail ne pouvant être directement politique, ils se tournent vers des univers personnels, mais témoignant néanmoins d’un grand désir de liberté. Après la chute du mur de Berlin, la photographie se libéralise radicalement, avec des travaux comme ceux de Jana Zelibska par exemple, qui reprend des photographies érotiques qu’elle découpe, retouche ou complète en insérant des ampoules dans les parties intimes des modèles. Les images décadentes de cette période sont chargées d’une mystique, d’une théâtralité fantasque et exagérée qui illustre bien la fin d’une époque.

Le street art, une pratique tardive en plein essor

Bien que le street art soit apparu relativement tard en Slovaquie, la communauté compte désormais de nombreux artistes. Inspiré par les œuvres tchèques, c’est à Bratislava que les premiers graffeurs s’affirment, paraît-il, sous le pont Lafranconi en 1995. Mais le graffiti ne se popularise réellement qu’au début des années 2000, avec un engouement tout particulier pour la gare ferroviaire, repères des jeunes artistes. Les tags sauvages sont néanmoins réprimés, perçus comme du vandalisme, et la ville tente de calmer cette tendance en proposant des espaces d’expression légaux. Un des rendez-vous annuels de cet art en Slovaquie est le Street Art Festival Bratislava qui a généralement lieu au mois de juin et qui cherche à mettre en avant cette pratique comme un instrument positif de revitalisation urbaine. À cette occasion, on peut également admirer concerts et performances. Enfin, un des organismes de référence en termes de street art à Bratislava est ArtAttack. Il soutient très activement la création locale, publie un magazine spécialisé, organise festivals et expositions et a même créé sa marque de vêtement et son label de musique. N’hésitez pas à consulter son site Internet www.artattack.sk pour en savoir plus sur cet art en expansion !