Découvrez la Guyane : Les enjeux actuels

De par son statut unique à bien des égards – seul département français non îlien, situé en Amérique du Sud, station spatiale européenne, presque intégralement couvert de forêt et aux sols riches en or – la Guyane est sujette à des enjeux politiques, économiques, sociaux et écologiques nombreux et ardus. La crise sociale qui a secoué le département au printemps 2017 a permis de pointer du doigt mieux que jamais les diverses problématiques, souvent anciennes, qui touchent le département. Une administration politique pas toujours très consciente des réalités des habitants, un déséquilibre profond entre la métropole et l'outre-mer, des ressources économiques nombreuses, mais pas forcément exploitées de la façon la plus optimale ni la plus juste, et la question de l'or, qui ressurgit depuis quelque temps, avec sa cohorte de problèmes que sont l'orpaillage illégal, la violence et la pollution des fragiles écosystèmes amazoniens.

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État des lieux politique

La Guyane est à la fois une région administrative et un département français d'outre-mer (DROM), dont Cayenne est la préfecture. Avec la Guadeloupe et la Martinique, elle constitue l'un des trois départements français d'Amérique (DFA). Depuis 2015, la Guyane est divisée en 8 cantons (contre 19 avant) représentés par 51 conseillers territoriaux siégeant à la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG), nouvelle institution résultant de la fusion des deux anciennes entités qu'étaient le Conseil Général et le Conseil Régional. Au niveau national, deux députés et deux sénateurs représentent le département. La présidence de l'Assemblée unique de Guyane est assurée depuis le 2 juillet 2021 par Gabriel Serville qui succède à Rodolphe Alexandre. Le premier a réussi l'union des gauches pour battre le second avec une nette majorité.

Partis politiques. Traditionnellement, les collectivités locales de la Guyane sont majoritairement à gauche. Cette gauche guyanaise est constituée de divers partis plus ou moins actifs. Principalement loyaliste, sa composante majoritaire en est le Parti Socialiste guyanais (PSG), parti indépendant qui, contrairement à la Fédération de Guyane du Parti Socialiste, n'est pas affilié au PS métropolitain. Le Walwari, lié au Parti Radical de Gauche, a été créé par Christiane Taubira, ancienne Garde des Sceaux. Le parti des Forces Démocratiques de Guyane (FDG), l'AGEG (À Gauche en Guyane) et les Verts complétaient cette gauche plurielle. En 2018, Gabriel Serville a lancé son propre parti Péyi Guyane, en s'inspirant sans s'en cacher du Mouvement en Marche d'Emmanuel Macron. Il demeure néanmoins un parti militant de gauche.

La droite guyanaise est composée de la branche locale des Républicains et de diverses petites forces centristes. Le seul leader de la droite guyanaise, Léon Bertrand, qui a occupé un poste ministériel dans les gouvernements de MM. Villepin et Raffarin, a été mis en examen en 2009 et 2010 pour délit de favoritisme et corruption passive. Il sera finalement incarcéré dans un centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly en septembre 2018 et condamné à trois ans de prison ferme. Enfin, la troisième tendance politique est l'extrême-gauche indépendantiste, représentée par le MDES (Mouvement de Décolonisation et d'Emancipation Sociale).

Une collectivité territoriale unique. En une quinzaine d'années, la Guyane est passée de l'effervescence politique et institutionnelle à la paralysie. En 2008 déjà, elle a été concernée comme les autres territoires d'outre-mer par des blocages routiers dénonçant le coût élevé de la vie. Cette situation découle directement de sa situation périphérique, mais les velléités indépendantistes semblent avoir été enterrées en 2010, lorsque les électeurs ont refusé à près de 70 % une autonomie élargie. La mise en place de la collectivité territoriale unique, qui prévoyait la fusion des entités département et région pour décembre 2015 devait être l'occasion d'optimiser le fonctionnement de la gestion du territoire. La Guyane est désormais dotée d'une assemblée dont est issue une commission permanente, et d'un conseil économique, social et environnemental. Pour l'essentiel, les dispositions de droit commun applicables aux Conseils régionaux régissent le fonctionnement de ces institutions. Les enjeux principaux de ces dernières années ont été définis dès 1998 dans le « Pacte de développement pour la Guyane ». Ce document d'orientation porte sur le développement économique et social pour passer d'une économie de transferts de nature exogène et tirée par la commande publique à une économie endogène créatrice de richesses et apte à assurer le bien-être de ses habitants unis dans une communauté de destin.

Des rapports complexes avec la Métropole

Des spécificités locales à prendre en compte. À la question des choix économiques et sociaux, pour certains, l'important serait de changer les rapports qui existent entre la Guyane et la « Métropole coloniale ». Mais la question est complexe, notamment au niveau juridique : que faire demain de ce « droit du travail venu d'ailleurs » dont on revendique syndicalement aujourd'hui l'application ? Faut-il un droit du travail adapté aux réalités guyanaises ? Un droit plus léger que le droit français ? Le lien avec la métropole joue partout sur le développement économique local : les frontières européennes et ses avantages sociaux corollaires isolent la Guyane du reste du continent américain et perturbent les conditions d'émergence d'activités économiques. Quand d'aucuns réclament une politique égalitaire, d'autres soulignent la nécessité d'adapter la politique française à un territoire d'Amérique du Sud. L'espoir d'un jour nouveau s'est pourtant fait ressentir lors des élections présidentielles de 2007. Les Guyanais s'étaient largement mobilisés en faveur de Nicolas Sarkozy, avec un score quasi identique au résultat national. Les tendances restèrent à droite pour les élections régionales de 2010. La Guyane attendait de vrais résultats quant à la sécurité et à l'immigration, les principaux thèmes de la campagne.

Grève contre la vie chère. En novembre 2008, un mouvement de grève mobilise le territoire pendant plus de deux semaines : les Guyanais réclament une baisse de 50 centimes par litre sur le prix du carburant. Des barrages bloquent les routes et empêchent toute circulation des hommes et des marchandises. La baisse est finalement négociée pour une période temporaire, et le blocage cesse. Cependant, ce mouvement « contre la vie chère » s'empare quelques semaines plus tard de la Guadeloupe et de la Martinique, et se durcit. Les négociations avec le gouvernement reprennent et durent cette fois 44 jours. Cette situation de crise a poussé le gouvernement à mettre en place les « états généraux d'outre-mer », afin de rétablir le dialogue et l'écoute, pour une meilleure compréhension mutuelle. Lors des présidentielles de 2012, la Guyane exprime plus encore que l'ensemble des Français son mécontentement face aux promesses dont elle attend encore les effets. Elle donne une large avance à François Hollande au premier tour avec plus de 42 % des voix, et le choisit à 62 % au second tour. Les élections législatives du mois suivant viennent confirmer ce positionnement à gauche.

Un nouveau mouvement social, cette fois-ci sans précédent, démarre le 20 mars 2017 à Kourou et s'étend à tout le territoire. Une grève générale qui dure un mois : les Guyanais protestent contre le manque de sécurité, contre les faiblesses des services de santé et des infrastructures, contre l'orpaillage et l'immigration incontrôlée. Les écoles, les commerces, les aéroports, et les principaux lieux de vie en Guyane sont fermés, les fusées ne décollent pas. Le 28 mars, une grande émeute de près de 11 000 personnes éclate dans les rues de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni. Le lendemain, le ministre de l'Intérieur et celui des Outre-mer se rendent en Guyane et tentent les premières négociations. Le 21 avril, l'accord de Guyane est signé par le gouvernement Cazeneuve qui doit débloquer plus d'un milliard d'euros afin de financer les projets. Six mois plus tard, en octobre 2017, la visite du président Macron est accueillie par un rassemblement à Cayenne demandant le respect des accords. Un an après le début du mouvement, au printemps 2018, il apparaissait, selon Annick Girardin, alors ministre des Outre-mer, que près de 80 % des mesures d'urgence évoquées par l'accord de Guyane avaient été mises en place. Pour autant, les tensions ne sont jamais vraiment retombées à zéro, avec la reprise de nombreuses protestations lors de la crise du Covid-19, notamment face au manque toujours plus criant de soignants en Guyane.

Les fortes inégalités opposant la Guyane à la métropole demeurent malgré tout l'un des sujets sensibles guyanais. Près de la moitié de la population guyanaise a moins de 25 ans et les jeunes sont plus fortement confrontés à la précarité qu'en Métropole. Seuls 12 % des 15-24 ans ont le baccalauréat, 40 % d'entre eux sont au chômage (deux fois plus qu'en métropole) et plus de 25 % des jeunes présentent des difficultés de lecture (contre 4 % en Métropole). Le PIB par habitant en Guyane est par ailleurs deux fois moins élevé qu'en Métropole, et la pauvreté accrue par un coût de la vie supérieur de 12 % à celui de l'Hexagone. Des problèmes d'insécurité plus importants également ont favorisé l'émergence du collectif « 500 Frères », mettant en exergue les problèmes de violence dont souffre la Guyane. La Guyane est en effet le département le plus meurtrier de France. À cela s'ajoutent les problèmes liés à l'orpaillage illégal et à l'immigration incontrôlée, spécifiques à la Guyane, qui, il faut le rappeler, est le seul territoire français d'outre-mer à ne pas être une île. Enfin, le troisième élément problématique est lié au système de santé. Il présente en effet des disparités importantes avec la Métropole : le taux de mortalité serait plus précoce en Guyane que dans l'Hexagone, et le taux de mortalité infantile aussi bien plus élevé. Et l'accès aux soins au quotidien y est aussi bien plus complexe, il y a en outre deux fois plus de médecins généralistes en Métropole qu'en Guyane, et quatre fois plus de spécialistes. Cela s'est avéré d'autant plus problématique pendant la pandémie de Covid-19, même si la Guyane n'a pourtant pas été touchée tout de suite. Mais partageant une frontière commune avec le Brésil, deuxième pays le plus touché par cette maladie, l'aggravation de la situation sanitaire en Guyane est bien venue de son voisin à partir de mai 2020, puis en mars 2021, malgré la fermeture de ses frontières décidée par les autorités nationales. Cela a provoqué une remise en cause des compétences des services de l'État, tant de la part d'une partie de la population que de la classe politique, de même qu'une certaine stigmatisation de la population d'origine brésilienne. La difficulté de faire accepter la vaccination sur ce territoire a également mis en exergue les contradictions traversant la société guyanaise face à cette pandémie, entre dénonciation d'une protection insuffisante ou au contraire considérée coloniale, et volonté de libéralisation au nom de la culture et de l'identité guyanaises. Plusieurs années après la pandémie, ces tensions sont toujours d'actualité tant l'accès aux soins et surtout aux spécialistes de santé ne s'est pas amélioré.

Les secteurs économiques traditionnels de la Guyane

L'exploitation forestière d'abord : la forêt guyanaise couvre environ 8 millions d’hectares. L’Amazonie française est bien plus fragile qu'elle n'y paraît en raison de la pauvreté du sol latéritique qui demeurerait quasi vierge si la forêt n’était pas capable de renouveler elle-même l’humus dont elle vit. Si bien que depuis 1965, l’ONF tente de rationaliser l’exploitation forestière en Guyane, à la fois pour rentabiliser cette activité et pour protéger le domaine. Actuellement, l’économie forestière est principalement axée sur l’exploitation, la première transformation (sciages bruts) et la deuxième transformation (ébénisterie, menuiserie…) et représente la troisième filière économique du département. Plusieurs mesures forestières ont notamment été inscrites dans l'accord de Guyane signé après la crise de 2017. A commencer par la mise en place d'une aide pour éponger les surcoûts de la filière bois en Guyane, d'une aide nationale pour soutenir l'investissement dans le domaine forestier ou encore l'obligation d'utiliser le bois dans les constructions publiques.

 La pêche. En raison des considérables richesses halieutiques, marines et fluviales de la Guyane, la pêche est un secteur productif qui génère beaucoup des exportations de la Guyane (c'est le premier secteur exportateur hors spatial). L’activité est significative pour l’économie locale comptant près de 500 marins et générant plus de 1 500 emplois indirects. Le secteur rencontre actuellement des difficultés liées en partie à son manque d'organisation et sa flotte vieillissante offrant aux pêcheurs des conditions de travail très précaires.

 L’agriculture était initialement une activité de subsistance pratiquée par les Amérindiens. Les colons français ont tenté à plusieurs reprises de mettre en place une agriculture variée et rentable, mais les particularités du sol et la sensibilité parasitaire du pays ont souvent anéanti ces ambitions. Si l’on veut comprendre la structure de la société agricole de la Guyane, le point d’observation privilégié est sans nul doute le marché aux fruits et légumes de Cayenne. A quelques exceptions près, la majorité des stands est tenue par des Hmong, des Surinamais, et quelques locaux. Aujourd’hui, les communautés Hmong de Cacao et de Javouhey sont les premiers fournisseurs de fruits et légumes des marchés de Guyane.

 La riziculture, quant à elle, est une activité très localisée autour du village de Mana où les conditions naturelles de cette plaine alluvionnaire étaient très favorables. Ce sont des ressortissants surinamais qui se sont lancés initialement dans la production à grande échelle au début des années 1980. Soutenue par les pouvoirs publics et rationalisée, la production s’est montrée très rentable et de très bonne qualité.

 L’activité minière. Depuis la découverte d’or en Guyane en 1854, l'activité minière est une ressource économique conséquente pour le département. Aujourd’hui, l’or est la première exportation de la Guyane, représentant 45 millions d’euros. Cette brutale hausse de la production a pour origine des facteurs divers : augmentation considérable du cours mondial de ce métal depuis ces dernières années, évolution des techniques de récupération utilisées, professionnalisation et arrivée de nouveaux exploitants… Le panorama de l’activité aurifère est aujourd’hui le suivant : quelques entreprises de taille moyenne, bien structurées en une multitude de micro-entreprises, souvent clandestines et illégales, et des entreprises minières de niveau mondial. On compte officiellement une soixantaine d’entreprises. La Guyane a été ces dernières années le théâtre d'un grand débat concernant la construction d'une des plus vastes mines d'or jamais faites sur le territoire français : la Montagne d'Or. L’impact environnemental de ce méga projet a cependant été décrié par le président Macron en mai 2019, ce qui rendait sa réalisation incertaine. En février 2022, le Conseil constitutionnel rejette également la prolongation de la concession minière, synonyme d'un sérieux coup d’arrêt au projet.

Activité spatiale, administration et tourisme en Guyane

L’activité spatiale. La décision d’implantation du Centre spatial guyanais à Kourou, en 1964, n’avait suscité ni optimisme débordant ni inquiétude. La Guyane accueillit le Centre spatial avec une réelle indifférence. C’est probablement à ce moment-là que le rendez-vous fut manqué entre les autorités du centre et la population. Initialement, la mise en place du CSG s’accompagnait d’un plan de développement économique de la région tout entière. Les grands travaux engendrés par cette installation ont bien évidemment profité aux entreprises locales et particulièrement à celles du secteur du bâtiment. Bien que de nombreux efforts aient été faits pour tenter de rééquilibrer les bénéfices de l'activité spatiale guyanaise – priorité d’embauche aux Guyanais pour certains emplois, participation à des actions culturelles, enveloppe budgétaire importante, soutien à la formation –, le ressentiment de la population envers le centre spatial reste le même. Il faudra encore un peu de temps pour que cela change. Même si le centre spatial a considérablement développé sa politique de communication, on continue de regretter que certains ne connaissent la Guyane que pour la fusée Ariane. Est-ce bien sa faute ? Il faut bien reconnaître que les succès d’Ariane contribuent à la promotion de la Guyane. Mais l’activité économique de la Guyane doit-elle dépendre d’une seule filière ? D'un point de vue économique, si le secteur spatial représentait 30 % du PIB dans les années 1990, il ne représente plus que 15 % aujourd'hui.

L’administration. Si la Guyane souffre d’une réelle pénurie d’artisans et d’entrepreneurs privés, elle compte dans ses rangs un nombre très important de fonctionnaires et d’employés rattachés à des entreprises publiques. Un dicton populaire prétend même que l’on trouve plus de fonctionnaires à Cayenne qu’à Paris ! Les raisons d’une telle situation sont à la fois historiques et politiques. Dans un premier temps, on sait que, traditionnellement, les DOM occupent, dans l’administration, plus de postes que ne l’exigeraient les circonstances. Cette pratique, voulue politiquement, avait pour objectif de limiter le chômage pour calmer le climat social et, par voie de conséquence, étouffer quelque peu les aspirations indépendantistes. En Guyane, pourtant, l’origine historique est au moins aussi importante que la volonté politique. Ici, le travail manuel a pendant longtemps été mal considéré, car associé dans les esprits aux travaux forcés des bagnards. Mais cette pénurie d’artisans, si elle est préjudiciable à la Guyane au quotidien, n’est pourtant pas la conséquence la plus grave de la trop grande importance de l’administration. Le problème essentiel réside dans le manque d’esprit d’entreprise. La création d’entreprise est considérée par les jeunes comme une aventure risquée (investissements lourds, manque d’expérience…), d’où le découragement ou la peur de l’échec. La Guyane veut donc sortir de son isolement et cherche à développer des relations commerciales avec son voisin brésilien. L’enjeu consiste à diversifier une économie dominée par le spatial et les transferts publics.

Le tourisme. S’il existe une volonté politique de faire du secteur du tourisme une des locomotives de l’économie guyanaise, les efforts pour y parvenir sont colossaux, mais les professionnels sont impliqués et volontaires. La méconnaissance du département (contexte géopolitique, populations, richesses…) due à maints facteurs, un réseau de transport aérien très cher et qui dessert peu de destinations sont autant d'éléments qui ont contribué à une fréquentation peu satisfaisante de la clientèle touristique vers la Guyane. Excepté une clientèle d’affaires importante (50 %), 38 % des visiteurs rendent visite à leur famille ou à leurs amis. Toutefois, les agences de voyages locales enregistrent un nombre croissant de demandes de personnes désireuses de visiter la Guyane, sans qu’ils ne possèdent de connaissances sur place. Un tourisme essentiellement tourné vers la nature. Le département possède en effet une flore et une faune aux richesses incomparables, poumon vert de la planète, qui en fait une grande destination de tourisme vert. Reste encore au territoire français d'Amazonie à fournir quelques efforts pour accueillir un nombre croissant de touristes.

La problématique de l'or

L'activité aurifère conduite aujourd'hui se décompose entre une activité d'exploitation de gisements alluvionnaires et une activité de recherche. L'or provient en quasi-totalité d'exploitations alluvionnaires utilisant des techniques gravimétriques. Une douzaine de petites et moyennes entreprises structurées participent à plus de 80 % de la production du département. Les principaux centres d'exploitation sont répartis en sept secteurs géographiques : montagnes françaises et montagne de l'Espérance, Paul-Isnard, Saint-Elie, Boulanger-Changement, Approuague, Yaou-Dorlin, Alikéné. Le secteur employait officiellement 500 employés en 2012, selon la Fédération des orpailleurs miniers de Guyane (FEDOMG), dans un département de presque 300 000 habitants de nos jours, où le chômage touche environ 17 % de la population. Les activités de recherche sont effectuées par des entreprises minières, destinées à caractériser des gisements permettant la poursuite à terme de leur activité d'exploitation. Ainsi, de nombreuses sociétés internationales ont entamé des programmes de recherche d'or primaire importants. On pourrait par exemple citer la Compagnie minière Montagne d'or – portée par le consortium russo-canadien Nordgold-Columbus Gold – qui a choisi la Guyane en 2016 pour y établir le plus grand projet aurifère jamais proposé en France.

L'orpaillage clandestin. L'un des gros problèmes de la Guyane, tant pour son développement économique, touristique et écologique, demeure avant tout l'orpaillage clandestin. Depuis les années 2000, ce département, qui est parmi les plus riches du monde en matière de biodiversité, subit de plein fouet une nouvelle ruée vers l'or caractérisée par des pratiques incontrôlées. Aujourd'hui, la quantité d'or officiellement extraite de Guyane oscille entre 1 et 1,5 tonne par an, sur les quelque 2 500 tonnes produites dans le monde entier. Ceci place la Guyane aux alentours du 55e rang mondial en termes de production officielle. Mais ces chiffres masquent l'extraction illégale qui est largement majoritaire en Guyane, puisque l'on estime qu'elle s'élève à environ 10 tonnes par an, soit presque 10 fois la production légale ! Et ce alors que les forces de l'ordre, menant des opérations de destruction des chantiers d'orpaillage illégal, ne parviennent à en saisir que quelques kilos chaque année… La quasi-totalité de la production illégale finit donc par intégrer les filières officielles de transformation et de distribution, grâce à l'absence généralisée de traçabilité dans les filières aurifères et notamment dans les pays frontaliers. L'extraction illégale est presque exclusivement réalisée par des orpailleurs en provenance des États du Nord brésilien, appelés garimpeiros. Ils seraient entre 10 000 et 15 000 à travailler chaque jour dans l'intérieur guyanais. Les populations particulièrement pauvres qui alimentent la main-d'œuvre de l'orpaillage illégal en Guyane sont bien souvent les premières perdantes, subissant exploitation, endettement et conditions de travail dangereuses. On se doit de ne pas passer sous silence le danger et les risques de l'activité aurifère illégale pour l'environnement et la santé des populations. Le mercure, utilisé pour agglomérer l'or, est la principale cause de pollution des rivières et fleuves. Sans oublier l'apparition du paludisme due à une forte population clandestine en forêt. Les populations les plus touchées sont malheureusement aussi les plus fragiles : il s'agit des Amérindiens Wayana, Teko et Wayampi, habitants du Haut Maroni et de la commune de Camopi.

Depuis le mois de février 2008, suite à une déclaration de Nicolas Sarkozy, les forces de gendarmerie et les forces armées en Guyane ne cessent de travailler dans le but commun de diminuer l'orpaillage clandestin : l'Opération Harpie. Le bilan Harpie 2012 révèle que les garimpeiros montent en violence face aux opérations menées pour contrer leurs activités illégales en Guyane. Il constate aussi des saisies en baisse pour l'or et le mercure. Le bilan 2014 fait état d'une baisse du nombre de chantiers illégaux, la chute du cours de l'or et la multiplication des opérations coup de poing n'y étant pas pour rien. En 2017 toutefois, en raison de mouvements sociaux qui secouent la Guyane et du redéploiement des forces militaires pour encadrer les grèves, les chantiers d'orpaillage clandestin se multiplient à nouveau… Et malheureusement, la ruée vers l'or est toujours plus d'actualité, accentuée par la flambée des cours, sur fond de guerre en Ukraine.

La Montagne d'or. Autre visage de la problématique aurifère guyanaise : la Montagne d'or. Il s'agit d'un projet de gigantesque mine industrielle à ciel ouvert porté par la compagnie minière Montagne d'or, association de la société russe Nordgold et de l'entreprise canadienne Columbus Gold, qui prévoyait une exploitation du site en 2022. Encore loin de se concrétiser, malgré le soutien alors sans appel d'Emmanuel Macron en 2018, le projet minier suscite de vives contestations de la part des associations écologiques, des scientifiques et des populations autochtones installées dans les alentours de Saint-Laurent-du-Maroni. Pour cause, outre les promesses d'embellie économique, certains parlent de véritable catastrophe écologique. Nichée entre deux réserves biologiques intégrales, au cœur de la forêt amazonienne, près de la frontière avec le Suriname, la mine pourrait nécessiter la déforestation de l'équivalent de 32 fois le Stade de France. Par ailleurs, est décriée l'utilisation de 10 tonnes de cyanure et de 18 tonnes d'explosif par jour, produits polluants et hautement toxiques qui favorisent de surcroît les risques d'accident. En janvier 2019, le député guyanais Gabriel Serville, suivi par une soixantaine de députés, a notamment demandé l'interdiction totale d'utiliser du cyanure dans les mines françaises. Un pavé dans la mare relançant le débat sur la Montagne d'or. Ce même mois, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU avait lui aussi pris part au débat, sommant la France d'écouter les plaintes et les revendications des populations autochtones. 70 % des Guyanais s'opposaient au projet, malgré les retombées économiques promises. Puis, le 6 mai 2019, coup de théâtre : alors que le président Macron annonce une série de mesures en faveur de la protection de l'environnement dans le but de verdir l'image de son parti lancé dans la campagne des Européennes, il annonce que ce projet Montagne d'or n'est pas compatible avec ses ambitions écologiques, compromettant ainsi sérieusement sa réalisation. En février 2022, le Conseil constitutionnel rejette finalement la prolongation de la concession minière à la suite d'une saisie du Conseil d'Etat, et cette décision pourrait bien mettre un coup d'arrêt définitif au projet minier de la Montagne d'or. Et c'est 2 ans plus tard, le 6 février 2024, que le dossier prend véritablement fin lorsque la cour administrative d'appel du tribunal de Bordeaux appose un point final à la prolongation des concessions minières Elysée et Montagne d'or.

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