Amérindiens
Au cœur du groupe constitué par les Amérindiens, on distingue six ethnies différentes : les Wayampi, les Emerillon, les Wayana, les Galibi ou Kali’na, les Arawak et les Palikour. En Guyane, on estime leur nombre actuel à environ 9 000 individus, vivant très majoritairement à l’écart de la société, retirés dans leurs villages respectifs en forêt ou sur le littoral. Il y a peu, les autorités françaises ont créé une zone réglementée qui s’étire au sud d’une ligne reliant Maripasoula (sur le Maroni) à Camopi (sur l’Oyapock), soit un bon tiers du territoire. Cette initiative ne vient pas d’une menace de disparition physique de ces communautés autochtones, mais plutôt d’un désir d’assurer la pérennité de leurs pratiques, bien menacées, elles, par l’inévitable acculturation conséquente à l’installation des Amérindiens dans les grandes villes. La protection de l’environnement faunistique et floristique est également essentielle dans l’équilibre alimentaire de ces ethnies, constamment fragilisé par le danger que représente l’orpaillage. Depuis quelques années, les Amérindiens de Guyane manifestent le désir de voir leurs enfants suivre une scolarité normale, comme les autres enfants guyanais. Malheureusement, la distance qui sépare certains villages des établissements scolaires représente bien souvent un obstacle à la bonne poursuite de ces études, le problème de l’hébergement à proximité du lieu d'enseignement ayant tendance à être récurrent.
Malgré cet isolement, les habitants des zones réservées ou des régions du littoral tiennent une place active dans la vie du pays, et la rencontre avec ces peuples amérindiens est une expérience hautement recommandée. Par ailleurs, leur connaissance de la forêt amazonienne et leur mode de vie totalement intégré à l’environnement font d'eux des guides particulièrement remarquables : dans le cadre de randonnée ou même d'expéditions de chasse en forêt, leur expérience et leurs connaissances s'avèrent extrêmement utiles !
Les Wayana. On pourra par exemple de nos jours visiter des villages Wayana, essentiellement sur le Haut Maroni. Extrêmement sensibles aux maladies européennes les plus bénignes telles que le rhume, ces peuples ont été isolés afin d'assurer leur propre protection. Bien qu’ils aient subi l’influence de la vie occidentale (système éducatif français, tenues vestimentaires, langue), l’identité et le mode de vie des Wayana ont peu changé. S’ils ne portent plus tous les jours le kalimbé (pagne de couleur rouge), lors de festivités et autres occasions exceptionnelles, ils se parent de tenues de fête (magnifiques costumes cousus main et couronnes de plumes colorées) et jouent de leurs instruments de musique traditionnels. Le quotidien des Wayana est partagé entre travaux agricoles, chasse, pêche et cueillette, autant d'activités qui permettent de satisfaire la totalité des besoins alimentaires de la communauté. Le manioc, sous forme de cassave (une sorte de galette) ou de couac (semoule), constitue l’ingrédient le plus couramment utilisé dans leur cuisine.
Les Galibi. De tous les peuples amérindiens de Guyane, les Galibi sont probablement ceux qui sont le plus intégrés à la vie sociale guyanaise en raison du fait que, contrairement aux autres communautés amérindiennes, ils vivent très majoritairement sur le littoral, que ce soit à proximité de Mana, à Saint-Laurent-du-Maroni, à Iracoubo ou encore à Kourou et Cayenne. Les Galibi se battent sur le terrain social et politique pour défendre leurs intérêts et leurs traditions. Ils ont ainsi obtenu la création de leur propre commune à l'embouchure du Maroni, Awala-Yalimapo, entièrement gérée par leurs soins. Participant à l’économie de la Guyane, ils s'avèrent assez dynamiques dans les secteurs du tourisme, de l’agriculture et de la pêche. Organisés en communautés, les Galibi reconnaissent l’autorité d’un « capitaine » qui, généralement, joue un rôle d’interlocuteur auprès des institutions. Depuis peu de temps, ces communautés commencent à se tourner vers le tourisme et permettant aux visiteurs de partager, le temps d’une journée ou d’un week-end, leur vie de tous les jours.
Les Palikour. Estimés, comme les Wayana, très vulnérables aux maladies importées d’Europe, les Palikour vivent principalement au sud-est de la Guyane, entre le village de Saint-Georges et l’embouchure du fleuve Oyapock, dans des zones protégées, créées pour eux par arrêté préfectoral. Pratiquant traditionnellement le troc, les Palikour ne connaissent l’usage de la monnaie que depuis peu. Bien que la majorité de leurs enfants soient aujourd’hui scolarisés, ils restent encore nettement en retrait de la civilisation moderne, conservant des coutumes et des mœurs très traditionnelles.
Noirs Marrons ou Bushinengués
Les Noirs Marrons sont ainsi désignés pour des raisons historiques : ce sont les descendants des esclaves africains qui au XVIIIe siècle décidèrent de « marronner », c'est-à-dire de fuir les plantations – principalement hollandaises du Suriname, mais aussi de la Guyane – où ils travaillaient dans des conditions souvent intolérables, afin de regagner leur statut d'hommes libres. L'autre nom de ces hommes et de leurs descendants est « Bushinengué », terme forgé à partir de l'anglais « bush negroes » (littéralement « nègres des bois ») car c'est en s'isolant dans la forêt, terrain qu'ils apprivoisèrent parfaitement, qu'ils sont parvenus à ne pas se faire attraper par l’oppresseur et à s'organiser en communautés. Tout comme les Amérindiens, ils sont considérés en Guyane comme des « hommes du fleuve » ; leur connaissance des cours d'eau et la grande facilité avec laquelle ils naviguent dessus en font en effet d'excellents piroguiers. Les communautés de Noirs Marrons sont également réputées pour leur maîtrise de la sculpture et de la peinture sur bois, l’artisanat Bushinengé se nourrissant largement de racines africaines.
On recense en Guyane trois groupes de Bushinengués : les Bonis ou Akulu (5 000 personnes environ) vivent principalement sur la rive droite du Maroni (Apatou, Papaïchton et Maripasoula), les Ndjukas (entre 6 000 et 10 000 membres) résident eux aussi le long du Maroni ainsi qu'à Grand-Santi, Kourou et la banlieue de Cayenne, tandis que les Saramacas (autour de 8 000 personnes) sont répartis aux quatre coins du territoire (Saint-Laurent-du-Maroni, Kourou, sur les rives du Tampoc et de l'Oyapock). La langue commune utilisée par les Noirs Marrons, indépendamment de leur propre langue, est le sranan tongo, venu du Suriname. Toutefois, les populations de l’intérieur utilisent des variantes liées plus étroitement à leur propre culture. Ainsi, les Saramaca recourent au sranan tongo pour leurs échanges avec d’autres Bushinengés, mais parlent le samaca dès qu’ils sont entre eux.
Comme cela reste le cas pour les Amérindiens, l’économie traditionnelle des Noirs Marrons est axée sur l’agriculture en forêt, la chasse, la pêche et la cueillette. Les hommes abattent et brûlent des parcelles de terres forestières afin de faire de la culture sur brûlis, les abattis. Les femmes cultivent principalement le riz, le manioc et quelques tubercules. Comme les Amérindiens, ils importent un certain nombre de produits manufacturés des villes côtières (vaisselle, vêtements, tissus…), ce qui les rend relativement dépendants de la civilisation occidentale. Depuis 1960, les pôles noirs marrons ont tendance à se déstructurer. Les moyens de communication entre les villes côtières du Suriname et de Guyane se sont toutefois améliorés, facilitant les échanges de marchandises et le tourisme.
Créoles et Métros
Les Créoles constituent la communauté la plus importante et la plus active de la Guyane (environ 40 % de la population). Les Créoles guyanais sont le fruit d’un vaste brassage entre les ancêtres africains et des groupes divers tels que des Chinois, des Européens ou même des Indiens (d’Inde), appelés plus communément « Coolies ». De plus, la Guyane a accueilli au cours de son histoire un grand nombre d’immigrants créoles en provenance des Antilles françaises (Guadeloupe et Martinique, environ 12 000 personnes aujourd'hui) et anglaises (Sainte-Lucie et Dominique). La langue créole guyanaise (kréyòl gwiyanè) ainsi que la musique incarnent l’identité créole, exotisme qui ne laisse pas indifférents les voyageurs. C’est pendant le carnaval que l’esprit créole se manifeste avec le plus de vigueur. Subissant les effets d’une forte immigration, la proportion de créoles a tendance à baisser. Installés généralement sur le littoral (Cayenne, Kourou, Saint-Laurent-du-Maroni et Mana), les Créoles contrôlent malgré tout l'essentiel du pouvoir politique local, et seule une minorité d'entre eux vit dans la forêt équatoriale. Le visiteur sera peut-être frappé de constater l’antagonisme opposant parfois les Guyanais et les Antillais. Pour des raisons politiques et administratives, la Guyane et les Antilles sont regroupées dans une même entité territoriale, alors que les problèmes rencontrés dans chacune de ces zones géographiques n’ont strictement rien en commun. À juste titre, souvent, les Guyanais considèrent que leur département, comparé à ceux des Antilles, fait office de parent pauvre.
Les Français de métropole, appelés communément les « Métros », représentent eux environ 12 % de la population guyanaise. Contrairement aux Antilles, la Guyane ne compte pas de communauté blanche ancienne comme les Békés de Martinique et de Guadeloupe. Les conditions historiques de la venue des Blancs en Guyane diffèrent d’ailleurs radicalement de la situation qu’ont connue les Antilles. Dans les îles, le Blanc était initialement un propriétaire terrien, un maître dirigeant une plantation exploitée par des Créoles souvent réduits en esclavage. En Guyane, les Blancs ont d’abord été associés aux bagnards qui peuplèrent le territoire dès le milieu du XIXe siècle. La communauté des Métros est principalement employée dans l’administration, l’armée et l’industrie spatiale. Il s’agit essentiellement d’une population temporaire qui se renouvelle régulièrement. Par conséquent, cette population ne s’implique que rarement dans la vie sociale locale et cherche, au mieux, à s’intégrer à la communauté créole. Certains pourtant ont succombé au charme de la Guyane à l’occasion d’un court séjour et s’y sont installés définitivement.
Autres communautés
L’environnement géopolitique de la Guyane est propice à des mouvements de population. Le département est en effet un véritable îlot de richesse économique dans cette région du monde, si bien que depuis une dizaine d'années, la population guyanaise augmente de manière quasiment incontrôlable : la Guyane est souvent considérée comme un eldorado, par les populations brésiliennes et surinamaises notamment. L’immigration clandestine est d’ailleurs le cheval de bataille des autorités bien que la présence de ces populations ait de nombreux avantages économiques et culturels. Chaque année, les autorités guyanaises expulsent environ 15 000 personnes en situation irrégulière.
Parmi les communautés étrangères importantes en Guyane, la plus dynamique est celle que composent les Asiatiques, véritables moteurs dans les domaines du commerce et de l’agriculture. Les Chinois de la région de Canton ont été amenés en Guyane au cours du XIXe siècle pour pallier le déficit de main-d’œuvre consécutif à l’abolition de l’esclavage. Leur situation a évolué au fil des années, et aujourd’hui ils se sont surtout spécialisés dans le petit commerce et organisent leur propre filière d’immigration avec Hong Kong. Les Hmongs de Guyane ont été installés à partir de 1977 par le gouvernement français suite aux propositions d’associations d’aide aux réfugiés et de missionnaires qui avaient évangélisé cette population en Indochine. Originaires du Laos qu’ils avaient fui en 1975 pour se rendre dans les camps de Thaïlande après l’arrivée au pouvoir des communistes, ils furent l’objet de divers projets de réinstallation dans les pays occidentaux. C’est ainsi que les premières familles Hmong arrivèrent en Guyane, dans le village de Cacao, où elles pratiquèrent la riziculture. Aujourd’hui, ils sont majoritairement devenus maraîchers et jouent un rôle déterminant dans l’approvisionnement en fruits et légumes des marchés urbains des grandes et moyennes villes de Guyane. Un deuxième village, Javouhey, à 250 km de Cacao, fut créé en 1979, ainsi qu’un troisième en 1988, Rococoua. On distingue également dans la communauté asiatique présente en Guyane les Javanais, en réalité des Indonésiens émigrés au Suriname (à l’époque de la Guyane hollandaise), qui se sont installés, au terme de leur contrat avec le gouvernement hollandais, dans la région de Sinnamary en Guyane française, autour de 1955-1960. Après quelques essais d’exploitation agricole, ils se sont majoritairement détournés de l’agriculture pour se faire embaucher sur les grands chantiers du Centre Spatial Guyanais (CSG).
Installés depuis très longtemps en Guyane, les immigrés libanais sont totalement intégrés au pays. Leur activité de prédilection est surtout le commerce de textile. Mais la Guyane fait également office de terre d’asile dans cette région agitée de monde. Dans un passé assez récent, les Haïtiens, fuyant le régime totalitaire des Duvalier, puis la misère de leur pays, ont trouvé en Guyane une terre d’accueil francophone. Après le séisme en Haïti de 2010, de nombreux étudiants ont été invités à poursuivre leurs études en Guyane en attendant la reconstruction de leur pays. De façon générale, les Haïtiens vivent de petits travaux de jardinage ou d’entretien des maisons, les difficultés administratives ou financières les obligeant souvent à résider dans des maisons très modestes, souvent en communauté. Autres réfugiés, ceux de la guerre civile qui a secoué le Suriname voisin. Ce conflit a entraîné une arrivée massive de Surinamais, notamment à Saint-Laurent-du-Maroni, en 1986. À cette époque, des camps avaient été mis en place dans cette région en vue de les accueillir et de gérer une situation que l’on considérait alors comme temporaire. Mais le conflit a duré sept ans et quand le calme est revenu en 1993, ils furent peu nombreux à réintégrer leur pays. Le travail sur les sites d’orpaillage a, de son côté, attiré essentiellement des Brésiliens, dont les familles sont intégrées dans la vie guyanaise et dont les enfants sont généralement scolarisés. Enfin, quelques milliers de ressortissants de Sainte-Lucie, de la République dominicaine, du Guyana et d’Indonésie viennent compléter ce formidable patchwork de populations.