Une population homogène…
Le choix en 2016 du nom « Tchéquie » au détriment de la « République tchèque » n’est pas anodin. Il s’agissait alors de rattacher l’histoire du pays à celle de la Bohême, État constitué dès l’époque carolingienne, ayant fourni des souverains et une capitale, pendant un temps, au Saint Empire romain germanique, sans pour autant oublier que la « Bohême » a été longtemps contrôlée par des souverains étrangers comme les Celtes ou les Allemands. Problème : la « République tchèque » faisait historiquement référence à la réunion de la Bohême et de la Moravie, alors que la « Tchéquie » (Čechy) ne désigne plus que la Bohême et non l’ensemble du pays, le terme usuellement employé pour désigner ce dernier étant Tchéco (Česko) ou Republika. Si plus de 95 % de la population parle effectivement le tchèque, les Moraves revendiquent de plus en plus ouvertement leur spécificité, ce qui peut expliquer que le nom même du pays est défini par un adjectif (tchèque) et non un nom propre.
… qui parle la même langue, ou presque
Le tchèque appartient au groupe des langues slaves occidentales, tout comme le slovaque de ses voisins. Au total, près de 93 % de la population parle tchèque, ce qui en fait un pays ethniquement homogène. Autre chiffre intéressant : plus de 90 % des personnes parlant tchèque dans le monde vivent en Tchéquie. Une langue qui s’exporte donc peu, raison pour laquelle, à Prague comme dans les grandes villes du pays, vous n’aurez pas grand mal à vous faire comprendre en anglais. Il est plus difficile pour nous français de faire le chemin inverse : la langue tchèque obéit à une syntaxe assez complexe avec des genres variant selon la position des groupes nominaux dans telle ou telle phrase, un peu comme en russe ou en allemand. En outre, l’accentuation est plus riche que la nôtre, avec de nombreuses consonnes accentuées et des prononciations parfois complexes : on bute sur certains mots, en se demandant où sont passées les voyelles… Des variantes régionales existent, mais on peut tout juste parler de dialectes car ils demeurent malgré tout très proches de la langue mère, excepté peut-être en Silésie, où des dialectes régionaux auraient plus tendance à se rapprocher du polonais que du tchèque, mais encore une fois, ces deux langues appartiennent à un même groupe.
Mais chaque région a son petit accent. Un Pragois se reconnaît à son accent chantant et reconnaîtra immédiatement un habitant d’Ostrava (la capitale de la Moravie du Nord) à sa diction courte et à l’emploi de mots venus du polonais ; un habitant de Hana (la Moravie centrale) transforme les suffixes finissant normalement par un « e » en un « a » ; un Pilsenais (l’ouest de la Bohême) utilise le préfixe « tu » avant les pronoms ; le peuple de Brno parle un dialecte particulier lié à l’allemand. Que cela ne vous décourage pas si vous voulez apprendre le tchèque, on fera toujours un effort pour vous en faciliter la compréhension.Une minorité rom qui peine à s’intégrer
Au premier rang des minorités du pays se trouvent les Roms, dont le sort fait régulièrement la une de l’actualité des journaux tchèques. Les premiers Tsiganes sont arrivés en République tchèque au XIVe siècle. D’abord persécutés par l’Église car non-croyants, les Tsiganes ou Roms ont ensuite été persécutés par la population, comme partout en Europe centrale. À partir de 1697, un décret impérial les a déclarés hors-la-loi, déclenchant ainsi la chasse aux Tsiganes avec la bénédiction des autorités religieuses et laïques : tuer un Rom n’était plus un crime et chacun était encouragé à faire subir à cette communauté les pires sévices. Au début du XVIIIe siècle, l’impératrice Marie-Thérèse prit la décision de combler le fossé entre la communauté tchèque et les Roms. À cette fin, elle a cherché à interdire le nomadisme et la langue des Roms, mais aussi à favoriser leur intégration en leur faisant changer d’habitudes vestimentaires. Par la suite, les Roms ont dû demander une autorisation pour s’arrêter dans chaque ville, ce qui a augmenté encore davantage l’hostilité envers eux. Le pic a été atteint pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque Hitler a décrété que les Tsiganes constituaient une race inférieure : plusieurs milliers d’entre eux ont été déportés dans des camps d’extermination, le but ultime du régime nazi étant de supprimer purement et simplement cette communauté. Bilan de ce crime contre l’humanité : la quasi-totalité des Roms tchèques sont morts. Sur les 8 000 Tsiganes d’avant-guerre, seuls 600 ont survécu.
Les Allemands des Sudètes
Avant que les Roms ne constituent la minorité la plus importante du pays, ce titre revenait aux Allemands des Sudètes, qui peuplaient les régions frontalières entre la Tchécoslovaquie d’alors, l’Allemagne et l’Autriche. Au début du XXe siècle, on ne parlait d’ailleurs pas de minorité, puisqu’ils constituaient un bon tiers de la population de Bohême. Lors de la première République tchécoslovaque, dans les années 1920 et 1930 qui suivirent le démantèlement de l’Empire austro-hongrois, les tensions furent d’ailleurs très vives entre Allemands et Tchèques, ce qui donna à Hitler toutes les justifications nécessaires pour annexer les Sudètes en 1938, suite aux accords de Munich. Trois millions d’Allemands vivaient alors dans les régions concernées et presque un tiers d’entre eux seront renvoyés en Allemagne à l’issue du conflit. Bien d’autres seront déportés ou exécutés et seuls resteront ceux pouvant prouver qu’ils n’ont jamais adhéré au parti nazi. Aujourd’hui, la Tchéquie compte moins de 50 000 Allemands sur son territoire, tous descendant de cette population des Sudètes.
Une population renouvelée
D’autres Roms, venus de Hongrie et de Roumanie, sont arrivés sur le territoire tchèque, mais les autorités ont très vite durci les lois relatives au nomadisme : obligation d’avoir un domicile fixe en 1958 (le comble pour une population nomade), obligation d’avoir un logement « décent », en dur, en 1965. En 1989, la communauté tsigane a tenté de s’organiser pour promouvoir sa culture : des journaux ou d’autres écrits ont été publiés. Aussi et surtout, la révolution de novembre a permis aux Roms d’avoir enfin un véritable statut reconnu (du moins sur le papier) : ils ont acquis le statut de minorité nationale, ce qui leur permet, entre autres, de recevoir une éducation dans leur langue maternelle, d’utiliser cette langue dans les rapports officiels, mais aussi de se rassembler selon le principe national. Cette minorité qui constitue 0,3 % de la population a enfin des droits, mais n’est malgré tout jamais parvenue à redorer son image. Avec plus de 70 % de chômeurs dans leurs rangs, les Roms sont souvent perçus par les Tchèques comme des profiteurs et des alcooliques dont il faudrait se méfier, et les partis politiques d’extrême droite ou gauche n’ont pas perdu l’habitude d’en faire leur bouc émissaire. Ce grave problème social, passé sous silence sous l’ancien régime, met dans l’embarras le gouvernement actuel, qui ne sait quelle politique adopter, surtout « face » à l’Union européenne. D’autant que l’avenir promet la création d’autres ghettos, notamment dans les grandes villes. À Prague, le quartier de Nusle est connu pour être habité surtout par des immigrants roumains et ukrainiens.
Vietnamiens et Ukrainiens bienvenus
La Tchéquie accueille de longue date une large population vietnamienne. Celle-ci a commencé à s’installer dans le pays à la faveur du brassage culturel interne au bloc de l’Est, dans les années 1980, essentiellement sous la forme de programmes étudiants. Ayant choisi de rester en Europe centrale plutôt que de retourner en Asie du Sud-Est, on estime que 50 à 60 000 Vietnamiens, à la faveur du regroupement familial, vivent désormais en République tchèque, majoritairement à Prague, où ils officient en grand nombre dans l’épicerie de proximité et la restauration. À tel point que le phở, le plat national vietnamien, s’impose comme un incontournable dans de nombreux quartiers de la capitale. Miloš Zeman, président de la République depuis 2013, est connu pour ses positions antimigratoires. Il a, à de nombreuses reprises, fustigé les Roms mais également l’islam, alors que Vietnamiens et Ukrainiens sont en général en odeur de sainteté dans ses discours. Les Ukrainiens, minorité la plus importante du pays, sont surtout présents dans le secteur du bâtiment, où ils constituent une main-d’œuvre bon marché. Depuis le milieu des années 2000, ils fuient le chômage en Ukraine et acceptent, en Tchéquie, des emplois difficiles dont ne veulent plus les Tchèques. La Tchéquie est d’ailleurs un des pays vers lesquels les réfugiés ukrainiens se sont très rapidement tournés dès le début de l’invasion russe en février 2022, malgré l’absence de frontière commune entre les deux pays. Après un mois de conflit, près de 200 000 Ukrainiens avaient trouvé refuge en République tchèque. La plupart débarquent à Prague sans avoir forcément de point de chute et le gouvernement peine à subvenir aux besoins d’un si brusque afflux de réfugiés. Malgré les efforts déployés, loger et prendre en charge toutes ces familles est mission impossible pour un si petit pays qui, compte tenu des destructions massives en Ukraine, doit s’attendre à voir cette population de réfugiés rester, au moins en partie, et gonfler les rangs de la minorité nationale ukrainienne.
Une démographie morose
Du point de vue l’évolution démographique, la Tchéquie n’apparaît pas comme un pays extraordinairement dynamique. Avec un peu moins de 11 millions d’habitants en 2020 contre 9,6 millions soixante ans plus tôt, les chiffres donnent l’impression de stagner, ce qui se traduit par un vieillissement important de la population. Le taux de natalité et l’indice de fécondité sont pourtant au-dessus de la moyenne européenne mais ne parviennent pas à contrebalancer un vieillissement qui est un facteur commun à de très nombreux pays de l’ancien bloc de l’Est. Ce n’est que depuis le recensement de 2019 que l’on observe une très légère inflexion de la courbe démographique. Cette hausse est en partie due au solde migratoire positif mais reflète tout de même un rebond de la natalité dont la durabilité reste encore à déterminer.