La place décroissante de la religion
Unique au monde, près de la moitié des Tchèques affirment être athées et seul un tiers d’entre eux se déclare investi dans une religion. Parmi les croyants, les catholiques sont les plus nombreux, suivis des protestants, orthodoxes et autres appartenances religieuses. Le retour de la religion dans la foulée de la révolution (l’Église était considérée comme l’opposante du régime communiste) n’a été qu’un courant passager : la société se préoccupe désormais plus de succès économiques que d’états d’âme. Par ailleurs, la période communiste a entraîné une forte défiance envers la religion et le train de vie décrit comme fastueux et luxueux des ecclésiastiques, faisant écho à ce que dénonçait déjà Jan Hus avant de passer sur le bûcher. En réalité, même si certains Tchèques se disent « croyants », ils n’en sont pas pour autant religieux et ne suivent que très rarement les messes et offices. Illustration : la ville de Most, qui est la championne tchèque de l’athéisme : un peu plus de 10 % des habitants déclarent avoir une religion et seuls 0,5 % d’entre eux se rendent régulièrement à l’église.
Saints Cyrille et Méthode
Connus comme étant les « évangélisateurs des Slaves », Cyrille et Méthode ont cheminé en Europe centrale au IXe siècle pour y répandre la foi chrétienne. Le roi de Bohême Ratislav, qui tente d’adopter le mode de vie des rois francs, se convertit et demande son aide au pape pour l’aider à répandre la foi dans ses territoires de la Grande Moravie. Cyrille et Méthode quittent Constantinople. Ils ont appris les dialectes slaves en Macédoine et mis au point un alphabet qui va leur permettre de diffuser les saintes Écritures parmi cette nouvelle population. Leur œuvre est immense et permet de faire basculer une grande partie des territoires du futur Saint Empire romain germanique du côté de la chrétienté. En Tchéquie, les deux saints sont toujours célébrés le 5 juillet et un pèlerinage a lieu en Moravie pour commémorer symboliquement leur arrivée dans la région.
Les catholiques majoritaires
La majorité de Tchèques se déclarant croyants sont des catholiques. La violence de la répression contre les réformateurs hussites avait durablement ancré le catholicisme dans les pratiques et les mœurs de la communauté religieuse. Pour autant, le réformateur Jan Hus a sa statue sur nombre de places et de ponts, célébrant ainsi la mémoire de celui qui a dénoncé le train de vie des évêques et s’est élevé pour donner de la chose religieuse une vision plus juste et plus égalitaire, ce qui lui a valu l’excommunication avant de revenir en grâce au XVIIIe siècle grâce à Joseph II, anticlérical convaincu qui engage enfin les réformes voulues par le réformateur. Le Saint-Siège ira jusqu’à rappeler Joseph II à l’ordre, s’inquiétant de voir revenir sur le devant de la scène les débats houleux qui avaient mené à tant de conflits les siècles précédents. À la veille de la Première Guerre mondiale, neuf Tchèques sur dix sont pratiquants. En 1918, la nouvelle indépendance ne touche pas que les politiques : les religieux ressortent une nouvelle fois la figure de Jan Hus pour en faire une icône nationale et se détacher du Vatican. Sous le joug communiste pourtant, l’Église ne parvient pas à jouer un rôle de premier plan et perd massivement, après la révolution de velours, la confiance de ses fidèles.
Une révolution des mœurs
Après la révolution de velours, les proportions se sont inversées : désormais, moins d’un Tchèque sur cinq se dit concerné par les affaires religieuses. Même si de nombreuses églises, monastères ou œuvres d’art ont été restitués à l’Église, celle-ci peine à retrouver la place qui était la sienne au début du XXe siècle. Trop de mensonges, trop de manipulations, peu de prises de position de la part de l’autorité ecclésiastique lorsque la population en avait besoin ont mené à un désintérêt global pour la religion, qui se double peu à peu – comme on l’observe ces dernières années – d’un désintérêt pour la chose politique. Les Tchèques sont pourtant toujours heureux de fêter Noël et demeurent attachés à la tradition de la crèche, pourtant l’une des plus marquées religieusement. Mais le bien-être personnel se situe désormais plus souvent dans la sphère de la réussite économique ou professionnelle que dans le cheminement spirituel intérieur.
Les festivités de Noël
De prime abord, il ne vous viendrait sans doute pas à l’idée d’affronter les grands froids pour aller fêter Noël en Tchéquie. Et pourtant ! C’est une fête féerique, qui transforme le pays et ses habitants. Les Tchèques tiennent encore beaucoup aux traditions avec tout ce que cela importe. Les femmes font le ménage à fond, il faut que tout brille pour le « Ježíšek » (l’Enfant-Jésus) qui apporte les cadeaux. Pendant plusieurs jours, les babičky (grands-mères) font cuire de petits fours de différentes formes, couleurs et goûts et certains hommes mettent aussi la main à la pâte. Les maisons sentent bon, les friandises, les pains d’épice en forme de petits animaux à accrocher sur le sapin et les františek (petites pyramides noires qui, une fois allumées, diffusent un parfum agréable quoique indescriptible) se mélangent pour remplir l’atmosphère et rappeler aux plus distraits que les fêtes de fin d’année arrivent. Côté sapins, la majorité des Pragois en achètent encore un vrai. C’est là que le calvaire commence. Parmi les tas de sapins à chaque coin de la rue, il faut choisir le plus beau, le plus droit, le plus frais et surtout le moins cher. Et puis il y a l’extérieur : quelques jours avant Noël, les bassins ronds envahissent les rues et places de villes pour le plus grand plaisir des petits : c’est l’heure de l’achat de la carpe pour le repas du réveillon. On commence avec la soupe de carpe, on continue par la carpe panée frite avec la salade de pommes de terre, et on achève (ou plutôt on s’achève) par des cukroví (petits gâteaux). Les carpes se vendent vidées ou vivantes. Les gens les mettent souvent dans leurs baignoires pour les tuer juste avant le repas où les laisser filer dans les eaux froides de la Vltava, ce qui est plus agréable que de les voir se prendre un gros coup de maillet sur le crâne par le vendeur ou par le père de la famille. Plus pacifiques : les patinoires apparaissent également sur les places centrales, abondamment décorées de lumières, envahies de musique et de stands de jambons rôtis. Il y a également une tradition très forte de la crèche de Noël, souvent composée de sculptures en bois grandeur nature qui s’enrichissent année après année de nouveaux personnages envahissant la place centrale des villes et des villages. Un côté féerique et romantique à souhait, accentué dans des villes disposant d’un château, ou d’une rivière : Prague en est la meilleure illustration !
Un folklore toujours vivace en province
En ce qui concerne le folklore, il est toujours assez vivant à la campagne, en Bohême de l’Ouest (autour de Chodov, Domažlice), en Moravie centrale et en Moravie du Sud. Si vous arrivez dans un petit village juste avant le début du grand jeûne à la fin de l’hiver, vous aurez toutes les chances de croiser un défilé de masques se rendant d’une maison à l’autre, chantant et demandant des paniers. En pays tchèque, cela s’appelle fašank ou masopust. La population des villages organise plusieurs fêtes au cours de l’année, inspirées des vieilles traditions païennes et catholiques. Un orchestre populaire avec des instruments locaux (par exemple le cymbalum en Moravie), ainsi que des chanteurs et des danseurs en costumes traditionnels participent aux réjouissances.
Un islam pas forcément bienvenu
Les Tchèques font preuve de tolérance envers les autres religions, notamment l’islam, qui compte une communauté de 20 000 croyants environ. Malheureusement, les associations rapides, notamment celles faites par le président Miloš Zeman, entre migration, islam et insécurité, nuit à l’image. Pour autant, cette présence musulmane n’est pas due qu’à l’immigration. À la croisée des empires et des routes de conquête, la Tchéquie compte de nombreux musulmans issus de l’ancien Empire ottoman, dont l’autorité s’est étendue dans le Caucase ou en ex-Yougoslavie, et installés dans les villes tchèques de longue date.
Une communauté juive disparue
Les Juifs sont présents en Europe centrale dès avant l’an 1000, et s’installent notamment à Prague et en Bohême au tournant des Xe et XIe siècles. Avant même la Seconde Guerre mondiale, ils ont déjà fait l’objet de nombreuses persécutions mais ont malgré tout toujours réussi à maintenir leur présence et leur communauté soudée. Ainsi, au XIIIe siècle, et dans le cadre d’une politique de ségrégation, ils se retrouvent murés entre la place de la Vieille Ville et la Vltava. Dès lors, ils obtiennent un statut d’autonomie – autonomie bien sûr circonscrite au ghetto – et la communauté se développe et s’organise pour vivre complètement isolée du reste de la ville. Sans droits politiques, les juifs avaient créé leur propre administration jusqu’à ce que Joseph II rétablisse leurs droits civiques et religieux en 1783. C’est pour commémorer cet acte que le quartier fut rebaptisé Josefov en 1850, lorsqu’il devint alors un arrondissement à part entière. Dans la seconde partie du XIXe siècle, le quartier fait partie d’un plan d’assainissement radical : toutes les habitations sont rasées et ne subsistent que les synagogues et le cimetière. Quelques années plus tard, Josefov avait complètement changé de visage, en particulier avec la rue Pařížská, l’axe le coupant en deux et reliant la place de la Vieille Ville à la Vltava, affichant une superbe continuité architecturale dans le style Sécession – nom tchèque pour l’Art nouveau. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la population juive de Prague n’a cessé de prospérer et de s’accroître et Josefov compte près de 20 000 habitants dans les années 1930. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la plupart des édifices juifs de Prague hors de Josefov sont rasés, à l’exception de la synagogue du Jubilée, dans Nové Město. Le IIIe Reich veut effectivement faire de Josefov une sorte de musée et, tout en exterminant la population, entrepose dans les bâtiments vides quantité d’objets et d’archives liés au judaïsme et issus des pillages de toute l’Europe. Ils constituent aujourd’hui le fonds très hétéroclite du Musée juif de Prague. Les autres populations juives de Plzeň ou de Brno sont également déportées et les somptueuses villas qu’ils occupaient, nombreux étant ceux qui avaient fait fortune dans le textile ou l’industrie, furent confisquées par les nazis puis par les communistes et ne revinrent jamais à leurs propriétaires, comme les somptueuses villas Tugenhadt ou Stiassni, ou encore les appartements conçus par Adolf Loos à Plzeň.