Démographie
C’est le problème n° 1 de la Macédoine du Nord. Le nombre d’habitants est en baisse constante du fait d’un effondrement de la natalité et d’une émigration massive de la population. La seule véritable mesure prise par l’État a été de permettre à une partie des citoyens résidant à l’étranger de participer au grand recensement de 2021. Une astuce pour masquer la baisse réelle de la population : celle-ci s’établit officiellement à 1,8 million… mais les démographes estiment que le pays compte en fait 1,5 million d’habitants, soit un quart de moins qu’en 1991, au moment de l’indépendance. Toutefois, malgré le manque d’action de l’État dans ce domaine, certains signes laissent espérer un léger mieux en Macédoine du Nord : la fin de la baisse de la natalité depuis 2020 (qui stagne tout de même à 1,31 enfant/femme) et la diminution du taux de chômage (passé sous la barre des 15 % depuis 2022). L’autre enjeu lié à la démographie est pour les autorités d’encourager la diaspora (1 million de personnes) à investir davantage dans le pays.
Place des minorités ethniques
Tout n’est pas encore parfait, mais la Macédoine du Nord est en passe de devenir un modèle dans les Balkans en termes d’intégration des minorités ethniques. Après de violentes divisions entre groupes de populations attisées par les conflits entre nations au XXe siècle, une guerre civile en 2001 et une prédominance des thèses nationalistes macédoniennes depuis l’indépendance, une nouvelle politique d’apaisement et d’ouverture aux minorités s’est mise en place à partir de 2019. L’albanais est devenu la seconde langue officielle nationale aux côtés du macédonien. Le turc et le romani ont pour leur part le statut de langues officielles locales. La représentation politique des différentes composantes de la population s’est améliorée. Ainsi, depuis 2021, les partis politiques albanais n’appellent plus au boycott des élections et des recensements. Il demeure certes de fortes inégalités selon les groupes ethniques. Les Roms sont par exemple davantage touchés par le chômage et la pauvreté. Mais les Macédoniens, qui représentent le premier groupe de population (environ 58,4 %), semblent désormais mieux accepter de laisser une place aux autres composantes de la société. Restent maintenant de nouveaux défis à relever : la place des femmes, la gestion des migrants qui transitent par le pays, la question des minorités sexuelles, etc.
Adhésion à l’Union européenne
C’est le grand objectif des six pays des Balkans encore en marge de l’UE : la Macédoine du Nord, la Serbie, l’Albanie, le Kosovo, le Monténégro et la Moldavie. Skopje a fait officiellement acte de candidature en 2005. Mais son dossier a été depuis bloqué par la Grèce et la Bulgarie, mais aussi par de profonds problèmes structurels et des crises internes. Pour obtenir l’adhésion, le pays a entrepris d’énormes efforts pour restructurer son économie et ses institutions. Ainsi, en 2019, suite à l’accord de Prespa mettant fin au différend avec la Grèce, la vaste majorité des membres de l’UE étaient enfin d’accord pour que la Macédoine du Nord soit acceptée. Mais la France, les Pays-Bas et la Bulgarie ont alors refusé en prétextant que certains critères ne sont pas encore remplis : une certaine opacité concernant les flux financiers, les règles de la concurrence et la circulation des biens ainsi qu’une quasi-absence de mesures pour la protection des droits intellectuels et de l’environnement. Très grosse déception pour les habitants. Ils sont de plus nombreux à envisager un avenir sans l’UE. Leur pays reçoit pourtant chaque année 1,3 millard d’euros dans le cadre de « l’instrument d’aide de préadhésion », ce qui représente plus d’un tiers des recettes de l’État.
Relations avec la Grèce
Elles ont longtemps été tendues du fait du nom choisi par le pays, « Macédoine », lors de son indépendance en 1991. Mais depuis l’accord de Prespa, signé en 2018 et entré en vigueur en 2019, un compromis a été trouvé : le pays a enfin un nom officiel reconnu partout dans le monde, « République de Macédoine du Nord » ou « Republic of North Macedonia » en anglais. Les relations avec Athènes se sont apaisées. Conformément à cet accord, Skopje a entrepris de débaptiser tous les sites récents dont le nom évoquait l’antique royaume de Macédoine, de culture grecque. Par exemple, en 2020, l’aéroport Alexandre-le-Grand est devenu « l’aéroport international de Skopje ». Toutefois, la plupart des Grecs préfèrent encore appeler le pays « Skopia » et ils réagissent avec véhémence dès qu’une délégation sportive ou un ministre de Skopje oublie de faire figurer « du Nord » sur un maillot ou un courrier officiel. Sans être devenue une alliée de la Macédoine du Nord, la Grèce n’est en tout cas plus hostile à l’idée que son petit voisin rejoigne l’Union européenne.
Relations avec la Serbie
Elles vont mieux. En 2008, les autorités de Belgrade avaient très mal pris que Skopje reconnaisse l’indépendance du Kosovo – considéré comme une province serbe par l’ONU et la moitié des pays dans le monde – avec à la clé l'expulsion immédiate de l’ambassadeur de Macédoine du Nord à Belgrade. Les liens entre les deux États étaient aussi entachés par un vieux conflit sur le statut de l’Église orthodoxe macédonienne. Celle-ci restait en théorie sous la juridiction de l’Église orthodoxe serbe, ce qui était vigoureusement contesté par les gouvernements successifs à Skopje. Mais en 2022, sous la pression du patriarche de Constantinople, l’Église serbe a finalement reconnu l’autocéphalie (indépendance) de l’Église macédonienne. Cela est venu officialiser l’apaisement entre la Macédoine du Nord et la Serbie. Dès 2021, les deux pays mettaient en place conjointement avec l’Albanie la zone économique commune Open Balkan. Qualifiée de « mini-Schengen », cette initiative vise à faciliter les échanges, à renforcer la coopération et à améliorer les relations bilatérales entre les trois nations. L’objectif est aussi de rendre plus attractifs les dossiers de candidature de Skopje, de Belgrade et de Tirana pour l’adhésion à l’Union européenne.
Relations avec l’Albanie et le Kosovo
Elles sont cordiales mais complexes. Le Kosovo a largement apprécié que la Macédoine du Nord reconnaisse son indépendance en 2008, quitte à provoquer l’ire de Belgrade. Mais à Skopje, on reste méfiant à l’égard du nationalisme albanais car c’est la guerre du Kosovo (1998-1999) qui a provoqué le soulèvement albanais et le conflit civil en Macédoine du Nord de janvier-décembre 2001. À Skopje, on s’offusque à raison que le gouvernement de Pristina considère comme « héros nationaux » les membres d’un commando de nationalistes albanais du Kosovo morts en semant la terreur à Kumanovo en 2015. Les relations avec l’Albanie sont plus sereines. Tirana a toujours pris soin de ne pas soutenir les revendications des nationalistes albanais de Macédoine du Nord. Preuve de cette bonne entente, les deux pays font partie, depuis 2021, de la zone économique commune Open Balkan créée avec Serbie. Toutefois, les récentes déclarations du Premier ministre albanais Edi Rama en vue de fusionner son pays avec le Kosovo font craindre le spectre d’une « grande Albanie » dont les contours s’étendraient sur une large partie de la Macédoine du Nord.
Relations avec la Bulgarie
Longtemps occultées par les bisbilles avec la Grèce, les relations entre la Macédoine du Nord et la Bulgarie demeurent tout à fait houleuses. En substance, Sofia reconnaît sans trop de souci l’existence de la Macédoine du Nord, mais elle nie catégoriquement l’existence d’un « peuple macédonien ». Pour les autorités bulgares, la majorité des habitants slaves de Macédoine du Nord sont des « Bulgares ». Historiquement, culturellement et génétiquement, ce n’est pas vraiment faux. Mais ce genre d’affirmation est très mal vécue en Macédoine du Nord. D’autant que Sofia encourage les habitants de Macédoine du Nord à prendre la nationalité bulgare, très attractive puisque la Bulgarie est membre de l’UE. De son côté, Skopje mène une politique révisionniste à l’égard de son passé bulgare. Cela s’inscrit dans la continuité des mesures prises par les autorités yougoslaves au cours du XXe siècle, qui firent tout pour atténuer ici l’influence bulgare, y compris en créant la langue macédonienne sur la base du serbe en 1945. Depuis les années 2000, des négociations sont en cours entre Sofia et Skopje. Elles portent notamment sur les manuels d’histoire en Macédoine du Nord : les autorités bulgares exigent que les héros nationaux bulgares ne soient plus qualifiés de « macédoniens ». En échange de quoi, la Bulgarie soutiendra l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’UE. Mais comme aucun compromis ne semble se dessiner, Sofia continue de bloquer le dossier de Skopje à Bruxelles.
Ingérence étrangère
Laissé en marge de l’Union européenne depuis 2005 et sans allié parmi ses voisins, la Macédoine du Nord s’est naturellement tournée vers d’autres grandes puissances. La Turquie, la Russie et la Chine se sont ainsi implantées ici de manière plus ou moins opaque. Faisant miroiter des aides et de gros investissements, ces trois nations n’ont pas vraiment tenu leurs promesses. L’Union européenne demeure, de très loin, le principal soutien financier et partenaire économique de la Macédoine du Nord. Mais en finançant en sous-main certains partis politiques locaux, la Russie et la Turquie continuent d’influer sur certaines orientations du pays. La Chine entend pour sa part devenir un acteur majeur dans la région. Elle soutient un énorme projet visant à rendre navigable le Vardar et à relier celui-ci au Danube, ce qui permettrait aux conteneurs chinois de traverser l’Europe par voie fluviale au départ de Thessalonique, en Macédoine grecque, dont le port est contrôlé depuis 2020 par un consortium franco-chinois. Ce projet de plusieurs millards d’euros a pour l’heure peu de chances d’aboutir. Mais il fait rêver les décideurs locaux en quête d’un nouveau souffle pour la Macédoine du Nord.