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Les musique et danse traditionnelles

Commune à tous les pays des Balkans – avec évidemment des variantes régionales –, l’oro est la grande pratique traditionnelle de Macédoine du Nord. Cette danse en cercle voit ses participants se tenir par la main tandis que le cercle tourne, chaque participant suivant une séquence de trois pas en avant puis un pas en arrière. L'oro macédonien est très codifié et possède une variante propre appelée Teshkoto – qui se traduit par « difficile » – réservée aux hommes, reflet de la tristesse et de l’atmosphère de la guerre. Cela dit, l’oro est surtout employé pour la socialisation et la célébration de moments heureux comme les mariages, les baptêmes, les fêtes nationales et religieuses, les anniversaires, etc.

Une autre tradition très macédonienne est la starogradska muzika que l’on peut traduire par « musique urbaine traditionnelle ». Contrairement au folklore rural qui raconte la vie des villages, la nature environnante et la difficulté des travaux agricoles, les paroles de cette musique urbaine abordent plutôt l’amour ou des événements tragiques célèbres et des personnages connus. Une partie très importante de la starogradska muzika est le genre musical appelé čalgija (ou « tchalguia ») joué par une formation traditionnelle des Balkans du même nom avec du saz (luth à manche long), du violon, de la clarinette, du qanûn (cithare sur table) et de la tarabuka (tambourin). Bien que les musiciens contemporains aient tenté de moderniser la čalgija en introduisant de nouveaux instruments et en l’orientant vers la pop ou la variété (comme Blagica Pavlovska, Dragan Vučić ou Zoran Vanev), les musiciens traditionnels, ceux attachés aux racines, sont restés très populaires.

Plus que des artistes en solistes, ce sont le plus souvent des ensembles masculins qui incarnent la starogradska muzika comme l’Ansambl Biljana de la ville d’Ohrid, toujours l’emblème de cette musique et dans une moindre mesure des formations comme Oktet Makedonija de Skopje, Oktet Kumanovo de Kumanovo ou encore Raspeani Resenčani de Resen.

Extrêmement fier de ses traditions et soucieux de les préserver, les collecter et les diffuser, le gouvernement de la « République populaire de Macédoine » fonde Tanec, au début de l’ère socialiste, en 1949. Cette entité est devenue avec le temps la formation la plus connue du pays, conviée dans les festivals folkloriques du monde entier et couronnée d’une réputation d’excellence, aussi bien pour ses musiciens que ses danseurs. Après des milliers de concerts et festivals au travers du globe (aux États-Unis, en Australie, au Japon, partout en Europe, dont la France, en Israël, au Nigeria, au Mali, au Sénégal), Tanec s’est imposé naturellement comme un ambassadeur de la culture macédonienne. Si son cofondateur, Aleksandar Sarievski, est encore aujourd’hui une des personnalités les plus importantes de la musique macédonienne, c’est un autre de ses membres qui a accédé au statut de légende éternelle de la musique locale : Tale Ognenovski (1922-2012). Clarinettiste virtuose, aussi habile à la cornemuse (la gajda) et à la zurna (de la famille des hautbois), il a écrit quelque trois cents compositions oscillant entre danses folkloriques macédoniennes, jazz et classique. Bien que méconnu hors de Macédoine aujourd’hui, il a connu une carrière internationale – il s’est produit sur des scènes prestigieuses comme le Carnegie Hall de New York – et a charmé le public et la critique partout où il est passé. En 2001 est sorti l'album Jazz, Macedonian Folk Dances and Classical Music, un petit bijou qui ne paye pas de mine, mais résume très bien son œuvre.

Représentatifs de la musique traditionnelle macédonienne, citons également le duo Selimova-Želčeski qui fut l'un des groupes les plus connus du pays, Goran Alachki, un accordéoniste, ou Miroslav Businovski, un autre clarinettiste. Dans un autre genre, le guitariste Vlatko Stefanovski est devenu très populaire dans le pays en inventant l’« ethno-rock », un style où se mélangent rock et musiques traditionnelles macédoniennes. Désormais compositeur pour le cinéma et le théâtre, il collabore régulièrement avec de grands artistes internationaux comme Goran Bregović et Manu Katché.

Le pays compte quelques rendez-vous folkloriques intéressants en été à Kruševo et Veles. Le festival Balkan Music Square d’Ohrid est sans doute celui qui mérite le plus le détour. Gratuit, il propose depuis 2001 une programmation de bon aloi tournée vers les musiques traditionnelles et folkloriques des Balkans, mais aussi de Grèce et de Slovénie.

La musique populaire

Comme dans l’ensemble des Balkans, la Macédoine du Nord possède une petite scène turbo-folk. Pour rappel, ce genre typiquement serbe est un mélange détonant de musique traditionnelle et d'éléments de musique électronique, d’eurodance, voire de hip-hop. Saccadée, synthétique et orientalisante, cette esthétique a fait son trou en Macédoine du Nord, qui y a introduit ses propres couleurs et des inspirations de la chalga (équivalent bulgare du turbo-folk) et du laiko (pop grecque des années 1960). Si les vedettes vont et viennent dans le domaine, deux ont réussi à s’imposer avec le temps : Elena Velevska et Jasmina Mukaetova.

S’il y a bien deux noms à connaitre en Macédoine du Nord, ce sont ceux d’Esma Redžepova (1943-2016) et de Toše Proeski. La première est une chanteuse considérée comme la « reine de la musique rom ». Née et morte à Skopje, cette artiste à la réputation mondiale est connue non seulement pour son vibrato incomparable mais également pour son histoire hors norme. Celle qui fut la première femme à chanter en langue romani à la radio et à la télévision yougoslaves est repérée jeune par l’accordéoniste macédonien Stevo Teodosievski (1924-1997), qu’elle épousera des années plus tard et avec qui elle adoptera 47 enfants !. Ambassadrice de la musique rom dans le monde, elle a donné plus de vingt mille concerts durant sa carrière et fut également une grande militante humanitaire.

Toše Proeski(1981-2007) est l’autre emblème de la musique macédonienne. Ce grand nom de la pop locale est adoré dans le pays et fut même surnommé l’« Elvis Presley des Balkans » par BBC News. Mort à 26 ans dans un accident de voiture lors d’une tournée en Croatie, ce patriote, fervent orthodoxe et philanthrope reconnu, a donné son nom à de nombreuses rues et places, renommées en son honneur. En 2019, le gouvernement de Macédoine du Nord a même pris la décision de donner son nom au stade national de Skopje devenant ainsi la « Toše Proeski National Arena ».

La musique classique

L’histoire de la musique classique se cantonne plutôt à la période contemporaine, lorsqu’à partir de l’après-guerre une vague de musiciens tentent d’édifier une composition purement macédonienne. Le compositeur et chef d’orchestre Todor Skalovski (1909-2004), par ailleurs auteur de l'hymne national, et Tomislav Zografski (1934-2000) ont façonné une musique inspirée de la culture et de la mythologie nationale pour établir une esthétique macédonienne.

Aujourd’hui, la Macédoine du Nord brille sur les meilleures scènes du monde entre les mains du pianiste Simon Trpčevski, virtuose, au jeu profond et subtil, totalement au service de sa partition. Né à Skopje en 1979, il débute une carrière internationale dès l’âge de 16 ans et collabore depuis avec de prestigieuses formations comme l’Orchestre symphonique de Londres ou l’Orchestre symphonique de Singapour. En tant que soliste, il subjugue dans Prokofiev et réjouit avec Debussy.

La Philharmonie de Macédoine de Nord, reconnaissable à son architecture très proche du palais Finlandia d’Helsinki, accueille les mélomanes dans sa salle de 300 places avec une programmation qui mérite le coup d’œil.