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Des origines du cinéma à la consécration contemporaine

Le cinéma macédonien a fait son apparition bien avant l’indépendance. Dès 1905, les frères Yanaki et Milton Manaki réalisent ce qui est aujourd’hui reconnu comme le premier film de l’histoire tourné aux Balkans. Grand-mère Despina, une captation de soixante secondes mettant en scène la grand-mère des cinéastes alors supposément âgée de 114 ans, est aujourd’hui conservée précieusement à la Cinémathèque de Macédoine. Les frères Manaki poursuivront quant à eux leur travail de photographie et de documentation pendant près de cinquante ans, laissant derrière eux des milliers de mètres de pellicule. Considérés comme les pères du cinéma macédonien, ils ont influencé de nombreux réalisateurs pendant toute la première moitié du XXe siècle. Leurs films, disponibles en ligne gratuitement, sont une porte ouverte incroyable vers le passé de la région. C’est également ce duo qui ouvre le premier cinéma du pays à Monastir (aujourd’hui Bitola) en 1923.

Après la Seconde Guerre mondiale, c’est sous l’impulsion yougoslave que se développe le cinéma en Macédoine. En 1947, l’agence gouvernementale Film Skopje est fondée. La même année, la société Vardar Film voit le jour et commence à produire des films localement. Cinq ans plus tard, Frosina devient le premier long-métrage en macédonien, un drame poignant écrit par Vlado Malevski, scénariste et auteur macédonien à qui le pays doit également son hymne national. Autre détail notoire, ce film constitue l’une des premières apparitions à l’écran de l’actrice serbe Nadja Regin, qui développe dans les années qui suivent une carrière internationale. Elle joue notamment dans Maigret mais également dans deux épisodes de la saga James Bond, Bons baisers de Russie et Goldfinger. À cette époque, les films produits par la société Vardar gagnent en qualité, au fur et à mesure que les talents naissent ou affluent de tous les côtés de la Yougoslavie. Entre 1947 et 1991, c’est près de sept cents documentaires et courts-métrages qui seront produits par le studio, dont nombreux seront récompensés à l’international. Dae (1979), court-métrage du cinéaste Stole Popov, est sélectionné aux oscars, tandis que son long-métrage Bonne année 49 (1986), relatant les relations entre l’URSS et la Yougoslavie d’après-guerre, recevra le prix du Public au festival de São Paulo en 1991.

Après l’indépendance, les jeunes générations ayant grandi sous l’aile de ces cinéastes ou ayant été inspirés par ceux-ci vont continuer à faire croître la renommée du cinéma macédonien. En 1994, le réalisateur Milcho Manchevski défraie la chronique avec Before the Rain, un premier film qui remporte plus de trente prix à travers le monde, dont le lion d’or et une prestigieuse nomination aux oscars. Les trois récits interpolés de ce film, nous faisant naviguer entre Londres et la toute jeune Macédoine, sont bouleversants. Après ce succès, Manchevski poursuit sa carrière à New York et réalise de nombreux films indépendants. En 2019, il reçoit le prix de la meilleure réalisation à Sundance pour Willow, une coproduction européenne traitant avec beauté des défis qui sont encore ceux de la Macédoine du Nord actuelle. La même année, la réalisatrice Tamara Kotevska marque également les esprits avec son documentaire Honeyland, un film poignant relatant les tribulations d’une apicultrice face à des industriels peu scrupuleux, une production qui sera triplement récompensée à Sundance, avant d’être – fait encore inédit – nommée aux oscars à la fois en tant que meilleur documentaire et meilleur film étranger.

Car même si la Macédoine du Nord ne produit à l’heure actuelle que quelques films par an, elle peut s'enorgueillir de nombreux talents. De quoi envisager le futur du cinéma macédonien avec optimisme.

Quelques tournages notoires en Macédoine

Depuis l’indépendance, et malgré le fait qu’elle ait été largement épargnée par la guerre des Balkans, Hollywood et les productions internationales n’ont pas été nombreuses dans le pays. On peut tout de même citer le passage par la Macédoine du Nord des stars George Clooney et Nicole Kidman pour une des scènes du Pacificateur (1997). C’est le pont de Lukovo que vous reconnaîtrez le plus facilement dans cette séquence. C’est plutôt du côté européen qu’il faudra vous tourner pour voir apparaître la Macédoine du Nord à l’écran. En 2019, la réalisatrice belge Delphine Lehericey y tourne Le Milieu de l’horizon, un film qui se passe intégralement dans la campagne environnant Bitola. Si les scènes intérieures sont filmées en Belgique, c’est pour trouver des décors nimbés de soleil et de chaleur que la cinéaste s’en rendue en Macédoine du Nord en plein été, afin de créer l’atmosphère si particulière de ce récit. Un an plus tard, c’est à nouveau une production belge qui fait halte par la Macédoine du Nord, cette fois à l’aéroport de Skopje. Ce lieu emblématique du pays apparaît en effet dans la série Into the Night, thriller fantastique où le soleil devient soudainement mortel pour les humains. On y suit les passagers d’un vol miraculé, sauvés par la nuit, et qui tentent désormais désespérément d’éviter la lumière de l’astre solaire. Un pitch quelque peu alambiqué, mais une série plutôt prenante, visible sur Netflix. Enfin, la Macédoine du Nord apparaît également en lieu et place de Paris dans la superproduction indienne Mersal (2017). C’est plus précisément le Théâtre national que l’on peut retrouver dans ce film grandiloquent à souhait.

Où voir du cinéma en Macédoine du Nord ?

Si vous souhaitez vous plonger plus en détail dans l’histoire du cinéma macédonien, nous vous invitons à la Kinoteka, la Cinémathèque nationale. À Skopje, vous pouvez également découvrir vos films sur l’écran du Millenium ou au café-bar Kotur, qui organise régulièrement des projections et de nombreux concerts. Pour profiter des derniers blockbusters dans des salles ultramodernes, rendez-vous au Cineplexx de Skopje. Enfin, les curieux ne pourront passer à côté du festival international du Film des frères Manaki, qui se tient à Bitola chaque année depuis 1979, un événement qui récompense aujourd’hui cinéastes, directeurs de la photographie et réalisateurs de tous horizons. Bel hommage aux pères du septième art macédonien et belle manière de perpétuer leur goût du cinéma.