Les origines de l’islam
C'est un caravanier de La Mecque (péninsule arabique), Mahomet (Mohamed), qui répand cette nouvelle doctrine à partir de 610. Cet homme, alors âgé de 40 ans, appartient à la puissante tribu des Quraysh, au sein de laquelle il a peu de pouvoir. Il jouit seulement d'une certaine renommée, en raison de son comportement juste, honnête et généreux.
Après avoir reçu la visite de l'ange Gabriel (Djibrail), Mahomet entreprend de révéler une nouvelle religion qui se veut l'accomplissement des deux autres doctrines monothéistes du Moyen-Orient : le judaïsme et le christianisme. C'est pourquoi Abraham (Ibrahim), Moïse (Moussa) et Jésus (Issa) sont cités dans le Coran comme des prophètes, Mahomet s'inscrivant dans cette lignée. Au nom de Dieu, il diffuse des préceptes religieux, pas très éloignés de ceux des juifs et des chrétiens, mais qui semblent épurés, résumés à quelques prescriptions essentielles. Le monothéisme est réaffirmé avec encore plus de force que dans les deux autres religions. Pour le reste, l'islam apparaît comme une morale audacieuse qui rompt avec le système clanique et traditionnel régissant jusque-là la vie des tribus arabes. Très vite, une poignée de Mecquois parmi lesquels Abou Bakr suivent les enseignements prodigués par ce caravanier mystique. On les appelle « musulmans », terme qui signifie qu'ils se soumettent à Dieu. De leur côté, les dignitaires qurayshites apprécient de moins en moins cette contestation de l'ordre établi. Les premiers musulmans subissent toutes sortes de brimades, mais leur foi demeure inaltérable. La réputation de Mahomet dépasse les frontières de La Mecque, et des fidèles viennent de très loin pour se convertir à la nouvelle religion. Beaucoup viennent de Médine (Yathrib), une autre cité d'Arabie où cohabitent des tribus juives et chrétiennes. Le 15 juillet 622, victime de nouvelles persécutions de la part des dignitaires de La Mecque, Mahomet quitte sa ville natale pour Médine. Le voyage dure deux jours. C'est l'épisode de l'Hégire qui marque le début de l'ère musulmane. À Médine, Mahomet prend la tête de la communauté des musulmans, mais son rayonnement personnel lui donne une certaine autorité sur les communautés juives et chrétiennes de la ville. Les fidèles de ces deux religions sont appelés « gens du Livre » par le Prophète, qui leur accorde sa protection. En revanche, les païens sont sommés de se convertir sous peine d'être combattus. C'est pourquoi la rivalité entre musulmans et Mecquois continue, même après l'Hégire. De nombreuses batailles opposent les deux clans, jusqu'à la victoire des musulmans en 630. Les dignitaires qurayshites se soumettent à leur tour et Mahomet fait une entrée triomphale à La Mecque. Le Prophète meurt deux ans plus tard. Ses fidèles contrôlent déjà toute la péninsule arabique et se lancent à la conquête du monde pour faire connaître le message de Dieu. Ils arriveront à Memphis en 639.
La pratique religieuse
En terre islamique, croyances, superstitions, crainte et foi sont encore indissociables ; elles ordonnent la vie. On appelle les « cinq piliers de l'islam » les règles fondamentales qui s'imposent à tout musulman.
La chahada est la profession de foi monothéiste dont la seule répétition sincère (en arabe) suffit pour s'affirmer musulman : « Il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah et Mahomet est son prophète. »
La zakat, l'aumône légale, est un devoir pour chacun de donner aux pauvres et aux combattants pour la cause de l'islam. Quand ce ne sont pas des espèces sonnantes et trébuchantes, ce peut être un couscous qu'on dépose à la mosquée pour les nécessiteux.
Le hadj, le pèlerinage à La Mecque, est considéré comme l'apothéose d'une vie pieuse. Tout musulman devrait l'accomplir une fois dans sa vie. Cependant, tous ne le peuvent pas et l'islam prévoit des dispenses. La période préconisée correspond au dernier mois de l'année (de l'Hégire), une époque où des musulmans venus du monde entier se retrouvent à La Mecque ou dans ses environs. Sept pèlerinages vers la ville sainte de Kairouan, la première ville fondée par les Arabes en Tunisie, remplacent le hadj.
La sala, ou salat, la prière rituelle qui doit s'effectuer cinq fois par jour après ablutions. Si la prière commune à la mosquée, appelée par la voix du muezzin, est la plus importante, on peut toutefois prier n'importe où et même dans le désert où, à défaut d'eau, on fera ses ablutions avec du sable ; il suffit de se tourner vers La Mecque. Le jour plus particulièrement consacré à Allah est le vendredi. Ce jour-là, les fidèles se rendent traditionnellement à la mosquée.
Le sawn, le jeûne du ramadan, commémore la révélation du Coran à Mahomet. Durant le neuvième mois du calendrier islamique, chaque musulman adulte et en bonne santé doit observer un certain nombre de règles entre le lever et le coucher du soleil. Il lui est interdit de fumer, de boire, de manger et d'avoir des relations sexuelles. Il règne durant ce mois-là une ambiance particulière en Algérie. L'activité habituelle est désorganisée. Banques, administrations et commerces travaillent au ralenti. Les musulmans s'économisent le jour ; le soir, ils font la fête. C'est une période de grande ferveur, intéressante à observer. Le ramadan se termine par la fête de rupture de jeûne, l'Aïd el-Fitr.
La circoncision
Elle n’est pas recommandée par le Coran, mais cette coutume, qui est antérieure au Livre, a tout de même été intégrée aux pratiques musulmanes. Pour le jeune musulman, il s’agit du rite de passage dans la communauté des croyants. La circoncision est soit pratiquée dans la première semaine après la naissance, soit lors d’une cérémonie réunissant tous les jeunes du même âge, et c’est alors l’occasion d’une grande fête.
Les fêtes religieuses
Les dates des fêtes religieuses varient suivant le calendrier lunaire. De plus, le début de chaque fête est proclamé en fonction d'observations astronomiques, difficiles à prévoir. La date est très souvent décalée d'un jour ou deux par rapport à celle prévue.
Les jours fériés et les fêtes nationales font rarement l'objet de grandes manifestations, les fêtes religieuses, en revanche, outre qu'elles sont l'occasion de se retrouver en famille, donnent lieu à des processions ou des défilés folkloriques.
Aïd el-Kebir. C'est la « grande fête » (aïd = fête, kebir = grand) qui commémore le sacrifice d'Isaac par son père Abraham, obéissant à un ordre divin, lorsque Dieu, satisfait de sa soumission, lui envoya un bélier pour le remplacer. On nomme également cette fête la « fête du mouton », puisque traditionnellement ce jour-là chaque famille sacrifie un mouton. La cérémonie se déroule cinquante jours après la fin du ramadan et dure deux jours.
Mouloud. Cette fête commémore la naissance de Mahomet. Le peuple commence par une nuit de prières dans les mosquées du pays. À table, on déguste le plat préféré du Prophète, la assida (temmina), simple mélange de semoule, de beurre et de miel.
Premier moharram. Jour de l'an hégirien, vingt jours après l'Aïd el-Kébir (moharram est le premier mois de l'année musulmane). Ce jour est celui où Mahomet, en 622, quitta La Mecque pour installer une nouvelle communauté à Médine. Ce fut le point de départ de l'ère de l'Hégire.
Achoura. C'est le dixième jour de l'année. Il s'agit à l'origine de l'anniversaire de la mort de Hossein, le petit-fils du Prophète, assassiné à Kerbala en Irak en 680. Aujourd'hui, il s'agit d'une fête en l'honneur des défavorisés, qui est l'occasion de leur donner le zakat, l'aumône prévue par le Coran pour tout bon musulman. C'est également la fête des enfants.
Aïd el-Seghir ou Aïd el-Fitr. C'est la « petite fête » qui clôture le ramadan. Les enfants sont habillés de neuf et reçoivent des cadeaux.
Le ramadan, qui a lieu le neuvième mois de l'année selon le calendrier de l'Hégire, est le mois au cours duquel le Coran a été révélé à Mahomet. C'est pour le fidèle une période de stricte abstinence (nourriture, boisson, activité sexuelle…) entre le lever et le coucher du soleil. Par égard envers ceux qui jeûnent, évitez de fumer, boire ou manger en public. Les activités étant sensiblement ralenties, nous vous déconseillons de prévoir votre séjour en Algérie pendant cette période. L'Aïd el-Seghir marque la fin du ramadan. Pendant ces trois ou quatre jours de fête, toute activité est paralysée.
El waada est une célébration religieuse régionale, organisée à date (à peu près) fixe autour d'un sanctuaire. Il est l'occasion d'un pèlerinage mais aussi de nombreuses manifestations folkloriques (foires, danses…) autour desquelles se retrouvent les différentes tribus de la région. Autrefois exclusivement liés aux commémorations de personnages saints, de nos jours les waada ponctuent souvent la fin d'une récolte ou accompagnent un heureux événement survenu dans un village. Traditionnellement, le waada débute par le sacrifice d'un animal (le plus souvent un taureau) face au sanctuaire qui abrite les ossements du marabout. Le sacrifice des animaux doit apporter la baraka, cette grâce que chacun appelle de ses vœux. Les waada sont surtout célébrés dans l'Ouest algérien et le plus important est celui de Béni-Abbès, sur la « route des oasis ».
Marabouts et saints
Le mot marabout vient de ribat, « contrat moral au sein d’un groupe religieux » et par extension « groupe » ; les mourabitines étaient donc les gens du ribat. Le plus célèbre ribat a été dirigé par Ibn Yacin, le fondateur de la dynastie des Almoravides (XIe siècle), en Mauritanie.
En 1492, les Andalous sont chassés d’Espagne par la Reconquista des rois catholiques et gagnent les terres du Maghreb. Face aux envahisseurs portugais puis espagnols, tous chrétiens, les centres d’enseignement religieux (zaouïas) deviennent au XVe siècle et plus encore au XVIe siècle un pouvoir de substitution ; les marabouts quittent leur retraite et passent à l’action pour changer la société. En réaction à l’incurie des souverains ziyanides, le peuple fait de plus en plus appel au religieux et découvre les pèlerinages vers les tombeaux de saints. Le mouvement maraboutique est renforcé par l’arrivée des Ottomans. La société, jusqu’alors anarchique, se stabilise autour des marabouts et des chérifs, des chefs de noble ascendance, sans que l’autorité centrale ne reprenne le pas. D’où la citation populaire qu’on peut entendre dans l’ensemble du monde musulman : « Il n’y a pas de gouvernement, seule compte la parole des amis de Dieu. » Les deux principaux ordres furent celui de la tariqa des Qadrya menée par el-Djilani (1078 à Bagdad-1166) et la tariqa des Chadelya d’Ech Chadeli (1197-1258). Le cercle, représentation idéalisée du corps humain, est la figure parfaite dont le centre symbolise l’unicité, le but final ou la vérité ultime (haqiqa). La circonférence du cercle représente l’apparent (ilm ed-dhabir), le monde visible régi par la charia, littéralement la route, celle qui indique les règles sociales ou religieuses communes aux pratiquants. Pour aller de l’extérieur du cercle vers le centre, chaque groupe mystique emprunte sa tariqa, sa voie, dévoilée au novice lors de son initiation. Le soufisme, par exemple, est une expérience intérieure guidée par la charia orthodoxe. Les soufis dépendent de maîtres qui doivent descendre du Prophète, le premier d’entre eux. Cette pratique est arrivée au Maghreb au XIIe siècle par l’intermédiaire de Choaïb ben Hoceïn Abou Medien el-Andalousi (né en 1127 en Espagne, mort en 1198 à Tlemcen). La pratique de ces mystiques consiste en prières, en louanges interminables de Dieu, en séances contemplatives menant à l’extase (« l’extinction en l’Un initial ») et en quelques pratiques ésotériques.
Christianisme
Quand il est devenu officiel par la volonté de Constantin en 313, le christianisme avait déjà séduit suffisamment de Berbères pour que des dissidents se regroupent et entraînent un schisme entre les donatistes et les chrétiens fidèles à leurs évêques, dont saint Augustin qui, après sa conversion, s'emploiera à combattre toute forme d'hérésie. L'évêque d'Hippone meurt pendant le siège de sa ville par les Vandales, des envahisseurs européens qui, au cours de leur conquête dévastatrice, lancent une campagne de persécution contre les chrétiens. La foi perdure cependant dans les massifs montagneux, notamment dans les Aurès, plus difficiles d'accès. En 647, quand les Arabes arrivent en Afrique du Nord, porteurs d'une nouvelle doctrine religieuse, ils trouvent un territoire relativement affaibli par les luttes entre les Byzantins et les Berbères résistants. L'islam porte alors un coup fatal aux croyances établies dont le christianisme ; il reviendra avec la colonisation. À partir de 1830, nombre de mosquées sont transformées en églises quand on n'en construit pas de nouvelles. Quatre grands centres religieux réunissent les fidèles en pèlerinages : Santa Cruz à Oran, Notre-Dame-d'Afrique à Alger, la basilique Saint-Augustin à Annaba et l'ermitage du père de Foucauld à l'Assekrem (Tamanrasset). Toujours dédiés au culte catholique et plutôt en bon état quoi qu'on en dise, ces lieux saints sont fréquentés par une communauté composée d'Africains immigrés, d'Européens en déplacement pour leur travail ou de touristes qui perpétuent la tradition du pèlerinage, religieux (Annaba, Tamanrasset et Tibhirine) ou plus sentimental (Oran et Alger). En 2003, un article lu dans Infosud faisait état de conversions au protestantisme suffisamment nombreuses – moins d'un millier par an – dans toute l'Algérie et surtout en Grande Kabylie pour devenir un sujet de société. Ces conversions seraient surtout l'affaire de groupes adventistes nord-américains. Mais si le protestantisme ne peut guère faire d'ombre à l'islam, il reste apparemment un sujet d'inquiétude pour le pouvoir qui agite de temps en temps cet épouvantail… Cela dit, la présence de religieux chrétiens se remarque encore en Algérie, non seulement sur les lieux de pèlerinage que sont Annaba et Tamanrasset. Le territoire est découpé en quatre diocèses (Alger, Constantine, Oran, Laghouat).
Judaïsme
Les premiers juifs sont probablement arrivés après la chute de Jérusalem en 70, consécutive aux révoltes contre la domination romaine. Mais la plupart d’entre eux ont foulé la terre d’Afrique après avoir été chassés d’Europe par les persécutions qui commencent au XIVe siècle. Plutôt bien intégrés, les juifs vivaient le plus souvent dans les villes où on leur demandait tout de même de se rassembler au sein de quartiers spécifiques à partir du XVIIIe siècle. Quand les Français s’installent en Algérie, on compte quelque 32 000 juifs. Les synagogues ne sont plus fréquentées par les pratiquants qui ont dû quitter le pays à l’indépendance mais la culture juive a laissé son empreinte en Algérie, ne serait-ce que dans la gastronomie et la musique.