Les Berbères ou Imazighen
Le mot « berbère » est d'origine romaine : par Barbares, les Romains comme les Grecs avant eux désignaient les étrangers à Rome, et ont donc tout naturellement nommé ainsi les autochtones rencontrés lors de leurs différentes conquêtes. Le terme a perduré à peine déformé car, sous la Régence, les Européens désignaient les côtes d'Afrique du Nord sous le nom de Barbarie habitée par les Barbaresques.
Considérés comme les plus anciens habitants de la région, les Berbères ou Imazighen (« hommes libres »), autrefois Numides ou Libyens, seraient venus de l'est conduits par Melek-Ifriki, un roi sabéen. On dit aussi qu'ils descendent des mythiques Atlantes. Si leur origine géographique, orientale ou atlante, est encore discutée, ils ont en commun une langue : les différents dialectes qu'ils parlent ont en effet tous la même origine, et dérivent du libyque, que l'on retrouve sur nombre de gravures rupestres dans le pays (tifinagh). Des dialectes berbères sont aussi parlés en Égypte, en Tunisie, au Maroc ou encore en Mauritanie. La particularité majeure de cette langue est qu'elle ne s'écrit pas, ou ne s'écrit plus, puisqu'on estime que le tifinagh, antérieur à l'alphabet grec, est une forme écrite de berbère ancien. C'est l'une des raisons pour lesquelles les dialectes ont tant évolué au cours du temps et en fonction des régions. Les Berbères sont aujourd'hui principalement représentés en Algérie par les Kabyles au nord (langue tamazight), les Chaouis dans les Aurès à l'est (langue tachawit), les Touaregs dans l'extrême sud (langue tamacheq) et les descendants de Zénètes venus du Maroc dans le Gourara et la Saoura. Chasseurs puis pasteurs et cultivateurs, les Berbères étaient organisés en tribus et en confédérations. L'arrivée des Arabes en Algérie entraîna une conversion rapide des Berbères à l'islam, l'adoption de la langue du conquérant et un mélange des populations, malgré quelques résistances dont celle menée par la Kahina. Cependant, aujourd'hui encore, la culture amazigh demeure prégnante, surtout en milieu rural, dans le sud et dans les montagnes.
En 1980, a été créé le Mouvement culturel berbère, le MCB. La culture amazigh, uniquement orale, a été menacée par l'alphabétisation, en arabe et en français, et par l'exode rural. La langue connaît un grand soutien culturel surtout en Kabylie mais, en dehors de cette région, la plupart des jeunes ne parlent plus le berbère ou n'en connaissent que les rudiments. On estime à 30 % le nombre de berbérophones en Algérie.
Les Kabyles
Les Kabyles, dont le nom vient de l'arabe qabaily, « tribu », vivent dans le djebel, « montagne », au sud-est d'Alger. Sédentaires et agriculteurs, ils vivaient autrefois au sein de tribus indépendantes dont ils portaient le nom (Aït, « enfant de ») réunies dans des dachkras, des hameaux de gourbi, des maisons traditionnellement édifiées sur les crêtes. Terre de résistance, de rébellion, d'émigration, la Kabylie a très tôt eu besoin d'affirmer une identité en opposition à l'extérieur, en premier lieu les Arabes. Mais les difficiles conditions de vie ont aussi très tôt poussé les hommes à émigrer. Au XVIIIe siècle, ils construisent l'Alger ottomane, au XIXe, l'Alger coloniale, puis ils traversent la mer après les années 1880. Les Kabyles sont ainsi parmi les plus anciens immigrés de France.
Contrairement à l'idée répandue, souvent par ceux qui ont émigré, les Kabyles ne rejettent pas leur appartenance à la nation algérienne, mais ils revendiquent « seulement » la reconnaissance de leurs spécificités (langue, culture, valeurs laïques, etc.). En avril 1980, des émeutes éclatent à Tizi-Ouzou afin de réclamer la reconnaissance de la langue et de la culture tamazight au cours de ce qui sera appelé le premier « Printemps berbère » chanté par Matoub Lounés. Suivent des troubles sporadiques. En 1996, la nouvelle Constitution reconnaît la « berbérité » mais, en juin 1998, l'assassinat du chanteur kabyle Matoub Lounés, dont le portrait est encore affiché partout en Kabylie, fait descendre la population dans les rues des villes. En avril 2001, après la mort dans un commissariat de Béni-Douala du jeune Massinissa Guerma, la Kabylie, depuis longtemps excédée par l'indifférence méprisante du gouvernement, explose en émeutes violentes et s'attaque aux symboles du pouvoir. Le 21 mai, plus de 500 000 personnes se réunissent lors d'une marche citoyenne. Le 14 juin, la manifestation organisée à Alger finit par la mort de quatre personnes, dont deux journalistes, et des centaines de blessés. Aujourd'hui, malgré quelques tentatives de réconciliation nationale comme la reconnaissance du tamazight et le départ de la gendarmerie, la Kabylie ne peut oublier ses cent dix-huit « martyrs » et affiche haut et fort Ulac smah ulac, « jamais de pardon ». Le mouvement citoyen s'est organisé au sein des ancestraux ârouchs ressuscités pour l'occasion. Ces comités villageois et de quartiers, réunis autour de la « plate-forme d'El-Kseur » formée en 2001, réclament pacifiquement (par l'appel au boycott des élections par exemple) et pour toute l'Algérie la fin des impunités et des injustices, la liberté d'expression, la fin des exclusions et des mesures pour l'éducation, la santé ou le logement.
Les Touaregs
Estimés à 300 000, les Touaregs sont eux aussi berbères. Leur langue, le tamacheq, ressemble de très près aux dialectes berbères. On suppose que les fameux « hommes bleus » décrits par les explorateurs fascinés des XIXe et XXe siècles sont arrivés du nord ou du Maroc, repoussés vers le Sahara lors de conquêtes. Cachés sous leur tagelmoust (litham en arabe), un chèche violet sombre ou blanc long de plusieurs mètres, ils apparaissaient comme de grands guerriers mystérieux et impitoyables comme le désert qu'ils avaient apprivoisé. Leurs femmes, qui semblaient jouir de plus de libertés que celles du nord, sont longtemps restées une énigme. Ces musulmans, qui auraient apostasié quatorze fois, vivaient autrefois de façon nomade, au rythme des caravanes de sel (azalaï), de la pâture ou des rezzou, des expéditions au cours desquelles ils pillaient leurs voisins, souvent des Chaamba qui le leur rendaient bien, ou des ksour. Après des années d'accrochages meurtriers, leur territoire est lentement conquis par les militaires français à partir du début du XXe siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, le commerce du sel n'a plus cours, les caravanes ne sont plus levées, les Touaregs sont de plus en plus nombreux à se sédentariser et les sécheresses des années 1970 ont réduit les troupeaux, parfois de façon dramatique. Pourtant, si leur mode de vie a changé et si les séparations entre les castes sont atténuées, on retrouve encore à leur contact nombre de réflexes et de traditions restées vivaces. Autrefois guerriers, ils se consacrent aujourd'hui à l'élevage, à l'industrie, aux services ou au tourisme qui les rapproche et les maintient dans le désert.
Les Arabes
Tout comme les Berbères, les Arabes ont diverses origines ethniques, même si leur origine géographique est la péninsule arabique. Le mot arab, en langue sémitique, signifiait « désert » et « nomadisme ».
Les Arabes sont venus s’installer par vagues successives à partir du VIIe siècle, suivant Idriss qui fuyait les persécutions du calife de Bagdad. Idriss réussit à convertir un grand nombre de Berbères à l’islam, et fila vers l’actuel Maroc où il fonda le premier véritable royaume unifié du Maroc à Fès. Ils poursuivirent leur extension aux XIIe et XIIIe siècles. Peu attirés par les montagnes, ils ne cherchèrent pas à y pénétrer, leur préférant les plaines, les villes et les plateaux steppiques. Sédentaires, ils cultivaient la terre ; nomades, ils étaient les Bédouins. Mais quel que soit leur mode de vie, ils étaient gouvernés par des cheikhs. Ceux qu’on appelait encore au XIXe siècle les Maures descendaient de Mauritaniens, de Numides, de Phéniciens, de Romains et d’Arabes. Durant l’Antiquité, le terme maure désignait les populations berbères de l’ouest du Maghreb. Durant le Moyen Âge, le terme évolue et qualifie les musulmans d’Andalousie puis devient par la suite synonyme du terme arabe. Plutôt citadins, ils s’adonnaient au commerce ou à l’administration, dirigés sous la Régence par le dey, les beys et les aghas. Les métis de Turcs et de Maures, des sous-citoyens, étaient appelés Kouloughlis.
Les Haratines
Les Haratines, population noire du Maghreb, descendraient de populations préhistoriques du Sahara qui, lors de son assèchement, seraient venues chercher refuge vers le nord. D'autres descendent d'anciens esclaves soudanais, en grande partie « recrutés » par le sultan Moulay Ismaïl au XVIIe siècle ou par les Touaregs qui, s'ils n'en faisaient pas commerce, les employaient dans les jardins des oasis. Les Haratines appartenaient aux couches sociales les plus défavorisées, mais ce sont peut-être les plus anciens habitants du pays. Aujourd'hui, ils habitent les villes du sud de l'Algérie.
Les Juifs algériens
Les premiers Juifs seraient arrivés, peu nombreux, en Afrique du Nord au cours du Ier millénaire avant J.-C. pendant la domination phénicienne, puis plus tard après la destruction de Jérusalem par les armées de Vespasien (70 apr. J.-C.). Berbérisés, ils se sont rapidement enfoncés vers les oasis du sud où ils se sont regroupés, notamment dans le Touat. Mais le plus gros de la communauté est arrivé à partir des XIIe et XIVe siècles lorsque, persécutés en Europe et notamment en Espagne, ils se sont établis dans les ports méditerranéens. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce sont des juifs livournais qui sont arrivés d'Italie, surtout dans la région de Constantine.
Peu avant l'indépendance, ils étaient près de 200 000, habitant les mellahs (quartiers juifs) des grandes villes. Au XXe siècle, quelques-uns ont émigré en Israël entre 1947 et 1965, le nouvel État manquant de main-d'œuvre paysanne. Beaucoup, assimilés aux Européens, ont dû quitter le territoire en 1962 ; peu sont restés en Algérie. Ayant vécu sur ce territoire bien avant son arabisation, ils étaient assez bien intégrés à la population maure et berbère, même si les lois de la Régence turque étaient généralement beaucoup plus strictes envers eux.
La présence européenne
Au début du XIXe siècle, il y avait très peu d'Européens libres dans la région d'Alger. Avant l'expédition de Lord Exmouth (1816) et l'abolition de l'esclavage des Européens exigée par l'Angleterre, les esclaves chrétiens originaires du nord de la Méditerranée étaient si nombreux, pris pendant la course, que chaque maison d'importance en avait un ou plusieurs à son service. Cervantès ou le futur saint Vincent de Paul en ont fait partie.
Après 1830, la proportion a bien sûr augmenté avec la colonisation française puis avec l'arrivée de migrants italiens, espagnols ou maltais, jusqu'à atteindre 1,2 million d'Européens à la veille de l'indépendance. 968 685 d'entre eux ont dû partir en 1962 (chiffre arrêté au 31 juillet 1965), quelques-uns sont restés encore quelques années en Algérie avant de rentrer en métropole. D'autres, souvent des personnes âgées, sont restés après l'indépendance mais les crises des années 1990 ont eu raison de l'attachement au pays des survivants. Aujourd'hui, la quasi-totalité des Européens ou des Américains présents en Algérie sont là pour un contrat de travail et vivent entre leur entreprise, leur hôtel ou leur appartement loué par l'employeur et les soirées entre expatriés, dans les grandes villes ou dans les zones pétrolières du Sud algérien.
Les pieds-noirs
Si l'expression qui désigne les Européens d'Algérie est assez récente, puisqu'elle serait surtout apparue après le début de la guerre d'Algérie, les explications sont nombreuses quant à son origine. Une seule certitude cependant : le terme n'est pas d'origine arabe ou berbère et, s'il a été utilisé dans un premier temps de façon péjorative par les Français « de France », il est quasiment devenu la seule appellation que les Français nés en Algérie et rapatriés en métropole au moment de l'indépendance ont reprise à leur compte, d'abord par bravade puis par fierté, jusqu'à devenir l'expression de leur identité au travers d'un logo représentant deux empreintes de pieds noirs. En un demi-siècle, l'expression a plutôt bien évolué et ne porte plus en elle de connotation péjorative.
Parmi les origines possibles du terme, il y a celles qui rappellent le labeur des premiers colons, la boue noire de la plaine de la Mitidja ou le raisin foulé au pied. On évoque également les chaussures des militaires, soit celles des soldats débarqués à partir de 1830 qui contrastaient avec les pieds nus ou chaussés de babouches colorées des Turcs ou des Arabo-Berbères, soit celles des troupes d'Afrique du Nord venues se battre en métropole en 1870, mais dans ce dernier cas « pieds-noirs » n'aurait pas seulement désigné les Européens. D'autres explications, plus ou moins fantaisistes et presque toujours méprisantes, sont retenues parmi lesquelles la couleur de la poussière incrustée dans la peau des pieds des soutiers des bateaux à vapeur qui, du fait de leur « crasse », n'étaient pas admis sur les ponts supérieurs réservés aux voyageurs ou encore celle des pattes d'un certain putois ou d'un petit oiseau qui migre en automne de France en Afrique du Nord. Avant 1962, le français coloré d'Algérie désignait les Français « de France » par les mots « francaoui » ou « frangaoui », comme les Italiens étaient des « macaronis » ou les Espagnols des « étourneaux » (en référence à leur goût pour les olives, dit-on), mais quand le terme « pieds-noirs » s'est généralisé, on apprit que les métropolitains étaient des « patos ». L'expression viendrait de l'espagnol pato, le « canard », dont le dandinement paraît lourdaud…
Formation de la communauté pied-noire en Algérie. Dès les toutes premières années de la présence française, principalement militaire, des hommes ont gagné les récentes possessions. Il s'agissait souvent d'aventuriers d'origine bourgeoise en quête de meilleure fortune qui montaient des entreprises agricoles ruineuses, de spéculateurs fonciers mais aussi, souvent, de gens qui devaient refaire leur vie ou échapper aux autorités métropolitaines et de soldats démobilisés, les « soldats laboureurs », à qui on offrait un lopin de terre à charge pour eux de le mettre en valeur. En 1840, on préconisait encore de limiter l'occupation française à l'étroite bande côtière du Sahel mais la plupart des colons qui avaient tout quitté pour venir se sont accrochés, ont drainé les marécages infestés de malaria de la plaine de la Mitidja et construit des maisons en dur pour abriter leurs familles.
Ces premiers colons, qui devaient travailler très dur pour que les terres obtenues de l'administration deviennent cultivables, seront bientôt rejoints par des Espagnols à l'ouest, des Maltais, des Siciliens, des Sardes, des Mahonais des Baléares, des Napolitains à Alger, des Allemands et des Suisses qui s'installent à l'est… Une importante vague de migration est arrivée après la guerre de 1870 (Alsaciens et Lorrains) et la Commune. Dans le même temps, la communauté s'enrichit des 40 000 Juifs nouvellement naturalisés. Dans les villes, les nouveaux arrivants ouvrent des commerces ou des entreprises agroalimentaires. Au recensement de 1886, il y avait en Algérie presque autant de Français de souche que de colons d'origine étrangère. Le plus gros de la colonisation se termine à l'aube des années 1930 avec la création d'un dernier village de colons.
Les différentes langues
Historiquement, le berbère (tamazight) est la plus ancienne langue parlée. Son origine, peut-être punique ou libyque, est aussi discutée que celle de ceux qui le parlent. On estime qu'environ 30 % de la population est berbérophone, entre les Aurès, la Kabylie, la région de Tlemcen et le Grand Sud avec les Touaregs. Le tamazight s'est longtemps maintenu au seul sein des familles et n'était qu'oral mais la découverte dans le Sud du tifinagh, une façon ancienne d'écrire le berbère, a relancé l'intérêt pour cette langue.
Durant l'Antiquité, seuls les lettrés possédaient la langue des Romains. À partir du VIe siècle, les musulmans forcent les Berbères à apprendre leur langue en même temps qu'ils doivent se convertir à l'islam. Avant l'arrivée des Français, la langue turque est celle du gouvernement, des militaires et de l'appareil judiciaire, mais la rue parle l'arabe ou le berbère avec des variations selon les régions. On communique avec l'Européen au moyen d'une langue qu'on appelle « mauresque » ou « franke », un mélange d'espagnol, d'italien, de français et de différents dialectes locaux. Puis, le français devient la langue administrative et commerciale apportée par les colons. L'arabe et le berbère sont alors relégués à l'arrière-plan, voire niés, jusqu'à devenir le symbole de la résistance à l'occupant. Au début des années 1970, les gouvernements ont imposé l'« arabisation » du pays.
Mais les instituteurs et les cadres de l'enseignement n'ayant aucune expérience, puisqu'ils avaient toujours enseigné en français, on fait alors venir des Égyptiens pour prendre le relais. Gros problème : la langue utilisée en Égypte est très différente de l'arabe parlé en Algérie et, peut-être par rejet, le français s'est maintenu dans les foyers et la rue pour rester la langue vernaculaire. Aujourd'hui, l'Algérie est le premier pays francophone du monde après la France, sans pour autant faire partie de l'OIF, l'Organisation internationale de la francophonie. Depuis juillet 1998 – c'est très récent –, l'arabe est l'unique langue officielle de l'Algérie. On a du mal à y croire parce que presque tous les textes et annonces publics sont systématiquement doublés en français, quelquefois seulement en français. Même si les jeunes parlent moins le français, ou ne le lisent pas, les générations précédentes ont bien souvent du mal à lire l'arabe et sont plus à l'aise avec le français. Le français, donc, reste encore très présent, surtout dans les classes aisées, et vous n'aurez aucun mal à vous débrouiller si vous ne parlez que le français. En 1995, le Conseil des ministres a décidé d'introduire le tamazight (berbère) dans le système éducatif, en tant que langue nationale. Depuis 2016, cette langue est la deuxième langue officielle de l'Algérie avec l'arabe ; c'est désormais inscrit dans la nouvelle Constitution.