Wadi Mujib © Iuliia Khabibullina - Shutterstock.Com.jpg
iStock-619375734.jpg

Un pays aux frontières géopolitiques

La Jordanie tire son nom de la rivière Jourdain qui prend sa source dans les montagnes du Liban pour achever sa course dans la mer Morte, à 421 mètres sous le niveau de la mer. Ce pays du Moyen-Orient est situé à un carrefour géopolitique stratégique, issu du démantèlement de l’Empire ottoman. De tous les Etats nouvellement créés par la Société des Nations en 1920, la Jordanie est celui qui possède les frontières les plus artificielles. Si sa façade ouest suit les contours naturels du terrain, le sud, l’est et le nord-est du pays sont délimités par de grandes lignes droites tracées dans le désert. Le pays est bordé au nord par la Syrie, à l’ouest par Israël et la Cisjordanie, au sud et à l’est par l’Arabie saoudite, au nord-est par l’Irak. Seule la frontière nord est fixée en 1921, suivant le fil de la rivière Yarmouk. A cette époque, la volonté de la SDN est de faire de l’Emirat hachémite de Transjordanie une zone tampon entre différentes zones sensibles. Il crée une délimitation entre la Syrie et le Liban sous tutelle française et la péninsule arabique où s’affirme la puissance des Saoudiens. Il évite notamment une frontière commune entre la Syrie et l’Arabie saoudite. De la même manière, la création de l’Etat sépare la Cisjordanie et l’Irak. Le débouché sur la mer Rouge à Aqaba est obtenu en 1925 avec l’accord d’Hadda négocié entre les Britanniques et les représentants de ce qui deviendra l’Arabie saoudite. Un échange de terres entre la Jordanie et l’Arabie saoudite intervient en 1965, permettant notamment au royaume hachémite d’élargir son accès au golfe de la mer Rouge. La frontière avec l’Irak n’est elle délimitée qu’en 1932, les deux pays étant alors sous tutelle britannique. Bien que naturelle, c’est la frontière avec le Jourdain qui posa le plus de problèmes. La Jordanie proclame son indépendance en 1946 et annexe de facto la Cisjordanie, située sur la rive occidentale de la rivière. Elle perd le territoire au profit d’Israël lors de la guerre des Six Jours menée par l’Etat hébreu en 1967. La Jordanie renonce définitivement à la Cisjordanie lors du Sommet arabe de Rabat en 1974. Celui-ci reconnaît officiellement l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), un mouvement créé par le leader indépendantiste Yasser Arafat. La Jordanie signe un accord de paix avec Israël en 1994, entérinant la frontière entre les deux pays qui suit la rivière Jourdain, sépare en deux la mer Morte et le Wadi Araba, une large plaine désertique qui relie la mer Morte à la mer Rouge. La Jordanie couvre une surface de 92 300 km², soit environ un sixième de la France.

Des formations géologiques variées

La Jordanie se trouve dans une zone de divergence des plaques continentales de l’Afrique, de l’Eurasie et du sous-continent indien. La majeure partie du pays est constituée d’un plateau rocheux, dont l’altitude varie entre 700 mètres et 1 200 mètres. Mais, la tectonique des plaques a créé des fractures formant des vallées (wadi) et des ensembles montagneux (jebel). D’autre part, la partie ouest du pays est façonnée par la vallée du Rift, une faille profonde qui a engendré plusieurs dépressions comme le lac de Tibériade (-215 mètres), la mer Morte (-421 mètres) ou le Wadi Araba. Cette faille est le prolongement du rift africain séparant les plaques africaine et arabe. Les formations géologiques sont très variées pour un si petit pays et alternent le calcaire, le grès, le granite, le basalte et le sable.

La grande majorité du plateau transjordanien est constitué d’une alternance de couches de calcaire tendre et de silices dures. La couche calcaire s’est formée à l’époque du Crétacé (entre 145 millions et 66 millions d’années), alors que toute la région du Moyen-Orient était immergée sous une mer chaude. La zone calcaire s’étend au nord du pays et à l’est et teinte les paysages de blanc et d’or. La pierre a notamment servi à l’édification d’Amman, aussi appelée « la ville blanche ». Au nord de la capitale, les sols profitant d’un climat relativement humide comptent parmi les plus fertiles du pays. En vous rendant à Jerash ou à Umm-Qais, vous y verrez des forêts, des terres arables particulièrement fertiles, des vergers et oliveraies. Les montagnes de calcaire sont traversées de roches siliceuses particulièrement dures qui ont permis aux hommes préhistoriques de façonner leurs outils et de s’installer de manière permanente dans la région. Les alternances de roches sont particulièrement visibles au Wadi Mujib.

En descendant vers le sud, à partir de Kerak et aux abords de la vallée du Rift, ce sont les grès qui dominent. Il s’agit d’une des plus anciennes formations géologiques du pays remontant entre 590 millions et 409 millions d’années. Il existe trois sortes de grès différents, qui alternent les couleurs et donnent aux paysages leur souffle éternel. Le grès dur et rouge a formé des falaises comme on peut en voir à Pétra, le grès tendre rose ou blanc donne des pentes douces, tandis que des dômes de grès blanc coiffent certaines falaises du Wadi Rum ou de Dana. Les couleurs si particulières observables à Pétra, alternant le rouge, le rose, l’ocre, le jaune, l’orange, le gris ou encore le bleu, sont le fruit de dépôt de couches successives de fer et de manganèse drainés par les infiltrations d’eau dans la roche.

Tout à fait au sud, Aqaba est cernée par des massifs granitiques formés il y a environ 570 millions d’années. La roche est occasionnellement parcourue de stries ocre, vertes ou noires qui résultent du dépôt de roches plus tendres ou de laves dans des fissures provoquées par d’intenses tensions géologiques et sismiques.

Le nord et l’est du pays occupent un plateau basaltique créé par l’activité volcanique du Jebel el-Druze (Syrie) entre 25 millions et 1 million d’années. La lave s’est écoulée vers le centre de la Syrie, mais aussi vers le sud. Le volcan a aussi fait naître de nombreux cônes volcaniques qui s’étendent jusqu’au désert saoudien. Certains d’entre eux sont encore visibles sur la route menant de Mafraq à la frontière irakienne.

La mer Morte, point le plus bas de la Terre

La mer Morte s’est formée il y a plus de 5 millions d’années dans la partie la plus basse de la dépression causée par l’écartement des plaques tectoniques africaine et arabe. Elle était à l’origine alimentée par les eaux de la Méditerranée. Entre 70 000 et 12 000 av. J.-C. le lac s’étendait sur 360 kilomètres de long. Il a commencé à s’assécher à partir de 15 000 av. J.-C. On peut observer les kattaras de cet ancien lac, notamment au sud de la mer Morte. Il s’agit de buttes et de plateaux stériles ; agrégats de marnes gypseuses et de sel, façonnés par l’érosion. Ils présentent une stratigraphie intéressante qui renseigne sur l’alternance des saisons et leur fréquence. Pendant les périodes chaudes, l’évaporation de l’eau précipitait le carbonate de calcium au fond du lac. Tandis que pendant les périodes de pluie, les limons portés par le ravinement des montagnes s’accumulaient au fond du lac. Les kattaras alternent les couches blanches (été) et grises (hiver), appelées « formations de Lisan ». Si l’altitude retenue pour évoquer le point le plus bas sur terre est de 409 mètres sous le niveau de la mer, en réalité celle-ci varie. Elle est de -399 mètres au nord et de seulement -6 mètres à l’entrée du Wadi Araba. A l’époque byzantine, le niveau de la mer était plus bas encore, à environ -430 mètres. Son niveau a augmenté en raison des précipitations plus importantes à l’époque romaine dans cette partie du Moyen-Orient. Le Jourdain est la principale source d’alimentation en eau de la mer. Il y déversait environ 1 200 millions de m3 par an, auxquels s’ajoutaient les écoulements de quelques rivières et torrents descendus des montagnes. A partir de 1964, Israël entreprend d’utiliser l’eau du Jourdain pour l’irrigation des cultures, réduisant le débit de la rivière. On considère que le niveau de la mer baisse d’environ 50 cm par an, accroissant le taux de salinité de la mer. Celui-ci est 6 fois supérieur au taux de la mer, atteignant 27,5 % de solides en surface. C’est cette densité de solides qui permet aux corps de flotter sans effort et qui annihile toute possibilité de vie. En revanche, le site est réputé depuis l’Antiquité pour son bitume, raison pour laquelle les Romains avaient baptisé la mer Morte « lacus Asphaltitis ». Durant la préhistoire, les hommes utilisaient les propriétés collantes du bitume pour fixer la pointe des flèches à leur tige. Les Sumériens le transformaient en ciment tandis que les habitants d’Ain Ghazal, un site néolithique des environs d’Amman, s’en servaient pour décorer leurs statues. Le bitume entrait dans la recette de conservation des momies égyptiennes, de maquillage et de médicaments. Les Phéniciens et les Babyloniens, eux, le badigeonnaient pour étanchéifier les coques de leurs bateaux.

La vallée du Jourdain

La faille du rift se prolonge au nord de la mer Morte en une dépression secondaire appelée Zor. C’est là que s’écoule le Jourdain. Après l’assèchement de cette partie du lac originel, le fleuve s’est écoulé depuis les montagnes du Liban jusqu’à la mer Morte, creusant le fond marneux et encaissant encore un peu plus son lit. Le cours du fleuve s’est modifié au cours du temps, notamment en raison de forts tremblements de terre. Cette modification est particulièrement visible sur le lieu même du baptême du Christ. Le site supposé se trouve sur le territoire jordanien en contrebas d’une église du Ve siècle, elle-même érigée sur les fondations d’une église plus ancienne. Le site du baptême est alimenté par un fin filet d’eau provenant d’une source détournée. Pour atteindre le Jourdain séparant les Etats d’Israël et de Jordanie, il faut encore marcher sur quelques centaines de mètres. La modification du cours du fleuve a libéré des terres particulièrement fertiles et ses abords constituent une sorte de Jardin des Hespérides, une corne d’abondance qui alimente le pays en fruits et légumes.