Vers le XXe siècle
Les colons ont longtemps étouffé toute forme d’expression artistique dans les îles. Par conséquent, l’héritage culturel européen a continué de dominer jusqu’au XXe siècle. La peinture se limitait aux traits d’artistes européens de passage en Martinique, tel Gauguin. De rares tableaux conservés au musée de la Marine de Paris, exécutés par des peintres officiels, offrent cependant un témoignage de la vie quotidienne d’alors. Il faut attendre 1937 pour que le lycée de Fort-de-France propose l’enseignement du dessin et de la peinture par l’intermédiaire de Paul Bally. Durant la Seconde Guerre mondiale, les artistes européens immobilisés sur l’île en raison du blocus ouvrent les premiers ateliers artistiques publics. En 1943, la création de l’École des arts appliqués donne l’impulsion à l’éclosion de l’art martiniquais. Après cela, on assiste à l’émergence de la première génération d’artistes locaux. Les mouvements qui se succèdent attestent de la vitalité de la peinture en Martinique.
Fortement marqué par le contexte politique, le premier courant pictural martiniquais se nomme l’Atelier 45. Il réunit les peintres Raymond Honorien (1920-1988), Mystille et Tiquant. A la même époque, Aimé Césaire fonde la revue Tropiques.
Groupement des artistes martiniquais
Une sculptrice est à la tête d’un mouvement pictural déterminant formé en 1950 : Marie-Thérèse Julien Lung-Phu. Née en 1908 aux Trois-Îlets, l’artiste-poétesse entreprend d’étudier la sculpture en France. Rentrée en Martinique en 1948, elle réalise une sculpture de Victor Schoelcher qui lui vaut de recevoir les palmes académiques. Elle reste à ce jour une personnalité honorée pour la richesse de son parcours et son attachement à la culture martiniquaise.
Plusieurs tendances cohabitent dans les décennies suivantes. Un art symboliste, et même mystique, représenté par Hector Charpentier ; une peinture naïve aux tons vifs qui privilégie les panoramas et les scènes de pêcheurs ; d’autres combinent artisanat et art par l’emploi de matériaux naturels. Ainsi Joseph, dit Khoko René Corail, mêle bambou et peinture.
De plus en plus d’artistes vont se former en métropole. A leur retour, chacun participe à sa façon à enrichir l’identité de l’art typique de l’île aux fleurs. C’est ainsi qu’apparaissent les courants symbolistes et surréalistes. L’art martiniquais a bien entendu été influencé par le mouvement de la Négritude, sans oublier le Festival des Arts nègres qui s’est tenu en 1967.
En 1983, le GEP, ou Groupement d’expression plastique, est fondé dans le but de promouvoir la peinture et la sculpture martiniquaises et caribéennes sur la scène internationale. Cet élan ne cesse de se confirmer à tel point que l’on assiste à une véritable explosion dans le domaine des arts plastiques.
De nos jours
De nos jours, des expositions sont proposées tout au long de l’année avec un pic en mai et juin. La peinture domine la scène artistique qui laisse la place à tous les styles : figuratif, naïf, abstraction, thèmes liés à l’esclavagisme mais aussi « figurabstraction », genre entre figuratif et abstraction, né sous le pinceau d’Hector Charpentier. La sculpture martiniquaise n’acquiert ses lettres de noblesse que tardivement avec Laurent Valère (1959). Hiératiques et puissantes, ses œuvres appellent à la réflexion. La plus célèbre reste Le Mémorial de l’Anse Caffard, érigée en 1998 dans la commune du Diamant. Quinze imposantes statues de pierre tournées vers la mer commémorent le naufrage tragique de 1830, où nombre d’esclaves enchaînés périrent dans les flots, sans avoir la possibilité de se sauver. Dans la lignée des grandes sculptures monumentales, le Lambi des Anses-d’Arlet et la tête de Manmand’lo exaltent la même puissance esthétique. Le Lambi (2009) trône dans le bourg des Anses-d’Arlet. Sculpture-fontaine aux lignes élégantes, de sa conque coupée se diffuse une brume liquide rafraîchissante. Quant à Manmand’lo (2004), il s’agit d’une tête de femme-sirène monumentale posée à dix mètres de profondeur au large de la baie de Saint-Pierre, comme la réconciliation de l'Homme et de son cocon marin, fragile et magnifique. Sa notoriété attire toujours plus de touristes.
L’année 2013 voit l’ouverture de l’espace d'art contemporain 14°N 61°W à Fort-de-France. L’objectif de ce lieu avant-gardiste est de donner une tribune aux artistes locaux et caribéens pour pouvoir exprimer leur art et leur permettre de le faire découvrir au grand public. Au programme : des expositions et des projets qui conjuguent création artistique et préoccupations sociales, économiques et politiques. Une large part de cette fondation dédiée à toutes les formes de création est consacrée à l’art dans la Caraïbe. Autre foyer artistique important en Martinique : la Fondation Clément, qui met régulièrement à l'honneur les artistes caribéens contemporains.
Spots street-art
Le paysage martiniquais s’est encore embelli ces dernières années avec l’essor de l’art urbain. Cette forme d’expression qui s’adresse directement au plus grand nombre a rapidement trouvé sa place en Martinique. De Fort-de-France à Schoelcher, on retrouve les thèmes chers aux Antilles. Quatre graffeurs se distinguent : Oshea, R-Man, Xän et Moksa. Coup de cœur pour le génialissime portrait de Spike Lee réalisé par Xän sur un mur de la rue du Port. Un gros plan avec cheveux végétalisés ! Dans les rues adjacentes, vous dénicherez quantité de joyaux du street-art.
Les plus curieux s’aventureront à Schoelcher. Comptez une heure et demie pour débusquer les pépites qui ornent les ruelles de ce joli bourg. Ici, le sport est le meilleur ami de l’art urbain. La piscine municipale, lieu de rendez-vous des joggers du soir, a bénéficié du projet municipal Art dans la ville. Grâce à ce soutien officiel, les fresques fleurissent dans ce quartier. De même, au Pont Case-Navire, la fresque des Amérindiens signale l’emplacement d’un ancien village d’indiens, aux abords de la rivière. Caruge et Cauquil signent ici une fresque à ne pas surtout pas manquer. Au stade municipal, une autre peinture murale amérindienne joliment colorée vous attend. Ici, un enfant sur sa barque pagaie sur un vaste pan de mur. Le long du parcours sportif aménagé en bord de mer, la place des Arawaks et les terrains de basket accueillent un foisonnement de graffitis en perpétuel renouveau. En redescendant vers le bourg, repérez les œuvres qui se cachent un peu partout en bord de plage. De joyeux visages d’enfants ornent la frise du bien nommé Mur des sourires, dans le quartier la Colline. Terminons ce panorama sur une note typiquement antillaise avec une réalisation signée Oshea. Sur les murs d’un transformateur électrique, sa Doudou tend son panier de fruits aux gourmands amateurs d’art.