Découvrez la Martinique : Le jour de l’An et ses obligations

Le jour de l’An est inconcevable à la Martinique sans ses incontournables exigences. Il serait bien triste, s’il n’y avait pas tous ses rituels qui imposent d’abord, pour vous accueillir, le verre de Dubonnet ou de Noilly Prat, selon votre goût. À midi, sur chaque table, le pois d’Angole est présent, à côté de l’agneau, de l’igname jaune et du jambon fumé, ils attendent la famille, ainsi que ses convives. La branche de muguet porte-bonheur côtoie la crèche en papier kraft qui imite parfaitement une grotte, ornée d’anachroniques guirlandes électriques qui clignotent, où les santons essayent de rappeler l’authentique misère et l’humilité qu’a connues l’occupant de la première crèche. Dans toute sa splendeur elle attend les rois qui n’y sont pas encore, car nous ne sommes que le premier janvier. Alors on offre des dragées, des mandarines, tous ces grains nécessaires à une année heureuse : "Bonne année, santé, prospérité" s’écrie-t-on et l’on trinque.

L'approche de la Saint Sylvestre

À l'approche de la Saint Sylvestre, le pays se procure les éléments indispensables à la préparation de solutions ou autres ingrédients destinés à se débarrasser des traces de l’année précédente. On nettoie la maison du sol au plafond avec l’arada dit lanvè ou douvan, du grésil, de l’alcali, parfaits pourchasseurs de mauvaises ondes, ainsi que l’eau de mer en grande quantité, le sel étant un bon purificateur, on en achète si on est loin de la mer. On y ajoute d’autres plantes (fey bwakaka entre autres), elles puent mais sont réputées pour leurs vertus positives. On malaxe le tout que l’on fait bouillir avant d'utiliser le produit filtré. Ce même « bouillon », sans grésil, peut être ajouté à l’eau de son bain démaré, puisqu’il s’agit de purification. On achète un balai neuf, pour étrenner l’année, sa voiture neuve pour démarrer l’année sur d’autres bases. Le muguet-pays et ses fleurs blanches, symboles de pureté, sont mis en bonne place. Posé sur la table à côté des épis de maïs, dont les grains vont aider à trouver le bonheur, pas seulement dans le pré. Telles sont les recettes pour passer une bonne année et ici l’on y croit fermement.

Il faut aussi rapporter chez soi ce qui est favorable à une bonne année, les oranges ou mandarines, pour leurs pépins précieux qu’il faudra garder toute l’année dans son porte-monnaie car ils sont susceptibles d’attirer la chance et sont un très bon moyen d'engranger de l'argent. Il ne faut jamais jeter les pépins de sa première mandarine ou orange de l’année. Toujours pour avoir de l’argent, le repas sera fait de graines, mais il n’y aura pas de lentille à table, ça fait pleurer, elle sera remplacée par des pois d’Angole (Cajanus cajan, ou Cajanus indicus), une plante vivace de la famille des Fabaceae.

Le pois d'Angole et le muscat

Au menu du repas du jour de l'An figure notamment le pois d'Angole, appelé pwa di bwa à la Guadeloupe (pois de bois), pwa pijon (pois de pigeon), pwa kongo (pois des congos), pwa kajan (pois cajan) dans d’autres pays. Sa culture remonte au moins à 3 000 ans. Il serait probablement originaire d’Inde, d'où il s'est diffusé en Afrique orientale, puis vers le continent américain suite à la traite des esclaves. Son nom « pois d’Angole » fait penser à l’Angola, un pays d'Afrique d'où il a pu être aussi exporté suite à la traite des esclaves vers le continent américain... Il s'accompagnera de muscat de Samos, récent dans les habitudes martiniquaises, un vin doux naturel produit dans une île grecque de la mer Égée, il accompagne le coq. Et puis il y a l’incontournable Noilly Prat, alcool d’apéritif sec. C’est un vermouth, il renferme des arômes d’armoise, d’origan, de clou de girofle et de vanille qui lui donnent un côté chaud. Il s’est popularisé au pays particulièrement au début du XIXe siècle. Ce vin blanc aromatisé est réservé, avec quelques dragées, spécialement pour le visiteur de passage venu présenter ses vœux.

Le symbole de la dragée

Le jour de l’An, les petits magasins familiaux sont ouverts pour qu’ils soient achalandés toute l’année. Ces croyances qui pourraient paraître désuètes restent encore bien ancrées parmi les traditions tenaces, car pratiquées par un bon nombre de Martiniquais. Ainsi l’amande qui sera toujours offerte le jour de l’An est dit-on le symbole de l’amour éternel et du bonheur.

Repris par les Dragées Reynaud, un récit issu de la mythologie grecque depuis fort longtemps oublié remet en mémoire la légende de Phyllis, la fille du roi de Thrace, qui tomba éperdument amoureuse de Démophon ou Acamas, un des fils de Thésée. Lorsque Thésée mourut, le fiancé de Phyllis partit à Athènes rendre hommage à son défunt père. Il laissa sa bien-aimée seule. Ne voyant pas revenir son futur époux à qui elle avait donné une cassette, cette dernière, après des mois, se crut délaissée et se laissa mourir. Les dieux ébranlés par tant d'amour décidèrent de la transformer. Le fiancé, quand il revint dans l'île, retrouva en un bel amandier sa galante changée. Il décida pour se faire pardonner de lui faire une offrande et en retour Phyllis, pour lui montrer son amour, se mit alors à fleurir. C'est ainsi que, depuis, l'amante se fait l'amande qui est devenue symbole de l'amour éternel entre deux êtres.

La dragée, amande dans sa robe de sucre, étant aussi symbole de fertilité et d’abondance, elle est toujours la bienvenue et on l’offre lors des mariages, des baptêmes, des communions, des anniversaires de mariage et surtout le jour de l’An.

Festivités et organisme

Il faut « laver » le foie des festivités, « nettoyer » l’organisme des abus du réveillon. Pour le drainer, une tisane à base de verveine blanche, bol d'eau, d'anis, du patchouli, de feuilles d’arbre à pain sera nécessaire. Personne n’oublie que le jour de Nouvelle Lune est une date favorable pour préparer et consommer la soupe verte aussi appelée kalalou ou soup-kongo ou encore soup-zabitan (soupe habitant). La soupe étant liquide, comme l’eau, elle lave, elle nettoie l’intérieur. Elle permet d’utiliser l'os du jambon de Noël que l'on vient de consommer et la couenne.

Chacun est spécialiste de la question, et tout le monde donne la marche à suivre pour composer avec les douze prochains mois. De nos jours, on peut presque affirmer que derrière chaque Martiniquais se cache un éminent conseiller en phytothérapie – profession qui d’ailleurs a un bel avenir - car la connaissance des plantes médicinales, de leurs vertus et de leur utilisation tient de l’ancêtre et tout le monde aime recommander un thé ou une décoction ; dommage que l’on oublie assez souvent que le dosage reste primordial.

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