Lasotè : chants et instruments d’accompagnement
Le chant : les crieurs seuls et à tour de rôle déclament leur chant qui a toujours un rapport avec l’actualité comme dans le bèlè (chant traditionnel).
Le tambour : le tambour bèlè traditionnel est un instrument spécialisé dont la particularité est d’être utilisé pour jouer du bèlè, la musique d’accompagnement de la danse traditionnelle du même nom. Le tambour peut être construit à partir d’un petit tonneau en bois (assez rare de nos jours). Tout le haut est recouvert de peau de cabri de préférence pour sa qualité. Le bas qui laisse évacuer le son n’est pas fermé. Vu les difficultés à rencontrer les petits fûts sur le marché, le tambour est de plus en plus totalement fabriqué par un spécialiste. Le joueur de tambour le couche pour le chevaucher. Il frappe la peau qui recouvre le haut de l’instrument avec ses mains, en y mettant du rythme, parfois il y fait glisser son talon sans chaussette, afin de le faire ronfler. Hélas, les croyances ont la dent très dure : de même que pour les Anciens une femme n'a pas le droit de grimper à un arbre pour ne pas transformer les fruits qu’elle rendra acides, c’est aussi pour eux un « sacrilège » que de laisser une femme chevaucher un tambour ; elle serait impure. Hé oui !
Le tibwa : composé d’un long bambou de 2 à 3 mètres posé sur deux piquets en forme de fourche, on a besoin de deux baguettes appelées tibwa pour donner la cadence. Elles sont réalisées avec des petites branches de bois d’Inde, pour la solidité de ce bois, ou en mahogany.
Les conques de lambi : ce sont les mêmes que celles employées par les pêcheurs pour rameuter la clientèle, cependant on les choisissait petites pour le rendu aigu que le son du tambour ne devait pas couvrir.
Le granson. Le granson est la musique utilisée pour labourer et faire des sillons dèyè (derrière), c’est-à-dire quand la terre pentue est travaillée de bas en haut, à l’aide de houes et que les sillons réalisés sont ainsi placés derrière le groupe des bourè (laboureurs). Il se joue avec des crieurs qui chantent à tour de rôle et battent le tibwa, les tambours ainsi qu’une ou plusieurs conques de lambi. La synchronisation se devait d’être parfaite entre musiciens et bourè qui placent leurs coups de houe sur le son de la conque si bien que toutes les houes montaient et descendaient en même temps
La mazonn. La mazonn c’est la musique utilisée pour faire les sillons douvan (devant). La terre est alors travaillée de haut en bas et les sillons réalisés placés devant les bourè qui progressent à reculons vers le bas de la pente. C’est un rythme très syncopé. Les crieurs chantent à tour de rôle sans tibwa. Les bourè ne travaillent pas en cadence car la tâche à accomplir nécessite gros et/ou petits coups de houe. Le champ vierge est siyoné (faire des sillons) par des bourè. Si les forces vous manquaient et que vous ralentissiez votre allure, celui qui vous suit emporté par ses efforts risquait de vous blesser involontairement au talon avec le tranchant de sa houe. La place des plus jeunes et des anciens était de préférence réservée aux travaux de finition : bouts de sillons, ou canaux et faux sillons. L’effort demandé était intense.
Un lasotè se termine généralement par un danmié qui est une danse martiale, sur la terre fraichement labourée.
Le lavwa bef, chant d’incitation
Très peu connu des jeunes Martiniquais, le rythme traditionnel Lavwa bef fait partie du patrimoine. Il révèle une partie de l’identité martiniquaise plutôt méconnue du grand public. À Trinité l’exploitation agricole du Galion a choisi de prendre en compte cet apport ancestral et de le revitaliser afin de transmettre ces savoirs aux générations futures. Il s’agit spécialement de l’habitation Spourtoune.
Le Lavwa Bef, signifie littéralement « la voix qui incite le bœuf », c’est un chant a capella sur le lieu même du travail. Vers la fin du XIXe siècle et jusqu’au milieu du XXe siècle, c’est un chant de labour et d’accompagnement dans le secteur agricole, période d’avant la mécanisation qui a vu l'avènement des « Ferguson », tracteurs dont leur nom propre est devenu commun en créole pour désigner l’engin qui allait remplacer les bœufs.
La voix du cultivateur-chanteur conduit avec des trémolos assez spéciaux, les bœufs dans la tâche du labour. Le bœuf sollicité agit et répond comme conditionné par le timbre. L’homme et l’animal travaillent alors en symbiose et la nature est aussi épargnée des effets nocifs des engins mécaniques.
Avec plusieurs partenaires, l’exploitation agricole du Galion envisage de faire revivre la tradition du Lavwa bef dans le Nord Atlantique, notamment à la lumière du savoir-faire du Samaritain Benoît Rastocle, un des derniers rescapés, âgé aujourd’hui de 88 ans. Chanteur de bèlè du temps de sa jeunesse, il a fait travailler selon la tradition, les bœufs des champs au rythme de sa voix. Il initie les jeunes à ce savoir-faire afin de le perpétuer certes, mais aussi dans la perspective de préserver la nature des effets des dioxydes de carbone. Lavwa bef est une manière écolo de travailler son champ tout en protégeant l’environnement.
Le steel pan
L’équipe de l’Office Municipal de la Culture, qui deviendra par la suite le Sermac (Service Municipal d'Action Culturelle), forme des Martiniquais à l’apprentissage du steel pan depuis plus de 30 ans. Il propose notamment à ses élèves l'enseignement. C’est ainsi que petit à petit le pan, considéré comme instrument acoustique est introduit dans différents groupes musicaux de l’archipel Caraïbe. Les pionniers de l’instrument à la Martinique sont Gabriel Desroc, Guy Louiset, Mano Limier, Raymond Mardayé, vers la décennie 60-70.
Le steel pan est originaire de l’île de Trinidad, dont il est devenu l’instrument national et le logo du pays. L’objet traditionnel est réalisé à partir de fûts ; on travaille sur la tôle même du tonneau. C’est un contenant en métal de 216 litres, d'une épaisseur comprise entre 0,8 et 1,5 mm. On peut dire que l’instrument de musique est fabriqué à partir d’objets de récupération, puisque à l’origine le tonneau en métal est destiné à stocker et transporter de l'essence, du pétrole ou de l'huile... L'île de Trinidad possède du pétrole, et le premier forage a lieu en 1870. A partir de 1902 à 1905, la production de pétrole prend beaucoup d’essor. Le pan (steel pan) naîtra à la fin des années 1930, et en 1945 il devient l'instrument emblématique de l'île.
Les steel drums ou steel pans sont réalisés à partir de bidons et différents autres objets de récupération telles des boîtes de biscuits ou des poubelles usagées. En fonction de son gabarit l’objet est sectionné et la face inférieure est emboutie puis martelée pour y réaliser un ensemble de facettes destinées à l'émission d'un son qui résonne comme une cloche. Les différentes facettes sont accordées sur une gamme tempérée.
Le répertoire. Le répertoire du steel band est vaste. Le calypso de renommé mondiale est un style de musique afro-caribéenne né au milieu du XIXe siècle à Trinidad. Ce serait l'arrivée des planteurs français et leurs esclaves au XVIIIe siècle, qui va favoriser l’expatriation de ces rythmes d’abord vers la Barbade, Sainte-Lucie, la Dominique et plus loin. Le carnaval de Trinidad a pour tradition de réinterpréter les calypsos de l'année en cours. Ce serait l'interdiction des tambours durant les manifestations qui aurait eu en réponse l’usage des steel pan, ou steel drums comme instrument de remplacement.
Qu’est-ce que le steel pan ? De nos jours le steel pan, ou encore steel band (orchestre d’acier), stilbann en créole, est enseigné par Jean-Michel Calmo au SERMAC, Chantal Rémion aux classes CHAM (Classes à Horaires Aménagés en Musique), Michel Laurol à Lakou Sanblé Matinik de Schoelcher. On trouve mais depuis peu des puristes martiniquais qui lui préfèrent le mot steel pan, pan signifie casserole en anglais.
Les noms sont nombreux on peut aussi dire le steel drum du mot anglais qui signifie tambour d’acier. C’est un instrument de percussion idiophone ou auto phone mélodique dont le son est produit par le matériau qu’est l'instrument lui-même, lors d'un impact provoqué par un accessoire extérieur, la mailloche. Le musicien, en frappant les facettes internes de l’instrument avec de petites mailloches joue du pan. Une mailloche est composée de deux parties : le manche en bois ou autres matériaux, et la tête de forme généralement ronde, qui est recouverte de peau. L'émission sonore résulte de la frappe de la mailloche sur le matériau résonnant composé uniquement de métal. La musique a des sonorités harmonieuses qui favorisent une belle mélodie et l’accord des instruments permet un arrangement de type symphonique. Le pan peut être utilisé pour jouer toutes les parties d'une œuvre musicale ou d'un morceau de musique. Il s’est répandu dans des orchestres dits steelbands, typiquement composés de plusieurs de ces instruments différents. Il ne faut pas le confondre avec le xylophone qui a des lames de bois.
Les nombreux types de pans. Selon les Archives Steel drum/musical instrument, Encyclopedia Britannica, « il existe de nombreux types de pans, des graves des aigus et des médiums, le traditionnel, pan around the neck (casserole autour du cou) un seul par musicien, ou le conventionnel, chaque section chromatique donc plusieurs bidons par musiciens. Dans les orchestres conventionnels, les pans aigus, appelés « frontline » première ligne, comportent une trentaine de notes sur un ou deux bidons, les médiums ont vingt à trente notes sur deux à quatre bidons, les basses une vingtaine de notes sur quatre à douze bidons. Les pans médiums et basses sont appelés « background » ce qui en français signifie arrière-plan. » De nos jours, certains fabricants n'utilisent guère plus de bidons comme autrefois. Ils fabriquent les instruments avec des tôles plates qu’ils transforment en cuvette dont ils vont former mouler et accorder les surfaces.
La flûte en bambou dite toutoun banbou
Le nom « toutoune-bambou » (toutoun-banbou) est issu de la langue créole et désigne une flûte en bambou. Elle doit être taillée dans la tige creuse du bambou, appelée chaume, trois jours après la pleine lune, à la bonne lune donc, pour éviter la prolifération de mites qui réduiraient en poudre l’instrument qui doit sécher à point. Cette condition elle-aussi est indispensable car si le bambou est trop sec, le bois se fend, et la qualité du son sera médiocre si le bambou est mou.
La toutoun-banbou est un mot tombé en désuétude depuis que le flutiste renommé Max Cilla l’a désignée « flûte des mornes ». Professeur du regretté Eugène Mona, il a fait adopter cette appellation française et a en même temps fait régresser sans le vouloir, le mot créole toutoun-banbou, tout en donnant à cet instrument qu’il a enseigné au Sermac toutes les lettres de noblesse qui lui sont dues au même titre que le steel band.
Comment la fabriquer. Au risque de faire de très mauvaises rencontres dans la forêt de bambous, car le botrops lanceolé, nommé sans être nommé, affectionne tout particulièrement les lieux, il faut aller chercher l’objet. Il devra présenter un profil tubulaire régulier. Le chaume sera ensuite percé pour libérer le son de part et d’autre et sur le côté pour permettre de produire les notes. Les premiers flûtistes de la « toutoun-banbou » étaient des personnes en symbiose avec la nature, ils l’ont mise à profit pour reproduire sans doute un objet de leur connaissance. Il faut de prime abord tenir compte de la lune qui, si l’on ne respecte pas son cycle, peut se révéler préjudiciable. Après avoir choisi la pièce, un bambou arrivé à sa maturité qui a la densité, la texture et la forme adéquate, il faut couper le chaume entre deux nœuds d’au moins 20 centimètres. La flûte longue a des capacités de production de son, allant du grave à l’aigu. L'instrument sera taillé dans le chaume du bambou. A l’extrémité qui sera porté à la bouche - l’embouchure - une fente rectangulaire pas très large circuler l'air à l'intérieur. Avec un bout de fer cylindrique chauffé au rouge on va réaliser les trous correspondant aux notes. Diamétralement opposé on va placer un trou qui sera bouché avec le pouce ce qui permet la modulation et la réalisation de sons divers. Six trous seront disposés sur le chaume à des espaces plus ou moins réguliers pour reproduire des notes des gammes mineures ou majeures. Après avoir fait des essais multiples le facteur d’instruments va tâtonner à plusieurs reprises pour connaître la position la plus appropriée pour l’ensemble des notes. Les trous les plus proches de l’embouchure correspondent à ceux qui seront bouchés ou débouchés par les doigts de la main gauche (l’index, le majeur et l’annulaire) les trois autres trous seront respectivement bouchés ou débouchés par les trois doigts de la main droite l’index, le majeur et l’annulaire. Les pouces et les auriculaires servent à maintenir l’instrument en position stable.
De nos jours la perceuse électrique fait mieux et plus rapidement l’affaire. La flûte est ensuite accordée avec des lames de ciseaux.
Max Cilla explique « qu’en entreprenant un travail plus scientifique pour cerner les principes de fabrication et en mettant au point une méthode pour les fabriquer dans différentes tonalités, j’ai réussi à faire disparaître cette image d’instrument « aléatoire » de la toutoun-banbou. Cela a permis d’assurer une transmission dans l’art de les fabriquer, sans que cela ne soit basé uniquement sur l’intuition, ce qui était assez complexe. Il faut savoir que le bambou est un bois particulier par sa texture fibreuse. De plus, ce n’est pas une tige qui grossit avec l’âge : dès son bourgeonnement, le diamètre du bambou est déjà déterminé. L’âge ne modifie pas le diamètre du bambou, mais il fortifie sa texture. Il y a donc des bambous de différents calibres. Tout ceci fait appel à des qualités d’observation de la nature qui demandent déjà une grande attention et l’implication du flûtiste dans la conception de l’instrument, par cette mise en relation directe avec la nature. »
Max Cilla, Léon Sainte-Rose, Eugène Mona sont des flûtistes qui ont fait découvrir la flûte traditionnelle au grand public.
La musique de conque de lambi
Qu’entend-on par Watabwi-ora ? Dans le patrimoine immatériel des Martiniquais, il faut placer l’un des plus anciens instruments de musique au monde et le plus ancien sur le sol martiniquais, celui que reste la conque de lambi. La conque de lambi est un instrument sonore hérité des peuples premiers des Antilles : les Arawaks et les Kalinagos. Kalinago est le nom réel du peuple nommé caraïbes par les Européens. Le son produit par cet objet qui est issu de la mer a su traverser le temps. De nos jours encore par voie de conque sonore les pêcheurs rameutent la clientèle en leur annonçant leur arrivée au débarcadère. Il a longtemps contribué à accompagner les charivaris (chalbari) qui annonçaient en grands fracas de tambour et de toutes autres sortes de musiques accessoires, qui informaient de l’éventualité ou l’imminence d’un mariage entre veufs, en faisant prendre connaissance de la nouvelle de manière ubuesque. Il annonçait aussi par voie de conque sonore la triste nouvelle du passage de Basile, autrement dit la mort, dans le quartier puisque les radios n’étaient encore qu’à leurs balbutiements. Durant l’époque coloniale il a su aussi ponctuer les évènements extraordinaires de la vie de la communauté rendue servile : mort, catastrophe, insurrection. Ses messages assuraient essentiellement deux fonctions : informer de l’extraordinaire et rassembler. En langue amérindien insulaire on le nomme Watabwi-ora : ora veut dire le mollusque, Watabwi désigne la coquille.
Les fouilles. Un document intitulé « Grotte de Marsoulas, carte IGN interactive [archive] » rapporte sur Géoportail, qu’« en 1931, fouillant le talus d'entrée de la grotte dite grotte des Fées à Marsoulas - une commune française située au centre du département de la Haute-Garonne, en région occitane - deux archéologues préhistoriens Henri Begouën et Townsend Russel vont y trouver une grande quantité de mobiliers préhistoriques, et notamment une conque que l’on peut voir au Muséum de Toulon. Ce coquillage est en réalité le tritonis nodifera méditerranée, aussi nommé charonia lampas, un des 5 types de triton. la coquille est longue de 31 cm avec des traces d'ocre. Ce coquillage, vieux de 18 000 ans, est alors décrit comme un « vase à eau », mais un examen plus approfondi va suggérer qu'il s'agit d'un instrument à vent dont la fonction reste hypothétique. On ne peut définir s’il s’agit d’un instrument de liturgie, d'appel, ou d’agrément. Selon des recherches, le Carbone-14 a révélé qu'il s'agissait du premier instrument à vent de ce type. »
L’instrument. « Après avoir percé la coquille d'un trou, sur la pointe ou sur un côté, l'instrumentiste y soufflait pour produire des sons selon le même principe que la trompe de chasse ou la corne de brume notamment. C'est l'un des plus anciens instruments de musique qui nous soient parvenus, comme l’atteste l’exemplaire de la conque de Marsoulas qui date du Magdalénien (dernière culture archéologique du Paléolithique supérieur en Europe de l’Ouest. Il s'étend entre environ 17 000 et 14 000 ans avant le présent). »
Qu’appelle-t-on Watabwi ? Il nous faudra plonger dans le passé pour partir à la rencontre de la conque de lambi qui est notamment le symbole représentatif de la ville des Anses d’Arlet. Ce symbole renvoie au monde de la pêche puisque Anses d’Arlet est une ville de pêcheurs ; d’ailleurs de nos jours la conque de lambi signale encore le départ et le retour des pêcheurs. La conque de lambi est le symbole et fait référence à une activité très caractéristique de la vie économique et culturelle de cette commune. Cette ville doit son nom à Arlet un ancien chef Kalinago, le frère de Pilote. Ils auraient tous les deux abandonné leurs biens et leurs terres aux colons du Nord de la Martinique pour se réfugier dans le Sud, à la suite d’un traité signé entre eux. De ce fait, Arlet s'installa dans la région à laquelle il a laissé son nom, et son frère Pilote à Rivière-Pilote la commune qui porte elle aussi, son nom. En Martinique la conque de lambi symbolise tout ce qui relève du milieu de la pêche.
Le Lambi, « strombus giga » de son nom scientifique, était appelé « watabwi » par les kalinagos premiers habitants de l’île. Ce coquillage se compose d’un mollusque comestible niché à l’intérieur de sa coque appelé « conque ». Elle peut atteindre 30 cm de largeur et peser 1,5 kg. Réputé détritivore, le mollusque consomme des algues et divers débris végétaux, il peut aussi se nourrir d’algues mortes ou vivantes, les sargasses ou autres débris apportés par le courant dans les dépressions ou certains fonds marins.
On le retrouve le long du littoral de l’archipel caraïbéen et il est utilisé principalement aujourd’hui pour des mets culinaires, dans lesquels on le consomme le plus souvent en court-bouillon, en fricassé ou grillé en brochette ou non.
En raison de sa surpêche le lambi qui est aussi très apprécié pour sa chair est en voie de disparition. En conséquence il est protégé par la Convention de Washington (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) son commerce est fortement limité, et il est placé sous le contrôle des douanes dans les Antilles françaises. Il est classé comme espèce menacée et il est partiellement protégé.
La conque de lambi instrument musical. La conque de lambi elle-même, présente de multiples atouts. Les pêcheurs attachaient trois ou cinq kòn lanbi qu’ils regroupaient pour servir d’ancre pouvant maintenir les barques. De nos jours encore les conques, eu égard à leur résistance aux intempéries et à leur capacité à épouser le sol, servent à délimiter les fosses dans les cimetières. C’est la raison cartésienne, car on leur prête aussi et avec beaucoup plus de ferveur, le pouvoir magique d’aider l’âme à revenir en Afrique, ce qui explique leur indispensable présence autour des fosses. En effet, déjà chez les Kalinagos, la conque de Lambi servait à honorer les morts à travers la décoration des tombes.
Selon le LAO (Laboratoire d’Archivage de l’Oralité), on leur doit aussi l’utilisation de la conque comme élément de décoration et de matériau de fabrication de produits d’artisanat. C’est à eux que revient l’idée d’avoir inscrit dans notre univers caribéen la conque de lambi dans le champ de l’expression artistique, en en faisant un instrument de musique original qui produit un son singulier quand on souffle dans son ouverture. Elle servait à annoncer de morne en morne les grands événements de la vie, qu’il s’agisse de naissances, de mariages, de décès ou encore de révoltes. C’était à la fois, un téléphone, une radio et un instrument de musique. Il existait un authentique dialecte du lambi. Il introduit un art de vivre, à un imaginaire, à une conception des relations humaines et de la vie, à une manière d’habiter la langue, à toute une série de valeurs qui ont contribué à forger l’identité de la ville, à lui conférer ce que beaucoup perçoivent, qu’ils soient de Martinique ou d’ailleurs, comme une indéniable authenticité.
Le groupe Watabwi est un groupe orchestral de souffleurs de conques de lambi de la section de l'association qui se dénomme LAO : Laboratoire d'Archivage de l'Oralité. Cette section regroupe une quinzaine de participants actifs qui s'entraîne régulièrement depuis plus de vingt ans. Les entraînements se déroulent sous les conseils et la conduite du dernier référent majeur, Pierre Louis Delbois, qui est retraité du bâtiment, ancien marin pêcheur, fils de marin pêcheur. C'est lui qui transmet l'héritage du capital sonore autour de cet instrument et en explique les principes majeurs.
« Watabwi est un groupe qui a la particularité de jouer de la musique avec les conques de lambi. Cette association s'est donnée comme projet d'apporter sa contribution au développement du patrimoine immatériel de la Martinique. Des cours sont donnés aux jeunes avec toute l'explication sur l'instrument. Ils se déroulent le mercredi sur le bord de mer de Fort-de-France. « Watabwi » fait vivre cet instrument sonore hérité des premiers peuples des Antilles. Il met en valeur le formidable potentiel harmonique de la conque. Souffler dans ce coquillage nécessite un certain savoir pour faire sortir les différentes notes musicales.