Lambi de Martinique, une espèce protégée
Alors que, nous promenant sur les plages d’avant, on pouvait avoir assez souvent, la chance de ramasser quelques coquillages égarés ou encore celle de trouver des conques vides refoulées par la mer, à présent, ce plaisir n’est plus. Une puanteur nauséabonde émane de la mer étouffée, qui n’y peut rien, sous un drap d’algues brunes. L’odeur et la mer vous rebutent, pour toujours écarter l’indésirable que vous semblez être devenu, et vos pieds sans comprendre, dans votre fuite empressée, luttent avec une moquette bien brune et trop gluante qu’on appelle sargasse. Et pourtant et pourtant, ces plages maintenant qui semblent bien hostiles, sous leur chape de varechs, sont celles où bien des souvenirs ont pu être cueillis. Oui souvent, des pêcheurs engagés avec l’aube naissante, ont plongé et glissé, semblables à des anguilles dans l’eau, pour chaque fois ramener au bout de leurs bras triomphant les trophées qu’ils savaient moissonner, de gros coquillages cornus, fruits de la mer bien généreuse encore, que nous avons dépossédée par abus. La conque de lambi est un coquillage que l’on trouve dans la mer des Caraïbes, le Lobatus gigas (le strombe géant ou lambi). C’est une espèce de mollusque marin de la zone tropicale de l'Atlantique ouest. Il peut atteindre 30 cm et 1,5 kg. Malheureusement, victime de son succès et de sa consommation excessive, la conque de lambi se raréfie parce que sa chair est très recherchée et que, parfois récolté trop tôt, l’animal n’a pas le temps de se reproduire. Il est maintenant classé comme espèce menacée et partiellement protégée par la Convention de Washington, sa pêche est interdite à la Martinique. Son commerce est fortement limité et placé sous le contrôle des douanes dans les Antilles françaises. L'exportation comprenant des morceaux de nacre de lambis, ou des coquilles de lambis ou autres objets réalisés à partir de la conque est formellement contrôlée et restreinte par les douanes.
Le lambi symbole
La conque de lambi fut utilisée par les Amérindiens comme instrument à vent, pour annoncer le départ et le retour des pêcheurs, pour communiquer à distance, pour sa musique et pour sa chair, pour entourer les fosses des morts. Les conques appelées des pututo dans la culture Chavin ont été utilisées aussi comme trompe d'appel par ces populations précolombiennes andines entre 1000 et 500 avant J.-C. (Lombards Museum). Les conques toujours, étaient employées comme élément de décoration, matériau de fabrication de produits artisanaux et s'inscrivaient ainsi dans le domaine de l'expression artistique ; désormais, ces pratiques ne sont pas recommandées.
Les conques sur les fosses. Après les Amérindiens et comme eux nous ne pouvons nous en passer, elles servent encore à décorer nos fosses, ces lieux où dans les cimetières, l’on dépose en terre les morts qui n’ont pas de tombe. Les conques seraient dit-on protectrices des âmes, liées aussi au concept de la fécondité, seraient symbole du souffle de vie et du son originel.
Les lambis très appréciés. Ici, en Martinique, la chair de lambi est très appréciée sur les tables au point d’être aujourd’hui protégée. Des coquilles sont fréquemment retrouvées à proximité de tessons de terre cuite, par les archéologues. De sa belle nacre, sur laquelle on peut faire de la décoration, l’on peut confectionner des bijoux faire des objets divers, transformer aussi toute la conque en chaux. On peut en outre et cela avec beaucoup de chance, trouver la très rare perle que le lambi peut produire mais il faudra attendre, être encore très patient pour le beau collier, car sur mille lambis environ, on ne peut trouver qu’un seul petit grain de nacre rosâtre.
Les conques, moyen de communication
Du temps de l’esclavage, les conques furent utilisées comme moyen de communication et de ralliement. Elles avertissaient, de morne en morne, les grands événements de la vie. Elles ont continué d’annoncer dans nos campagnes, naissances, chalbari (mariages entre veufs), décès. Et puis la radio est venue, le téléphone est arrivé et le portable s’est installé partout mais la conque comme objet de transmission n’est pas complètement partie, car le pêcheur lui est resté fidèle. Elle annonce encore son retour de la pêche, et s’il n’y a plus qu’un rôle, ce sera celui-là, car haut-parleur, radio et téléphone, instrument de musique sont ici réunis en un seul objet : la conque. L’indispensable qu’il est le restera encore. C’est lui que l’on va battre comme le lambi qu’il est, pour gentiment le remercier de ses bons et loyaux services, tout simplement en le dégustant dans un bon fricassé de… lambi. Rann sèvis bay maldo ("Les gens sont ingrats").
Un gastéropode marin nommé lambi
Le lambi, watabwi-ora du peuple kalina, de la famille des Strombidae est un gastéropode (gastropoda, du grec ancien qui signifie « ventre-pied »). C'est un mollusque. Il possède un pied et une tête. Son pied aplati est ventral, il sert à la natation ou à la reptation, sa tête comporte des yeux et une radula, sorte de langue râpeuse pourvue de nombreuses dents.
Le strombus gigas (le strombe géant ou lambi) est une espèce de mollusque marin que l’on rencontre en zone tropicale de l'Atlantique ouest, notamment aux Antilles et en Floride. Il vit dans une conque nacrée de rose qui n’est autre que la coquille de l’animal.
Le mode de reproduction. Les individus de 4 ans ayant une taille d’environ 18 cm et 5 mm d’épaisseur et deviennent des reproducteurs. À l’issue de la saison de reproduction, chaque femelle aura contribué à produire 6 106 larves de lambi.
Développement. Les larves sont soumises aux courants qui les dispersent sur des dizaines, voire des centaines, de kilomètres. La plupart des larves sont mangées ou meurent durant cette période. L'animal va grandir jusqu’à la formation de la lèvre caractéristique du passage à la phase adulte. Dès lors, la coquille va arrêter son évolution pour devenir épaisse tout comme la lèvre.
Les prédateurs. Les jeunes lambis se rassemblent afin de résister à leurs prédateurs que sont les langoustes, les poulpes, les crabes, les bernard-l’hermite, les poissons. Devenus adultes, ils sont cette fois menacés par les raies, les tortues, les pieuvres. Les plus âgés sont protégés par leur coquille épaisse, ils ne sont plus inquiétés que par l’homme, le plus grand des exterminateurs. La conque et le lambi étaient, avant l'interdiction de leur pêche, souvent recherchés pour la décoration et sa chair très appréciée. Il faisait aussi un très bon instrument de musique à vent.