Les musiques et danses traditionnelles
Si vous cherchez les deux courants les plus emblématiques du Suriname, vous tomberez forcément sur le kawina et le kaseko, deux courants issus de la terrible histoire coloniale et esclavagiste. Le premier possède donc des origines africaines (il est associé à la spiritualité winti) mais ne se codifie vraiment qu’à la fin du XIXe siècle, après l'abolition de l’esclavage. Dense en percussions – comme le skratji, zigzag ou shaker et le kwa-kwa bangi – il se caractérise par son chant d’appel et réponse. Au cours du XXe siècle, le genre commence à être porté par des stars comme Big Jones, le pionnier du kawina enregistré et Johan Zebeda, perçu comme le puriste de la discipline.
L’autre grande esthétique traditionnelle surinamaise, c’est le kaseko. Emergeant durant les années 1940 avec l’utilisation de plus en plus courante de grands orchestres de fanfares, il est une mutation du kawina, intégrant d’abord du jazz et du calypso puis avec le temps du reggae et du zouk. Un nouveau genre, avec ses codes propres et ouvrant ses portes à de nouveaux instruments « occidentaux » comme la trompette, le saxophone, le clavier ainsi que les guitare et basse électriques. Le tout, sans jamais s’éloigner du noyau de la kawina, comme l’utilisation des chants d'appel et de réponse.
Le résultat est fiévreusement dansant et, c’est lié, terriblement populaire. Car si le kawina est la musique traditionnelle du Suriname, c’est le kaseko qui emporte tous les cœurs. Et ce, même si ce dernier descend du premier. L’Orchestra Washboard, ensemble phare des années 1960, et surtout son chanteur Lieve Hugo, sont considérés comme les pionniers du genre. Ce dernier est même surnommé le « King of Kasèko » (d’après le nom d’un de ses albums). Deux autres figures incontournables du kaseko sont Ewald Krolis et Rudy Tangali, des musiciens qui ont invité de nombreuses nouvelles esthétiques dans le genre. Plus récemment, mentionnons également le groupe Aptijt, qui fait de la kabula, un mélange de kaseko et de musique de rue.
En constante évolution, les esthétiques de l’île se sont mariées avec le jazz (et plus exactement les harmonies complexes du be-bop) pour donner un genre nouveau : le paramaribop. Le groupe iconique du genre se nomme 4Sure – dont fait partie le grand bassiste Pablo Nahar, nom bien connu des amateurs de jazz.
Grande communauté du pays, les Javanais ont importé des expressions culturelles, devenues importantes avec le temps, comme le Baithak Gana. A l’origine musique d’accompagnement pour le théâtre, elle mélange chansons folkloriques bhojpuri et influences caribéennes. D’une certaine manière, le Baithak Gana est un peu similaire à la musique Chutney de Trinité-et-Tobago. Il se joue à l’harmonium (un clavier à vent), au dholak (une percussion du nord de l’Inde) et au dhantal, percussion à longue tige d’acier. Ramdew Chaitoe et Dropati sont les deux grands musiciens de Baithak Gana.
Où approcher cette musique traditionnelle ? Déjà durant la Fête de la musique qui, à Paramaribo, est l’occasion de découvrir la création locale. Et puis dans des célébrations comme Avond Vier Daagse, une marche de quatre jours où paradent de nombreuses fanfares dans les rues de la capitale ou Keti Koti, commémoration de l’abolition de l’esclavage.
La musique populaire
La fin des années 1970 puis la décennie 1980 a vu apparaître une bouillonnante scène funk, soul et disco. C’est un fait mal connu et, pourtant, de l’excellente musique a été produite ici durant cette période. Portée par Sumy, le prince de la funk locale, Erwin Bouterse, qui a mêlé funk, soul et kaseko, ou encore Max Nijman, chanteur de soul en sranan, cette scène a été si inventive qu’une belle compilation lui a été consacrée récemment. Appelée Surinam Funk Force (paru chez Rush Hour en 2016), cette anthologie de raretés disco et électro-funk, toujours trempée de kaseko, raconte très bien la fièvre des nuits surinamaises de l’époque. Notons que le même label a également fait paraître en 2012 Surinam ! Boogie & Disco Funk From The Surinamese Dance Floors '76-'83, autre anthologie sur la musique du Surinam.
Les musiques actuelles
Au même titre que de nombreux autres pays du monde, le Suriname est traversé par tous les derniers grands courants musicaux, hip-hop, électronique et pop, mais en l’accommodant toujours un peu à la saveur locale.
L’artiste actuel le plus populaire du pays est sans aucun doute King Koyeba. Né Lowinzo Misiedjan, ce chanteur dancehall a la particularité d’écrire en aukan et sranan tongo. Inspiré par le Jamaïcain Capleton, il propose sa version décontractée du dancehall et chante l’amour, l’argent et ses expériences personnelles avec un certain penchant pour les jeux de mots. Un peu dans le même univers, Damaru est un rappeur qui a grandi en admirant Tupac Shakur et tente de lui rendre hommage aujourd’hui via sa musique et ses textes. Il est l’auteur de plusieurs tubes au Suriname et tente ces derniers temps une incursion sur le marché néerlandais. Plus récemment, c’est le rappeur Kiev (né Lloyd Welkens) qui a enchaîné les beaux succès dans le paysage hip-hop local avec des tubes comme Tjin Torie ou Seryusu.
Autrement, pêle-mêle, citons Chuckie, DJ de house qui a notamment collaboré avec David Guetta, Tranga Rugie est un succès récent de l’afro-pop, Sabrina Starke est une chanteuse de soul-jazz qui a gagné un disque d’or avec son premier album Yellow Brick Road sorti sur le très prestigieux label Blue Note, Kenny B est un chanteur de reggae avec un petit succès aux Pays-Bas tout comme Miriam Simone qui commence à s’installer dans le paysage reggae européen.
La vie nocturne de Paramaribo est parfaitement vivante et les lieux ne manquent pas pour approcher la jeune scène locale. Il y a souvent de la bonne musique live au ‘T Vat, grand classique de Parbo ainsi qu’au Bar Zuid, au Dream Café ou au Fat’s et de bons DJ officient régulièrement au Club Touché.