Premières influences
Le Suriname est rattaché à Amsterdam en 1683, à une époque qui correspond au siècle d’or de l’art hollandais. Rembrandt, Hals et Vermeer rejettent alors l’art religieux et les sujets mythologiques au profit de la peinture de genre et du clair-obscur. La culture du Suriname sera influencée par ce courant.
La diversité des origines ethniques, contrecarrée par le colonialisme, détourne le Suriname de sa quête identitaire. Les premières écoles d’art sont animées par des expatriés. Ainsi, la tradition de la peinture à l’huile hollandaise, et plus généralement européenne, domine l’art local.
Wim Bos Verschuur
L’artiste, politicien, scénariste et activiste Wim Bos Verschuur exerce une influence significative sur les artistes surinamais. Né au Suriname en 1904, il s’insurge contre le pouvoir. Soutenu par la population, Verschuur publie des pamphlets dans la presse et peint des paysages à l’huile. Ses cours de dessin marquent fortement les futurs artistes surinamiens. Ceux-ci entrevoient par ce biais les possibilités offertes par les arts visuels. Mais il faut attendre les années 1950 pour que ce potentiel soit vraiment développé.
Erwin De Vries
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quelques jeunes artistes partent se former aux Pays-Bas. Erwin de Vries, Rudi Getrouw et Stuart Robles de Medina ouvrent la voie dès 1947. À leur retour, ils posent les jalons d’un art moderne surinamien.
Erwin de Vries, né à Paramaribo en 1929, est le demi-frère de Henry Lucien de Vries, gouverneur du Suriname de 1965 à 1967. Peintre et sculpteur, De Vries étudie aux Pays-Bas avec Ossip Zadkine, et expose dès l'âge de 19 ans.
Rentré au pays, De Vries devient en 1952 professeur d'art. En 1958, il retourne aux Pays-Bas où il étudie à l'Académie nationale d'art à Amsterdam. Il continue de vivre à Amsterdam, où la majorité de son travail est exposé. De Vries produit les bustes de nombreuses personnalités néerlandaises, ce qui lui vaut le surnom de « Rembrandt des Caraïbes ».
Seconde vague moderne
La seconde phase d’émancipation artistique correspond à l’arrivée de Nola Hatterman, peintre de la Nouvelle Objectivité. Ce courant se définit par une représentation brute du réel. Née en 1899 à Amsterdam, Nola Hatterman poursuit une carrière d’actrice dans son pays. Artiste autodidacte, elle ne s’établit au Suriname qu’en 1953. Hatterman ne cache pas sa franche opposition au colonialisme. Elle enseigne jusqu’à son décès en 1984. Ses anciens élèves fondent en son honneur la Nola Hatterman Art Academy, à Paramaribo. La galerie du même nom donne chaque année à un artiste la possibilité d'exposer.
Parmi ses élèves, Armand Baag, Ruben Karsters et Jules Chin A Foeng partent à leur tour poursuivre leurs études aux Pays-Bas. Baag fera une belle carrière en Europe. Ses formes monumentales et sa palette vive séduisent le public. Chin A Foeng fondera plusieurs écoles d’art au Suriname. Artiste passionné et expérimental, il défend haut et fort l’art « surinamiste ». A son retour au Suriname, Karsters succédera à Hatterman à la direction de l’Ecole de dessin.
Variété stylistique
Les années 1960 et 1970 sont propices à l’affirmation des styles les plus diversifiés. Cependant, comme il n’existe ni marché de l’art ni musée local, les jeunes talents doivent choisir entre pratiquer en dilettante ou s’installer à l’étranger.
Soeki Irodikromo, né en 1945 est un peintre et céramiste de renom. Avec Erwin de Vries, Ruben Karsters, Rudi de la Fuente et Paul Woei, il compte parmi les artistes surinamais à émerger dans les années 1960. Influencé par le mouvement COBRA, il met en avant la diversité culturelle surinamaise et utilise aussi des thèmes récurrents dans la mythologie javanaise.
Descendant noir-marron, Rinaldo Klas, né en 1954 à Moengo, se forme à la New School for Visual Arts à Paramaribo entre 1970 et 1976 puis en Jamaïque. Aujourd'hui à la tête de l'Académie Nola Hatterman, son art est influencé par son entourage direct. A travers ses œuvres, Klas tente de sensibiliser le public à la préservation de l’environnement.
John Lie-A-Fo fait très tôt le choix de s’établir en Guyane, où il poursuit une carrière internationale. L’art de ce peintre surinamais d'origine asiatique, souvent qualifié d’intemporel, est une contre-proposition à l’art tropicaliste.
Ecole surinamaise
Depuis 1995, un mouvement d'artistes surinamais est reconnu dans le domaine de l'art visuel. Ses membres revendiquent leurs racines et l'héritage multiculturel de ce pays unique. Chaque artiste l'exprime dans un style propre.
La Readytex Art Gallery a joué un rôle crucial dans la reconnaissance de ce mouvement dès 1993 en donnant leur chance à de jeunes talents qui exploseront par la suite, comme Marcel Pinas ou George Struikelblok. Pinas est l’une des grandes figures de l'art visuel du Suriname. Il est né le 22 mars 1971 à Pelgrim, au nord-est du Suriname, lieu tragique de la guerre civile. A l'âge de 16 ans, il s’inscrit à l'Académie Nola Hatterman, puis il obtient une bourse pour étudier en Jamaïque. Il cumule ensuite les prix en Europe pour son art qui transmet deux grands messages : kibri a kulturu (préserver la culture) et kibii wi koni (préserver le savoir). Il se veut représentant de la culture N'Djuka. Toutes ses créations sont signées en utilisant l'écriture syllabique Afaka.
La plasticienne Sri Irodikromo étudie à l'Académie De Vrije Kunst au Suriname, ainsi qu'à l'Académie Nola Hatterman, puis aux Pays-Bas. Commençant par l'art abstrait, cette artiste s'est intéressée dans un premier temps aux oiseaux, puis à la femme surinamaise et aux tissus dont elle se pare : le pangi, le madras, les broderies. Les techniques et matériaux utilisés sont aussi variés que la culture métissée du pays dont elle s'inspire. Le raku et la sculpture comptent aussi parmi ses supports d'expérimentation. Ses œuvres, magnifiques, sont régulièrement exposées à la galerie Readytex.
Photographie
La photographie séduit les jeunes artistes comme Nicolaas Porter et Albert Roessing. Nicolaas Porter est membre fondateur du MIB, groupe expérimental qui mélange les disciplines artistiques. Après un séjour en Allemagne, il s'intéresse à la photo et organise des expositions en Hollande et au Suriname. En 2011, il remporte le prix Rabindranath Tagore dans la catégorie photo.