Découvrez Trinidad & Tobago : Beaux-Arts (Peinture / Sculpture / Street Art / Photo)

La scène artistique de Trinidad & Tobago se caractérise par un tourbillon d’influences. L’histoire de l’art local, relativement jeune, est un exceptionnel condensé d’inspirations. À la culture latino-américaine très présente se sont mélangées des caractéristiques indiennes, africaines, espagnoles, françaises, chinoises, anglo-saxonnes… et plus encore. Autant de souffles qui participent à une identité fascinante. Des personnalités inoubliables marquent l’essor des arts plastiques. Rares sont celles qui se sont limitées à l’art pictural. Les artistes des iles caribéennes ont tant de choses à raconter, tant de valeurs à porter qu’ils associent les modes d’expression. La musique, le spectacle et la poésie sont au cœur de la culture. Ainsi Boscoe Holder a associé la danse à la peinture. LeRoy Clarke a insufflé à ses toiles sa soif de liberté et sa spiritualité. C’est ce qui rend les talents trinidadiens universels et absolument uniques.

Période précolombienne

Bien avant l’arrivée des colons et des Arawaks, quelques artefacts remontent à la période précolombienne. Le seul pétroglyphe daté avec certitude de cette époque, la Pierre de Caurita, apparaît sur un rocher de plusieurs mètres. Les figures anthropomorphes minimalistes indiquent un lieu spirituel majeur sur l’île de Trinidad, à Maracas Valley.

Autre vestige remarquable, l’Erin Ritual Bottle est un flacon pansu d’une vingtaine de centimètres, finement façonné. Retrouvée sur le site d’Erin (South Oropouche), la bouteille présente des motifs rouges sur fond blanc. L’objet, qui était à l’origine une offrande, est exposé au National Museum and Art Gallery de Trinité-et-Tobago à Port d’Espagne.

La colonisation laisse peu de traces des siècles antérieurs.

Premiers peintres

Michel-Jean Cazabon est sans doute le peintre le plus marquant du XIXᵉ siècle. Né en 1813, fils d’un martiniquais fortuné, il étudie en Angleterre de 1826 à 1830 puis repart en 1837 à Paris pour se former à la peinture. Comme selon l’usage il voyage en France et en Italie pour se perfectionner en peinture de paysage, son œuvre sera exposée au Salon du Louvre pendant plusieurs années. Après un bref retour à Trinidad, il publie une série de lithographies « Views of Trinidad » de ses îles natales. Il collabore sur ce projet avec le photographe Hartmann. Ces panoramas comptent parmi les rares témoignages de ce qu’étaient les îles en ce temps-là.

À son retour en 1852, il rapporte les techniques européennes qu’il transmet à ses élèves. Elles fusionnent avec un style plus local dans les paysages et les portraits de la bonne société locale.

Cazabon souhaitant retrouver l’effervescence de la métropole et obtenir la reconnaissance de ses concitoyens s’installe à Saint-Pierre, alors surnommé le « petit Paris ». Sans grand succès. Déçu, il retourne en Trinidad en 1870 et cesse toute pratique artistique. Cependant Cazabon a le mérite d’avoir dominé l’art colonial puisqu’il est le seul artiste de ce siècle que l’histoire ait retenu. À tel point qu’après sa disparition en 1888, les arts visuels se mettent en veille jusque dans les années 1930.

Tournant du XXe siècle

Evénement majeur, la fondation de la Society of Trinidad Independents est portée par l’artiste Amy Leong Pang (1908-1989) ; elle deviendra la Trinidad and Tobago Art Society en 1943. Elle est la première école d’art trinidadienne.

D’autres associations ont tenté de dynamiser la scène artistique, comme la Women in Arts Organization à l’origine de nombreuses sculptures, peintures, et même costumes de carnaval. Parmi les femmes, Theodora Walter (1869-1959), peintre botanique de talent documente la flore locale. Walter peint aussi des nus, dont Nudes at Macqueripe Bay. Son style évolue vers un expressionnisme destiné à transmettre des valeurs spirituelles.

Les années 1940 sont marquées par une indépendance intellectuelle qui se ressent dans les arts plastiques. L’art reflète plus que jamais la diversité culturelle. Parmi les artistes cosmopolites, Boscoe Holder (1921-2007), Sybil Atteck (1911-1975) et M.P. Alladin (1919-1970) valorisent les influences africaines, chinoises et indiennes.

Holder et la modernité

Boscoe Holder, né en 1921 à Arima, accède à une notoriété internationale au cours des six décennies qu’a duré sa carrière. C’est l’un des plus grands peintres des Caraïbes mais aussi un designer, danseur, chorégraphe et musicien.

Installé à Londres dans les années 1950 et 1960, il introduit Outre-Manche la danse limbo et le steel-drum. Holder se produit avec sa compagnie à la télévision, où il a sa propre émission sur la BBC, au théâtre et même au château de Windsor, pour la reine Elizabeth II.

C’est à son retour à Trinidad en 1970 qu’il se concentre sur la peinture.

En peinture, Holder est un autodidacte. Il prend ses danseurs pour modèles, en particulier sa femme Sheila. Les portraits de personnes de couleur sont sa signature, témoignage de son intérêt pour le peuple caribéen et sa culture. Six de ses peintures sont choisies pour figurer sur des timbres de Noël.

Après son décès en 2007, son travail est sélectionné par Peter Doig pour une exposition qu’il organise à Berlin. En 2011, une rétrospective lui est consacrée à l’Upper Room Art Gallery, située au Mont Saint-Bénédicte à Sainte-Augustine, à Trinidad. Son ancien studio de Port of Spain, dans le quartier Newtown, est devenu la 101 Art Gallery.

LeRoy Clarke et la spiritualité

Surnommé « Le Chef », LeRoy Clark voit le jour en 1938 dans un quartier à l’est de la capitale de Trinidad, Port-d’Espagne. Anticolonialiste militant, il retranscrit tout au long de sa carrière sa vision du devenir des Caraïbes. Pour Clarke, la peinture, la poésie et la danse sont des rites destinés à sublimer l’histoire de ses compatriotes. Ce créateur infatigable pratique également l’art théâtral, monte des pièces, chante et crée des costumes.

Dès sa première exposition, « A labour of love » en 1966, son art surprend. Il est instantanément convié à la biennale de Sao Paulo puis à l’Expo’ 67 à Montréal. La même année, il s’installe aux Etats-Unis, où il reste jusqu’en 1975. Là, il se lie d’amitié avec des membres des Black Panthers. Plus que jamais, il a l’intention de lutter pour la liberté dans ses îles natales.

De retour à Trinidad et Tobago, il poursuit une carrière internationale. Ce sont ses expositions personnelles, les plus stupéfiantes, qui font sa renommée. Sa peinture comme sa poésie reçoivent les faveurs de la critique. Tout son travail appuie son combat pour aider la population trinidadienne à s’affranchir des séquelles du colonialisme. C’est là qu’il développe la dimension spirituelle de son œuvre, en l’accompagnant d’offrandes aux orishas, les divinités yorubas.

Le premier artiste caribéen honoré par l’UNESCO décède en 2021.

Art contemporain

Où rencontrer les talents d’aujourd’hui ? En extérieur, avec les graffs et les fresques qui fleurissent sur tous les supports possibles. On y retrouve les silhouettes extraites de From the Streets, l’expo solo de Paul Kain qui s’est tenue Soft Box Studios Art Gallery. Ses motifs inspirés de la rue proposent une vision sans fard de la réalité souvent cachée.

La photographie se découvre à la LOFTT Gallery, en particulier les œuvres de Haydn Gonzalez axées sur la perception de l’autre. Reflet de la mixité des îles, Horizons Art Gallery accueille toutes les facettes de la création. Sculpture, dessin, peinture, tous les styles sont les bienvenus derrière sa jolie porte violette.

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