Du Xe au VIe au siècle av. J.-C.

L’installation des Arawaks

Bien avant l’arrivée des caravelles de Colomb, les terribles et vindicatifs guerriers Caraïbes (Karibs ou Kalinagos) harcelaient sans cesse les Arawaks (ou Taïnos), destinant les prisonniers à la célébration de leur culte et les femmes à l’esclavage. C’est pourquoi les pacifiques amérindiens, chassés des forêts tropicales du Venezuela et des rives du fleuve Orénoque, ont émigré en plusieurs vagues successives vers les îles aujourd’hui connues comme les Grandes Caraïbes. Cette grande île élue par une centaine de milliers d’Arawaks est devenue Xaymaca, la terre des rivières et des forêts. 

1494

Christophe Colomb débarque

Christophe Colomb pose le pied sur la côte nord de l’île tapissée de forêt primitive dans l’actuelle Discovery Bay lors de son deuxième voyage. L’accueil de la population arawak est légèrement hostile. Quelques flèches sont lancées depuis les canoës. Mais les canons et les chiens espagnols, faisant quelques victimes, ont vite raison de cette résistance plutôt symbolique. C’est au nom des souverains catholiques que Christophe Colomb prend possession de l’île qu’il baptise Santiago. Dès le lendemain, les Arawaks viennent apporter présents et nourriture en gage d’amitié. Après une brève reconnaissance, les caravelles espagnoles repartent, non sans avoir débarqué quelques hommes qui fondent Puerto Seco (« le port sec »), dans cette baie sans source d’eau douce.
Christophe Colomb ne reviendra sur l’île que 9 ans plus tard, lors de son quatrième voyage, contraint de s’arrêter plus d'un an près de l'actuelle localité de New Seville, à cause de ses caravelles rongées par les vers dans son retour vers l'Europe. Après cette retraite bien involontaire, il rentre finalement en Espagne pour ne jamais revenir dans le Nouveau Monde. Les souverains castillans concèdent alors l’île à la famille Colomb.

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1506

A la mort de l’amiral en 1506, son fils Diego Colomb devient Marquis de Jamaïque. Mais si l’eau douce abonde en Jamaïque, l’or tant convoité n’est pas au rendez-vous. L'île est abandonnée à quelques familles nobles qui s’établissent à Río Bueno.

1509

Les Espagnols fondent leur colonie

Sevilla Nueva établit par la Couronne d'Espagne en 1509 ne compte qu’un fortin, un château et une église. L’insalubrité de la côte marécageuse et l’absence d’or poussent les Espagnols vers l’intérieur de l’île. Ils fondent en 1534 la capitale, Santiago de la Vega, aujourd’hui Spanish Town. L’île devient une colonie agricole de second ordre, où on élève bovins et porcins et où on fait pousser de la canne à sucre et des patates douces.
Les exploitations des colons ont remplacé les fermes indigènes détruites, la population est enrôlée de force dans la violence et la répression. En une cinquantaine d’années, la population Arawak disparaît. Les dits « Indiens », - en réalité Amérindiens - ont été décimés par dizaines de milliers, morts d’épuisement sous les mauvais traitements des colonisateurs ou anéantis par des maladies inconnues venues d’Europe (variole, tétanos ou fièvre typhoïde). D’autres encore ont préféré le suicide à la tutelle des colons.

1611

En 1611, un rapport envoyé au roi d’Espagne fait état de 74 « Indiens » encore en vie sur l’île. Il faut donc remplacer cette main-d’œuvre corvéable à merci et si peu coûteuse.

1655

Les Anglais débarquent à Kingston

Les querelles entre l’Eglise et les gouverneurs et les attaques répétées des pirates affaiblissent l’autorité espagnole. Dans le même temps, la riche Hispaniola voisine est la première cible de la flotte anglaise en 1654. Malgré leur supériorité numérique, les Anglais perdent mille hommes. Les côtes jamaïcaines toutes proches offrent une retraite commode et vont apaiser les convoitises anglaises. La Jamaïque, peu peuplée, oubliée des politiques et des militaires, peu défendue et mal armée, fera l’affaire. Le 10 mai 1655, une quarantaine de vaisseaux et quelque 10 000 hommes débarquent dans la baie de Kingston. L’expédition marche vers Santiago de la Vega (Spanish Town), la capitale. Surpris, les Espagnols ne se défendent même pas. Acculés, ils capitulent et acceptent la reddition.

1664

Henry Morgan fonde une confrérie de pirates à Port Royal

Des flibustiers et aventuriers français, anglais et hollandais, arrivés avec les premiers colons forment la piraterie. Leur quartier général se trouve dans l’île de la Tortue au nord-est d’Hispaniola. Mais beaucoup élisent la Jamaïque comme base stratégique pour écumer les Caraïbes. La côte Nord est idéalement placée sur la route des galions espagnols, et Port Royal relié à la terre par un mince cordon littoral, assure une retraite bien protégée. 

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1672

Les Britanniques commencent à déporter des milliers d'esclaves

Dès le XVIIe siècle, le sucre est le pilier de l’économie jamaïcaine. Le cacao, l’indigo – on en comptera jusqu’à 40 plantations – et le tabac sont aussi des cultures prospères mais nettement moins profitables que la canne. De solides fortunes s’accumulent sous les tropiques. Les exploitations agricoles et le commerce du sucre se développent, exigeant une main-d’œuvre abondante et capable de travailler dur dans des conditions climatiques tropicales. On importe de plus en plus d’esclaves des côtes occidentales d’Afrique. Les Hollandais, commerçants chevronnés, organisent la traite des Noirs depuis les côtes de l’Afrique de l’Ouest, de l’actuel Sénégal à l’Angola, marquant le début de l’ère esclavagiste et du commerce triangulaire. Les bateaux cheminent de l’Afrique vers les Caraïbes avec des esclaves, des Caraïbes vers l’Europe avec du sucre et de l’Europe vers l’Afrique et les Caraïbes avec des biens de consommation.
Dès 1672, le trafic esclavagiste est organisé directement par Londres pour ses colonies, avec la création de la Royal African Company, important des Africains des tribus Coromantes, Eboe, Mandingos, Fanti et Ashanti des côtes Ouest de l’Afrique, ainsi que des tribus Ibo et Yoruba des territoires correspondant aujourd’hui au Nigeria. La Jamaïque est la première escale sur la route des bateaux. On y débarque en priorité les individus indisciplinés les plus insoumis, des fortes têtes qui animeront rébellions et révoltes. 

1690

Première guerre des Marrons

Libérés par leurs maîtres espagnols lorsque les Anglais débarquent, les anciens esclaves indigènes concentrés dans le Cockpit Country et sur les contreforts des Blue Mountains sont en conflit avec les colonisateurs pendant près d’un siècle. On les appelle les Maroon (Marron en français), de l’espagnol cimmarón qui signifie « sauvage indompté ».
De leurs montagnes, ils harcèlent sans relâche les Anglais, organisant des raids sur les plantations, brûlant les champs, volant le bétail et le matériel avant de disparaître sous le couvert d’une végétation inextricable. D’autres esclaves en fuite les rejoignent dans ces montagnes difficiles d’accès. Leur quartier général est Nanny Town, un village secret dans le nord-est de Blue Mountain Peak où se trouve la reine Nanny, l’une des âmes de la rébellion. Les Anglais humiliés ne contrôlent plus la situation.
En 1690, les esclaves de Clarendon, issus de la tribu guerrière africaine des Coromantes, se révoltent, rejoignent les Marrons et mènent, avec le général Cudjoe à leur tête, la première guerre des Marrons. D’embuscades en escarmouches, les Marrons usent la résistance des forces officielles.

1734

Bataille de Nanny Town

Les Anglais guidés par les chiens de chasse finissent néanmoins par pister les anciens esclaves et remportent la bataille de Nanny Town en 1734. La ville est détruite et nombre des anciens esclaves qui y vivent choisissent le suicide plutôt que le retour à la captivité. Aujourd’hui, le site est toujours hanté par les esprits des valeureux guerriers qui ont péri dans la bataille.

1739

Création de Mooretown

En 1739, un traité est signé entre Cudjoe et le colonel Guthrie : les Marrons se soumettent en échange de 600 ha de terre dans la région du Río Grande, où ils établissent Mooretown. Par ce traité, ils doivent refuser leur aide aux esclaves évadés et aider à leur capture. Cudjoe est nommé commandant à Trelawny Town. Son statut lui accorde le pouvoir juridique sur tout délit sauf ceux méritant la peine capitale. Un traité identique sera signé avec Quao, le chef des Marrons de l’est dans les Blue Mountains, marquant le début de 50 ans de paix.
Au cours de ces rébellions apparaissent les bases d’une culture de résistance au colonialisme. Religions, croyances, langues, musiques, rythmes, fusionnent pour donner naissance au patois, au vaudou, à la musique traditionnelle jamaïcaine, le mento, premiers fondements d’une identité commune. Aujourd’hui encore, les descendants des Marrons vivent dans les villages libres de l’intérieur de l’île et bénéficient d’un statut particulier dont l’origine remonte au XVIIIe siècle. 

1740

Le sucre, l'or blanc tâché du sang des esclaves

En 1673, on dénombre 57 plantations ; en 1740 on en comptera 430 ! La Jamaïque devient alors le premier producteur mondial de sucre. C’est grâce au sucre que les colonies anglaises des Antilles détiennent un pouvoir considérable sur la Couronne britannique. Des milliers de captifs africains traversent l’Atlantique dans des navires où l’hygiène est si mauvaise et les conditions si dures que le taux de mortalité atteint plus de 35 % pendant la traversée.

D’immenses exploitations agricoles sont constituées aux dépens des petites plantations qui ne peuvent réunir les capitaux nécessaires à la concurrence. Des greathouses, les maisons des maîtres, sont construites à l’écart de l’effervescence de la plantation, sur une colline bénéficiant des vents frais tout en permettant une surveillance plus facile. Mais ces demeures sont rarement habitées ; dès que l’exploitation est lancée, le propriétaire s’installe en ville où la vie sociale est plus intéressante. Pour beaucoup, la Jamaïque n’est qu’une étape. Les planteurs anglais sont pour la plupart venus attirés par les gains faciles, et non pour s’y établir définitivement. Une fois l’exploitation mise en route, et fortune faite, les régisseurs administrent la propriété des Anglais quelquefois repartis en Angleterre ; les plantations changent souvent de mains. L’esclavage a déterminé la réussite économique de l’île et le désespoir de milliers de familles.
Dès l’arrivée des navires chargés d’esclaves, les planteurs les achètent en groupe ou à l’unité lors de ventes aux enchères. Mais on veille à désunir familles et tribus, pour éviter la création de clans au sein des plantations. Traité comme du bétail, ils sont marqués au fer rouge du chiffre du nouveau propriétaire et acheminé vers la plantation. On estime qu’un tiers d’entre eux mourrait durant les trois premières années de conditions de vie abominables. Les esclaves sont majoritairement exploités dans les champs, sous le fouet du superviseur. D’autres font tourner le moulin, le bouilloir à sucre, d’autres enfin sont domestiques dans la greathouse (plutôt les femmes).
La punition et le châtiment corporel sont leur lot quotidien car ils sont considérés comme une propriété du planteur. Les logements des esclaves sont bâtis à proximité. Ils ont la jouissance de petits lopins de terre sur lesquels ils font pousser des pommes de terre ou des bananes plantain qu’ils vendent au marché dominical, épargnant un peu pour racheter leur liberté au planteur. Le dimanche est traditionnellement jour de repos. Au bout de quelques années, des esclaves peuvent théoriquement acheter leur liberté ou sont émancipés par leur maître ; ils constituent la caste des Noirs libres pour ceux qui en ont la chance.

1760

Première révolte d’esclaves africains

Désemparé devant la plus sérieuse des révoltes d’esclaves, le gouvernement colonial britannique demande l’aide des Marrons pour mater l’insurrection. Partie de Port Maria dans la paroisse de Saint Mary, la rébellion est menée par Tacky, un ancien chef africain originaire du Ghana. Après avoir pillé un dépôt d’armes, il encourage les esclaves des plantations à la révolte qui gagne bientôt tout le pays, avant de s’achever avec la mort de Tacky et le suicide collectif de la bande d’insurgés. En 1764, la Jamaïque compte 166 000 âmes, dont 144 000 esclaves, une écrasante majorité.

1795

Les Marrons de la colère II

La Révolution française et ses idéaux libéraux, la révolte des esclaves haïtiens – la plus importante rébellion d’esclaves que le monde ait connue et qui se soldera par l’indépendance d’Haïti en 1804 – et le développement du mouvement anti-esclavagiste en Grande-Bretagne sont autant de ferments qui font éclater en 1795 une deuxième guerre des Marrons. La révolte démarre dans la paroisse de Trelawny à Montego Bay, où deux voleurs de cochons ont été flagellés. L’incident heurte la fierté des Marrons qui appellent à la vengeance. Alarmés, les magistrats demandent des troupes en renfort de la milice locale, aggravant l’agitation.
Le nouveau gouverneur de la Jamaïque, le comte de Balcarres, vétéran de la guerre d’indépendance américaine, est un partisan de la manière forte. Il fait appliquer la loi martiale, prend la tête des troupes, établissant son quartier général à Montego Bay. Trelawny Town, une enclave marron, est détruite, mais les troupes anglaises tombent dans une embuscade et sont décimées. La révolte des Marrons se propage dans tout le pays. Pendant cinq mois, les insurgés sont traqués sans répit. A cet effet, une centaine de chiens sont importés de Cuba pour débusquer les rebelles dans leurs repaires de l’impénétrable Cockpit Country.
Suit une deuxième reddition des insurgés marrons. Quelque 600 d’entre eux sont déportés vers la Nouvelle-Ecosse, puis vers la Sierra Leone. Les troupes britanniques occupent le village de Trelawny et la menace marron est définitivement éradiquée. Mais les idées libérales avancent inéluctablement et le leader abolitionniste William Wilberforce, membre de la Chambre des communes, milite sans relâche pour l’abolition. A l’inverse de l’abolition à la française, l’abolition anglaise de l’esclavage sera progressive. 

1808

Fin de la traite des Africains

A partir du 1er mars 1808, plus aucun esclave ne débarque dans l’île. William Wilberforce, Thomas Clarkson, Zachary Macaulay, James Stephen, Granville Sharp, les Saints, membres de la secte de Clapham, exercent une influence importante sur les décisions du Parlement britannique en faveur de l’abolition de la traite puis de l’esclavage.

1830

La crise de l'économie sucrière

La concurrence du sucre de l’île Maurice, puis du sucre de betterave européen se font durement sentir. De nombreuses plantations sont abandonnées. Les planteurs remplacent les Noirs par des ouvriers sous contrat. Entre 1834 et 1865, plus de 25 000 hommes débarqueront en Jamaïque, dont la moitié d’Afrique. Les premiers arrivés sont des Européens. De 1834 à 1838, des milliers d’Ecossais, Irlandais, Allemands et Britanniques , puis des Chinois entre 1852 et 1870 et les Indiens entre 1880 et 1917. Malgré cette nouvelle main-d’œuvre, l’industrie sucrière ne se relève pas. 

1801-1832

Samuel Sharpe, leader martyr de la rebellion des esclaves

En 1831, une nouvelle révolte éclate dans la paroisse de Trelawny, quand le pasteur Samuel Sharpe prend la tête d’une marche passive d’esclaves qui refusent de reprendre leur travail après Noël. La rébellion se termine le 5 janvier 1832 après l’incendie de plantations et l’assassinat de planteurs. Au final, un millier de Noirs y ont trouvé la mort,  312 ont été exécutés et 14 Blancs tués. En mai 1832, Sam Sharpe est pendu sur la place centrale de Montego Bay qui porte désormais son nom. Il sera déclaré héros national en 1975.

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1834-1838

Emancipation des esclaves

En 1834, on déclare libres les enfants âgés de moins de 6 ans. Les anciens esclaves sont soumis au régime de l’apprentissage qui dure quatre années pour les domestiques et 6 ans pour les travailleurs agricoles. L’apprenti doit travailler sans salaire pendant 40h par semaine pour son ancien maître, ce qui est, en fait, un prolongement de l’esclavage. Il faudra attendre 1838 pour que l’émancipation des 319 351 esclaves jamaïcains soit enfin proclamée officiellement. Alors que les planteurs sont indemnisés de près de 20 millions de livres sterling, les esclaves, eux, ne reçoivent aucune compensation.

Afin de maintenir la main-d’œuvre sur les plantations, des assemblées de colons établissent une réglementation qui limite l’établissement des anciens esclaves comme agriculteurs indépendants. Cependant, beaucoup d’anciens esclaves préfèrent l’indépendance plutôt que l’esclavage déguisé que demeure le travail de la plantation. Ils développent une économie de survie à partir de la culture vivrières de minuscules lopins de terre. Cette paysannerie est encore à l’heure actuelle l’une des clés de voûte de la société jamaïcaine.

1835

Negro Education Grant

Aux termes du Negro Education Grant de 1835, le gouvernement britannique débloque pour 5 ans un budget annuel de 30 000 livres pour l’éducation des ex-esclaves des anciennes colonies des Caraïbes, un budget ridicule au regard de l’indemnisation de 20 millions de livres perçue par les planteurs. Néanmoins, les fondements du système éducatif apparaissent. Les missionnaires travaillent main dans la main avec le gouvernement et les deux tiers du budget servent à bâtir des écoles et à payer les salaires des instituteurs.

1835-1838

Le premier village libre d'anciens esclaves

La période suivant l’émancipation voit apparaître les premiers villages libres. Ces nouvelles communautés d’anciens esclaves sont prises en main par des missionnaires non-conformistes – les baptistes se montrent particulièrement actifs –, qui craignent que l’éclatement des plantations ne disperse leurs adeptes. Aussi, les hommes d’église achètent-ils de vastes terrains qu’ils répartissent entre les familles, créant ainsi les premières structures villageoises libres. L’Eglise et l’école deviennent des institutions dominantes, où les pasteurs sont les garants des valeurs et de la culture. Les ressources sont faibles, elles proviennent des faibles gages gagnés au temps de l’esclavage et des dons humanitaires d’Angleterre. Sligoville, fondé par le révérend James Phillippo, pasteur baptiste de Spanish Town, est le premier de ces villages libres. Le 10 juillet 1835, il achète 10 ha de terre près de la résidence d’été du gouverneur de l’île, lord Sligo. Le bâtiment qui abrite l’église et l’école sera terminé en juillet 1838. Entre le 12 mars et le 1er août 1838, 21 anciens esclaves dont trois femmes achètent des lots de 0,2 ha au prix de 1,16 livre le lot. Le premier, William Atkinson, enregistre sa propriété le 12 mars 1838 au cadastre de Spanish Town.

1839

D’autres ministres de Dieu suivent l’exemple et, le 19 février 1839, le village de Victoria voit le jour dans la paroisse de Saint-Thomas. A Saint Ann, cinq villages libres naissent dans les Dry Mountains : Buxton, Clarkson Ville, Stepney, Sturge Town et Wilberforce. 

1842

En 1842, 150 lots de terres sont vendus mais ne peuvent satisfaire la demande grandissante. Des petites fermes et leur jardin potager poussent dans un village dont les rues géométriquement tracées portent les noms des grands meneurs abolitionnistes. En 1842, la plupart des hommes de Sligoville travaillent aux exploitations de café et dans les plantations de canne à sucre pendant que les femmes vaquent aux tâches domestiques.

1850

En 1850, on dénombre 111 maisons et 541 habitants à Sturge Town. Cette communauté rurale vit de la microculture de fruits et légumes vendus sur les marchés locaux. Dans la paroisse de Trelawny, William Knibb crée les villages de Alps, Granville, Hoby Town, Refuge. Partout dans l’île, des pasteurs de différentes congrégations s’activent à la création et au développement de ces communautés rurales. Spontanément et indépendamment des religieux, d’anciens esclaves se regroupent pour fonder leur propre village. Entre 1838 et 1844, quelque 100 000 personnes, soit un bon tiers des esclaves émancipés, vivent dans ces communautés.

1861

En 1861, on comptait 50 000 petits propriétaires qui possédaient environ 1 ha chacun. Les noms des propriétés, At Last, Fathers Gift, Happy Freedom, Happy Valley, Never Expect... témoignent de l’épanouissement de ces nouveaux propriétaires. En dépit des obstacles (imposition lourde, voies de communication inexistantes, désintérêt du gouvernement et désastres naturels), la classe paysanne jamaïcaine prend racine dans les premières décennies suivant l’émancipation.

1861

Un tiers des enfants sont scolarisés

Entre 1834 et 1864, le nombre d’écoles passe de 7 à 490. En 1861, 33 561 enfants sont scolarisés ce qui représente un tiers de la population entre 5 et 15 ans.
En réalité, la « plantocratie » freine les progrès de l’éducation, craignant que les enfants ne s’éloignent des travaux agricoles. Les initiatives et le soutien des missionnaires aux ex-esclaves leur ont valu une grande reconnaissance et les églises rurales sont florissantes. Mais l’agent venant à manquer, des schismes se créent et des congrégations indépendantes voient le jour. D’autres formes religieuses prenant racine dans les cultures africaines refont alors surface. Les cultes revivalistes aux manifestations explosives (transes et possessions) comme le pocomania et zion, encore vivaces aujourd’hui dans les zones rurales, voient le jour à cette époque.

1865

Révolte de Morant Bay

Les Noirs et les juifs, jusqu’alors exclus de la vie civile et politique, ont obtenu l’égalité des droits civiques dès 1831. Mais l’éligibilité à l’Assemblée jamaïcaine écarte de la vie publique les anciens esclaves qui voient leurs droits bafoués : seuls 2 % des hommes sont autorisés à voter. Et de toute façon, la majorité de la population noire de l’île vit un nouvel esclavage, celui de la misère. Les salaires sont ridicules, les conditions de vie précaires, et l’absence de participation à la vie politique donne peu d’espoir d’amélioration de la situation. La tension sociale, déjà vive, s’aggrave. La révolte de Morant Bay est le point d’orgue du mécontentement général qui monte sourdement et de la contestation sociale et politique d’un peuple qui ne peut s’exprimer face aux planteurs qui restent tout puissants.

En 1865, Paul Bogle, un petit fermier prospère pasteur baptiste en 1864, et William Gordon, fils d’un planteur écossais et d’une esclave noire, tous deux membres de l’Assemblée jamaïcaine, organisent dans tout le pays des groupes secrets appelés les Prayers Meetings. Ils ont pour objectif d’obtenir l’intégration des Noirs dans les décisions politiques. C’est un de ces groupes de la paroisse de Saint-Thomas, mené par Bogle et Gordon, qui est à l’origine de la dernière rébellion des Noirs jamaïcains. Le 11 octobre 1865, une marche est organisée en direction du tribunal de Morant Bay. La manifestation tourne rapidement à l’émeute. Le tribunal, symbole de l’oppression et de l’injustice, est incendié par les rebelles, ainsi qu’une grande partie de la ville.
La réponse des autorités locales sera sanglante : la loi martiale est déclarée. Outre les deux leaders pendus le 23 octobre sans procès, plusieurs centaines de Noirs sont exécutés et de nombreux villages de la région saccagée. La Vieille Angleterre s’émeut devant la sévérité des représailles : le gouverneur de l’époque, Edward John Eyre, est destitué. Quant aux deux leaders ils seront proclamés héros nationaux en 1969.

1866

A partir de 1866, le statut politique de la Jamaïque change. A l’instar de ses voisines, elle devient colonie de la Couronne. Désormais, les colons n’ont plus de prérogatives économiques et politiques qu’ils abandonnent à l’Angleterre. En échange, celle-ci prend en charge la dette de l’île.

1872

La capitale du pays est transférée à Kingston

La Jamaïque vit une période de réformes importantes qui propulsent l’île dans la modernité. La capitale est transférée de Spanish Town à Kingston. La banane prend le relais du sucre, assurant la relance d’une économie à bout de souffle et son exportation bat son plein dans les années 1920 amenant la modernisation du pays. Le gouvernement local est réorganisé, les systèmes judiciaire et policier se modernisent. Un système bancaire insulaire voit le jour. De grands travaux sont entrepris dans l’île : construction de routes, de ponts et de lignes de chemin de fer ; un système de communication câblée avec l’Europe permet de se rapprocher de la métropole.

1887-1940

Marcus Garvey, fondateur de l'Unia

Au début du XXe siècle, un mouvement de retour en Afrique s’ébauche en Jamaïque. La Sierra Leone et le Liberia ont été créés, respectivement en 1787 et en 1822, pour accueillir les anciens esclaves, les Marrons ou les captifs de la traite illégale. Mais c’est en 1914 que Marcus Mosiah Garvey fonde aux Etats-Unis, l’UNIA (Universal Negro Improvment Association), dont l’objectif est de consolider l’unité de la race noire et de défendre ses droits. Sa compagnie de navigation, la Black Star Line, doit permettre aux Noirs qui le souhaitent de retourner en Afrique.

1914

La Grande Guerre entraîne une reprise de la production de sucre, mais ce nouvel élan est rapidement brisé par la concurrence européenne qui est rude. Le pays s’oriente vers une diversification progressive des cultures, sans grand succès. Mais la multinationale United Fruit Company prend le contrôle de la production au détriment des petits planteurs. Logique financière oblige, les compagnies maritimes qui chargent les bananes à destination pour les USA veulent rentabiliser leurs bateaux. Elles imaginent alors de transporter les premiers touristes en quête de paysages tropicaux vers la petite île productrice de bananes. Mais sur l’île, les conditions de vie des ouvriers agricoles ne s’améliorent pas et le mécontentement social s’amplifie. Les cataclysmes naturels à répétition, tremblements de terre et cyclones, mettent à mal les plantations.

1930

La dépression mondiale frappe la Jamaïque

Par effet boule de neige, pendant la crise économique aux Etats-Unis, l’économie jamaïcaine s’écroule en raison de la chute des cours mondiaux des deux piliers du pays, ceux du sucre et de la banane, déjà pénalisée par la maladie de Panamá, un champignon qui affecte les bananiers. Le chômage augmente, aggravé par la restriction de l’émigration. Les désordres sociaux annoncent la formation des syndicats et des premiers partis politiques. Grèves, manifestations et marches de la faim éclatent régulièrement entre 1935 et 1938. Les baisses de la production industrielle engendrent des baisses de salaires et la misère du peuple s’accentue. 

1938

Norman Manley crée le People’s National Party


Le PNP, de tendance socialiste tisse ses liens avec les premiers syndicats TUC (Trade Union Congress) et National Workers’Union, militant pour une Jamaïque auto-gouvernée. De son côté, Alexander Bustamante, créé le JLP (Jamaican Labour Party) en 1943. Sa position par rapport à l’Angleterre est plus modérée, il estime que l’île doit conserver ses liens avec un Etat paternaliste qui l’aide économiquement. Une nouvelle constitution basée sur le suffrage universel voit le jour en 1944 après six longues années de négociation. Le vote devient alors accessible à plus de 60 % de la population et Alexander Bustamante gagne les premières élections jamaïcaines.
En 1945, l’élection d'un gouvernement travailliste en Grande-Bretagne, puis l’indépendance de l’Inde en 1947, pousse la Jamaïque vers l’indépendance. Norman Manley et le PNP gagnent les élections en 1955 ; et un Conseil des ministres, présidé par un Premier ministre, voit le jour en 1957, réduisant les pouvoirs du gouverneur anglais. Dès 1959, le pays est auto-gouverné, mais la défense et les relations internationales restent sous la tutelle de la Grande-Bretagne. L’indépendance est acquise de fait. 

1962

L’indépendance de la Jamaïque et la victoire de Bustamante

En mai 1960, le Premier ministre Norman Manley déclare que son parti est opposé à la Fédération des Indes occidentales né de l’union des îles des Caraïbes encore sous domination anglaise. Un référendum de la population « contre » sonne le glas de la précaire Fédération, dissoute en 1962. Le gouvernement jamaïcain prépare activement son indépendance.
En février, un accord avec la Grande-Bretagne est finalement trouvé, le 6 août 1962 est choisie comme jour de l’indépendance. Les élections générales cette année là donnent la victoire au Jamaica Labour Party de Bustamante. Le développement de ressources économiques nouvelles, comme la bauxite et le tourisme, la création des premières industries, accélèrent la montée du nationalisme jamaïcain. Son leader s’appelle Alexander Bustamante, et Norman Manley devient le chef de l’opposition.
Le 5 août à minuit, la Jamaïque devient une nation indépendante, membre du Commonwealth. A minuit, l’Union Jack est abaissé et le drapeau jamaïcain est hissé au cours d’une cérémonie officielle qui se tient au National Stadium de Kingston. Quelque 35 000 personnes assistent à l’événement en présence de la princesse Margaret qui représente sa sœur, la reine d’Angleterre, du Premier ministre Alexander Bustamante et du leader de l’opposition Norman Manley.
La Jamaïque est la 109e nation à être admise aux Nations Unies. Les partis politiques vont désormais modeler la vie sociale, remplaçant la plantocratie. La banque centrale est créée, le service militaire est instauré, l’administration judiciaire mise en place. Mais l’indépendance nouvellement acquise ne résout pas les problèmes économiques, sociaux et politiques de fond.
Le panafricanisme, initié par les théories et les initiatives de Marcus Garvey et du Black Power, soutenu aux Etats-Unis par des personnalités militantes comme Malcom X, font de nombreux adeptes dans toutes les Caraïbes et en Jamaïque. Ces mouvements incitent les Noirs à rompre avec l’impérialisme des blancs racistes, à assumer le pouvoir dans les îles où ils sont majoritaires pour y faire triompher leur culture et construire une société nouvelle. Le mouvement rastafarien s’enracine dans la population jamaïcaine. 

1972

La Jamaïque passe sous influence cubaine

Alexander Bustamante se retire de la scène politique et Donald Sangster lui succède comme Premier ministre en 1967, lors de la victoire du parti travailliste JLP aux élections. A la mort de Norman Manley, le PNP s’oriente franchement vers le socialisme sous l’impulsion de son fils, Michael Manley élu en 1972. Time for a change est un slogan qui promet des réformes sociales et économiques. Il noue des liens serrés avec sa voisine socialiste Cuba, puis plus tard avec l’Angola et la Chine populaire. Une visite officielle en Ethiopie lui permet de rallier à sa cause les rastafariens.
Dès 1973, l’éducation devient gratuite, l’économie est de plus en plus contrôlée par l’Etat, en particulier l’industrie de la bauxite, source de revenus importante pour le pays. En 1974, avec le le « socialisme démocratique », un Smic local et une couverture sociale sont introduits ainsi qu’une législation protégeant les travailleurs. Une réforme agraire permet aux petits fermiers d’obtenir de la terre, la construction de logements sociaux mobilise les grandes villes.
Malgré ces mesures populaires mais peu constructives économiquement, l’agitation sociale renaît. De violents et meurtriers affrontements armés opposent des gangs armés par les deux partis, dans les quartiers pauvres de la capitale. Sur fond de Guerre Froide, on accuse Cuba d’armer les partisans du PNP et la CIA ceux du JLP. En 1976, à l’aube de nouvelles élections, le gouvernement socialiste de Michael Manley décrète l’état d’urgence et impose le couvre-feu. La voix des urnes le maintient largement à la tête du pays.

1977

Fidel Castro est accueilli en visite officielle

Michael Manley entretient des relations amicales avec Cuba et l’Angola. En 1977, Fidel Castro est accueilli comme un héros dans l’île, au cours d’une visite officielle. Des instructeurs, des médecins, des techniciens cubains arrivent en Jamaïque, resserrant les liens de coopération entre les deux îles. Les Etats-Unis deviennent carrément hostiles au gouvernement Manley. Le département d’Etat américain coupe alors ses aides au pays. Le spectre du communisme inquiète aussi les investisseurs qui commencent à se retirer de l’île. Le FMI suspend ses prêts au gouvernement et refuse de financer de nouvelles mesures sociales, imposant un programme d’austérité au gouvernement. La crise pétrolière internationale aggrave la situation. Les classes sociales les plus aisées entament une émigration qui va vider le pays de ses forces vives, tant en termes de spécialités professionnelles que de pouvoir financier. L’agitation sociale et la violence renaissent, et les pressions militaire et policière s’accentuent. L’inflation atteint des taux record et le chômage se développe. 

1980

La vague conservatrice déferle sur la Jamaïque

Le contrecoup de cette crise ne se fait pas attendre. Le pays connaît une nette poussée conservatrice. La crise économique et politique amène l’écrasante victoire du JLP aux élections de 1980, après une série d’affrontements terribles entre les supporters des deux partis politiques qui feront quelque 800 victimes. Son nouveau leader est Edward Seaga, officiellement soutenu par les Etats-Unis, dont le thème mobilisateur est « délivrance ». Sa première visite officielle sera rendue à Ronald Reagan, lui-même élu quelques jours après la victoire de Seaga. Le chef d’Etat américain lui rendra cette visite en avril 1982, première visite d’un président américain dans l’île. L’ambassade de Cuba est fermée et ses représentants priés de quitter l’île.
Le soutien américain et les liens développés avec l’administration Reagan vont porter leurs fruits et une embellie économique se fait jour, au prix cependant de sévères mesures de restriction dans les dépenses sociales de santé et d’éducation. L’inflation passe de 29 % en 1980 à 6 % fin 1981, et l’économie progresse alors de 2 %. Mais la chute des cours de la bauxite et de l’aluminium entraîne une chute du dollar jamaïcain, la monnaie nationale est dévaluée de 40 % fin 1981. L’administration Seaga vire au monopole : outre son poste de Premier ministre, Seaga cumule toutes les responsabilités ministérielles stratégiques (défense, culture, information, finance et planification). Sa popularité s’effondre lors des élections de 1983 auxquelles Michael Manley refuse de prendre part, contestant l’organisation des élections.

1988

L’île est au bord de la banqueroute quand, en 1988, le cyclone Gilbert la frappe de plein fouet. 25 % de la population se retrouve sans abri, et les dommages excèdent 300 millions de dollars.

1989

Retour du PNP

Les élections de 1989 verront le retour du PNP (People National Party) qui a entre-temps renoncé en partie à ses idées socialistes pour se tourner vers le libéralisme économique. Le PNP se maintiendra au pouvoir jusqu’en 2007, favorisant la libre entreprise, l’agriculture, et donnant de nouvelles impulsions au tourisme qui s’était quelque peu refroidi. Malgré cela, la situation économique a du mal à se redresser.

2007

Le début de l’alternance politique


Les élections de décembre 1997 et de 2003 ont largement reconduit le Premier ministre noir, Percival James Patterson, qui avait succédé en 1992 avec 80 % des sièges à Michael Manley, le chef historique du parti. Sa démission, avant la fin de son 4e mandat, va propulser sur le devant de la scène politique Portia Simpson Miller. Elle devient en 2006 la première femme Premier ministre de l’histoire de la Jamaïque. Elle est pourtant battue aux élections de 2007 par le leader du JLP, Bruce Golding, qui porte le parti travailliste au pouvoir pour la première fois depuis 20 ans.
Une vraie alternance naît dans le pays à cette époque. Depuis, chaque élection est équilibrée au niveau des scores des deux principaux partis, tandis qu’aucun parti outsider n’arrive à réellement percer.

2012

En janvier 2012, Portia Simpson Miller est à nouveau élue Premier ministre. Elle a reçu le Président américain Barack Obama en avril 2015 en visite officielle sur l’île, la seconde d'un Président américain depuis Ronald Reagan en 1982.

2016

Election d'Andrew Holness

En 2016, c’est le JLP qui remporte les élections législatives anticipées du 25 février et Andrew Holness, chef du parti travailliste, est investi Premier ministre le 3 mars 2016.

2020

Andrew Holness est réélu à une large majorité en 2020, enregistrant une forte hausse de suffrages et de sièges, en raison d’un bon bilan économique malgré la crise sanitaire.