Découvrez la Sardaigne : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

Grande sœur de la Corse, flottant à ses pieds, la Sardaigne est un des morceaux d’Italie qui nous est le plus familier. Les quelques similitudes qu’elle entretient avec l’île de Beauté n’y sont certainement pas pour rien, à commencer par l’importance de ses chants polyphoniques, appelés ici « cantu a tenore ». Mais en dehors de ces cousinages, la Sardaigne présente de nombreuses singularités qui la distinguent culturellement dans le bassin méditerranéen, tels que le « launeddas », cet instrument ancien composé d’un ensemble de trois tuyaux. Île de traditions et de fête, la Sardaigne se laisse découvrir toute l’année, au travers de centaines de rendez-vous comme le grand carnaval de février, les nombreuses processions ou encore les célébrations de village qui sont autant d’occasions d’approcher toute l’originalité de la culture de l’île.

La musique traditionnelle

Peut-être est-ce la proximité géographique ? Mais, tandis qu’il est rare en Méditerranée, le chant polyphonique est un des points communs majeurs entre l’île de Beauté et la Sardaigne. Le canto a tenore, le chant polyphonique sarde, est pratiqué depuis des millénaires par des bergers poètes. S’inspirant du timbre guttural de la langue sarde, il est exécuté par un chœur (gruppa) composé généralement de quatre voix masculines, chacune ayant une fonction bien définie. La boghe (« la voix ») chante le texte et dirige les autres voix. La mesa boghe (« milieu ») est la voix la plus aiguë et sert d’accompagnement, brodant et liant les différentes sonorités de façon relativement indépendante par rapport au gruppa. La contra est la voix centrale du chœur, et c’est autour d’elle que s’accordent les trois autres. La bassu (basse) est une voix grave, voire gutturale, très liée à la contra. Ces trois dernières voix ne chantent pas de paroles, mais des syllabes sans signification dont les modulations rythment et accentuent les intonations de la boghe. Les chanteurs disent que ces voix imitent celles du monde pastoral : la bassu imiterait le bœuf, la contra le mouton, la mesa boghe serait la brebis tandis que la boghe serait tout simplement la voix du berger, signifiant ainsi la proximité du canto a tenore avec la nature. L’ensemble produit un effet extrêmement poétique et émouvant. Le chant se passe le plus souvent d’instruments, lors d’une réunion de village, et parle de l’histoire actuelle et passée de la Sardaigne, de ses idéaux, de ses révoltes... Les stars du genre sont sans conteste Tenores di Bitti « Mialinu Pira », groupe se distinguant par le raffinement de son style, palpable dans la plupart de ses enregistrements (à commencer par le captivant S'amore 'e mama). Véritable trésor, le cantu a tenore a été proclamé « chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel » en 2005 par l’Unesco. Sur place, on peut être certain d’en entendre le 30 septembre pour la Fête de Bitti, le village d’où sont originaires les plus fameux tenores (chœurs). Il est aussi courant d’en croiser lors de diverses célébrations comme la Cavalcata Sarda, l’une des plus belles fêtes de Sardaigne et occasion unique d’admirer costumes, danses, chants ou récitals de poésie sarde.

Autre forme typique de l’île (particulièrement répandue au nord), le Cantu a chiterra est un chant monodique, généralement exécuté en sarde et gallurais et accompagné à la guitare. Probablement pratiqué depuis des siècles, le genre se caractérise par la « gara », joute musicale où l’on doit rivaliser de souffle et d’inventivité pour chanter, chacun son tour, des textes puisés dans le répertoire poétique local. Poésie chantée toujours, le mutu est une forme improvisée traditionnellement réalisée par les femmes en réponse aux hommes.

Les instruments tradionnels

En Sardaigne, outre les chants, les origines les plus anciennes de la musique méditerranéenne nous sont racontées par des instruments très rares comme le launeddas. Unique en son genre, cette clarinette polyphonique en roseau à triples tuyaux et à anche simple symbolise l’attachement de la Sardaigne à la musique, l’île ayant réussi à préserver son existence et sa pratique au travers des siècles. Bien qu’elle soit difficile à dater, l’origine de cet instrument remonte probablement à l’époque nuragique comme semble l’attester la figurine de bronze datant du VIIIe siècle av. J.-C. représentant un homme jouant d’une flûte à trois tuyaux (exposée au Musée archéologique de Cagliari). Bien qu’il soit le plus souvent joué lors de cérémonies et de danses religieuses, le launeddas a été maîtrisé par quelques prodiges comme Efisio Melis (1890-1970). Ce musicien folklorique sarde a été l’un des plus grands joueurs de launeddas au monde, considéré même par certains musicologues comme le Bach ou le Mozart de sa discipline.

Parmi les autres instruments répandus en Sardaigne, on trouve su pipiolu « flûte du berger » en roseau à quatre trous, le serragia, un instrument typique constitué d’un roseau creux et d’une vessie de porc gonflée ou encore les tumbarinu, tambourins originaires de Gavoi qui cadencent les fêtes et les danses.

Si les traditions musicales locales sont parvenues à être conservées pendant des siècles, c’est également grâce à certains artistes qui ont osé les marier à différents genres modernes (jazz, rock, pop, etc.). C’est notamment le cas de la soprano Elena Ledda qui a réinterprété les chants populaires sardes librement ou du trompettiste Paolo Fresu, qui explore les frontières du jazz en l’enrichissant de sonorités locales.

La musique populaire

A partir des années 1990, de nombreux artistes sardes ont fait leur entrée sur la scène italienne, avec des textes en dialecte sarde et des adaptations des sonorités traditionnelles aux rythmes rock et pop. C’est le cas des Tazenda, le groupe musical sarde le plus connu du pays. Son soliste, Andrea Parodi (1955-2006), reste parmi les voix les plus appréciées du panorama musical italien. Également très connu en Italie, le girls band Balentes a acquis une solide réputation avec un répertoire mélangeant chansons traditionnelles sardes retravaillées et morceaux originaux, le tout souvent chanté a cappella. Autre interprète remarquable, Franca Masu est célèbre pour ses chansons en alguérois - variante sarde du catalan - et sa recherche sur les croisements de styles. La tradition sarde-catalane de la région d’Alghero représente d’ailleurs un important courant musical, qui s’exprime principalement à travers les cobles. Le groupe Calic est un bon représentant de ces anciennes compositions poético-musicales. Mais si les Sardes ont pu faire entendre et voyager leur patrimoine musical, c’est aussi parce qu’il a été porté par de grands artistes comme l’inoubliable chanteur-poète Fabrizio De André ou la fabuleuse Maria Carta. Artiste emblématique de l’île, cette dernière a embrassé un large panel de la musique traditionnelle sarde (en particulier le cantu a chiterra) et reste aussi célèbre pour avoir été actrice chez Coppola.

La danse

Danse et musique sont étroitement liées en Sardaigne. Elles sont l’occasion pour les hommes et les femmes de revêtir le costume traditionnel et de renouer avec les chorégraphies ancestrales. Une des danses les plus populaires est le ballo tondo (ou ballu tundu). Pratiquée généralement en cercle fermé ou ouvert, elle voit les musiciens ou chanteurs se placer au centre, entourés par les danseurs qui se tiennent la main, ne bougeant pratiquement que les pieds tandis que leur buste reste totalement statique.

Les diverses fêtes de l’île sont bien entendu d’excellentes occasions d’assister à des représentations de danses sardes, à commencer par la Festa Di Sant’Elena de Cagliari, célébration de la patronne de la ville. Autrement, chaque dernier dimanche d’août, la Processione Del Redentore rassemble des milliers de personnes dans les rues de Nuoro pour une procession accompagnée de chants, danses et musiques traditionnelles (de launeddas). Autre procession, la Marcia Longa de La Maddalena célèbre la Sainte Vierge Marie avec des compétitions sportives ainsi que des danses sardes.
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