Découvrez l'Ecosse : Architecture (et design)

Enveloppée par les brumes du Nord, l’Écosse possède une aura mystérieuse. Ici, chaque pierre se fait l’écho d’un passé légendaire qui remonte à la Préhistoire et à ses étonnantes constructions. Romains et Vikings y ont également laissé leur empreinte, avant de céder la place aux Normands, grands bâtisseurs d’abbayes et châteaux... qui révèlent aussi la puissance des clans. Mais l’Écosse sait se faire plus douce avec ses élégantes lignes classiques et néoclassiques. Son cœur industriel abrite, lui, des prouesses d’ingénierie, de nouvelles formes urbaines et des trésors néogothiques. Sa traversée du XXe siècle a commencé avec le génial Charles Rennie Mackintosh, s’est poursuivie avec le modernisme et le brutalisme, et s’est terminée par l’arrivée de starchitects dont la vitalité créatrice continue aujourd’hui encore de la transformer. Et n’oublions pas son architecture vernaculaire… Alors embarquez sans plus tarder pour un voyage légendaire!

Aux origines

Entre les géants de pierre mégalithiques et les premières traces d’habitat sédentaire, les vestiges néolithiques vont vous faire remonter le temps. Dans les Orcades, ne manquez pas le site de Maeshowe avec sa chambre funéraire à couloir et voûte à encorbellement; les Pierres de Stennes, l’un des plus anciens henge ou cercle de pierres dressées des îles britanniques; le Cromlech de Brodgar, vaste anneau de 103 m de diamètre dont on peut encore observer 27 des 60 pierres levées originelles ; et bien sûr le site de Skara Brae avec ses maisons semi-enterrées à l’étonnant mobilier de pierre. À l’âge du bronze, l’Écosse voit se multiplier cairns, collines fortifiées – comme à Eildon Hill dans les Scottish Borders – et crannogs. Ces derniers sont des îles artificielles ou plateformes en bois construites sur une base de pieux de chêne disposés en cercle et joints par un système de clayonnage, l’ensemble étant ensuite fortifié par l’ajout de pierre, tourbe et bois. Au centre de la plateforme se trouve une habitation en bois avec un foyer en pierre. Une très belle reconstitution est à voir au Scottish Crannog Centre sur le Loch Tray. À l’âge du fer, l’habitat se complexifie encore avec l’apparition des Atlantic Roundhouses qui regroupent différents types d’habitat en pierre: les brochs  – comme le Broch de Musa dans les Shetland –, hautes structures de pierre possédant une double épaisseur de murs abritant petites cellules et escaliers en spirale permettant d’accéder aux différents niveaux ; les duns désignant des bastions ou rotondes de pierre que l’on peut observer en nombre au Sud du Firth of Clyde et du Firth of Forth ; et les wheelhouses ou maisons-rondes dont le mur extérieur était garni de piliers de pierre supportant un toit en encorbellement de forme conique. De l’ancienne Calédonie romaine, nous sont parvenus les vestiges des fameux castrum, dont les structures révèlent une grande maîtrise de la terre travaillée en fossés et enceintes défensives et du bois utilisé pour la construction de fortins. La série de fortifications de Gask Ridge constituerait la première frontière terrestre fortifiée de l’Empire romain. Elle a ensuite été suivie par le Mur d’Antonin révélant d’ingénieuses structures en tourbe. Malgré leur réputation, les Vikings n’ont pas laissé de vestiges défensifs ou militaires, mais de précieux témoins de leur habitat quotidien. Grand corps de ferme oblong, leur maison longue se caractérise par des murs incurvés évoquant la silhouette d’un drakkar renversé. Les matériaux de constructions sont la pierre, le bois et la tourbe, le sol étant souvent en parquet de bois flottant afin d’éviter l’humidité. Les maisons pouvaient être de plain-pied ou semi-enterrées. Les plus beaux exemples sont à voir dans les Shetland, sur les sites de Hamar, Underhoull et Belmont.

Les shielings, ou pâtures estivales, aux murs de pierre et aux toits de chaume ; les black-houses ou longères avec murs épais en pierre sèche et toits de chaume arrondis pour résister au vent ; les cleits ou cabanes en pierre sèche de l’île de Saint-Kilda ; ou bien les chalets et cottages des Highlands, symboles de l’architecture vernaculaire, sont les héritiers de cette histoire architecturale.

Effervescence médiévale

L’architecture médiévale est indissociable de la fièvre bâtisseuse des puissants Normands, célèbres pour leurs châteaux. Au départ simples tours en bois érigées sur des tumulus, alors baptisés mottes castrales, les châteaux vont ensuite se développer autour de ces tours originelles et se transformer en édifices imprenables protégés par de puissants murs d’enceinte et de tours défensives aux silhouettes crénelées. Parmi les plus anciens châteaux d’Écosse, notons : le château d’Édimbourg, le château de Dunnottar, le château de Kildrummy et le château de Tantallon. Le long des Scottish Borders vous pourrez également voir des Bastle Houses ou fermes fortifiées que l’on reconnaît à leurs murs épais et à leurs petites ouvertures en fente. Les Peel Tower ou petits donjons fortifiés, comme le château de Stalker, sur l’île du Loch Laich, complètent ce tableau. Le Moyen Âge marque aussi la naissance des premiers villages ou burghs. Reliés à un château et le plus souvent protégés par une palissade, ces villages possèdent deux éléments phare : la Mercat Cross ou Croix du Marché qui, juchée sur une plateforme de pierre, se situe à la jonction des rues principales du village ; et le Tollbooth ou péage. Les cœurs historiques des villes écossaises révèlent également un urbanisme fait de ruelles sinueuses et cours étroites partant de l’artère principale bordée de modestes maisons en chaume jouxtant les premières maisons bourgeoises en pierre et ardoise. À Édimbourg, High Street a également vu apparaître les premiers gratte-ciel du pays : les Lands, habitations pouvant atteindre 7 étages. Le Moyen Âge est également marqué par une effervescence religieuse, alimentée par la forte présence des ordres monastiques. Les églises de Leuchars et Dalmeny sont sans doute les plus belles représentantes du style roman normand aux proportions massives. Certaines églises vont même se doter de tours rondes, impressionnantes structures de moellons bruts puis de pierres taillées, servant tout à la fois de tour de guet et de clocher. Parmi les plus célèbres exemples, notons la cathédrale de Dunblane et ses tours carrées, et la tour de Saint-Régulus à Saint-Andrews. Mais le roman normand peut aussi se faire plus décoratif avec le développement de motifs géométriques habillant la structure, comme dans la magnifique cathédrale Saint-Magnus de Kirkwall, surnommée « Lumière du Nord », dont on admire le jeu de polychromie en façade avec l’alternance en damier des grès rouge et jaune. Puis progressivement, le roman va céder la place au gothique et à ses voûtes en ogive permettant plus de hauteur et de légèreté, comme dans la cathédrale d’Elgin et dans la cathédrale Saint-Mungo de Glasgow. Ne manquez pas non plus les ruines des grandes abbayes qui présentent un très beau mélange d’éléments romans et gothiques, à l’image de l’abbaye de Melrose et de l’abbaye de Kelso. Les châteaux aussi évoluent, ou plutôt s’adaptent au développement de l’artillerie qui nécessite une modification des fortifications. Les massifs châteaux normands vont progressivement faire place à des forteresses, dites à l’italienne, suivant généralement un plan polygonal et dotées de bastions. Ne manquez pas les fortifications d’Ayr, Perth et Leith ou bien encore les châteaux de Craignethan et Rothesay.

Élégance classique

Le XVIe siècle est une période faste pour les châteaux qui se transforment en véritables palais royaux mêlant avec élégance attributs gothiques et défensifs et harmonie Renaissance. C’est particulièrement le cas au château de Stirling, l’un des plus grands d’Écosse, dont il faut absolument visiter le Grand Hall avec ses superbes fenêtres à encorbellement, et sa chapelle royale. Le XVIIe siècle sera, lui, celui du triomphe des lignes classiques et de l’architecte William Bruce qui introduit en Écosse l’harmonie et les proportions du palladianisme. Maître des travaux de la couronne d’Écosse, Bruce travaille à la restauration de nombreuses demeures royales, à l’image du palais de Holyrood. Il va également participer à la construction de nombreuses grandes demeures de campagnes que l’on reconnaît à leurs superbes jardins et terrasses à l’italienne. Thirlestane Castle en est un bel exemple. C’est également lui qui démarre les travaux de Hopetoun House, mais les éléments palladiens de cette dernière vont vite être agrémentés d’étonnants éléments baroques puis néoclassiques que l’on doit à la famille Adam, célèbre pour mêler les influences étrusques, byzantines ou baroques aux lignes les plus classiques. À Édimbourg, on doit à Robert Adam la General Register House ou le grand bâtiment de l’Université et à John Adam, le Royal Exchange. Le XVIIIe siècle est aussi celui du renouveau urbanistique. James Craig dessine une nouvelle extension pour Édimbourg. La New Town suit un plan géométrique et symétrique où de larges avenues, dont la célèbre Prince Street, se coupent à angle droit créant des rectangles et carrés accueillant îlots d’habitation, espaces verts et grandes places dont la très belle Charlotte Square, œuvre du même Robert Adam. Les grandes rues sont bordées d’édifices néoclassiques symboles de prospérité avec leurs colonnes, dômes et frontons. Édimbourg a servi d’exemples à la rénovation de nombreuses autres villes comme Inveraray et son château, tous deux imaginés par… la famille Adam !

Révolution industrielle

Dès la fin du XVIIIe siècle, la prospérité industrielle de l’Écosse s’accompagne de la création de villes nouvelles mêlant industrie et urbanisme. Le plus bel exemple est à voir à New Lanark. Témoin d’un véritable socialisme utopique, la ville avait réussi à combiner prospérité économique et amélioration des conditions de vie des travailleurs via des maisons individuelles avec jardins et des espaces communautaires dans un environnement propre et sain. En matière stylistique, cette ère de prospérité économique s’accompagne d’un éclectisme typique de la période victorienne. Entre romantisme, développement de l’archéologie et redécouverte des mythes et légendes de l’Écosse, les styles les plus variés fleurissent. Les folly ou fabriques de jardins en sont les grandes représentantes. Alternant entre temples et colonnades classiques, pagodes chinoises et pyramides égyptiennes, dolmens et grottes, et chaumières et huttes de pierre, ces petites structures ornementales font leur petit effet ! Le style le plus apprécié à l’époque est le néogothique qui est alors rebaptisé Scottish Baronial Style. Les nouvelles demeures multiplient les fenêtres en forme de fer de lance, les tours et pignons de façades crénelés et porches aux motifs héraldiques. La plus célèbre des demeures de ce style est Abbotsford House réalisée pour le non moins célèbre Walter Scott. Le Scott Monument dans les jardins de Prince Street et le Monument de William Wallace à Stirling, immenses tours dominant le paysage, sont également très représentatifs de ce renouveau gothique. Et n’oublions pas bien sûr le château de Balmoral dont la silhouette de grès gris est un mélange de château germanique et de forteresse écossaise entièrement imaginé par la reine Victoria. C’est aussi l’époque des premiers grands musées, telle la Scottish National Portrait Gallery dont la structure s’inspire… du Palais des Doges de Venise ! Avec leurs imposantes silhouettes de briques rouges, les usines et brasseries de l’époque sont les grands châteaux de l’industrie, à l’image de la Caledonian Brewery d’Édimbourg dont on ne peut pas manquer l’imposante cheminée. Face à cet omniprésent néogothique, certains vont faire le choix de revenir aux lignes classiques. C’est le cas de William Henry Playfair à qui l’on doit à Édimbourg la Scottish National Gallery, la Royal Scottish Academy et surtout le Monument National d’Écosse, copie du Parthénon, qui valut à la ville le surnom d’Athènes du Nord. Le XIXe siècle est aussi celui des ingénieurs, à commencer par Thomas Telford à qui l’on doit le Dean Bridge à Édimbourg, ou bien encore le pont de Craigellachie, étonnante structure en fonte d’une seule travée protégée par deux tours néogothiques à ses extrémités. Mais le plus célèbre des ponts d’Écosse est sans conteste le Forth Bridge, assemblage de deux ponts Cantilever, c’est-à-dire possédant des tabliers constitués de poutres en porte-à-faux, supporté par trois puissantes tours. Entrepôts et commerces jouent également avec les possibilités de la fonte, du fer forgé et du verre dans des structures mêlant prouesses industrielles et richesses décoratives, tout comme les gares, la Wemyss Bay Railway Station en tête.

Écosse contemporaine

Le début du XXe siècle est marqué par la personnalité de Charles Rennie Mackintosh, architecte et designer de génie, faisant dialoguer innovation et tradition dans des réalisations entre Arts and Crafts et Art nouveau qui ont sublimé Glasgow. Son édifice le plus célèbre est l’école des Beaux-Arts. De prime abord, elle passe pour extrêmement sobre et rationnelle, mais progressivement, elle dévoile des détails faits de courbes et d’encorbellement d’une grande finesse. Aujourd’hui, l’école est en cours de restauration, tout comme la très célèbre Hill House entièrement pensée pour s’adapter au quotidien de ses habitants et aujourd’hui protégée des intempéries par un étonnant abri pensé sur mesure. Parmi les plus célèbres créations du maître, ne manquez pas non plus les Willow Tea Rooms et leur mobilier imaginé par Mackintosh, la Maison pour un Amateur d’art et ses fenêtres possédant chacune un dessin unique, ou bien encore la Lighthouse, transformée en centre du Design et de l’Architecture. Après la Première Guerre mondiale, le modernisme fait son apparition sous les traits des créations de Thomas S. Tait, célèbre pour sa tour de l’Empire à Glasgow, imposante structure de 91m aux lignes géométriques Art déco. C’est également à lui que l’on doit St Andrew’s House à Édimbourg dont vous pouvez observer les riches décors sculptés Art déco. Après la Seconde Guerre mondiale, on construit de nouveaux quartiers sur les ceintures vertes entourant les villes et l’on imagine des villes nouvelles fondées sur le sens de la communauté. Mais ces projets font la part belle au brutalisme et à ses imposantes structures de béton, et autres Tower Blocks, qui vont rapidement être décriés. La ville nouvelle de Cumbernauld est même surnommée la « ville lego » ! Face à ce modernisme sans âme, les années 1980 vont voir se développer un post-modernisme très bien représenté par le bâtiment de la Collection Burrell à Glasgow, imaginé par Barry Gasson qui a pris soin d’y intégrer des éléments anciens (portail roman, arcades Renaissance…). Une vision très personnelle que l’on retrouve dans les grandes créations contemporaines dont Norman Foster a lancé le coup d’envoi avec le Clyde Auditorium de Glasgow dont la structure incurvée et segmentée rappelle la carapace d’un tatoo ! En 2001, la ville se dote de la Glasgow Tower, l’une des plus grandes structures rotatives au monde. En 2004, Enric Miralles imagine le nouveau bâtiment du Parlement écossais à Édimbourg, tandis qu’en 2011, Zaha Hadid imagine le Riverside Museum de Glasgow dont la forme évoque celle d’une vague. Les architectes et designers d’aujourd’hui se placent dans cette longue lignée de créateurs, avec leurs réalisations épurées, faisant la part belle aux matériaux naturels et locaux. La tradition toujours !

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