Aux origines
La Calabre réserve l’un des premiers témoignages d’art pariétal de l’Italie, à la Grotta del Romito de Papasidero. Les aurochs finement gravés dans la roche nous entraînent au Paléolithique. Outre les sites préhistoriques, les premières expressions picturales étrusques puis antiques sont conservées dans les musées dédiés qui parsèment le sud de la botte. Le Museo Archeologico Nazionale della Basilicata « Dinu Adamesteanu » de Potenza couvre les périodes paléolithique et romaine à travers des statues de bronze, des figurines, de la céramique et des armes.
Dans la région de la Basilicate, les sassi et les églises rupestres font la célébrité de Matera. Les lieux de culte troglodytes, embellis au fil des siècles, renferment de magnifiques fresques. A noter, les fresques de l’église Santa Barbara ont été exécutées au XVIe siècle par un célèbre anonyme : le Maître de Santa Barbara.Culture byzantine
L’art chrétien qui se diffuse sur ces terres méridionales reste longtemps marqué par les caractéristiques de l’art byzantin. Byzance dicte les codes picturaux dans les trois régions, même si ces apports imprègnent davantage la Basilicate et certains bourgs calabrais. Dans les Pouilles, il ne reste de l’art paléochrétien et byzantin que des fragments de sculptures épars. La tradition de la mosaïque, héritée de la Grèce antique, est exaltée dans la coupole de l’oratoire de Casaranello datée du Ve siècle. Plus qu’une influence stylistique, la culture byzantine règne en maître entre le VIIIe et le XIe siècle, en particulier en Calabre et autour d’Otrante. Comme à la Chiesa di San Pietro, les séries de mosaïques ou de fresques avaient pour fonction d’éduquer le peuple. Dans ce but, les moines mosaïstes reproduisaient des modèles intemporels, dans le plus grand respect des canons orientaux et avec une aisance remarquable. Précisément datées, ces œuvres sont le reflet d’une tradition, non d’une expression personnelle. L’Italie méridionale s’affirme comme le premier foyer de la peinture byzantine, avant l’Orient, du Xe au XIVe siècle. Les exemples les plus parlants sont les fresques de Carpignano (Xe siècle), de Vaste ou de San Vito dei Normanni (XIIe siècle) et la chapelle San Stefano à Soleto. (XIIIe et XIVe siècles). Le style byzantin évolue peu à peu vers la pré-Renaissance.
La Renaissance
A la fin du Moyen Âge, une grande misère frappe le sud de l’Italie. Le contraste avec le Centre et le Nord, particulièrement florissants, est déterminant. C’est pourquoi les innovations de la Renaissance touchent à peine la pointe de l’Italie.
Le Museo Nazionale d’Arte Medievale e Moderna est un incontournable de la ville de Matera, en Basilicate. Sa collection englobe de l’art sacré (peintures sur toile et sur bois, sculptures, objets), 300 tableaux de l'école napolitaine du XVIe au XVIIIe siècle, ainsi qu’une section d’art contemporain autour de l’œuvre de Carlo Levi (1902-1975) et du peintre Luigi Guerricchio (1936-1996).
L’école de peinture napolitaine
Naples exerce une influence considérable dès le XVe siècle. Toutefois, les rares peintres locaux, influencés par les grands noms napolitains (Finoglio, Luca Giordano), ne constituent pas un courant à part entière.
Si l’influence septentrionale prédomine, quelques peintres régionaux se démarquent. Mattia Preti (1613-1699), le « cavalier calabrais », est l’un des peintres du XVIIe siècle les plus réputés en Calabre. Certains de ses travaux sont visibles dans l’église San Domenico à Taverna. A la fin de sa vie, Preti est promu peintre officiel des chevaliers de l’ordre de Malte. Sa peinture est fortement imprégnée du style du Caravage et de Véronèse.
Giovanni de Gregorio, dit Pietrafesa (1569-1636), décore de scènes de la vie des saints et de miracles le couvent des Riformati de Tito et probablement celui de San Antonio de Rivello, en Basilicate. Quelques-uns des tableaux religieux du peintre lucanien peuvent être admirés à Potenza.
Pietro Antonio Ferri est l’autre grand peintre lucanien, dont les œuvres ornent les églises de la Basilicate, dont celle del Carmine de Tricarico. La Pinacoteca metropolitana di Bari renferme l’une des plus importantes collections de peintures et de sculptures du sud de l'Italie, en particulier de l’école napolitaine.
Du néoclassicisme à l’impressionnisme
Le réveil artistique du Sud italien s’opère à partir du XVIIIe siècle, à travers l’émergence de courants néoclassiques. Si Naples n’est plus la capitale politique du Mezzogiorno, elle n’en est pas moins l’instigatrice d’un renouveau pictural. La plupart des grands artistes de l’époque sont des élèves de l’école napolitaine, qui contribue au perfectionnement d’artistes locaux reconnus comme les peintres Moranno et Cefaly, le sculpteur Lerace, le portraitiste Salfi, tous calabrais, mais également le peintre lucanien Giacomo de Chirico.
Corrado Giaquinto (1694-1765) est le maître incontesté de la peinture napolitaine du XVIIIe siècle (et celui de Luca Giordano) dans les Pouilles. Ses travaux illustrent le passage du baroque au néoclassicisme. L’une de ses œuvres les plus marquantes, Repos pendant la fuite en Egypte, est exposée au Louvre.
Mais c’est seulement au XIXe siècle que certains artistes trouveront la reconnaissance au-delà des frontières italiennes. La plupart d’entre eux sont originaires des Pouilles.
Saverio Altamura, né à Foggia en 1826, participe au mouvement naturaliste fondé à Naples par Domenico Morelli. Il est l’une des figures majeures des « macchiaoli », futurs impressionnistes dans la lignée des maîtres français. La peinture historique domine sa carrière. En 1861, il expose le tableau qui le rendra célèbre : I Funerali di Buondelmonte.
Originaire de Barletta, Giuseppe de Nittis (1846-1884) incarne l’impressionnisme à l’italienne. Ami de Degas, il acquiert en France une certaine notoriété au sein du courant impressionniste. C’est le japonisme qui lui inspirera ses toiles qui seront remarquées pour leur raffinement.De nos jours
Peu de grands noms résonnent sur la scène internationale contemporaine. De nouveaux lieux culturels tendent cependant à inverser la tendance. Certains artistes n’ont pas besoin d’entrer au musée pour exposer, car ici le street art est un mode de vie. Il s’infiltre jusque dans les bourgs les plus reculés. Nées de projets officiels ou d’impulsions, les peintures murales ne passent pas inaperçu. Quelques pistes pour guider vos déambulations ?
La Calabre est pionnière en matière de revalorisation urbaine par le street art. Dès 1981, l’Operazione murales est lancée par Nani Razatti et hisse Diamante au statut de ville des fresques. Catanzaro accueille l’Altrove Festival et son célèbre concours qui lui a valu le titre de capitale italienne du street art 2016. Autre particularité, ce village promeut à travers l’art des rues le tourisme religieux ! Le village de Savuci s’est paré de mille couleurs sous l’impulsion de fresquistes tels que Massimo Sirelli et Leonardo Canistra.
Dans les Pouilles, Lecce n’est pas seulement la ville du Barocco leccese. En plus de ses églises et de ses théâtres, la vieille ville regorge d’initiatives qui jouent avec la teinte rosée ou dorée de ses façades. Direction le quartier 167, scène d’un vaste projet chapeauté par Don Gerardo Ippolito, prêtre de l’église di San Giovanni Battista. De grands noms de la scène mondiale ont rejoint ce programme d’envergure qui s’étend jusque dans les banlieues, comme au quartier du Stadio.
Le centre-ville de Bari abrite de vastes fresques. Via Quintino Sella, une peinture murale rend hommage au compositeur Ennio Morricone, signée Angela Matarrese assistée de bénévoles. Un circuit autour de San Cataldo ne déçoit jamais. Départ en douceur avec le Muro della Gentilezza, une fresque réalisée par trois artistes de Bari : Angela Matarrese, Massimo Lembo et Mariella Valerio. Le quartier de San Cataldo combine idéalement effluves iodées et graffitis dans une ambiance métissée qui fleure bon l’extrême sud.
L’art contemporain s’apprécie au Museo per la Fotografia – Pino Settanni. Le musée porte le nom de l’artiste qui se définissait comme « un peintre avec un appareil photo ». Né en 1949 à Taranto, il réalise à ses débuts la série ayant pour thème l’Italie méridionale qui révèle son talent. Plus de 600 clichés de Settanni sont conservés ici. Le Museum of Contemporary Art Pino Pascali rend lui aussi hommage à un enfant des Pouilles, affilié à l’Arte Povera. La fondation attribue chaque année un prix convoité et propose une programmation d’une rare exigence.
A Matera, on ne peut que recommander le MUSMA. Au cœur du Palazzo Pomarici, ce musée invite à explorer à la fois un labyrinthe de grottes et la sculpture locale. Bienvenue sur la terre de toutes les rencontres !