Quelques données chiffrées
Les Pouilles comptent un peu plus de 4 millions d’habitants, la Calabre, près de 2 millions d’habitants et la Basilicate, moins de 600 000 habitants. Les trois régions comptabilisent donc un total de 6 539 053 habitants sur les 60 000 000 d’individus répertoriés pour l’ensemble du pays. La région des Pouilles concentre à elle seule les deux plus gros centres urbains de tout l’extrême sud : Bari (319 482 habitants) et Tarente (195 279 habitants). Puis vient la Calabre, avec Reggio di Calabria (179 049 habitants). La Basilicate arrive loin derrière, avec Potenza (66 392 habitants) et Matera (60 388 habitants).
L’une des caractéristiques de la répartition de la population des Pouilles est sa concentration dans les villes de moyenne dimension, autrement dit les vieux centres agricoles auxquels se sont ajoutés les nouveaux quartiers résidentiels et de petits pôles économiques autonomes. Environ 35 % de la population régionale vit dans onze villes de plus de 50 000 habitants, 45 % dans celles comprises entre 10 000 et 50 000 habitants, et les 20 % restants dans des villes de petite dimension.
La Basilicate, région la plus enclavée des trois, dont la population a peu augmenté depuis les années 1980, a pourtant vu ses deux chefs-lieux doubler leur nombre d'habitants en 40 ans. Un tiers de la population locale vit aujourd’hui dans les dix premières communes de la région, comptant toutes plus de 10 000 habitants.
En Calabre, l’implantation urbaine a radicalement changé en quelques années : les communes de moins de 15 000 habitants perdent leur population, celles entre 15 000 et 30 000 habitants restent stationnaires et celles dont le nombre d’habitants est supérieur à 30 000 habitants progressent. On remarque également en Calabre la tendance de la population à se déplacer des bourgs de l’intérieur des terres vers les villes côtières.
Entre émigration et immigration
A partir de 1870, après l’unification du royaume d’Italie, le pays s’industrialise, mais peine à rattraper le niveau de ses voisins européens. La majorité de la population italienne est rurale et, parmi elle, 70 % des citoyens sont des agriculteurs. Beaucoup vivent dans la pauvreté, cultivent un lopin de terre qui ne suffit pas à combler les besoins du ménage ou sont employés par de grands propriétaires terriens pour un salaire de misère. La diaspora italienne est donc un phénomène essentiellement économique, qui connaîtra deux vagues migratoires : la première entre 1880 et 1914, la seconde au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les registres relatifs à la première vague migratoire font état d’environ 380 000 Apuliens, 880 000 Calabrais et 385 000 Lucaniens qui abandonnent le pays. Leurs destinations privilégiées sont le continent américain (Etats-Unis, Canada, Argentine, Brésil, Venezuela), l’Australie et le nord de l’Europe (France, Belgique, Suisse, Allemagne). Après la Seconde Guerre mondiale, les mouvements migratoires reprennent, surtout en direction du nord de l’Europe, en demande de main-d'œuvre. Il se développe également un phénomène de migration interne : les cités industrielles du nord-ouest du pays (Turin, Milan) attirent les travailleurs du Mezzogiorno.
Si l’émigration italienne se tarit au début des années 1970, les mouvements migratoires constituent encore de nos jours une réalité qui touche le sud de l’Italie. Les difficultés économiques et le manque d’opportunités d’emploi poussent les méridionaux, surtout les plus jeunes, à s’installer dans le nord du pays, en Lombardie, en Vénétie, en Toscane, en Emilie-Romagne, ou à l’étranger. Les habitants vous le confirmeront : tous possèdent un proche ou un parent qui a quitté la région.
A côté de ce phénomène d’émigration, à partir de 1975, c’est l’Italie qui s’est peu à peu transformée en une terre d’accueil des immigrés. Dans les trois régions du sud, les minorités étrangères proviennent principalement d’Europe de l’Est, avec la Roumanie largement en tête, suivie de l’Albanie, mais aussi du Maroc et de l’Asie (Chine, Inde). Les citoyens étrangers représentent 3,45 % de la population totale des Pouilles, 5,5 % de celle de la Calabre et 4,12 % de celle de la Basilicate.
Malgré sa position centrale au cœur de la Méditerranée, le sud de la botte ne figure pas parmi les destinations privilégiées des navires de migrants ; ceux-ci débarquent majoritairement en Sicile, à Malte et à Lampedusa. La route secondaire vers la Calabre est surtout empruntée par des bateaux en provenance d’Egypte. Dans les années 1990 et 2000, des milliers de réfugiés kurdes y ont aussi débarqué depuis les côtes turques. La région des Pouilles a, quant à elle, connu une arrivée massive d’Albanais qui traversaient l’Adriatique, mais ce mouvement a progressivement diminué avec la stabilisation politique du pays.
Langue nationale et dialectes régionaux
Dans les Pouilles, en Calabre et en Basilicate, à moins que l’on ne s’adresse à vous en anglais parce que l’on aura détecté que vous n’êtes pas du pays, on vous parlera en italien, la langue nationale.
L’italien, langue latine aux sonorités mélodieuses et chantantes, s’est formé tardivement : il apparaît en tant qu’idiome littéraire au XIIe siècle. L’aristocratie et les écrivains italiens lui ont, en effet, préféré le latin, le provençal et le français pendant des siècles. Peu à peu, une langue s’est constituée et formalisée, grâce à l’œuvre d’auteurs tels que Dante, Boccace et Pétrarque. Ceux-ci utilisaient le dialecte toscan, qui est à l’origine de l’italien tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Toutefois, au moment de l’unification italienne, le jeune pays se présente encore comme une mosaïque faite de plusieurs centaines de dialectes : chaque région défend le sien, quand ce n’est pas chaque localité ! L’unification linguistique est progressive et rendue possible grâce au service militaire, à l’uniformisation de l’enseignement et aux médias, la radio d’abord, puis la télévision. Actuellement, les dialectes perdent peu à peu de leur importance, mais restent une référence culturelle et historique essentielle pour comprendre l’Italie. Certains de ceux-ci sont d’ailleurs reconnus comme des langues à part entière : c’est le cas du napolitain et du sicilien.
Dans les Pouilles, les dialectes se classent en deux groupes principaux qui se distinguent du point de vue de la phonétique : dans le nord et le centre, les dialectes apuliens, qui appartiennent à la famille des dialectes méridionaux italiens au même titre que les parlers lucaniens et campaniens ; dans le sud, le dialecte salentin, qui appartient aux dialectes méridionaux italiens extrêmes, comme le calabrais et le sicilien. Chacun de ces groupes offre une véritable panoplie de variantes locales : par exemple, l’habitant de Martina Franca parle un dialecte similaire à celui de Tarente tandis que son voisin de Locorotondo, à quelques kilomètres de là, s’exprime dans un dialecte proche de celui de Bari.
La Calabre offre elle aussi une grande diversité de dialectes, réunis sous le terme plus générique de dialectes calabrais. Ici aussi, on identifie deux groupes : au nord, les parlers dérivant du napolitain ; au sud, les idiomes présentant de fortes similitudes avec le sicilien.
En Basilicate, les dialectes lucaniens rassemblent l’ensemble des parlers de la région et forment quatre aires linguistiques principales : l’aire apenninique lucanienne, autour de Potenza mais à l’exclusion du chef-lieu où l’on trouve une forme étrange de changement vocalique par lequel, par exemple, porco (porc) devient porchë au singulier et puorc au pluriel ; l’aire apulo-lucanienne au nord et à l’est, qui présente de fortes similitudes avec les dialectes de Foggia et de Bari ; l’aire métapontine le long de la côte ionienne, qui, bien que d’origine latine, conserve des influences grecques ; l’aire calabro-lucanienne dont le dialecte s’étend de part et d’autre de la frontière avec la Calabre et présente un vocalisme proche tantôt du sarde, tantôt du sicilien.
Minorités ethnolinguistiques
Les Arberèches constituent une communauté d’origine albanaise installée dans le sud de l’Italie depuis le XVe siècle et qui se répartit actuellement en plusieurs îlots dans le Sud. En 1453, les troupes ottomanes du sultan Mehmet II s’emparent de Constantinople ; l’avancée turque sur les Balkans est inexorable et des communautés albanaises, de confession catholique, fuient face à l’envahisseur. Elles sont accueillies par le roi Ferrante d’Aragon et autorisées à s’installer en Calabre afin de repeupler des zones abandonnées par leurs habitants. Leur établissement dans des villages particulièrement isolés a contribué à la préservation de leur culture. D’autres vagues de migration entraîneront l’installation d’Arberèches dans diverses régions du sud de l’Italie.
Les Arberèches s’expriment dans un dialecte dérivé de l’albanais et influencé par l’italien. Ils suivent le rite liturgique gréco-catholique, c’est-à-dire le rite catholique en langue grecque. Les villages arberèches portent deux noms, l’un en italien, l’autre en albanais. Ils sont concentrés dans les provinces de Foggia (Pouilles), de Potenza (Basilicate), de Cosenza et de Catanzaro (Calabre). La communauté occupe aussi plusieurs villages de Sicile, de Campanie, des Abruzzes et du Molise.
La Grecìa salentina et la Bovesia forment deux îlots linguistiques où le dialecte est dérivé du grec. La Grecìa salentina est un territoire de neuf communes de la province de Lecce où l’on parle le griko. La Bovesia ou Area Grecanica se situe dans la partie la plus méridionale de la province de Reggio di Calabria, autour du village de Bova, et le dialecte y est appelé grecanico. La culture grecque dans la région fut dominante dans l’Antiquité avec la fondation des colonies grecques et la constitution de la Magna Grecia. Toutefois, l’histoire de la Grecìa salentina s’avère plus récente puisqu’elle remonte au temps de la domination byzantine : au IXe siècle, Byzance y encourage l’installation de ses citoyens pour renforcer sa mainmise sur le territoire. Les origines du grecanico de Calabre sont plus obscures : pour certains, le dialecte dériverait du grec byzantin ; d’autres soutiennent, en revanche, que l’on peut le faire remonter au grec parlé dans la Magna Grecia. Cette théorie semble être confirmée par la présence de mots du dialecte dorique (parlé dans le Péloponnèse et les îles dans l’Antiquité) et de mots de grec ancien.
L’occitan est parlé dans la province de Cosenza, dans la commune de Guardia Piemontese qui a été fondée par des Vaudois issus du Piémont qui fuyaient les persécutions religieuses aux XIIIe et XIVe siècles. L’occitan de Guardia Piemontese, appelé aussi guardiolo, ne compte que quelques centaines de locuteurs.