Une énième crise politique déclenchée en 2019
En août 2019, la coalition au pouvoir en Italie est alors constituée de la Ligue du Nord (parti d'extrême droite régionaliste eurosceptique et populiste) et du Mouvement 5-Etoiles (parti « anti-système » eurosceptique aussi, qui tire son nom de cinq thématiques du mouvement : eau publique, mobilité durable, développement, connectivité et environnement). Matteo Salvini dépose alors une motion de censure en tant que ministre de l’Intérieur pour provoquer par ce levier des élections anticipées favorables à la Ligue du Nord. Mais le M5E s'allie alors avec le Parti Démocrate (PD) de centre-droit pour former une nouvelle coalition majoritaire au pouvoir. Une alliance baroque inattendue puisque les deux partis n'ont rien en commun, si ce n'est de s'opposer à Salvini. L’actualité politique continue en 2020 avec un référendum constitutionnel. Les Italiens approuvent à 70 % l’amendement prévoyant de réduire le nombre de députés de 630 à 400, et celui des sénateurs de 315 à 200.
L’unité italienne incarnée par Mario Draghi
Mais nouveau soubresaut de cette crise politique qui n’en finit pas : le 25 janvier 2021, la coalition M5E-PD démissionne sur des divergences d’attribution du fonds d’aide européen spécial Covid. C’est maintenant à l’ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi de prendre les rênes du pays. Il semblerait qu’il a réussi à recréer une unité italienne avec la formation de son nouveau gouvernement. Soutenu par presque tous les partis italiens, il a présenté fin février un programme de reconstruction de l’économie italienne pro-européen, malgré la présence dans son gouvernement de Salvini et la Ligue du Nord. Du jamais-vu dans l’unité italienne, surtout ces dernières décennies marquées par des crises à répétition, ce qui lui a valu le surnom de Super Mario ! Son objectif : remettre l’économie italienne en marche et vaincre la crise sanitaire liée au Covid-19.
Le poids de la dette dans l’économie
Et Super Mario - qui ne connaît que trop bien le sujet - aura fort à faire. A commencer par gérer le poids de la dette. Aujourd’hui, malgré les nombreuses réformes structurelles entreprises par les gouvernements successifs, l'économie italienne reste désespérément vulnérable. À l'image de ses confrères européens, la crise économique de 2008 n'a pas épargné l'Italie et, depuis 2010, le pays ne cesse de s'enfoncer… avec un endettement public de 131,5 % en 2018. Prévisions 2019 : le taux d'endettement de l’État devrait être de 128,8 %, mais celui de 2020 devrait plonger bien évidemment. Touchée par les crises comme les économies grecques et espagnoles, l'Italie peine à relancer sa croissance. Quant au chômage, son taux atteint 11 % de la population active en 2019. Les conséquences désastreuses de la crise du Covid-19 sur son économie, tout comme pour la France, sont difficilement calculables à l’heure actuelle.
L’arc alpin italien, une région teintée de bleu
Si les six régions englobant les montagnes alpines de l’Italie du Nord sont différentes, on remarque une certaine cohésion politique : elles sont toutes gouvernées par des coalitions de centre-droit, sauf les irréductibles Valdôtains, un confetti rouge sur la carte bleue, majoritairement de coalition centre-gauche. On note aussi des disparités régionales : cinq provinces - sur les vingt qui constituent le pays - sont autonomes, dont la Vallée d’Aoste, le Trentin-Haut-Adige et le Frioul-Vénétie Julienne. Un statut spécial accordé en 1943 pour la protection des francophones dans la Vallée d’Aoste, la protection des germanophones dans le Trentin-Haut-Adige. Et en 1963 pour la protection de la minorité slovène et pour soutenir le territoire frontalier contre le Bloc de l’Est en pleine guerre froide pour le Frioul-Vénétie Julienne. Une spécificité qui influence évidemment les mouvances politiques. Ainsi, le Trentin-Haut-Adige est par exemple dirigé par Arno Kompatscher, le chef de file du SVP, le parti sud-tyrolien Südtiroler Volkspartei, régionaliste démocrate-chrétien. Une ligne finalement comparable à celle de la Vallée d’Aoste, dirigée elle aussi par un parti régionaliste, l’Union Valdotaine (UV), mais de sensibilité de centre gauche. En revanche, en Frioul-Vénétie Julienne, c’est le parti d’extrême droite la Ligue du Nord de Salvini qui dirige la région, tout comme en Vénétie (Venise) et en Lombardie (Milan). Une gouvernance qui se rapproche de celle du Piémont, majoritairement Fuerza Italia (le parti d’extrême droite de Berlusconi), des nuances bleu marine sur l’échiquier politique. Des résultats exprimant un repli identitaire et protectionniste qui s’expliquent par la crise du secteur industriel qui impacte durablement l’Italie du Nord depuis plusieurs décennies, spécialement le secteur automobile concurrencé par la mondialisation, et par la crise sanitaire du Covid-19 très récemment, qui plonge l’économie mondiale, et donc italienne, dans une instabilité inquiétante.
L’Italie du Nord, champion industriel
L’économie italienne a ses champions industriels, les grands groupes (Fiat, 50 % du marché de l’automobile, basée à Turin), mais aussi de grandes entreprises, très compétitives, qui fournissent des produits d’exportation à haute valeur ajoutée : électronique, bureautique (Olivetti), électroménager (Candy, Zanussi), chaussures, confection (Max Mara, Benetton, Ellesse, Sergio Tacchini) et industrie du luxe (40 % des exportations italiennes : Valentino, Gianfranco Ferre, Giorgio Armani, Gucci, Gianni Versace). Ces entreprises sont particulièrement dynamiques.
En Lombardie, ces sociétés ont trouvé un terrain fertile de développement, et un nombre croissant de nouveaux entrepreneurs ont su imposer leurs produits et leur efficacité. Le secret de ce système de production industrielle, très apprécié par les économistes, repose sur les « districts industriels ». Un concept adapté à l’économie italienne. Il s’agit d’espaces géographiques de petite taille dans lesquels un grand nombre de sociétés relevant d’un même secteur de production (divans, chaussures, textiles, etc.) s’associent pour partager les services nécessaires à leur existence.
Le Piémont est une région riche, tant au point de vue agricole (riz, maïs, betterave à sucre, pomme de terre) qu’industriel. La région fait partie des leaders dans les secteurs textile, alimentaire et articles ménagers. On y trouve également 5 000 producteurs de riz sur 120 000 ha, avec 600 000 tonnes par an, soit 30 % de la production européenne. On remarquera les rizières autour de Turin. C’est aussi une terre de gastronomie, avec 54 vins AOC, 9 fromages DOP, chocolat, noisettes, truffe, viande, riz. Sur le plan de l’industrie, le Piémont compte aujourd’hui 396 000 entreprises manufacturières dans l’automobile, le textile, l’alimentaire, les technologies informatiques et l’orfèvrerie. La filière automobile compte 25 districts industriels (record italien), avec notamment le constructeur Fiat, figure de proue de la famille Agnelli.
Dans la Vallée d’Aoste, les principales activités sont l’agriculture et le tourisme. Ses principales productions agricoles sont le fromage, dont la fontina, les fruits et le vin, ce dernier malgré l’altitude élevée du vignoble et ses plantations acrobatiques, car la vallée bénéficie d’un climat chaud et sec.
Dans le Trentin-Haut-Adige, au cœur des Dolomites, les vallées régionales produisent de nombreux crus, des primeurs, des laitages, ainsi que des produits d’aviculture. L’exploitation forestière contribue à la bonne santé de l’industrie papetière. Les sites de production chimique et métallurgique tirent parti des ressources hydroélectriques, qui sont largement exportées. Les chaises fabriquées en Italie constituent aujourd'hui 50 % de la production européenne correspondant à 40 millions d'unités. Cette production est le fruit d'une zone industrielle limitée à seulement 100 km² autour d’Udine.
Le tourisme régional, moteur du développement
Le tourisme est un facteur non négligeable de l’économie du pays, puisqu’il s’agit d’un des plus importants de la planète (5e rang mondial, derrière la France, les États-Unis, l'Espagne et le Royaume-Uni). Ce secteur représente environ 10 % du PIB. En Italie comme en France, la période cruciale des vacances sont les mois de juillet et août. L’une des destinations favorites des Italiens est la Lombardie (8,6 %). En général, le tourisme représente une ressource fondamentale pour l’économie dans la région des lacs, des stations de ski dans les Alpes et dans les Dolomites et dans les villes d’art comme Turin ou Milan. L'Italie du Nord développe de plus en plus un tourisme œno-gastronomique ainsi que la mouvance slow food, dont l'association, qui a son siège au sud de Turin, fait venir de nombreux touristes. La qualité des ingrédients, aussi bien des charcuteries, des vins que des fromages d’alpage, en fait une nouvelle destination pour gastronomes exigeants. Les Jeux olympiques d’hiver 2006, dans le Piémont, ont permis de développer des infrastructures conséquentes dans les stations de ski, mais aussi à Turin. Mais les montagnes italiennes attirent de plus en plus de touristes en été, lorsque l’air est frais, avec des randonnées multiples et des activités sportives diversifiées. On note aussi une montée en gamme des nouveaux établissements, principalement dans le Trentin à la frontière de l’Autriche. La station Plan de Corones est par exemple dotée de deux nouveaux musées contemporains en altitude et de tables gastronomiques remarquées. La tendance actuelle, entre réchauffement climatique et concentration du tourisme de masse, promet de beaux jours au tourisme de montagne, particulièrement dans cette région aux infrastructures haut de gamme.
L’agriculture, le grand challenge de l’arc alpin
Rempart historique de l’économie italienne, le secteur industriel italien vacille, spécialement dans le Piémont, qui s’est concentré presque exclusivement sur l’industrie automobile, au détriment de l’agriculture. Les crises financières de 2008, 2011 et désormais 2020-2021 en raison de la crise sanitaire, ont frappé de plein fouet le groupe Fiat et l’industrie milanaise, provoquant ainsi une hausse du chômage considérable et de fortes tensions sociales. Des résultats à relativiser néanmoins, car il s’agit des régions les plus riches d’Italie. Mais un secteur pourrait contrebalancer ces pertes : celui de l’agriculture. L’Italie occupe la première place européenne en matière de productions sous signes de qualité (AOP, IGP ou STG). Elle est également l’un des leaders de l’agriculture biologique dans l’UE et le premier producteur de vin à haute valeur ajoutée. Mais les faiblesses du secteur agricole restent le prix du foncier, les structures à moderniser, l’organisation des filières et l’exposition aux risques naturels comme la tempête Vaia, qui a ravagé en 2018 des milliers d’hectares de forêt et beaucoup de fermes, en particulier dans les Dolomites.