Des moines mozarabes à la Renaissance espagnole
Les manuscrits enluminés par des moines mozarabes au Xe siècle sont les premières manifestations connues de la peinture espagnole dans la péninsule ibérique – appelée Al-Andalus – qui couvre un territoire largement plus étendu que l’Andalousie actuelle. Aujourd’hui il reste peu de traces de cet art chrétien du VIIIe et du début du Xe siècle, car les manuscrits sont très peu conservés et donc très peu connus. En revanche, la Bible de Séville, autrement nommée la Biblia Hispalense, a été conservée. Elle date de la fin du IXe siècle et des miniatures représentant trois prophètes ont été ajoutées à la fin du Xe siècle. Toute sa décoration, faite de lettrines zoomorphes et de frises encadrant des titres, est d’inspiration musulmane, comportant même des mentions en écriture arabe. Puis, c’est aux XIe et XIIe siècles que les peintures murales se répandent dans les églises. Elles n’offrent aucune perspective et les attitudes des personnages sont raides, mais des détails réalistes font d’elles une création typiquement espagnole.
À l’époque gothique, les artistes qui travaillent sur les retables des églises et des cathédrales marquent leurs créations d’influences italienne, française et flamande. Les artistes andalous de l’époque ne se distinguent pas particulièrement d’autres régions de l’Espagne, mais non loin de là, au musée de Valence, on peut voir des œuvres remarquables de Ferrer Bassá (1285-1348).
En Castille, aux XIVe et XVe siècles, les influences françaises, puis italiennes, marquent la Renaissance espagnole avec de plus en plus d’amplitude. On étudie la perspective et on glorifie le corps humain. À cette période, ce n’est pas tout à fait en Andalousie que naissent les meilleurs artistes, mais l’influence de Fernando de Llanos à Valence qui introduit la technique de Léonard de Vinci, n’est pas sans marquer les Andalous.
De la peinture à la sculpture baroque
Diego Rodríguez de Silva y Velázquez, baptisé en 1599 à Séville, ouvre un nouveau chapitre de l’art espagnol en Andalousie, puis à Madrid où il s’installe à 24 ans. Il exécute alors les portraits de la famille royale. Le célèbre tableau Las Meninas, exposé à Madrid, au Prado, est son œuvre majeure, équivoque et surprenante que Michel Foucault a commentée abondamment dans Les mots et les choses où il écrit que ce tableau, avec la présence du peintre au second plan, est la « représentation de la représentation de l’espace classique ».
Né à Alcalá la Real, Jaén en 1568, le sculpteur andalou Juan Martínez Montañés, dont un célèbre portrait peint par Velázquez en 1635 le représente à l’œuvre, est également l’un des principaux maîtres de la sculpture sévillane et espagnole. La sacristie de la cathédrale de Séville présente par exemple son Christ de la Clémence (Christ crucifié) sculpté entre 1603 et 1604. Formé dans son atelier, Juan de Mesa y Velasco (né à Cordoue en 1583 et mort à Séville en 1627) est l’auteur du Cristo del Amor d’une hauteur de 1,80 m.
Le sculpteur Pedro de Mena y Medrano (né à Grenade en 1628 et mort à Málaga en 1688), qui crée avec Alonso Cano un groupe de statues de saints actuellement conservées au Musée des beaux-arts de Grenade, est un sculpteur baroque de l’école grenadine. Formé par son père, il intègre aussi dans son atelier un autre sculpteur andalou devenu non moins célèbre, Pedro Roldán. Dans le chœur de la Cathédrale de l’Incarnation à Málaga, il a également sculpté les stalles.
L’avant-garde andalouse
Rafael Romero Barros (1832-1895) peint des paysages et des scènes de guerre. Conservateur au Musée des beaux-arts de Cordoue ainsi qu’au Musée archéologique et ethnologique de la ville, il apprend la peinture à son fils Julio Romero de Torres, peintre réaliste né à Cordoue en 1874. Ce dernier, très populaire, représente de manière obsessionnelle les femmes andalouses.
L’Andalousie est avant tout la région qui a vu naître Pablo Ruiz Picasso, né à Málaga le 25 octobre 1881 et mort le 8 avril 1973 à Mougins. L’artiste espagnol, qu’on ne présente plus, passe cependant la plus grande partie de sa vie en France. Le Musée Picasso de Málaga est connu dans le monde entier pour sa très belle collection.
À Grenade, le peintre cubiste Manuel Ángeles Ortiz, né à Jaén en Andalousie en 1895, fréquente le Café Alameda qui ouvre en 1909 et où se réunissent les grands intellectuels de la région comme le compositeur Manuel de Falla et l’écrivain Federico García Lorca. Si ce peintre fait ses études dans cette ville et s’en trouve durablement marqué, il s’établira, après un passage par Madrid, à Paris. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est incarcéré dans un camp dans le sud de la France et libéré par Picasso. En 1981, la maire de Jaén lui décerne la Médaille d’Or de la ville et le fait « Fils Préféré ». Il meurt en 1984 à Paris.
José Guerrero, né à Grenade en 1914, devient peintre en suivant les conseils de García Lorca. Après des études à Madrid, en particulier à la Casa de Velásquez, il passe, après la Seconde Guerre mondiale, par Paris où il devient un des artistes de l’École de Paris. La famille de ce peintre abstrait, qui s’établit pendant plusieurs années aux États-Unis avant de revenir à Barcelone, a fait une donation à la ville de Grenade qui ouvre en 2000 la Fondation José Guerrero.
Pionniers de l’avant-garde photographique
Carlos Pérez Siquier (1930-2021) est né dans la province d’Almería. Cet artiste andalou a fondé en 1950 l’AFAL, une agence de photographie à l’avant-garde de ce qui pouvait se faire en Espagne. Sa première série intitulée La Chanca, est un témoignage humaniste du quartier pauvre de la ville côtière d’Almería. Il expérimente la couleur, avec notamment La Playa, série de portraits et scènes balnéaires pop dans les années 1970.
Jorge Rueda (1943-2011) était un photographe andalou, considéré comme le père du surréalisme photographique. Il travailla comme éditeur graphique pour le magazine Triunfo. En 1971, il fut l’un des fondateurs du magazine Nueva Lente, dont il fut le directeur artistique de mai 1975 à décembre. 1979. Il fut également commissaire aux Rencontres internationales de la photographie à Arles et dirigea à plusieurs reprises les Rencontres photographiques en Andalousie (FOTOPLIN).
L’art contemporain et le street art
Né à Málaga en 1959, Rogélio López Cuenca est un peintre très en vogue en Espagne. Au cours de ses études, il s’intéresse aux formes d’art dans lesquelles le texte est inclus dans la représentation. Il réalise ses premières œuvres à partir de ce concept. Fasciné par la mixité culturelle, cet enfant du pays est devenu une véritable référence dans le milieu artistique ; certaines de ses œuvres sont d’ailleurs exposées au New Museum of Contemporary Art de New York.
Née en 1968 à Séville, Pilar Albarracín est une artiste performeuse qui travaille autour de l’identité andalouse bien qu’elle vive et travaille désormais à Madrid. Elle détourne avec ironie le folklore andalou et les traditions populaires comme la tauromachie, mais aussi le rôle de la femme dans la société. Elle n’hésite pas à se mettre en scène dans des situations tragi-comiques qui peuvent parfois heurter la sensibilité.
« Sex69 » ou « El Niño de las Pinturas », de son vrai nom Raúl Ruiz, est un street artiste né à Madrid en 1977. Il faut se promener dans les ruelles du Realejo, à Grenade, où il peint depuis les années 1990. Aujourd’hui, il est internationalement reconnu. En 2017, il fait partie d’un film sur le street art intitulé Sikame, El alma del oro ou Sikame, L’âme de l’or projeté à Grenade, Barcelone et New York. Il regroupe plusieurs graffeurs espagnols et peut être visionné sur YouTube (https://www.youtube.com/watch?v=YZKeC7efS2I). Peu d’autres villes d’Andalousie sont aussi créatives que Grenade pour le graffiti.