Découvrez l'Andalousie : Société (vie sociale)

Des mariages civils désormais plus nombreux que les mariages à l’église, c’est l’un des signes emblématiques de la profonde mutation connue par la structure familiale de l’Espagne au cours de la dernière décennie. Un pays qui est aussi devenu en 2005 l’un des tout premiers à légaliser le mariage homosexuel, mais aussi à permettre l’adoption d’enfants par les couples homosexuels. Toutefois, c’est dans le même temps un pays profondément marqué par le vieillissement de sa population du fait d’une chute régulière des naissances, accompagnée d’une augmentation presque aussi régulière de l’espérance de vie, que certains n’hésitent pas à nommer « chemin vers le suicide démographique ». Et qui à terme devrait peser lourdement sur les mécanismes de financement de ses retraites. D’ores et déjà, les difficultés croissantes de sa jeunesse à s’intégrer socialement par le travail, le logement, et la lutte contre les violences faites aux femmes se sont imposées dans son agenda politique et social.

Universidad de Sevilla. © lunamarina -shutterstock.com.jpg

Démographie

En dix ans, le nombre des naissances a chuté de 30 % en Espagne, constatait un rapport de l’INE (Institut national de la statistique) paru au printemps 2019. Les femmes ayant en moyenne 1,25 enfant contre 1,44 il y a dix ans. Ce qui s’est traduit concrètement par 370 000 naissances en 2018, le chiffre le plus bas depuis 2002. Toujours selon l’INE, cette tendance s’est amplifiée puisqu’en 2022, avec seulement 329 812 naissances, l’Espagne enregistrait son plus faible niveau de naissances depuis 81 ans, avec un taux de fécondité de 1,16 en 2022 (1,22 en Andalousie). Autre constat de cette étude, la baisse du nombre d’enfants par femme s’accompagne d’un recul moyen de l’âge de la maternité. Qui s’établit aujourd’hui à 31 ans, l’un des plus élevés du monde, contre 29,3 ans il y a dix ans. Peut-être encore plus surprenant, l’étude indique que près de 63 % des mères ont quarante ans et plus. Pour beaucoup d’analystes, cette crise démographique coïncide avec la crise économique traversée par l’Espagne depuis une bonne dizaine d’années. Si les chiffres se sont redressés au plan macro-économique depuis 2013, année officielle de sa sortie de crise, l’embellie ne s’est pas forcément vérifiée au niveau des porte-monnaie et dans les têtes l’inquiétude persiste. Sondée à ce sujet, la moitié des femmes en âge de procréer souhaiteraient avoir deux enfants, mais ne passent pas à l’acte, en invoquant les conditions de travail précaires, les horaires peu flexibles et l’insuffisance des aides pour la garde des plus petits. Puisqu’en Espagne, 63 % des enfants de moins de trois ans ne sont pas scolarisés, faute de lieux d’accueil. En réduisant le nombre d’émigrants, la crise économique a aussi ralenti l’apport habituel de ces populations à la croissance démographique. Enfin, une autre donnée explique ce recul des naissances, le départ de plus en plus tardif des jeunes qui quittent leur foyer environ dix ans plus tard que dans les pays nordiques. Avec ici aussi des raisons économiques, le temps mis à trouver un emploi stable et le prix croissant des loyers. Comme cette faible fécondité s’accompagne d’une espérance de vie en constante progression, on comprend que l’augmentation de la part des seniors en Espagne devienne de plus en plus importante et de plus en plus préoccupante, notamment quant au financement des retraites. On calcule qu’en 2050, les plus de 65 ans représenteront plus de 30 % de la population et que le chiffre des plus de 80 ans dépassera les 4 millions. Dans un rapport communiqué à Bruxelles, le gouvernement espagnol estime qu’il y aurait 6 retraités pour 10 travailleurs en 2050, contre 3 à l’heure actuelle et évalue à 300 000 millions d’euros par an, le coût des retraites à cette date, contre 140 000 millions d’€ aujourd’hui.

Une structure familiale en pleine mutation

L’après-franquisme avait déjà effectué une grande révolution politique et culturelle en sortant les femmes des trois « C » auxquels elles étaient assignées : cuisine, chiquillos (les petits) et curé. Mais la structure familiale espagnole s’est encore profondément modifiée dans la dernière décennie notamment via l’évolution de la place des femmes. Quelques chiffres permettent de saisir le panorama actuel. Si le mariage continue à baisser régulièrement (-5,7 % en 2018 par rapport à 2017), une autre tendance profonde marque cette institution, la baisse régulière des mariages à l’église, dépassés par les mariages civils depuis 2009. L’âge moyen des mariés progresse toujours : plus de 38 ans pour les hommes et plus de 35 ans pour les femmes. Et 50 % des enfants naissent hors mariage. Quant aux divorces, ils concernent 1 mariage sur 2 dont 63 % en Andalousie. Si la présence des femmes sur le marché du travail a progressé en 2018 avec un taux d’emploi de 61 % (contre 53,1 % en 2013 - Source Eurostat), l’Espagne reste le deuxième pays européen en ce qui concerne le taux de chômage des femmes (17 % et 24,5 % en Andalousie) quand la moyenne européenne est de 7,1 %. Ce sont elles qui occupent les emplois les plus précaires et on estime que même à compétences égales, elles sont payées treize euros de moins en moyenne de l’heure. Et en 2018, seules 27 % des entreprises espagnoles comptaient une femme à un poste de direction selon une étude de Grant Thornton. Au plan politique, il convient de noter que les élections municipales de 2015 avaient porté deux femmes à la tête des deux premières villes espagnoles, Manuela Carmena, à Madrid et Ada Colau à Barcelone et que le gouvernement de Pedro Sánchez a affiché un signal fort en comprenant plus de femmes que d’hommes (11 contre 6). Malheureusement, dans le même temps, l’Espagne a déploré de nombreux assassinats de femmes : près de 1 000, depuis que l’on a commencé à les comptabiliser en 2003. C’est pourquoi la Journée des femmes du 8 mars 2018 a été marquée par des manifestations sans précédent dans toute l’Espagne. Une journée qui s’est voulue la Journée des droits des femmes, mais aussi l’occasion de la première grève féministe. Cette colère s’est de nouveau manifestée en avril 2018 après la décision jugée laxiste du tribunal de Pampelune ne retenant pas l’accusation de viol, mais celle d’abus de faiblesse dans le jugement de cinq Andalous, après l’agression d’une jeune femme lors des Sanfermines. Pour lutter contre les violences faites aux femmes, l’Espagne avait adopté en 2017 un plan de 1 milliard d’euros sur 5 ans (200 millions par an) et malgré quelques retards, 400 millions ont déjà été affectés à ce domaine depuis 2017, même si son utilisation et la répartition des fonds manquent encore de transparence selon la Cour de comptes espagnole. En 2022, le nombre de féminicides comptabilisés en Espagne s’est élevé à 49, poursuivant la baisse de ce nombre enregistrée l’année précédente.

La montée de la pauvreté juvénile

Une étude réalisée en 2016 par le Centre Reina Sofia pour l’adolescence présentait déjà un panorama assez préoccupant quant à la situation des jeunes Espagnols. En analysant 5 dimensions de sa vie et en les comparant aux résultats des autres pays de l’Union européenne : emploi, émancipation, éducation, vie (taux de mortalité et de fécondité, accidents, suicides…) et nouvelles technologies. Au total, le jeune Espagnol se retrouvait avec un indice global de 5,6, à la vingt-quatrième position dans l’Union européenne, avant la Croatie, l’Italie, la Bulgarie et la Roumanie et très éloignée du Danemark obtenant un 8. C’était l’emploi et l’émancipation qui faisaient plonger l’Espagne puisqu’en matière d’éducation et de vie, les chiffres rejoignaient ceux de la moyenne européenne et la dépassaient en matière de nouvelles technologies. Même brèche au sein de l’Espagne : Pays basque, Madrid, Catalogne, Navarre et Asturies venaient en tête quand Andalousie, Castille-La Manche, Baléares et Canaries étaient dans le bas du classement. Une nouvelle étude présentée en juillet 2018 par le Conseil de la jeunesse souligne de nouveau la précarité de celle-ci en matière d’emploi et ses conséquences sur la difficulté à quitter le foyer familial. En 2018, seuls 19 % des jeunes de 16 à 29 ans avaient pu devenir indépendants, le chiffre le plus bas depuis 2002. Un état de fait dû pour l’essentiel à leur plus grande précarité dans le travail (55,5 % des jeunes ayant un emploi temporaire contre une moyenne de 26,9 % pour l’ensemble de la population) et au coût de plus en plus élevé des logements, en progression de 9,28 % de 2017 à 2018. Avec un salaire moyen de 900 €, on estime qu’ils devraient désormais y consacrer plus de 91 % de leur budget quand plus de 45 % étaient suffisants il y a une dizaine d'années et que l’idéal serait d’y consacrer 30 %. Cette montée de la pauvreté des jeunes s’est traduite au plan social par le mouvement des milleeuristas, regroupant dans les années 2000, des jeunes diplômés qui ne dépassaient pas le salaire de 1 000 €. Mais crise aidant, il a été suivi par un nouveau mouvement, celui des nimilleuristas, qui quelques années plus tard souhaitaient faire savoir qu’ils ne gagnaient même plus cette somme, malgré leurs études.

À l’avant-garde pour le mariage homosexuel

Avec le slogan « la familia sí importa », « oui, la famille ça compte » et à l’appel du forum espagnol pour la famille, ils étaient environ 180 000 à défiler à Madrid en juin 2005 pour protester contre l’imminente adoption de la loi autorisant le mariage homosexuel. Une manifestation à laquelle assistaient aussi une vingtaine d’évêques et une délégation du PP, mais sans son chef Mariano Rajoy ni le président de la conférence épiscopale espagnole. Ce qui n’a pas empêché l’adoption de la loi relative au mariage homosexuel, le 30 juin 2005. « Un petit changement dans le texte qui entraîne un changement immense dans la vie de milliers de nos compatriotes » soulignait José Luis Zapatero, chef du gouvernement. L’Espagne est alors devenue le quatrième pays au monde à adopter ce type de loi, après la Hollande, la Belgique et le Canada, mais le premier en ce qui concerne la possibilité d’adopter. Une loi approuvée un an auparavant par 66 % des Espagnols interrogés par le CIS (Centre de recherches sociologiques) même si la possibilité d’adopter ne recueillait qu’un peu moins de 50 % des suffrages. C’est à la mairie de Séville qu’a eu lieu le premier mariage homosexuel, le 15 septembre 2006. En 2018, les mariages entre couples du même sexe se sont élevés à 4 726, soit 2,9 % des mariages. Autre donnée significative, sous le sigle MADO (Madrid Orgullo), la marche des fiertés qui se tient à Madrid en juillet est l’une des plus importantes d’Europe, accueillant régulièrement plus d’un million de personnes (une dizaine de milliers pour celle de Séville). Paru en juin 2019, un essai « lo personal es político », de Juan Ramón Barbancho et Pablo Morterero, fait le point sur quarante ans de lutte de la communauté homosexuelle en Andalousie à un moment où l’arrivée de Vox, parti d’extrême droite, au parlement andalou fait craindre une régression dans ce domaine.

Séville et Grenade, plébiscitées par les Erasmus

Forte décentralisation et importance de l’enseignement privé confessionnel sont les deux principales caractéristiques du système scolaire espagnol. Il repose sur trois strates : l’éducation préscolaire, l’éducation scolaire et l’éducation universitaire. En conformité avec l’Espace européen d’éducation supérieure, le système d’enseignement supérieur espagnol est composé depuis 2007 de trois niveaux, licence, master et doctorat. Comme dans le reste de l’Espagne, c’est la communauté andalouse (Junta de Andalucía) qui est compétente en matière d’éducation jusqu’au supérieur. Ce dernier relevant de la compétence de l’État. L’Andalousie compte 10 universités publiques et une privée. Chaque province disposant de sa propre université. Deux universités publiques sont implantées à Séville : l’université de Séville (Hispalense), la plus ancienne, car fondée en 1505 par une bulle du pape Jules II et la plus récente, Pablo de Olavide, fondée en 1997. L’UGR de Grenade est quant à elle l’héritière de l’ancienne madrasa (école) de l’époque nasride et avec 500 ans d’histoire, c’est l’une des universités historiques de l’Espagne. Aujourd’hui particulièrement prisée pour les langues, mais aussi référence mondiale dans les domaines des mathématiques, de l’informatique et de l’ingénierie. Héritière de l’ancienne université libre de Cordoue, l’actuelle université de Cordoue, fondée en 1972, présente la particularité d’avoir un département entièrement consacré à la protection de l’environnement. L’université de Málaga entretient des passerelles avec celle de Séville et se targue d’une excellente relation élèves-entreprises. Si elle est polyvalente, l’université d’Alméria revendique un rapport privilégié avec le sport (activités, compétitions). Celle de Cadix est particulièrement recherchée pour ses filières médecine et psychologie, celle de Jaén affiche de remarquables résultats en matière d’informatique, validés par le très prestigieux classement de Shanghai, et celle de Huelva, l’une des plus jeunes avec la Pablo Olavide, dispose notamment d’une école d’ingénieurs basée dans le campus de la Rábida. À cela vient s’ajouter l’Université internationale d’Andalousie (UNIA), très réputée pour ses cours d’été et qui dispose de trois campus, La Rábida, Baeza et Málaga. Chaque année, l’Andalousie accueille près de 10 000 Erasmus, mais ce sont les universités de Séville et de Grenade qui en reçoivent le plus grand nombre, au niveau européen.

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