Découvrez la Sicile : Les enjeux actuels

La Sicile regorge de ressources naturelles, principalement son agriculture, sa pêche, et le tourisme, particulièrement grâce à ses villes historiques, ses plages et ses volcans. Autant d’atouts utiles pour développer une véritable économie locale (on note l’essor du tourisme rural). Mais elle est impactée depuis des siècles par des inégalités nord-sud persistantes entraînant une émigration des Siciliens et par une économie ralentie rendant le chômage problématique, spécialement chez les jeunes. Un autre mal ronge l’île depuis le début du XXe siècle : la mafia, et dans son sillage une corruption et un clientélisme endémiques. Si la mafia sicilienne fait les beaux jours du cinéma hollywoodien d’hier et d’aujourd’hui - au point de voir dans les magasins de souvenirs des tabliers de cuisine et des mugs à l’effigie du « parrain » -, la réalité est abrupte pour ses habitants qui combattent ce mal qui mine l’économie de l’île de l’intérieur.

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Des inégalités Nord-Sud persistantes

A l’intérieur même de la région, il existe déjà une réelle différence entre les côtes, vivant du tourisme et de l’industrie, et l’intérieur du pays, subsistant principalement grâce à l’agriculture. On assiste alors à un phénomène de désertification des campagnes. Malgré une aide financière importante de l’État et diverses subventions, la Sicile accumule un retard important par rapport au nord de l’Italie. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on enregistre une forte émigration des Siciliens vers les grandes villes industrielles du Nord. La vieille opposition Nord-Sud est malheureusement toujours d’actualité. Ce problème des rapports entre la Sicile et la Péninsule était la préoccupation de nombreux artistes et intellectuels majeurs de l’après-guerre, et des cinéastes en particulier : Rossellini, Pasolini, Rosi, mais surtout Visconti (Rocco et ses frères, sur l’émigration à Milan d’une famille du Sud, La Terre tremble, film tourné avec de vrais pêcheurs et en dialecte). L’auteur du fameux Guépard voyait dans ce problème du Sud la colonne vertébrale de toute réflexion sur le devenir de l’Italie. Contre l’avis actuel de certaines forces politiques en présence, il pensait que la « sicilianité », comme le disait Leonardo Sciascia, était la voie de salut de la Péninsule...

Une économie peu productive

Corruption, mafia, chômage, pauvreté, lourdeurs administratives... : l’économie sicilienne porte ses croix ! Et vu du monde, mais surtout de Milan, l’image est largement ternie. La population active de l’île dépasse à peine 40 %. Les salaires moyens siciliens sont de moitié inférieurs à ceux du reste du pays (11 000 € contre 22 000 € dans le reste de l’Italie), ceci en dépit des aides importantes accordées par le gouvernement après la chute du fascisme.

Pétrochimie et industrie. Les fonds d’aides permirent toutefois à l’île de développer, entre autres, le secteur chimique et pétrochimique, car c’est dans les années 1990 que l’on découvrit du pétrole à Gela et Ragusa. Dès lors, les principales industries sont dirigées vers l’exploitation des gisements de méthane et de pétrole. Elles sont implantées dans les deux villes baroques, mais aussi à Syracuse, Milazzo et surtout Augusta. L’exploitation des minerais est l’un des points forts de la Sicile. Après avoir été numéro 1 pendant de nombreuses années, l’île est aujourd’hui deuxième producteur de soufre après les Etats-Unis. Des aides plus récentes de l’Union européenne ont permis aussi de donner un sursaut à l’économie, même si le reste de l’activité industrielle n’est pas encore très développé. A Palerme, Catane et Messine, c’est l’industrie mécanique qui domine, et plus récemment la recherche électronique ou informatique.

Pêche, agriculture et agroalimentaire. La pêche reste l’un des piliers incontournables de l’économie sicilienne, même si la concurrence se fait de plus en plus rude (en particulier du côté des Japonais). Le thon à Trapani ou l’espadon de Catane sont les productions majeures. Tout comme la pêche, l’agriculture est l’une des dernières solutions de survie de nombreux insulaires (en particulier dans le centre et sur les côtes du sud). Malgré l’archaïsme de certaines de ses structures, elle est le fer de lance de l’activité de l’île. Dans l’ancien grenier à blé de l’Empire romain, l’agriculture représente encore 20 % du PNB et 15 % de la population active. On cultive principalement les agrumes (les célèbres citrons de Sicile), mais aussi les olives, le blé dans le centre et la vigne. La Sicile produit 100 % du coton en Italie et 90 % des citrons, ce qui en fait le premier producteur mondial. Par manque de modernité et d’efficacité, l’élevage des bovins et des ovins, déjà peu important, perd de la vitesse. Et ce n’est pas l’agroalimentaire (vin, huile, pâtes...), curieusement assez faible, qui pourra répondre aux coups portés par la mondialisation.

Un chômage et une pauvreté endémiques

Un célèbre proverbe sicilien dit : « chi n'esce rinasce » (« qui s'en va réussit »). Avec près de 20 % de chômeurs, la Sicile affiche le deuxième taux de chômage le plus important d'Italie, après celui de la Calabre. Ce taux ne cesse d'augmenter : c'est deux fois plus que la moyenne nationale et trois fois plus que Milan. La pauvreté ancestrale de certains Siciliens n'est malheureusement pas un mythe, ni un vieux souvenir. Il suffit de se promener dans la Kalsa ou le Capo de Palerme pour y découvrir, dans de vieux palais délabrés, des squats ou ce qui ressemble fort à des bidonvilles surpeuplés d'un autre temps. Encore un quart des familles siciliennes vit en dessous du seuil de pauvreté.

Un tourisme mal exploité

Le tourisme, au même titre que la découverte du pétrole, est l’un des grands facteurs du réveil économique de l’île. Mais aujourd’hui, certains de ses responsables ne semblent plus en avoir conscience. L’industrie touristique est largement en dessous de ses capacités, bien qu’elle accueille sur son sol près de 4 millions de visiteurs chaque année. La région possède tous les avantages pour développer au maximum ce secteur : une histoire et une culture, des sites naturels incomparables, un climat magique... Les touristes étrangers sont majoritairement français, anglais, hollandais, japonais et américains. S’ajoute une proportion importante de touristes italiens.

La gangrène de la mafia

Palerme est reléguée en fin de classement des villes italiennes en ce qui concerne le niveau de production, mais parallèlement dans les premiers rangs en ce qui concerne la consommation... Mais d'où vient l'argent ? La mafia est le principal enjeu auquel doit faire face la Sicile. On estime que « la Pieuvre » contrôle 80 % de l'économie insulaire. Ironie suprême : la mafia, qui est la plus grande force économique de Sicile, est aussi le frein essentiel aux investissements extérieurs. Elle est bien d'origine sicilienne. Ici, on l'appelle l'Onorata Società. À l'origine, les mafiosi étaient des Robin des Bois qui volaient aux riches pour donner aux pauvres dans l'imagerie populaire. Seules quelques figures, comme Salvatore Giuliano, qui n'est d'ailleurs pas considéré comme mafieux par ceux qui le défendent, ont rendu un temps service à l'image mafieuse par leur résistance à l'envahisseur durant la guerre. Ce n'est qu'au fil du temps que la mafia s'est structurée en une véritable société secrète, avec l'implacable omertà (la loi du silence qui condamne à mort, avec une pierre dans la bouche, celui qui la transgresse), et une organisation multinationale. Aujourd'hui, la mafia est davantage financière que criminelle, et agit parallèlement à l'État. Chaque quartier, bourgade, ville est géré conjointement par l'État et la mafia.

La lutte anti-mafia depuis 20 ans. Associée dans les esprits au trafic de drogue et aux meurtres, on comprend que l'amalgame fait par les gens de l'extérieur entre l'île et la société secrète soit pénible pour ses habitants. Des campagnes anti-mafia voient le jour en 2004. Palerme lance une campagne d'affichage dénonçant le règlement du pizzo (l'impôt de la mafia). Un autocollant « addiopizzo » (adieu à la taxe mafieuse) est affiché un peu partout dans les rues. Cette prise de position a fait naître un dialogue dans une société soumise jusque-là à l'omerta. Le Comitato Addiopizzo est aujourd'hui présent dans les principales villes de l'île et regroupe plus de 700 commerçants qui n'ont pas peur d'afficher publiquement leur point de vue (plus d'informations sur www.addiopizzo.org). En 2004 toujours, un des grands chefs de la mafia, en cavale depuis 43 ans, Provenzano, est enfin arrêté à 3 km de Corleone, son village natal. En 2008, la Cosa Nostra a perdu nombre de ses membres, avec en outre l'arrestation des Lo Piccolo, père et fils. Un autre membre, Giuseppe Coluccio, un baron de la drogue et des armes, a été extradé du Canada où il avait été interpellé pour être incarcéré en Italie. En 2015, nouvelle vague d'arrestations : 11 membres de la Cosa Nostra proches de Matteo Messina Denaro, actuel chef de l'organisation en cavale depuis 1993, sont arrêtés. En 2016, le journaliste Pino Maniaci, porte-parole des associations anti-mafia, est finalement condamné pour extorsion de fonds et interdit de séjour en Sicile, car durant des années l'homme aurait joué sur les deux tableaux.

La mafia intronise un nouveau parrain. Mais le 22 mai 2017, un chef notoire de la Cosa Nostra, Guiseppe Dainotti (relâché en 2014 pour vice de procédure après 20 ans de prison), est assassiné en pleine rue à Palerme, la veille de la date anniversaire du meurtre du juge Falcone (23 mai 1992). Cette même année, Toto Riina, l'ancien chef historique de toute la mafia sicilienne, décède en prison. Nouveau coup de théâtre en 2018 : Settimo Mineo, un bijoutier de 80 ans surnommé « Tonton Settimo », devait être désigné en mai chef de la « coupole » de Palerme, c'est-à-dire chef suprême des familles mafieuses de la province de Palerme, en remplacement de Toto Riina. Mais cette intronisation n'est pas du goût de la justice italienne qui l'interpelle avec 45 autres personnes lors d'un vaste coup de filet juste avant la fête. Nouveau coup dur pour « la Pieuvre » en mars 2021, une centaine de membres de la mafia ont été jugés et condamnés pour des détournements de fonds de plus de 10 millions d'euros de subventions agricoles de l'UE. Un autre procès a fait grand bruit en 2021 : celui de deux familles en proie à une lutte clanique sanguinaire, les Distefano et les Bellavia, entre Favara en Sicile et Liège en Belgique. Entre 2015 et 2020, 5 personnes ont été tuées et 2 autres grièvement blessées. Un procès qui a donné lieu à 2 condamnations à perpétuité, 4 condamnations de prison ferme et un acquittement. Mais selon la Direction italienne anti-mafia du ministère de l'Intérieur, les mafias décrochent aujourd'hui de grands marchés publics dans des marchés légaux, principalement de construction et d'urbanisation en Sicile. Résultat, la gangrène est partout : infrastructures mal réalisées, travail non protégé, taxes non payées..., l'urbanisation subit cette infiltration mafieuse. Si la Ndrangheta, la mafia calabraise, la plus puissante d'Italie, gère le trafic de cocaïne, Cosa Nostra gère les points de deal sur ses terres, particulièrement à Palerme. Avec un taux de chômage des jeunes qui frôle les 40 % en Sicile, il est facile de recruter des petites mains dans les quartiers pauvres. Victoire récente de la justice, en janvier 2022 : Gioacchino Gammino, un chef mafieux sicilien - en fuite depuis son évasion de prison en 2002 et volatilisé dans la nature - est retrouvé et arrêté en Espagne après avoir changé d'identité... grâce à une photo de Google Street View. Nouveau coup de théâtre en janvier 2023 : Matteo Denaro, l'un des parrains de Cosa Nostra, est arrêté sous une fausse identité à sa sortie d'hôpital à Palerme, après plus de 30 ans de cavale. Il est condamné par contumace à prison à perpétuité pour meurtre.

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