Guide de voyage Djenné
Dans le Tarikh es-Soudan, un des premiers écrits la mentionnant, on peut lire : " Djenné est une grande ville, florissante et prospère. Elle est riche, bénie du ciel, et favorisée par lui. Dieu a accordé à ce pays toutes les faveurs comme une chose naturelle et innée. " Plus tard, l'explorateur René Caillié sera aussi impressionné par le faste de Djenné, alors qu'il sera plutôt déçu en entrant à Tombouctou, véritable objectif de son voyage. Surnommée " le joyau de la vallée du Niger ", Djenné est incontestablement la plus belle ville du Mali, voire de l'Afrique occidentale. La ville, conquise par différents empires, a toujours été épargnée par les pillages. La beauté des lieux a été préservée. Une promenade dans les rues tortueuses de la ville, entre les maisons à étages et à fronton, procurera un dépaysement intense au visiteur. Il faut se rendre sur la terrasse d'une maison pour jouir d'une vue magnifique sur cette ville, inscrite, depuis 1988 sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco.
Entourée par les eaux du Bani, affluent du Niger, cette ville médiévale, intégralement construite en banco et qui a la même couleur que son sol, semble tout droit sortie de la terre. Les surfaces quasiment monochromes des façades et la rareté des ouvertures intriguent. Portes et fenêtres, voire meurtrières, ne donnent à voir que des trous d'ombres. Partout, le regard est interdit d'entrée par des panneaux ouvragés, verts et rouges, délavés par le soleil. Le style architectural dit " maroco-soudanais ", qui caractérise la ville, est particulièrement flagrant dans la facture de ces portes et de ces panneaux, aux arabesques magnifiques parfois renforcées de clous massifs. Rien ne transpire de ces maisons ! Les rues étroites, qui se ressemblent tant, forment un véritable labyrinthe dans lequel on aimerait se perdre. Elles sont peu fréquentées. Seules les places s'ouvrant au détour d'une ruelle sont un peu animées. Le soir, la lumière est la plus belle, néanmoins, la ville vous livrera plus facilement ses charmes tôt le matin. C'est l'heure où les enfants, assis autour de leur maître, suivent les cours de l'école coranique. C'est également l'heure où, profitant de la fraîcheur, chacun, après s'être restauré dans une petite échoppe composée de bric et de broc et avoir échangé quelques paroles, vaque à ses occupations. Cette ville possède incontestablement un caractère magique !
Rien n'a changé à Djenné depuis des siècles. La ville a été électrifiée et dotée d'infrastructures d'adduction d'eau. Il y a encore quelques années, avant l'installation d'un central téléphonique moderne, la ville ne possédait qu'une seule ligne téléphonique. Un certain nombre d'administrations et de notables possédaient un appareil, pourtant il fallait attendre que l'unique ligne soit libre pour pouvoir téléphoner. Longtemps en compétition avec Tombouctou pour la prééminence sur le commerce transsaharien et la renommée de ses medersas (écoles coraniques), Djenné est devenue aujourd'hui une ville agricole d'importance moyenne avec ses 10 000 habitants.
La construction de la Grande 'osquée de Djenné marque le prestige de ce haut lieu de l'islam en Afrique occidentale. Aujourd'hui encore, la cité possède une quarantaine d'écoles coraniques, dont l'aura fait qu'un grand nombre d'enfants de la sous-région continue d'y affluer pour parfaire son éducation religieuse. Si vous vous promenez tôt le matin à travers la ville, vous ne manquerez pas d'être surpris par leur nombre. Spectacle millénaire : les enfants sont assis autour de leur maître, qui inscrit à la craie sur une planchette de bois (dont la forme rappelle les Tables de la Loi de Moïse), une sourate, verset du Coran, qu'ils sont tenus d'apprendre par coeur. Djenné, ville peuplée de Bozo, de Songhaï et surtout de Peuls, est avant tout connue pour sa mosquée, la plus belle du pays, construite pour concurrencer La Mecque.
Le lundi, jour de marché, les femmes peules se parent de magnifiques bijoux en or (bracelets, colliers, anneaux dans la narine) et surtout de sublimes et grosses boucles d'oreilles torsadées.
Histoire. La plupart des documents sur l'histoire ancienne de Djenné proviennent du Tarikh es-Soudan, une chronique du XVIIe siècle, écrite par un érudit musulman, Es-Sadi. Selon ce dernier, la ville a été fondée au XIIIe siècle (le choix du site aurait été dicté par les esprits, de par sa position sur les rives du Bani). Mais, à 3 km, existait déjà depuis 250 ans avant J.-C. Djenné Djeno qui, d'un petit village fondé par les Bozo (Djenné signifie génie des eaux dans la langue des Bozo), devint, à partir de 800, un important carrefour économique et religieux comptant déjà plusieurs milliers d'habitants. Djenné, suivant les traces de Djenné Djeno, devient un important centre commercial fréquenté par les marchands de tout le Soudan, de la Guinée tropicale et du Maghreb. A l'instar de Tombouctou (on les qualifie souvent de soeurs jumelles), Djenné est le centre d'échange où transitent l'or, les esclaves, la noix de kola venant du sud et le sel du Sahara venant du nord, faisant de la ville une des plus riches et des plus cosmopolites d'Afrique. Autour du XIIe siècle, l'influence des commerçants musulmans de l'Afrique du Nord favorise la conversion de la ville à l'islam, sous le règne de Koy Kounboro.
Au cours des XIVe et XVe siècles, Djenné est rattachée à l'empire du Mali. En 1468 (ou 1473, selon les historiens) la ville tombe, après un siège qui, selon Es-Sadi, dura sept ans, sous la domination de l'Empire songhaï, conduit par Sonni Ali. Sous la tutelle de ces deux empires, lui assurant stabilité et sécurité, la ville connaît sa période la plus florissante et devient un important centre d'études islamiques. Elle abrite alors entre ses murs, dans une ambiance de tolérance exemplaire, Arabes, Noirs et Juifs. Ses universités et ses bibliothèques attirent alors des savants et des professeurs de toute la région, mais aussi du Maghreb et même d'Arabie. Djenné est alors la capitale du monde arabe de la recherche en médecine. Mais, quand les Marocains prennent la ville en 1591, Djenné a déjà entamé son irréversible déclin. La période marocaine, jusqu'au XIXe siècle, marquera profondément la culture de la ville. L'influence marocaine s'est surtout manifestée dans l'architecture, la menuiserie et la gastronomie. Mais cette période est plus généralement caractérisée par son instabilité et par la baisse du trafic transsaharien, clé de la richesse de Djenné, au profit du commerce avec les Européens le long des côtes. L'influence de ces derniers, arrivés au cours du XVIe siècle, croîtra de telle façon que Djenné ne s'en remettra jamais. Les Armas, descendant des Marocains, sont d'abord vaincus en 1810 par les troupes peules de Cheikou Amadou, qui détruisent la muraille de près de 3 km de long protégeant la ville. La cité est alors rattachée à l'Etat théocratique du royaume peul du Macina, et les tentatives de réformes de la pratique de l'islam de la part de ce dernier ne favoriseront pas sa stabilité.
En 1862, les Toucouleur d'El Hadj Omar Tall s'emparent de la ville assez brièvement. Leur domination, qui dure de 1862 à 1893, est également un échec de la restauration de la grandeur de la ville. Ainsi, quand le commandant Archinard, en avril 1893, marche sur la cité, il ne rencontre aucune opposition et ne découvre plus que les symboles de la grandeur d'un des plus importants carrefours économiques et culturels d'Afrique. C'est pourquoi il lui préfère Mopti pour établir le centre commercial du pays, orientant Djenné vers l'activité agricole.
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