FORTIFICATIONS VÉNITIENNES
Elles entourent la vieille ville de Nicosie. Avec leurs trois portes et 11 bastions, elles sont un chef-d’œuvre de la Renaissance.
Ces fortifications du XVIe siècle (Ενετικά Τείχη της Λευκωσίας/Enetika Techni tis Lefkosias, Lefkoşa'nın Venedik Surları) ceinturent complètement la vieille ville de Nicosie selon un tracé circulaire de 4,5 km de longueur. Bien conservées, elles constituent un chef-d’œuvre de l’art militaire de la Renaissance. Vues du ciel, elles évoquent une étoile à onze branches, chacune de ces « branches » constituant un bastion défensif avançant en forme de flèche en dehors de l’enceinte.
Histoire
Une première enceinte fut érigée sous les Lusignan entre le XIIIe et le XIVe siècle. Mais elle fut rendue obsolète par le développement de l’artillerie.
Trois ans de chantier. Après le siège de Malte, en 1565, au terme duquel les Hospitaliers parvinrent à repousser les Ottomans, les Vénitiens décidèrent dans l’urgence de doter Nicosie d’un nouveau système défensif pour faire face à la menace grandissante d’une invasion. En 1567, l'architecte militaire Giulio Savorgnano, l’administrateur de Chypre Francesco Barbaro et le gouverneur de la ville Niccoló Dandolo dessinèrent les plans et parvinrent à boucler l’immense chantier en moins de trois ans. Pour cela, les anciens murs furent détruits et la superficie de la ville fut réduite d’un tiers. Un grand nombre d’églises, palais et maisons furent rasés à la fois pour récupérer les matériaux mais aussi afin de dégager les abords de la ville.
Des bastions bombés. Les fortifications furent considérées à l’époque comme un aboutissement de l’art militaire avec leurs larges murs à pans inclinés, leurs onze bastions et leurs trois portes fortifiées. Depuis l’extérieur de la vieille ville, les murs laissent apparaître une technique de construction typique de la Renaissance vénitienne : une couche de pierres et de mortier recouverte de pierres de taille parfaitement ajustées sur une surface légèrement bombée pour mieux encaisser les chocs de l’artillerie. Ce dispositif fut complété par des douves, et le fleuve Pedios fut dévié de son lit pour permettre leur mise en eau. Mais les Vénitiens n’eurent pas le temps de remplir les fossés.
Un siège sanglant. Dès le 22 juillet 1570, les Ottomans établissaient le siège de la ville. Bien qu’incomplets, les remparts prouvèrent leur efficacité. C’est la négligence et l’incompétence de certains défenseurs qui entraîna la prise de Nicosie au bout de quarante jours, le 9 septembre. Si la ville eut à souffrir de nombreuses destructions et de la mort d’environ 20 000 personnes, les fortifications demeurèrent presque intactes. Laissés à l’abandon durant les siècles suivants, les remparts de Nicosie sont pourtant très bien préservés.
Visite
Grâce au travail de rénovation entrepris par l’ONU entre 1996 et 2004, les fortifications constituent aujourd’hui un agréable itinéraire de promenade autour de la vieille ville. Toutefois, comme Nicosie est coupée en deux depuis 1963, en faire le tour complet s’avère impossible. Sur les onze bastions, cinq sont placés dans la zone Sud, cinq dans la zone Nord et le onzième se trouve dans la zone tampon. Ils sont reliés entre eux par douze portions de mur d’environ 400 m de longueur chacune.
Bastion Flatro (Προμαχώνας Φλάτρο/Promachonas Flatro, Şevketli Burcu) – Rue Athinas (zone Sud) ou Mehmet-Ali-Rıza (zone Nord), à l’est. Sous contrôle de l’ONU, c’est le seul bastion inaccessible. Il doit son nom au vicomte vénitien de Nicosie Ugo Flatro, issu d’une famille française de Chypre (les Flatres ou Flatre). C’est lui qui finança la construction de l’ouvrage, mais c’est sur le bastion Constanza qu’il trouva la mort en 1570. Au total, une dizaine de membres de la famille Flatro périrent en défendant la ville.
Bastion Caraffa (Προμαχώνας Καράφα/Promachonas Karafa, Altun Burcu) – Rue Athinas, 400 m au sud du bastion Flatro. Il a été nommé en l’honneur du capitaine Scipio Caraffa, issu d’une famille noble napolitaine. L’intérieur abrite le centre Mélina-Mercouri (mariages, réceptions et expositions). Au-dessus se trouvent un jardin et la statue du Poète (1983). Composée de plaques de verre empilées, cette œuvre de 6 m de hauteur est la première réalisation de l’artiste grec Costas Varotsos (né en 1955), à qui l’on doit surtout la célèbre statue du Coureur (1988), à Athènes.
Porte de Famagouste (voir description) – Rue Athinas, à côté du bastion Caraffa. C’est la plus impressionnante des trois portes de la ville.
Bastion Podocataro (Προμαχώνας Ποδοκάταρος/Promachonas Podokataros, Sazlı Burcu) – Rue N.-Foka, 400 m au sud-ouest de la porte de Famagouste. Dominé par le Monument de la Liberté, il fut financé par la famille vénitienne des Podocataro qui donna plusieurs archevêques catholiques à Nicosie.
Bastion Constanza (Προμαχώνας Κωνστάντζα/Promachonas Konstanza, Bayraktar Burcu) – Rue K.-Paleologou, entre le bastion Podocataro et la place Eleftheria. Sa construction fut financée par la famille Costanzo, aux origines siciliennes et dont l’un des membres fut amiral de la flotte des Lusignan au début du XVe siècle. C’est par ici que les Ottomans pénétrèrent dans la ville le 9 septembre 1570 : profitant du sommeil des défenseurs, quelques assaillants menés par le porte-étendard du sultan Sélim II installèrent des échelles le long des remparts et s’emparèrent par surprise du bastion, permettant aux renforts de se ruer à l’intérieur de Nicosie. Le porte-étendard fut tué durant l’assaut et enterré sur place. C’est en son honneur que fut érigée ici la mosquée Bayraktar.
Bastion D’Avila (Προμαχώνας Νταβίλα/Promachonas Davila, Kara İsmail Burcu) – Rue K.-Paleologou. Depuis 1944, c’est ici que se trouve l’hôtel de ville. Le bastion est un bon point de repère, puisqu’il est situé entre le quartier Laïki Gitonia et la place Eleftheria. Il doit son nom à Antonio D'Avila, connétable issu d’une famille noble d’origine espagnole. Après la capture de Nicosie, il trouva refuge en Italie, puis en France, à la cour de Catherine de Médicis.
Bastion Tripoli (Προμαχώνας Τρίπολι/Promachonas Tripoli, Değirmen Burcu) – Place Solomos. C’est l’élément des remparts le moins facile à identifier. Il est occupé par un parking et cerné par la gare routière de Nicosie-Sud, une caserne de pompiers et des terrains de tennis. Il doit son nom au défenseur de la ville Jacques de Nores. Celui-ci était issu d’une famille normande de la noblesse franque de Chypre, héritière du titre honorifique des comtes de Tripoli, un ancien fief des croisés sur la côte de l’actuel Liban.
Porte de Paphos (voir description) – Rue Pafou, au sud-ouest, à côté du bastion Roccas. Située au bord de la ligne tampon, c’est la moins belle des trois portes. Pour voir les fortifications situées dans la partie nord de Nicosie, il faut ensuite emprunter le point de passage du Ledra Palace.
Bastion Roccas (Προμαχώνας Ρόκκας/Promachonas Rokkas, Yiğitler Burcu) – Rue Tanzimat, à l’ouest. Aujourd’hui occupé par un petit parc avec café, cet ouvrage fut pendant quarante ans l’un des seuls lieux où les Chypriotes grecs et turcs pouvaient se voir, se parler… et s’invectiver. On est en effet ici au point le plus étroit des 180 km de la zone tampon qui coupe le pays en deux : le bastion, situé dans la partie sous occupation turque, surplombe directement le rond-point de la porte de Paphos, dans la partie Sud. Il doit son nom au lieutenant-général Eugène Sinclitici comte de Rocas. Celui-ci était le descendant de la famille française des de Rouchas, seigneurs de Morphou, à qui était confiée la régence lorsque les rois francs de Chypre étaient absents. Réputé incompétent, Eugène de Rocas était en charge du bastion Constanza la nuit où les Ottomans s’en emparèrent. Il fut l’un des premiers tués lors de l’assaut avec le comte de Tripoli Jacques de Nores. En turc, le site est connu comme le « bastion de la frontière » (Sınır Burcu) ou celui des « fidèles » (Yiğitler Burcu), ou encore, comme celui « du vénérable Kaytaz » (Kaytazağa Burcu), en référence au poète local Kaytazzade Mehmet Nazım (1857-1924).
Bastion Mula (Προμαχώνας Μούλα/Promachonas Moula, Zahra Burcu) – Rue Zahra, 400 m au nord du bastion Roccas. Situé entre le point de passage du Ledra Palace et le magnifique quartier d’Arabahmet, ce bastion doit son nom au consegliero Niccolò da Mula, membre d’une vieille famille de l’aristocratie vénitienne. En 1557, lors d’une tournée d’inspection à Chypre, c’est lui qui préconisa le renforcement des défenses de Nicosie. En turc, le nom de l’ouvrage renvoie à la présence ici du mausolée du religieux soufi Abu Zahra (XIXe siècle).
Bastion Quirini (Προμαχώνας Κουιρίνι/Promachonas Kouirini, Cephane Burcu) – Rue Selahattin-Sonat, entre le bastion Mula et la porte de Kyrenia. L’ouvrage fut construit grâce à la grande famille vénitienne des Querini, dont plusieurs membres participèrent à la défense de Chypre en 1570-1571, l’un comme amiral, l’autre comme gouverneur de l’île. Le bastion abrite un parc et un ancien dépôt de munitions (cephane en turc) de l’armée britannique. Ce dernier est reconverti depuis 1978 en palais présidentiel (Cumhurbaşkanlığı) de l’autoproclamée République turque de Chypre du Nord.
Porte de Kyrenia (voir description) – Rue Girne, entre les bastions Quirini et Barbaro. Minuscule et elle aussi transformée par les Britanniques, elle abrite l’office du tourisme de la partie nord de la ville.
Bastion Barbaro (Προμαχώνας Βάρβαρο/Promachonas Varvaro, Musalla Burcu) – Rue İstanbul, entre la porte de Kyrenia et le bastion Loredano. Ce bastion a été nommé en l’honneur de l’administrateur de Chypre Francesco Barbaro qui supervisa les travaux des fortifications de 1566 à 1568. Après la conquête ottomane, le lieu fut utilisé comme musallam, un espace de prière musulman. Il abrite depuis 1978 le Musée chypriote turc du Combat national. La portion de mur qui suit a été percée pour faire passer une route dans les années 1920. Cela permet d’accéder à la gare routière Itimat (minibus pour Famagouste).
Bastion Loredano (Προμαχώνας Λορεντάνο/Promachonas Loredano, Cevizli Burcu) – Rue İstanbul, entre les bastions Barbaro et Flatro. Le tour des fortifications s’achève avec ce bastion qui reçut le nom du 85e doge de Venise, Pietro Loredano (1567-1570). Il a été rebaptisé du nom du village turcophone de Cevizli (Κιβισίλι/Kivisili, 18 km au sud-ouest de Larnaka), dont les habitants furent chassés en 1974. On y trouve l’agréable « parc de la Cascade » (Çağlayan Parkı). De là, la rue Yenicami permet de revenir vers le centre de la vieille ville par le quartier de Haydarpaşa.
Le saviez-vous ? Cet avis a été rédigé par nos auteurs professionnels.
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Avis des membres sur FORTIFICATIONS VÉNITIENNES
Les notes et les avis ci-dessous reflètent les opinions subjectives des membres et non l'avis du Petit Futé.