Découvrez ROME : Architecture fasciste en perspective

L'Italie fut profondément marquée par le régime fasciste instauré par Benito Mussolini, au pouvoir durant vingt et un ans de 1922 à 1943. De cette sombre époque restent des monuments flamboyants qui relèvent de celle que les Italiens nomment l'architecture fasciste. Les édifices les plus emblématiques de ce style se trouvent à Rome, se confrontant aux vestiges de l'Empire romain, symboles de l'importance historique de l'Italie louée par Mussolini. Fasciné par la capitale, il y mena la « Marche sur Rome » le 28 octobre 1922, dévoilant les principes de l'idéologie qui lui donnera accès au pouvoir deux jours plus tard. L'architecture fasciste répondit aux exigences de production de masse d'une Italie en crise grâce à des édifices simples et fonctionnels mais toujours monumentaux. Véritables outils de propagande, ils voulaient témoigner de la grandeur de la dictature en place et de son efficacité. Créés ou remodelés sous Mussolini, certains quartiers de Rome dévoilent encore cette architecture unique, trop souvent négligée lors des visites touristiques. Nous vous proposons de sortir des sentiers battus en vous accompagnant à leur découverte, du chic quartier de Prati à l'inqualifiable E.U.R.

Palazzo della Cicita del Lavoro © bbuong - iStockphoto.ocm .jpg

Les créations fascistes

L'architecture fasciste se base sur les théories du rationalisme italien, encouragé par le Gruppo 7 ou M.I.A.R (Movimento Italiano per l'Architettura Razionale ). Les architectes de ce mouvement souhaitaient rendre à l'architecture sa fonction la plus pure en optimisant les espaces et en rejetant toute décoration inutile. La via della Conciliazione, ou « rue de la Conciliation », est un parfait exemple des restructurations fascistes. Cette longue rue qui relie la Basilica San Pietro au Castel Sant'Angelo fait aujourd'hui partie intégrante du décor romain. Pourtant elle ne fut construite qu'en 1936, sur ordre de Mussolini, afin de commémorer les accords du Latran de 1929 qui marquent la réconciliation entre l’État italien et le Saint-Siège, d'où son nom. Longue de 420 m et large de près de 40 m, la via della Conciliazione symbolise parfaitement l'architecture fasciste dans son idée de fonctionnalité et de grandeur. Cette artère fut toutefois très critiquée puisque sa construction demanda la destruction de la Spina di Borgo, un ensemble d'édifices datant du Moyen Âge et de la Renaissance. Si certains monuments furent reconstruits le long de la nouvelle artère, c'est le cas du palazzo Alicorni que l'on peut encore admirer aujourd'hui, d'autres disparurent définitivement comme l'église de San Giacomo a Scossacavalli. Il faut donc savoir qu'avant la construction de la via della Conciliazione, l'effet était tout autre lorsque l'on s'approchait de la basilique Saint-Pierre : le monument apparaissait comme par surprise, au détour des ruelles tortueuses de la Spina di Borgo. Aujourd'hui, on a du mal à l'imaginer tant la vue sur la basilique et la place Saint-Pierre est imprenable depuis la via della Conciliazione !

Autre exemple des changements urbains opérés durant l'époque fasciste : la via dei Fori Imperiali, nommée avant 1942 via dell'Impero en référence à l'Empire romain. Cette voie qui relie le Colisée à la piazza Venezia est l'une des plus appréciées des visiteurs pour son cadre unique : en moins d'un kilomètre, on parcourt des siècles d'histoire romaine ! Inaugurée en 1932, pour le dixième anniversaire de la Marche sur Rome, sa construction demanda la destruction de l'une des sept collines originelles de la ville, la Velia. L'objectif de Mussolini est donc ici très clair : il voulait conserver les vestiges les plus glorieux de Rome, à l'image du Colisée, tout en modernisant la ville.

Du Foro Italico à Cinecittà, sport et culture sous la dictature

Mais Mussolini ne se contenta pas de revoir les plans de Rome, il ordonna surtout la construction de nouveaux édifices. L'un des plus frappants est le Foro Italico, nommé Foro Mussolini lors de sa première inauguration en 1932 et projeté par les architectes Enzo del Debbio, Luigi Moretti et Costantino Costantini. La construction de ce vaste centre sportif du nord de la ville fut complétée en 1960, pour les Jeux olympiques qui se déroulèrent à Rome cette année-là. On y compte plusieurs édifices remarquables comme le stade olympique ou celui des marbres. Ce dernier était le lieu d'entraînement sportif des jeunesses fascistes, l'œuvre nationale Balilla. Il est entouré d'une soixantaine de statues colossales d'athlètes en marbre de Carrare, offertes par différentes provinces italiennes : regardez-bien, du skieur de l'Aquila au lutteur de Trévise, quasiment toutes les disciplines olympiques sont représentées ! Le Foro Italico compte aussi l'un des monuments les plus controversés de Rome, l'obélisque Mussolini. Ce monolithe en marbre blanc de Carrare, haut de 17 m, fut élevé à la gloire du dictateur en 1932 : « Mussolini Dux » y est encore incisé en lettres géantes. Imposant et majestueux, il reflète très bien le culte de la personnalité exercé sous Mussolini. Sa restauration en 2006 fit d’ailleurs débat.

Parmi les autres grandes constructions du fascisme à Rome, on compte aussi Cinecittà, les studios cinématographiques du sud de la ville fondés en 1937. Mussolini souhaitait, en effet, concurrencer le mythique Hollywood américain. Folie des grandeurs ? Vous en apprendrez plus dans notre dossier réservé à Cinecittà dans ce guide.

L'E.U.R, quintessence de l'architecture fasciste

Situé au sud-ouest de Rome, l'E.U.R est l'acronyme de Esposizione Universale di Roma. Benito Mussolini souhaitait, en effet, que Rome accueille l'exposition universelle de 1942 pour célébrer en grande pompe le vingtième anniversaire de la Marche sur Rome et dévoiler au monde entier la grandeur de son régime totalitaire. Les architectes en charge du projet étaient Marcello Piacentini épaulé par Giuseppe Pagano, Luigi Piccinato, Ettore Rossi, Luigi Vietti. Mais la guerre commença et l'exposition universelle n'eut pas lieu. Encore une fois, les espoirs du dictateur furent vains et le chantier colossal interrompu. Il ne fut repris que dans les années 1950 pour construire un quartier d'affaires parfois comparé à celui de la Défense à Paris pour sa modernité.

Le Palazzo della Civiltà Italiana est l'un des emblèmes de l'architecture fasciste de l'E.U.R. Inauguré en 1940, ce cube de béton armé recouvert de tuf est parfois appelé le « Colisée carré » : ce surnom est notamment dû aux arches qui percent l'édifice sur ses quatre côtés. Certains chercheurs ont vu un hommage à Mussolini dans la structure du palais qui compte six étages et neuf arches, ce qui pourrait rappeler les six lettres de Benito et les neuf de Mussolini, en toute modestie bien sûr ! Sur la façade, on lit d'ailleurs une citation tirée d'un discours du dictateur à la gloire du peuple italien : Un popolo di poeti, di artisti, di eroi, di santi, di pensatori, di scienzati, di navigatori, di trasmigratori (Un peuple de poètes, d'artistes, de héros, de saints, de penseurs, de scientifiques, de navigateurs, de migrants). Longtemps resté à l'abandon, le Palais de la civilisation italienne abrite aujourd'hui le siège de la marque de luxe Fendi. Toujours dans l'E.U.R, une remarquable église dans le plus pur style fasciste attire aussi l'attention : la basilica dei Santi Pietro e Paolo. Construite dès 1938, elle ne fut achevée qu'après la fin de la guerre. Son architecture est, là aussi, réduite à l'essentiel : un cube pourvu de quatre ailes latérales. Les statues des saints Pierre et Paul, saints patrons de Rome, sont toutefois assez imposantes.

Pour approfondir sa connaissance de l'architecture fasciste, il faut aussi savoir que plusieurs villes furent aussi fondées dans le Latium à cette période, suite à la bonification des marais pontins par Mussolini. C'est le cas de Littoria (aujourd'hui Latina), Aprilia, Pomezia, Pontinia et Sabaudia. Toutes arborent une architecture fasciste à découvrir.

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